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et l'en fait descendre en le déclarant indigne. Cette disposition a sa source dans les lois anciennes d'où découlent la plupart des sages dispositions de nos lois, c'était là ce qu'on appelait juger per sordes aut dolo malo, c'està-dire ex prece seu gratiá, vel ex odio seu inimicitia. Les anciens jurisconsultes ont longtemps disserté sur ce délit et sur les peines qu'il entraînait [1]. Ces peines se bornaient, en général, au paiement de la valeur de l'objet en litige: Judex litem suam facere intelligetur cùm dolo malo in fraudem legis sententiam dixerit. Dolo malo autem videtur hoc facere, si evidens arguatur ejus vel gratia, vel inimicitia, vel etiam sordes : ut veram æstimationem litis præstare cogatur [2]. Le juge était de plus, ainsi que le fait remarquer Cujas dans la glose, noté d'infamie, ac prætereà judex notatur infamiâ [3].

Le crime du juge est flagrant: il trahit sa conscience, il substitue les passions de l'homme à l'impassibilité du magistrat, il exploite ses fonctions au profit de ses haines; il spolie, il ruine, il déshonore, il tue, en voilant ses violences et ses égarements du masque de la justice. La peine de la dégradation civique n'est point trop élevée pour un tel crime. Mais ce crime, où en prendre les preuves? comment le constater? La justice humaine ne saisit que les circonstances extérieures quel regard assez profond sondera la conscience de l'administrateur ou du juge, quand la corruption ne laisse plus de vestige de sa présence, quand c'est dans un mouvement de l'âme que l'on va chercher le délit? Cette objection parut si forte à la commission du Corps législatif, qu'elle n'hésita pas à proposer la suppression de l'article entier «La loi, porte son rapport, ne doit punir que les actions; elle doit les caractériser. La faveur ou l'amitié sont des sentiments; la loi ne peut les saisir et les frapper que lorsqu'ils sont manifestés par des actes. Pour décider si un juge a été mù par haine ou par amitié, il faut descendre dans sa conscience, interprêter ses intentions rien de plus arbitraire qu'une telle interprétation. Les accusés ou condamnés supposeront toujours la partialité; l'article serait un appel bien dangereux contre les juges. Le moyen certain de se garantir de l'effet des sen

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timents dont il s'agit, existe dans la récusation que l'on peut employer lorsqu'on croit avoir à craindre. La loi 15 de Judiciis, qui traite du même genre de crimes, n'en reconnait qu'autant que le dol, la fraude ou la corruption accompagnent les sentiments de haine ou d'amitié [4]. Mais; comme les cas de dol et autres sont prévus en détail dans le projet, il ne reste dans l'article 183, pour toutes bases caractéristiques du crime, que des sentiments qui ne peuvent se saisir quand ils sont isolés et ne sont pas manifestés par le dol, la fraude ou la corruption.»> Cet avis de la commission fut partagé par plusieurs membres du Conseil d'état. Ils craignaient que la disposition ne devînt un prétexte pour perdre des juges intègres. Rien ne serait plus facile que de prétendre qu'un magistrat a été mù par haine, lorsqu'il n'aurait fait qu'obéir à sa conscience, d'appuyer cette accusation d'indices équivoques sans doute, mais auxquels le crédit, l'adresse, l'animosité parviendraient à donner de la consistance. M. Berlier répondit que ces craintes étaient chimériques; que cette disposition depuis longtemps existait, qu'elle peut contenir des juges passionnés, et n'avait donné lieu à aucune poursuite contre les juges intègres; que les garanties qui entourent les jugements rassurent contre tout abus qui pourrait être fait de cette accusation, et qu'inscrite dans la loi, la disposition était pour les fonctionnaires un frein salutaire. M. Régnier ajouta, en ce qui concerne l'administration des preuves, que la faveur on la haine se manifestaient par des faits extérieurs qui caractériseraient la prévarication du juge (5}.

De cette discussion, qui révèle l'esprit et la portée de l'art. 183, résulte donc cette régle pratique qu'il faut que la faveur ou l'inimitié se soit trahie par des faits extérieurs, pour qu'elle puisse former l'élément du crime. Mais quels sentiments constitueront l'inimitié ou la faveur? Les haines politiques, les passions de partis pourraient-elles être invoquées contre le juge ou l'administrateur? L'affirmative ne semble laisser aucun doute dès qu'il sera reconnu que la solution, prise sous cette influence, est empreinte d'injustice: car l'injustice doit nécessairement être au fond de la décison. Le juge, inculpé du crime prévu par l'article 183, pour

[1] Farinacius, quæst. 111, no 361 et seq. Ju- loi 15, Dig. judiciis, que nous avons rapporté plus lius Glarus, quæst. 68, no 21.

.

[2] L. 15, Dig. de judiciis.

[3] Glos. notes sur cette loi.

haut, que la haine ou la faveur est assimilée au dol, et non pas qu'elle doit être accompagnée du dol. [5] Procès-verbaux du Conseil d'état, séances

[4] C'est une erreur; il résulte du texte de la des 29 oct. 1808 et 9 janv. 1810.

rait borner sa défense à soutenir la justice de son jugement pnisque cette justice exclut l'influence de la haine ou de l'amitié.

L'article ne s'applique qu'aux juges et aux administrateurs: ce dernier mot exclut les préposés et même les fonctionnaires publics qui n'exercent aucune portion du pouvoir exécutif; il comprend particulièrement les préfets, les sous-prefets, les directeurs des administrations publiques, les maires. L'expression de juges exclut également d'abord les jurés, qui sont dénommés à côté des juges dans les articles précédents, ensuite tous les officiers de l'ordre judiciaire qui n'ont pas la qualité de juges. On a demandé si cet article pouvait être appliqué aux arbitres qui se trouvent juges des contestations qui leur sont soumises. Nous ne le pensons pas, d'abord parce que l'article 183 déclare le juge contre lequel le délit sera prouvé, coupable de forfaiture, et qu'aux termes de l'article 166 les fonctionnaires publics peuvent seuls être en forfaiture; ensuite, parce que l'ordre social n'a pas le même intérêt à réprimer les écarts du juge institué par l'État, et du juge incidemment choisi par les parties. Sans doute les arbitres forcés, établis par la loi elle-même en matière commerciale, agissent avec un caractère public qu'ils tiennent de cette délégation [1]; mais ce caractère, qu'ils ne conservent que pendant la durée de l'arbitrage, ne leur confère point la qualité de fonctionnaire public, et les délits commis dans ces fonctions ne les constituent point en forfaiture.

Il faut remarquer encore qu'il est nécessaire, pour l'existence du crime, qu'il y ait eu décision de la part du juge ou de l'adninistrateur; il ne suffirait pas d'actes préparatoires et d'instruction. Enfin l'article 183 est isolé de ceux qui le précèdent, et dès lors les distinctions qu'ils ont posées ne s'y appliquent pas. Ainsi, quel que soit le résultat de cette décision, que ce résultat soit, s'il s'agit d'un jugement, telle ou telle peine, le juge n'est passible que de la dégradation civique; ce n'est plus, dans ce cas spécial, sur les effets de l'acte, mais sur ses causes que se base la criminalité de l'agent.

Nous terminerons ce paragraphe en rappelant les règles d'interprétation que nos anciens jurisconsultes appliquaient à cette matière, antique sagesse qui peut nous guider encore et que nous ne répudions pas. S'agit-il du crime de corruption ?le juge a-t-il reçu des présents? la présomption est contre lui : In dubio pecunia

[1] Arr. cass, 29 avr. 1837.

semper præsumitur data in malum. Præsumitur dolus in judice quando constat à quo pecuniam recepit. S'agit-il d'un jugement attribué à la seule passion du juge? la présomption est en sa faveur : In dubio judex non dolo sed per imperitiam malè judicasse præesimitur. Mais cette présomption change s'il existe une inimitié capitale entre le juge et la partie : Præsumitur dolus in judice ex eo quod esset capitalis inimicus illius contra quem injustam protulit sententiam. La même règle s'applique encore quand le juge a hautement manifesté à l'avance son opinion sur le procès : Si præsumitur ex illius verbis si dixisset se velle sententiam ferre odio vel amicitiâ. Ce sont là, en effet, des circonstances extérieures qui justifieraient l'accusation si les autres éléments du crime s'y trouvaient réunis.

SV. Des abus d'autorité.

Les abus d'autorité se divisent en deux classes, suivant qu'ils sont commis contre les particuliers et contre la chose publique.

Les fonctionnaires abusent de leur autorité contre les particuliers, lorsqu'ils s'introduisent illégalement dans leurs domiciles, lorsqu'ils refusent de leur rendre justice, lorsqu'ils usent de violences envers les personnes sans motifs légitimes, enfin, lorsqu'ils portent atteinte au se cret des correspondances.

Ils abusent de leur autorité contre la chose publique, quand ils requièrent ou ordonnent l'emploi de la force publique pour empêcher l'exécution d'une loi ou la perception d'une contribution légale, ou l'effet d'un ordre émané d'une autorité légitime.

Ces divers délits sont empreints d'une criminalité différente, prennent des caractères, se composent d'éléments distincts que nous devons successivement examiner.

Le premier de ces délits est la violation du domicile.

Le principe qui déclare inviolable le domicile des citoyens remonte aux législations les plus anciennes. Cicéron le proclamait comme une règle commune: Quid est sanctius, quid omni religione munitius quàm uniuscujusque civium domus? Hoc perfugium est ita sanctum omnibus, ut indè abripi neminem fas sit [2]. La loi romaine, en effet, punissait l'introduction par violence dans le domicile d'un

[2] Cicero, pro domo, c. 41.

citoyen: Lex Cornelia de injurias competit ei qui injuriarum agère volet ob eam rem quod se pulsatum,verberatumve, domumve suam vi introitam esse dicat [1]. La violation du domicile était assimilée aux violences et aux conps. Les jurisconsultes romains décidaient en même temps qu'il n'était pas permis d'arracher un citoyen de sa maison pour le tra'duire en justicè : Plerique putaverunt nullum de domo suâ in jus vocari licere, quia domus tutissimum cuique refugium atque receptaculum sit, eumque qui indè in jus vocaret vim inferre videri [2]. Ainsi, dans le droit romain, le foyer domestique, la maison du citoyen était un refuge, un asile sacré: nul ne pouvait y pénétrer par la force, nul ne pou vait en être arraché: Lex Cornelia dedit actionem quod quis domus ejus vi introità sit [3]... De domo suá nemo extrahi debet [4].

Ces règles tutélaires se sont reproduites dans quelques législations modernes : « La loi anglaise, dit Blakstone, a une haute idée de la sûreté d'un particulier dans sa maison qu'elle appelle sa forteresse, et jamais elle ne souffre qu'on la viole impunément [5]. » C'est en effet une règle de la procédure de ce pays, qu'un constable ne peut forcer l'entrée du domicile, même pour l'exécution d'un ordre d'arrestation, à moins qu'il ne s'agisse d'un cas de forfaiture [6]. Cependant la loi pénale anglaise ne punit la violation de domicile que dans des cas déterminés et assez restreints : ce délit (burglary) n'existe en effet que lorsque la violation s'opère avec effraction ( in breaking and entering), pendant le cours de la nuit, et avec l'intention de commettre un crime (with intent to commit a felong wherin [7].

Les lois américaines, tout en recueillant cette incrimination, l'ont soumise à une distinction: lorsque la violation du domicile est faite pendant le jour, la peine est un emprisonnement de trois à cinq ans; lorsqu'elle a lieu pendant la nuit, cette peine s'élève à sept et même jusqu'à dix ans; mais les autres éléments du délit sont maintenus. Il faut donc que la violation s'opère avec violence, avec effraction; il faut donc

[1] L. 5, in pr. Dig. de injuriis et famosis libellis.

[2] L. 18, Dig. de in jus vocando.

[3] L. 5, Dig. de injuriis et fam libellis.

[4] L. 21, Dig. de in jus vocando.

[5] Comm. sur les lois anglaises, Code criminel, ch. 16.

qu'elle ait pour but la perpétration d'un crime [8]. Ainsi, dans ces diverses législations, ce n'est pas l'acte du fonctionnaire, ce n'est pas l'abus du pouvoir que le législateur punit, c'est l'acte de tout agent revêtu ou non de fonctions; c'est la violence, c'est l'effraction, c'est l'acte préparatoire d'un crime : il est évident que ces hypothèses s'éloignent presque entièrement de la nôtre..

Le Code du Brésil renferme, au contraire, des dispositions qui rentrent tout-à-fait dans notre sujet. L'article 209 punit de six mois d'empri→ sonnement le seul fait d'entrer de nuit dans la maison d'autrui sans le consentement de la personne qui y demeure. L'article 210 punit encore, mais d'une peine plus faible (trois mois d'emprisonnement), le fait d'entrer de jour dans la maison d'autrui hors le cas permis etsans les formalités légales. Cette prohibition reçoit des exceptions dans les cas d'exécution de mandats ou de flagrant délit. Mais, dans ces cas mêmes, la loi veille encore avec sollicitude : « L'officier de justice, chargé de la diligence, l'exécutera avec toute circonspection vis-à-vis des habitants de la maison, en respectant la modestie et l'honneur de la famille et il sera dressé du tout un acte signé par l'officier et par les témoins. »

En France, le législateur ne s'est pas montré moins inquiet de la liberté et de la sûreté des citoyens. La sainteté du domicile a été solennellement proclamée par l'article 359 de la constitution du 5 fructidor an III et par l'article 76 de la constitution du 22 frimaire an VIII, portant que « La maison de chaque citoyen est un asile inviolable [9], »

Ce principe posé, il fallait lui donner une sanction, et tel a été le but de l'art. 184 ainsi conçu [10]: « Tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, tout officier de justice ou de police, tout commandant ou agent de la force publique, qui, agissant en sadite qualité, se sera introduit dans le domicile d'un citoyen contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu'elle a prescrites, sera puni d'un emprisonnement de six jours à un an et d'une amende de 16 à 500 francs,

[6 et 7] Stephen's Summary of the criminal law, p. 162 et 236.

[8] Revised statutes of the state of New-York, art. 2, sec. 10; Penal Code of Georgia, filth div. sec. 12, 13 et 14.

[9] Constitution belge, art. 10.

[10] Voy. à l'appendice l'article ABROGÉ. ·"

1

sans préjudice de l'application du second para→ graphe de l'article 144. »

Une question grave, et qu'il faut éclaircir avant toute discussion, domine cette incrimination. La loi ne punit l'introduction que lorsqu'elle a lieu hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu'elle a prescrites.Quels sont ces cas où le domicile d'un citoyen peut légalement être violé? Quelles sont les formalités qui environnent et protégent le citoyen dans 'cette violation même ?

L'inviolabilité du domicile est, nous l'avons 'dit, le principe général, mais, à côté de ce principe la loi a formulé quelques exceptions dont il importe de poser avec netteté l'étendue et les limites.

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ces pourront être faits la nuit dans les brasseries, distilleries, lorsqu'il résultera des déclarations que ces établissements sont en activité. » Mais,dans ce dernier cas, le pouvoir des employés est limité au temps de l'activité [3].

Quelques doutes s'étaient élevés sur le sens de ces expressions toujours, en tout temps, dont s'est servie la loi du 19-22 juillet 1791 : l'Assemblée législative déclara, par un décret du 24 septembre 1792, que ces termès attribuaient aux officiers de police le droit d'entrer même pendant la nuit dans les maisons ouvertes au public.

Mais que faut-il entendre par la nuit? Où commence, où s'arrête-t-elle dans l'intention de la loi? Cette question se trouve résolue, à l'égard de l'introduction dans les maisons particulières, par le décret du 4 août 1806, por tant: « Le temps de nuit, où l'art. 131 de la loi du 28 germinal an vi défend à la gendarmerie d'entrer dans les maisons des citoyens, sera réglé par les dispositions de l'art. 1037 du Code de procédure civile. « En conséquence, la prohibition d'entrer dans les maisons particulières, si ce n'est dans le cas que nous venons d'énumérer, existe, savoir : depuis le 1er octobre jusqu'au 31 mars, avant six heures du matin et après six heures du soir; et depuis le 1er avril jusqu'au 30 septembre, avant quatre heures du matin et après neuf heures du soir [4]. »

Mais cette disposition ne saurait s'appliquer à l'introduction des officiers dans les maisons ́ouvertes au public. En effet, tout le pouvoir de ces officiers se puise dans les articles 9 et 10 du titre premier de la loi du 19-22 juillet 1791, dont nous avons rapporté les textes; or, il nous semble résulter de ces articles que le droit de visite est subordonné pendant la nuit à l'ouver

Mais ce principe n'étend pas sa protection jusqu'aux maisons ouvertes au public. Les articles 9 et 10 du titre premier de la loi du 19-22 juillet 1791 portent : « A l'égard des lieux où tout le monde est admis indistinctement, tels que cafés, cabarets, boutiques et autres, les officiers de police pourront toujours y entrer, soit pour prendre connaissance des désordres ou contraventions aux règlements, soit pour vérifier les poids et mesures, le titre des mature même de ces lieux, c'est-à-dire qu'il ne tières d'or et d'argent, la salubrité des comestibles et médicaments Ils pourront aussi entrer en tout temps dans les maisons où l'on donne habituellement à jouer des jeux de hasard, et dans les lieux livrés notoirement à la débat che. » L'article 235 de la loi du 28 avril 1816 a ajouté à cette nomenclature les brasseries et distilleries en activité [2] : « Les visites et exerci

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VI,

[1] L. 5 fruct. an 11, art. 359; L. 28 germ. an vi art. 131; L. 22 frim. an vii, art. 76.

[2] Voy. la loi belge du 26 août 1822, art. 181 et 197; 13 et 40 de celle du 2 août 1822, art. 13 et 40, et celle du 18 juillet 1833, art. 14; et le commentaire de M. H. Adan sur cette loi, édité par la Société typographique.

peut être exercé que pendant le temps qu'ils sont ouverts au public. Cela ressort clairement de ces expressions mêmes de la loi, à l'égard des lieux où tout le monde est admis indistinctement; car il serait étrange de supposer que le droit de visite de ces officiers pendant la nuit pût être la conséquence de l'admission du public pendant le jour. C'est donc lorsque le

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lieu est ouvert à tout le monde, que la loi a voulu qu'il fût également ouvert aux officiers publics. Cette interprétation, que la Cour de cassation a formellement consacrée [1], se trouve d'ailleurs confirmée soit par l'article 235 de la Joi du 28 avril 1816, qui dispose que les employés peuvent se présenter chez les débitants de boissons pendant tout le temps que les lieux de débit seront ouverts au public; soit par l'article 129 de la loi du 28 germinal an vi, qui autorise la gendarmerie à visiter les auberges, cabarets, et autres maisons ouvertes au public, même pendant la nuit, jusqu'à l'heure où lesdites maisons doivent être fermées d'après les règlements de police.

Le principe de l'inviolabilité du domicile reçoit des exceptions plus nombreuses pendant le jour. La loi a formulé ces exceptions dans cette seule règle : « On peut entrer dans le domicile d'un citoyen pour un objet spécial déterminé ou par une loi, ou par un ordre émané d'une autorité publique [2]. »

L'exécution de cette faculté a lieu lorsqu'il s'agit d'exercer une surveillance ou de procéder à des vérifications prescrites par la loi; de mettre à exécution soit des ordres d'arrestation, soit des condamnations à des peines corporelles; enfin d'opérer des visites domiciliaires pour découvrir les traces d'un crime, d'un délit ou d'une contravention. Examinons dans quelles limites ce pouvoir doit être exercé,

L'art. 8 du titre 1er de la loi du 19-22 juillet 1791 autorise les officiers de police municipale à pénétrer dans les maisons des citoyens pour la confection des états de recensement, pour la vérification des registres des logeurs, pour l'exécution des lois sur les contributions directes..

Ces mêmes officiers peuvent entrer dans les maisons ouvertes au public pour y vérifier les poids et mesures, le titre des matières d'or et d'argent, la salubrité des comestibles et des médicaments [3], pour y constater les contrayentions aux règlements [4], enfin pour y surveiller les désordres qui peuvent s'y commettre, el rechercher les personnes qui auraient été signalées à la justice [5].

Les ordres d'arrestation, c'est-à-dire les mandats d'amener les, mandats d'arrêt, les

[1] Arr. cass, 12 nov. 1830.

[2] Lois 5 fruct, an 11, art. 359; 28 germ. an vi, art. 131; 22 frim, an vi, art. 76.

[3] Loi 19-22 juill. 1791, tit. 1, art. 9. [4] Ibid.

ordonnances de prise de corps et les jugements et arrêts de condamnation, ne donnent pas aux agents qui en sont porteurs le droit d'entrer dans toutes les maisons où ils suspectent que l'individu, objet de la perquisition, peut se trouver ce droit n'existe qu'à l'égard du domicile même du prévenu ou du condamné. Cela résulte positivement des art. 36 et 37 du Code d'instruction criminelle, de l'art. 131 de la loi du 28 germinal an vi [6], et de l'art. 185 de l'ordonnance française du 29 octobre 1820; ce dernier article porte: «Lorsqu'il y aura lieu de soupçonner qu'un individu déjà frappé d'un mandat d'arrestation, ou prévenu d'un crime ou délit pour lequei il n'y aurait pas encore de mandat décerné, s'est réfugié dans la maison d'un particulier, la gendarmerie peut seulement garder à vue cette maison, ou l'investir, en attendant l'expédition des ordres nécessai– res pour y pénétrer et y faire l'arrestation de l'individu réfugié. » Ce dernier cas rentre alors dans les règles relatives aux visites domiciliai–

res.

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Le législateur a abusé quelquefois des visites domiciliaires une loi du 10 août 1792 les autorise pour la recherche des armes qui se trouvent chez les citoyens; une loi du 28 août 1792, pour constater la quantité des munitions et le nombre des armes ; une loi du 4 mai 1793, pour vérifier la quantité des grains et farines; une loi du 26 thermidor an vII, pour l'arrestation des embaucheurs, des émigrés et des brigands., L'article 359 de la constitution du 5 fructidor an III posa en règle : « qu'aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi, et pour la personne ou l'objet expressément désigné dans l'acte qui ordonne la visite. [7]. » La loi soumet les visites à des règles différentes, suivant qu'elles ont pour objet l'intérêt général de la répression du crime et des délits, ou l'intérêt spécial du fisc.

Aux termes de l'article 87 du Code d'instruction criminelle, le juge d'instruction a le droit de se transporter d'office, ou sur la réquisition du procureur du roi, dans le domicile du prévenu, pour y faire les perquisitions et les recherches utiles à la manifestation de la vérité. Ce droit peut même s'étendre, d'après l'art. 88, aux autres lieux où le juge présumerait que

[3] Ibid. art. 129; loi 28 germ. an vi.

[6] Voy. l'art. 21 de l'arrêté belge du 30 janvier 1815, sur la police de la maréchaussée, qui est conçu dans le même sens.

[7] Voy. l'art. 10 de la constitution belge.

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