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les objets indicateurs ont été déposés [1]; mais c'est à ce magistrat seul que la loi délègue la délicate mission de faire de telles perquisitions: le procureur du roi et ses auxiliaire ne peuvent y procéder que dans le seul cas de flagrant délit, et leur pouvoir est restreint sous un doublé rapport: il faut, pour qu'ils puissent agir, que le fait de flagrant délit soit qualifié crime par la loi (art. 32 et 40); et ils ne sont autorisés à pénétrer que dans la seule maison du prévenu (art. 36 et 40). Les formalités que le juge d'instruction, le procureur du roi et les officiers de police judiciaire doivent accomplir dans ces opérations, sont indiquées par les art. 38 et 39 du Code d'instruction criminelle.

L'intérêt du fisc a fait accorder le même droit, dans certains cas, aux gardes forestiers, aux préposés de l'administration des contributions indirectes, aux préposés des douanes.

L'art. 161 du Code forestier français, après avoir prescrit aux gardes de suivre les objets enlevés par les délinquants jusque dans les lieux où ils auront été transportés, ajoute : « Néanmoins ils ne pourront s'introduire dans les mai sons, bâtiments, cours adjacentes et enclos, si ce n'est en présence soit du juge de paix ou de son suppléant, soit du maire du lieu ou de son adjoint, soit du commissaire de police. » [2] La question s'est élevée de savoir si le défaut d'as sistance légale doit influer sur la régularité du procès-verbal; la Cour de cassation a jugé la négative par plusieurs arrêts [3]. Ses motifs ont été que : « la défense faite aux gardes forestiers de s'introduire dans le domicile des particuliers, sans être accompagnés de certains fonctionnaires publics, n'est qu'une mesure de police pour protéger la sûreté individuelle et faire respecter le domicile des citoyens, et qu'il est évident que l'assistance de ces fonctionnaires n'influe en aucune manière sur la vérification et la constatation du délit, que les gardes seuls ont le droit de faire. » Mais si ce défaut d'assistance n'entraîne pas la nullité du procès-verbal, il pourrait constituer le délit de violation de domicile. A la vérité, la Cour de cassation pose

[1] Les art. 452 et 86 C. cr. sont généraux,et ainsi un avocat ne peut, en se prévalant des prérogatives de sa profession, se refuser à remettre à un juge d'instruction, qui la réclame à raison de son office, une pièce arguée de faux qui doit se trouver dans le dossier d'une affaire confiée à ses soins. Br. 22 mars 1837; J. de Belg. 1837, 117.

[2] La loi du 29 sept. 1791, tit. 4, art. 5, qui règle la matière en Belgique, autorise les gardesforestiers à suivre les lois de délit dans les lieux

en règle, que lorsque le délinquant ne s'oppose pas à l'introduction du garde qui n'est pas assisté d'un officier public, il est présumé y avoir consenti: mais cette présomption ne suffirait pas pour couvrir le délit ; il faudrait apporter la preuve formelle du consentement. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point en analysant les circonstances caractéristiques du délit, énumérées par l'art. 184.

Le droit de visite dont jouissent les préposés des contributions indirectes, se trouve aujourd'hui défini par les articles 235, 236 et 237 de la loi du 28 avril 1816 [4]. Aux terme des deux premiers de ces articles, les visites et exercices ne peuvent avoir lieu que chez les redevables sujets aux exercices, et ces visites ne peuvent se faire que pendant le jour; mais l'art. 237 de la même loi a étendu jusque sur les simples particuliers le droit de visite; il importe d'en examiner les termes : « En cas de soupçon de fraude à l'égard des particuliers non sujets à l'exercice, les employés pourront faire des visites dans l'intérieur de leurs habitations, en se faisant assister du juge de paix, du maire, de son adjoint ou du commissaire de police, lesquels seront tenus de déférer à la réquisition qui leur sera faite, et qui sera transcrite en tête du procès-verbal. Ces visites ne pourront avoir lieu que d'après l'ordre d'un employé su→ périeur, du grade de contrôleur au moins, qui rendra compte des motifs au directeur du département. » Cette disposition soumet la visite domiciliaire à deux conditions: l'ordre spécial de l'employé supérieur, et l'assistance d'un officier public.

L'ordre préalable est constitutif du droit luimême : les employés ne pourraient, sans se rendre coupables du délit prévu par l'art. 184, pénétrer sans en être munis dans la maison d'un particulier; la Cour de cassation a énergiquement consacré ce principe, en déclarant « que cet ordre est le brevet spécial qui seul, dans le cas de soupçon de fraude, constitue le caractère d'employé, donne la mission extraordinaire, et confère le pouvoir de pénétrer dans l'habita

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tion d'un simple particulier, par exception for melle au principe général de l'inviolabilité du domicile; que cette mission exceptionnelle doit donc être prouvée par ceux qui l'ont reçue, en eu produisant le titre, dès qu'ils se mettent en de voir de la remplir; d'où il suit qu'ils sont tenus d'exhiber ce titre, tant à l'officier de police dont ils requièrent l'assistance, qu'au particulier qui y est condamné à l'officier de police, pour qu'il sache que sa présence est légalement requise, et qu'en conséquence il est tenu de déférer à la réquisition; au particulier, pour qu'il puisse vérifier et reconnaître que c'est bien son domicile qui est l'objet de la visite extraordinaire qui doit se faire, et qu'il est de son devoir de s'y soumettre [1]. » De là, la Cour de cassation a induit avec raison que le défaut d'exhibition d'un ordre légal, préalable et spécial, est un vice radical qui emporte la nullité de toute l'opération. Il faut ajouter que l'introduction dans le domicile, dépourvue de cette exhibition qui seule couvre et justifie les préposés, rentrerait nécessairement dans les termes de l'article 184. Ces règles s'étendent aux préposés des octrois [2] comme à ceux des contributions in directes {3}. Et il a été jugé qu'en matière de dépôt frauduleux de tabacs, les gendarmes et les gardes champêtres et forestiers, que l'article 223 de la loi du 28 avril 1816 charge de la poursuite et de la saisie, doivent s'arrêter de vant l'entrée du domicile privé, et «qu'ils ne peuvent qu'avertir les employés des contributions indirectes, dont les chefs seuls ont le droit d'autoriser ou de refuser, suivant les circonstances, des perquisitions pour vérifier les faits dénoncés, et en cas d'autorisation, de faire procéder à ces perquisitions par des préposés auxquels ils confèrent à cet effet une mission extraordinaire, un brevet spécial et nominatif d'introduction [4]. »

La jurisprudence a reconnu à la deuxième condition de l'introduction, à l'assistance d'un of ficier public, un autre caractère. Ici, de même qu'en matière forestière, cette assistance n'est considérée que comme une mesure de police dont l'omission ne vicie pas nécessairement l'acte du fonctionnaire Les motifs de cette distinction, développés avec soin par M. Barris, dans un arrêt que nous avons déjà cité, sont: «que cette assistance qui est un hommage à l'inviolabilité

[1] Arr. cass. 10 avril 1823; S. 1823, 1, 276; 16 avril 1818 et 13 février 1819; Dalloz, t. 7, p. 110; S. 1819, 1. 177 et 257.

[2] Voy. la loi belge du 29 avril 1819, art. 12. [3] Arr. cass. 5 septembre 1834.

du domicile, étant ordonnée, en même temps; pour la sureté des particuliers non sujets à l'exercice et pour les garantir de tout abus, pendant les visites autorisées extraordinairement sous cette condition, ne tient point toutefois comme l'ordre, qui est l'objet de la deuxième disposition de l'art. 237, à la constitution du caractère d'employé, ni à la mission spéciale sans laquelle la visite ne peut avoir lieu; que, prescrite pour l'exercice de cette mission, elle donne au particulier non sujet le droit de l'exiger et de refuser toute visite de son habitation en l'absence de l'officier de police; mais que s'il vent bien ne point user de ce droit, il est naturel et juste qu'après coup il ne soit point admis à se plaindre d'une opération qui n'a été que la suite de son défaut de réclamation, dans le seul moment où une réclamation de sa part l'aurait empêchée[5]. » Il est certain que cette distinction, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, rentre à certains égards dans le système de l'art. 184; mais il importe cependant de remarquer, et nous l'établirons plus loin, que, le défaut de réclamation n'est pas un obstacle à l'existence du délit de violation de domicile: il faut qu'il soit constaté que l'introduction s'est faite avec le consentement du citoyen dont le domicile est violé.

Enfin, les visites domiciliaires sont encore autorisées en matière de douanes par la loi du 28 avril 1816 (art. 60) [6] en matière de dépot de poudres par l'art. 26 du décret du 13 fructidor an v. Dans cette double hypothèse, de même que dans tous les cas que nous venons de parcourir, les visites ne peuvent se faire que pendant le jour; les officiers municipaux sont, du reste, appelées soit à les protéger de leur présence, soit à les opérer eux-mêmes, et les règles qui viennent d'être développées s'appliquent dès lors à ces deux cas.

Reprenons pour la résumer, l'énumération qui précède. Pendant la nuit, l'entrée des maisons particulières est interdite aux agents de l'autorité : le péril imminent ou les cris des habitants eux-mêmes permettent seuls d'y pénétrer. Ce privilége ne s'étend point aux maisons publiques, mais ces maisons elle-mêmes ne sont accessibles à ces agents que pendant la durée de leur ouverture. Durant le jour, l'accès des maisons particulières est permis, soit pour l'exécution d'une loi qui autorise cette mesure, soit

[4] Arr. Nancy. 10 mars 1837 (Journ. du droit crim. p. 66).

[5] Arr. cass. 10 avril 1823, S. 1823, 1, 279. [6] Voy. la loi belge du 26 août 1822, art. 181 et suiv.

pour l'exécution d'un arrêt ou jugementt em-
portant condamnation à une peine corporelle,
soit enfin pour l'exécution d'un mandat du juge,
ou pour l'instruction d'un procès criminel; nous
avons précisé les limites du droit de visite dans
chacun de ces actes, et les formes qui sont les
garanties du citoyen et qui peuvent seules en
légitimer l'exercice. Le corollaire de cet exa-
men est l'établissement d'une règle générale:
toutes les fois que les officiers de justice ou de
police, les commandants ou agents de la force
publique s'écartent de ces limites ou de ces for
mes, ils agissent, suivant les termes mêmes de
l'art. 184, hors les cas prévus par la loi et
sans les formalités qu'elle a prescrites, et
dès lors ils commettent le délit de violation de
domicile. Telle est la base indispensable de cette
incrimination, et nous avons dû nécessairement
nous arrêter à l'établir. Maintenant nous de-
vons examiner les conditions exigées par la loi,
pour que l'introduction même illicite prenne
le caractère moral du délit.

L'art. 184 du Code de 1810 a été modifié sous plusieurs rapports par la loi française du 28 avril 1832. Le texte primitif étendait la dispo sition pénale à tout juge, tout procureur général ou du roi, tout substitut, tout administrateur ou tout autre officier de justice ou de police'; cette nomenclature a été rec tifiée et étendue : l'art. 184 s'applique actuelle ment à tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, tout officier de justice ou de police, tout commandant ou agentde la force publique. Ces deux énumérations ne diffèrent que sur un seul point les agents de la force publique, qui n'étaient pas tous compris dans la première rédaction, le sont dans la seconde, « On avait oublié, a dit l'auteur de cette addition, que les gendarmes ne sont pas des officiers de police judiciaire, que cependant ils en remplissent quelquefois les fonctions, et que, lorsqu'ils mettent à exécution soit un mandat d'arrestation, soit un arrêt portant l'emprisonnement, ils peuvent commettre le délit de violation de domicile. »>

Une deuxième innovation consiste dans l'addition des mots agissant en sa qualité il en résulte que la violation de domicile commise par le fonctionnaire peut avoir un double caractère lorsqu'il agit en vertu de ses fonctions, lorsqu'il invoque son autorité, son délit rentre dans les termes de la première partie de Part. 184; lorsqu'il agit, au contraire, en dehors de ses fonctions, et qu'il n'emploie pas son autorité pour commettre le délit, l'action

le fait ne revêt un caractère criminel qu'atí-
tant qu'il réunit les conditions prescrites par le
deuxième paragraphe du même article.

Une troisième addition, beaucoup plus im-
portante, a été de n'incriminer l'introduction
dans le domicile d'un citoyen qu'autant qu'elle
a eu lieu contre le gré de celui-ci. Il faut
bien se fixer sur le sens de ces termes. La loi
n'a point voulu punir la seule omission des
formes, même la violation du droit ; l'adhésion
du citoyen lésé par la visite en couvre les vices,
en écarte la criminalité : ce que la loi a voulu
atteindre, c'est la mesure vexatoire, c'est l'acte
arbitraire, c'est l'abus de pouvoir. Il faut donc
que la visite faite chez un citoyen, hors des cas
prévus par la loi, ait eu lieu contre le gré de
celui-ci, c'est-à-dire contre sa volonté. Il n'est
pas nécessaire qu'il y ait autorisation de sa
part, car un député avait proposé de mettre
dans l'article au lieu de ces mots : contre le
gré de celui-ci, ceux-ci : sans l'autorisation
de celui-ci, et cet amendement fut rejeté [1].
Il n'est pas nécessaire, d'un autre côté, que des
violences aient été exercées, car la loi ne s'est
point servi de cette expression qu'elle a em-
ployée, au contraire, dans le deuxième para-
il suffirait donc
graphe du même article: il faut qu'il y ait
consentement formel ou tacite ;
de prouver, non-seulement que l'habitant ne
s'est pas opposé à la mesure, mais qu'il n'y a pas
adhéré, qu'il ne l'a pas subie volontairement,
pour que le fait dût être considéré comme pu→
nissable.

Cette disposition a pris sa source dans la jurisprudence de la Cour de cassation, dont nous avons cité plus haut les arrêts, et qui pose en principe que la présence du juge de paix ou du maire, dans certaines visites domiciliaires, a pour unique effet de donner au particulier le droit de s'opposer à l'introduction des officiers si de police dans son domicile, hors la présence de ce fonctionnaire, et que cette introduction, le particulier ne s'y est pas opposé, n'emporte aucune nullité des procès-verbaux ou des saisies. Mais il faut prendre garde que, dans l'es¬ pèce de ces arrêts, la question portait uniquement sur la validité des actes et nullement sur les caractères constitutifs du délit : l'irrégularité des formes n'emporte pas nécessairement mais la violation des gala nullité des actes; ranties édifiées par la loi pour la protection des citoyens, ne peut être couverte par leur seul silence et leur défaut de réclamation: l'art. 184

est assimilée à celle d'un simple particulier, et [1] Code pénal progressif, p. 241b saa

:

l'addition de ces mots : sans préjudice de l'application du 2o § de l'art. 114. Cette disposition, qui admet une cause de justification pour les préposés qui invoquent l'ordre d'un supérieur, fut attaquée dans le cours de la discussion de la loi du 28 avril 1832 : « Cette excuse, a-t-on dit, s'appliquerait difficilement dans le cas dont il s'agit ; car un supérieur peut donner l'ordre de faire une visite domiciliaire; mais celui qui l'exécute peut, dans les détails de sa mission, violer la loi, et le supérieur ne peut être responsable de la violation. D'ailleurs, quand l'illégalité vient du fonctionnaire supérieur, il y a deux délits le délit du fonctionnaire qui a donné l'ordre, et le délit de celui qui l'a exécuté. La faute du premier n'efface pas celle de l'autre il y a deux complices; car l'ordre ne suffit pas pour légitimer un délit. » On a répondu à ces objections : « Nous ne soutenons pas la doctrine de l'obéissance passive, mais nous soutenons celle de la responsabilité ministérielle. Nous ne disons pas que les fonctionnaires sont toujours à l'abri de toute responsabilité derrière des ordres supérieurs ; nous disons au contraire qu'ils ne doivent obéissance, qu'ils ne sont dégagés de la respon sabilité que pour les objets qui sont du ressort hiérarchique. Mais s'ils justifient qu'ils ont agi par ordre des supérieurs auxquels ils devaient obéissance, la responsabilité retombe sur le fonctionnaire supérieur. Ce que nous voulons éviter, c'est d'empêcher que les inférieurs ne désobéissent aux supérieurs pour l'exécution d'ordres légaux. » Tels sont aussi les principes que nous avons posés et développés dans notre chapitre sur la contrainte, t. 2, p. 275 et suiv. Ainsi, l'agent qui s'introduit dans le domicile d'un citoyen, par l'ordre d'un supérieur, est excusable, si le supérieur et lui-même avaient mission légale pour ordonner et exécuter cette mesure. Ainsi, lorsque l'ordre n'est exécutoire qu'après certaines formalités, son exécution, sans que ces formes aient été accomplies, serait un fait imputable.

n'exige pas qu'il y ait opposition et résistance à la visite; il demande seulement, comme élément de l'incrimination, qu'elle ait été faite contrele gré de la partie, et que par conséquent celle-ci ne l'ait pas consentie. C'est donc du consentement que le prévenu doit faire preuve, et non pas du défaut d'opposition seulement. Tels sont les éléments du délit de violation de domicile : ce délit est du petit nombre de ceux dont la peine a été aggravée par la loi du 28 avril 1832. Le Code de 1810 n'avait porté d'autres pénalités qu'une amende de 16 à 200 fr. L'exposé des motifs justifiait en ces termes l'excessive indulgence de cette peine : « L'on a dans cette matière cherché plutôt une peine efficace qu'une peine sévère. L'espèce de délit qu'on examine ne tire point sa source de passions viles et basses, comme les concussions ou la corruption; un zèle faux ou mal entendu peut produire assez souvent des abus d'autorité, et il importe de les réprimer, mais avec modération, si l'on veut que ce soit avec succès. Une amende d'ailleurs a sa gravité relative aux personnes qui en sont l'objet; un fonctionnaire qui n'a point abdiqué tous les sentiments d'honneur sera plus qu'un autre sensible à cette peine et ne s'y exposera plus. » Ces observations attestent une singulière partialité du législateur de 1810 pour les abus de pouvoir des fonctionnaires publics. Il proclame le délit et le laisse à peu près impuni. Il prévoit la violation du droit le plus sacré, et il ne la punit que d'une peine illusoire! On invoque les égarements d'un zèle pur dans son principe; mais tous les attentats des fonctionnaires seraient-ils justifiés par les apparences de ce zèle aveugle? N'est-ce done que pour obéir à leurs supérieurs, n'est-ce donc pas aussi pour accomplir leurs devoirs envers les citoyens qu'ils doivent déployer du zèle? Et puis la violation du domicile peut s'aggraver par les circonstances qui l'accompagnent; elle peut s'opérer avec des menaces on des violences; elle peut être animée par des influences étran gères, par une vengeance privée, par des haines politiques. Or, lorsque le délit s'élève à cette La loi du 28 avril 1832 a ajouté à l'art. 184 gravité, qu'est-ce qu'une amende pour le punir un deuxième paragraphe qui est ainsi conçu : et pour satisfaire la conscience publique? Le « Tout individu qui se sera introduit, à l'aide législateur a dépouillé cette molle et coupable de menaces ou de violences, dans le domicile indulgence: la peine s'est élevée à une année d'un citoyen, sera puni d'un emprisonnement d'emprisonnement et 500 fr. d'amende. Ainsi de six jours à trois mois et d'une amende de les droits des citoyens, mieux compris, ont été seize francs à deux cents francs. » Cette dispoprotégés avec plus d'efficacité; les limites du sition comble une lacune évidente dans le Code: pouvoir des fonctionnaires ont été marquées car, si le délit de violation de domicile est le avec plus de précision, et les écarts de leur au- plus souvent le résultat d'un abus d'autorité, if torité appréciés avec impartialité. peut également être commis par des individus Une dernière modification a eu pour objet qui ne sont revêtus d'aucune fonction. Mais il est

visible que cette disposition n'est point à sa place; ce n'est que par la connexité de la matière qu'elle se trouve liée à l'art. 184 et placée sous la rubrique des abus de pouvoir: le mode adopté pour la révision du Code explique cette irrégularité sans la justifier.

L'auteur de ce paragraphe l'a motivé en ces termes; «< Il existe une lacune dans le Code pénal de 1810 ses auteurs ont paru oublier qu'il était possible qu'un particulier violât le domicile d'un autre particulier, et cependant l'expérience nous apprend tous les jours le contraire; dans les grandes villes où la police s'exerce d'une manière sévère, ce délit a lieu fort rarement; mais il n'en est pas de même dans les campagnes où très-souvent les habitants isolés se trouvent exposés à la tyrannie ou à la brutalité des voyageurs. C'est un abus qu'il faut réprimer, c'est une lacune qu'il faut combler: il faut que le citoyen le plus dénué de moyens de défense soit entouré de tous les moyens de sécurité; la loi et la justice doivent veiller continuellement à ses côtés [1].

Le délit prévu par les deux paragraphes de l'art. 184 est le même; cependant les deux dispositions diffèrent, d'abord par les conditions auxquelles est soumise l'incrimination ensuite par la durée de la peine. Il suffit pour qu'il y ait délit de la part du fonctionnaire, qu'il ait pénétré en sa qualité dans le domicile d'un ci toyen, contre le gré de celui-ci et hors les cas prévus par la loi; il faut de plus, pour former le délit d'un simple particulier, qu'il y ait eu emploi de menaces ou de violences. Toutefois la peine est moins grave dans ce dernier cas : c'est que le fonctionnaire commet dans un seul fait un double délit ; non-seulement il viole le domicile, mais il abuse de sa fonction et de son autorité pour commettre cet acte arbitraire.

Nous terminerons nos observations sur ce sujet par une réflexion générale. Nous avons considéré la violation de domicile comme délit principal et sui generis ; mais cette introduction violente dans la maison d'autrui pourrait avoir pour motif la perpétration d'un crime, par exemple, d'un vol, d'un rapt, d'un assassinat. Alors il faudrait la considérer, non plus comme un délit principal, mais comme un acte préparatoire, et comme un commencement d'exécution du crime que l'agent se proposait d'accomplir: ce serait la tentative de ce crime qui

[1] Code pénal progressif, p. 242.

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serait punissable, ce ne serait plus seulement le domicile violé.

Le deuxième cas d'abus d'autorité prévu par le Code est le déni de justice. L'article 185 est ainsi conçu : « Tout juge ou tribunal, tout administrateur ou autorité administrative qui, sous quelque prétexte que ce soit, même du silence ou de l'obscurité de la loi, aura dénié de rendre justice qu'il doit aux parties après en avoir été requis, et qui aura persévéré dans son déni après avertissement ou injonction de ses supérieurs, pourra être poursuivi et sera puni d'une amende de 200 francs au moins et de 500 franes au plus, et de l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques depuis cinq ans jusqu'à. vingt. »

Cet article sert de sanction à l'art. 4 du Code civil qui porte : « Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » L'art. 506 du Code de procédure civile a défini un autre cas du même délit : « Il y a déni de justice quand les juges refusent de répondre les requêtes ou refusent de juger les affaires en état ou en tour d'être jugées. » Mais ces exemples ne sont point limitatifs, car l'art. 185 inculpe le déni de justice sous quelque prétexte que ce soit. La jurisprudence a considéré comme constituant un déni de justice, le renvoi d'une cause à une époque indéterminée [2], l'omission de statuer sur un chef d'un procès [3], et le refus de prononcer sur le fond d'une affaire après renvoi de la Cour de cassation [4].

L'art. 185 étend aux fonctionnaires de l'ordre administratif les dispositions que la loi civile n'avait appliquées qu'aux juges : dès qu'ils sont investis du pouvoir de prononcer, dans certains cas, sur les intérêts des citoyens, les mêmes obligations doivent peser sur eux, le même lien de responsabilité doit les étreindre. Mais il faut qu'il y ait litige, ou du moins réclamation pendante devant l'administrateur, et que celui-ci soit compétent pour prendre une décision sur cet objet. Il ne peut y avoir déni de justice qu'autant qu'un intérêt privé attend une décision et que cette décision soit vainement réclamée.

En matière judiciaire, le déni de justice ne donne lieu, en général, qu'à la prise à partie. Pour que le refus de statuer prenne le carac

[3] Arr. cass. 11 juill. 1823 ;Dalloz , t. 22, p. 144;

[2] Arr. cass. 31 janv. 1811; S. 1817, 1, 324; S. 1823, 1, 421. 10 niv. an 11; Dalloz, t. 9, p. 5.

[4] Arr. cass. 16 vend. an viu; Dalloz, t. 9, p. 2.

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