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imputable à l'agent. Ce point fut formellement reconnu dans les discussions du Conseil d'état. Un membre fit remarquer que le fonctionnaire nouvellement nommé pourrait se trouver dans des circonstances où il serait obligé de différer son serment, et que la peine ne devait être appliquée qu'à celui qui aurait négligé de faire les diligences nécessaires pour prêter serment. Cette opinion fut adoptée, et il fut établi en conséquence que les poursuites seraient seule ment facultatives, et ne seraient exercées qu'au tant que l'omission ne trouverait aucune excuse dans les circonstances [1]. Cette règle se trouve formulée dans ces mots de l'article pourra étre poursuivi Ce n'est donc point là une faculté dont l'exercice puisse être abandonné au hasard et à l'arbitraire; c'est l'admission d'une excuse que l'agent peut tirer de la nécessité qui lui a été imposée par les circonstances de pourvoir au service avant de prêter serment, et de l'absence de toute intention criminelle, c'est-àdire de toute négligence, de toute faute de sa part. L'existence du délit se trouve donc subordonnée à cette double condition l'entrée en exercice sans serment; l'omission volontaire de cette formalité; le ministère public ne peut poursuivre que lorsque ces deux éléments se réunissent dans le même fait.

:

Le serment que les fonctionnaires doivent prêter est celui que les lois prescrivent. Ce serment est de deux espèces : le serment politique, auquel sont soumis tous les fonctionnaires indistinctement, et le serment spécial ou supplétif, qui est inhérent à certaines fonctions. Le serment politique a subi différentes phases et différentes formules [2] : la loi du 31 août 1830, qui a eu pour objet d'abolir les actes antérieurs et de tracer pour un régime nouveau un nouvel acte de foi politique, a fixé la formule de ce serment [3]. Cette loi a ajouté qu'il ne pourrait être exigé des fonctionnaires aucun autre serment, si ce n'est en vertu d'une loi. De là l'on a conclu que les serments spéciaux qui sont exigés de certaines classes de fonctionnaires, et qui ont pour but d'assurer le loyal accomplissement de leurs fonctions devaient être fondés sur le texte de la loi [4]. La jurisprudence

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a contesté cette conséquence, mais elle a été admise par le législateur [5]. La loi du 21 juin 1836, relative au serment spécial de la gendarmerie, en fait foi. Du reste, la seule difficulté dont nous devions nous occuper ici est de savoir si l'art. 196 s'applique au serment supplétif comme au serment politique. Nous ne faisons aucun doute à cet égard: la loi ne distingue point, elle parle du serment en général, et par conséquent tel que l'exige la législation; or, ce serment se compose, pour chaque fonctionnaire, de la formule politique et de la formule supplétive: c'est là l'acte qui doit précéder l'entrée en fonction, qui est la garantie de la société, et qu'il serait impossible de scinder, puisqu'on ne peut séparer, dans l'exercice de la fonction, l'obéissance au souverain et aux lois du royaume, et l'obéissance aux règlements spéciaux qui sont la conséquence et l'exécution de ces lois.

L'irrégularité du serment équivaut-elle an défaut de cette formalité? Nous ne le pensons pas. La prestation d'un serment, même irrégulier, atteste l'intention du fonctionnaire de se conformer à la loi; l'irrégularité ne pourrait donc lui être imputée qu'autant qu'elle serait volontaire de sa part. Quant à la responsabilité du fonctionnaire, à raison des délits commis dans ses fonctions avant la prestation régulière du serment, nous ne pouvons que renvoyer aux observations que nous avons faites à ce sujet dans notre chapitre 28.

Le délit prévu par l'article 197 est beaucoup plus grave que le premier : « Le fonctionnaire, dit l'exposé des motifs, sera bien plus criminel et puni d'une manière plus aggravante, si, étant révoqué ou destitué, suspendu ou interdit légalement, il continue l'exercice de ses fonctions, ou si, étant électif et temporaire, il les exerce après avoir été remplacé; il commet alors un véritable attentat contre l'autorité souveraine, et il sera interdit de toutes fonctions pendant le terme fixé par la loi.»

L'art. 197 est ainsi conçu : « Tout fonctionnaire public révoqué, destitué, suspendu ou interdit légalement, qui, après en avoir eu la ́ connaissance officielle, aura continué l'exer

[3] Voyez pour la Belgique le décret du 20 juill. 1831, et la constitution, art. 127.

[4] Voyez des exemples de serments supplétifs dans l'art. 2 de la loi du 29 août 1790, dans les lois du 1er juin 1791, du 29 sept. 1791, dans l'ord, du 29 juill. 1814, dans la loi du 21 juin 1836.

[5] Arr. cass. 23 août 1831; S. 1831, 1, 328.

cice de ses fonctions, ou qui, étant électif ou temporaire, les aura exercées après avoir été remplacé, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et d'une amende de 100 à 500 francs. Il sera interdit de l'exercice de toute fonction publique pour cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où il aura subi sa peine le tout sans préjudice des plus fortes peines por tées contre les officiers ou les commandants militaires par l'art. 93 du présent Code. »

Nous n'avons point à nous occuper ici des formes diverses auxquelles sont soumises la révocation, la suspension ou l'interdiction des différents fonctionnaires, ni de la légalité de chacune de ces mesures; ces questions nous entraîneraient dans l'examen de dispositions du droit administratif étrangères à cet ouvrage. La principale condition de l'existence du délit est que l'acte de révocation ou de suspension

ait été officiellement notifié au fonctionnaire qu'il concerne cette condition, qui n'existait point dans le projet de l'article, fut ajoutée sur l'avis de la commission du Corps législatif, qui fit remarquer que : « si le fonctionnaire révoqué n'a pas eu connaissance officielle de sa révocation, on ne saurait lui faire un crime d'avoir continué son exercice postérieurement.» Elle proposa en conséquence de fixer l'instant où le fonctionnaire deviendrait coupable, en prescrivant de lui donner connaissance officielle, c'est-à-dire notification à personne ou à domicile de l'acte de révocation.

Le délit consiste donc dans la continuation des fonctions après cette notification, ou après le remplacement, si les fonctions sont électives ou temporaires. Toutefois, dans ce délit comme dans le précédent, il ne suffirait pas du fait matériel d'un acte accompli pour constituer le délit l'absence du titulaire, le besoin de pourvoir à un service urgent, peuvent justifier de tels actes. Ce que la loi punit, ce n'est pas la simple infraction à une règle administrative, c'est l'usurpation de pouvoir, c'est, suivant l'expression du législateur, l'attentat contre l'autorité souveraine. Cet attentat, cette usurpation, ne sauraient résulter d'un acte inoffensif et auquel son auteur n'aurait attaché aucune pensée d'envahissement. Il faut donc qu'au fait matériel se réunissent la désobéissance, la pensée de l'usurpation commise, la moralité du délit.

Ce délit diffère-essentiellement, soit par son caractère propre, soit par la gravité de ses conséquences du délit prévu par l'article précédent. L'entrée en fonctions sans prestation

préalable du serment n'est que l'omission d'une garantie; la continuation de ces fonctions après l'expiration ou la révocation du titre est un acte d'envahissement. La première de ces infractions présente peu de périls, puisque l'agent qui s'est irrégulièrement immiscé dans ces fonctions a un droit réel à les exercer; la deuxième peut avoir, au contraire, de graves résultats, s'il s'agit d'un agent dangereux ou infidèle et dont le pouvoir social ait de justes raisons de se méfier. De cette différence est née l'inégalité des peines. Toutefois ces deux délits ont pris leur source dans la même pensée, dans le désir de régulariser l'exercice de l'autorité publique, et de renfermer les actes des fonctionnaires dans les limites de leur pouvoir.

§ VIII.

Des peines applicables aux fonctionnaires qui ont participé aux délits dont la surveillance leur est confiée.

Nous avons terminé la longue série des crimes, délits ou contraventions que les fonctionnaires publics peuvent commettre dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. La loi a porté sa sollicitude plus loin encore: elle ne s'est point arrêtée à ces délits spéciaux; elle a prévu que ces agents pourraient participer aux crimes et délits commis, qu'ils sont chargés de surveiller. Or, dans cette hypothèse, les peines ordinaires serontelles seules infligées au coupable? et si, par exemple, un officier de police judiciaire a commis un vol, ne sera-t-il puni que comme un autre voleur? Telle est la question que le législateur s'est posée et que l'art. 198 a en pour objet de résoudre.

« Il est difficile, porte l'exposé des motifs, de ne pas considérer comme plus coupable celui qui, chargé par la loi de réprimer les crimes et délits, ose les commettre lui-même, et il a paru convenable d'élever la peine à son égard. Si donc il s'agit d'un délit de police correction-nelle, le fonctionnaire qui l'aura commis subira toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce de ce délit, et, s'il s'agit de crimes, il subira la peine immédiatement supérieure à celle qu'eût méritée tout autre coupable; gradation qui ne cessera qu'au point où elle atteindrait le peine de mort. Cette disposition toute morale ne saurait qu'honorer notre législation. >>

L'art. 198 a formulé ce système en ces termes « Hors les cas où la loi règle spéciale

:

ment les peines encourues pour crimes ou délits commis par les fonctionnaires ou officiers publics [1], ceux d'entre eux qui auront participé à d'autres crimes ou délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer seront punis comme il suit s'il s'agit d'un délit de police correctionnelle, ils subiront toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce de délit, et, s'il s'agit de crime, ils seront condamnés, savoir à la reclusion, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine du bannissement ou de la dégradation civique; aux travaux forcés à temps, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine de la reclusion ou de la détention; et aux travaux forcés à perpétuité, lorsque le crime emportera contre tout autre coupable la peine de la déportation ou celle des travaux forcés à temps. Au-delà des cas qui viennent d'être exprimés, la peine commune sera appliquée sans aggravation. >>

Cette nouvelle échelle pénale s'appuie sur un juste motif. Il est certain que la criminalité du fonctionnaire qui s'associe aux crimes ou délits que ses fonctions lui font un devoir de prévenir ou de réprimer, n'est pas la même que celle de tout autre agent; non-seulement il assume la responsabilité d'un crime commun, mais il trahit la mission de surveillance qui lui était confiée; il se sert de son autorité pour favoriser des actes qu'il doit empêcher, pour protéger des malfaiteurs, pour s'associer à la perprétation de leurs crimes. Les fonctions que la société lui a conférées pour qu'il la proté geât, il les tourne contre elle et s'en fait un instrument pour la blesser. C'est donc avec raison que cette criminalité plus grave a été jugée · passible d'une aggravation de peine.

Mais le système d'aggravation établi par l'art. 198 est-il à l'abri de tout reproche? La gradation échelonnée par cet article exprime-t-elle une juste distribution des peines? En principe, toute aggravation de peine, lorsqu'elle se puise dans une circonstance personnelle à l'agent, doit être resserrée dans d'étroites bornes [2]. Elle peut, en effet, entraîner un degré plus élevé de la même peine, mais non une peine différente et ́ d'un degré supérieur, car le fait à punir ne change pas de nature. La criminalité de l'agent est plus grave, mais elle n'altère pas le caractère de l'action. La peine établie par le Code pour la répression de cette action doit donc rester la

[1] Les gardes-champêtres sont fonctionnaires ou officiers publics, dans le sens de cet article. Br. cass. 17 novembre 1818; J. de B. 1818, f, 174.

même, seulement elle peut être élevée jusqu'au maximum. Cette règle n'a été suivie par l'art. 198 qu'à l'égard des matières correctionnelles; quand il s'est agi de crimes, la loi ne s'est plus contentée d'aggraver la peine commune, elle a infligé au fonctionnaire une peine d'un degré supérieur; de sorte que l'acte reçoit l'applica tion d'un châtiment qui, en règle générale, lui est inapplicable. Mais en outre, et par une singulière inadvertance, la loi n'a plus pris cette peine supérieure dans le même ordre de pénalités; ainsi, les peines de la reclusion, des travaux forcés à temps et à perpétuité, qui sont destinées à la répression des crimes communs, se trouvent substituées, à l'égard des fonctionnaires, aux peines du bannissement, de la détention dans une forteresse, et de la déportation, qui sont essentiellement réservées aux crimes politiques. D'où il suit que les crimes politiques auxquels un fonctionnaire chargé de leur surveillance aura participé, seront punis, par une exception à la règle générale, des peines qui ne sont applicables qu'aux crimes ordinaires. Cette anomalie est tellement flagrante, que le législateur belge en a proposé la correction dans le projet du Code pénal qu'il a soumis aux Chambres de ce pays [3],

Après ces premières observations sur le système de l'art. 198, il faut examiner les règles auxquelles son application est soumise. Ce n'est en premier lieu que hors les cas où la loi a réglé d'une manière spéciale la peine encourue par le fonctionnaire ou l'officier public, que cet article peut être appliqué. Il faut entendre par ces mots que, toutes les fois qu'en s'occupant d'un crime ou d'un délit la loi en a prévu la perpétration par les fonctionnaires ou officiers publics, cette disposition spéciale doit seule être appliquée; et ce n'est qu'au seul cas où la loi a posé une règle générale de répression, sans s'occuper de la qualité de l'agent, qu'à raison de cette qualité l'art. 198 peut être invoqué.

Cet article est ensuite restreint au seul cas où le fonctionaire ou l'officier public a participé à des crimes ou délits qu'il était chargé de surveiller ou de réprimer. Cette dernière condition de l'aggravation est aussi claire qu'elle est logique c'est parce que l'agent est chargé par ses fonctions de surveiller ou de réprimer tel acte, tel délit, que sa partici

[2] Voy. t. 1. p. 120.

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[3] Observations sur le Code pénal belge, par M. Ilaus, t. 2.

pation à ces acte, à ce délit, devient plus criminelle. Il est donc nécessaire d'établir la mission légale du fonctionnaire et sa compétence pour réprimer ou surveiller le délit auquel il s'est associé. Cette règle se réduit à une double appréciation des devoirs spéciaux du fonctionnaire et du caractère particulier du fait qu'il a favorisé. Mais il est plus difficile de fixer le sens de cette participation au crime, que la loi exige comme une autre condition de l'aggravation. De cette expression que la loi n'a pas définie, faut-il induire la nécessité de la coopération d'un tiers? ou cette aggravation est-elle applicable encore, si le fonctionnaire, au lieu de participer au crime, l'a commis seul et sans coopération?

La Cour de cassation a décidé que cette expression enveloppait les deux cas [1]. Il s'agissait, dans l'espèce de son arrêt, d'un commissaire de police qui avait commis un vol d'argenterie dans un hôtel où il prenait ses repas. Elle déclara: «que ce vol ayant été commis par un individu chargé de surveiller et de réprimer les crimes et délits, cette circonstance lui donnait un caractère de criminalité que la loi punit plus sévèrement, sans exiger que, pour devenir applicable, l'accusé ait agi dans l'exercice de ses fonctions d'une manière plus directe que celle d'avoir été chargé de surveiller les crimes et délits qui peuvent se commettre [2]. » Cet arrêt ne juge toutefois la question qu'implicitement; la règle qu'il avait surtout pour objet de poser était qu'il n'est pas nécessaire, pour l'application de l'art. 198, que le fonctionnaire ait agi dans l'exercice de ses fonctions, et ce point n'était susceptible d'aucun doute.

Mais de graves motifs peuvent être invoqués dans le même sens; car il semble que celui qui commet directement un délit ne doit pas être puni moins sévèrement que celui qui concourt à la perpétration par une participation indirecte. L'extrait que nous avons cité de l'exposé des motifs paraît favoriser cette opinion, qui a été adoptée sans difficulté par les différents interprètes du Code pénal [3]. Cependant est-ce bien là le sens de l'article 198? est-ce là l'intention qui a présidé à la rédaction? En punissant la participation du fonctionnaire à des actes dont ses fonctions lui commandaient la surveillance, la pensée du législateur a été de punir la connivence des agents du pouvoir avec les délinquants, l'association criminelle

[1] La Cour de Bruxelles l'a également décidé Par arrêt du 17 nov. 1818. J. de B. 1818, 1, 174.

qui les lierait entre eux; c'est là l'idée que les termes de la loi révèlent, c'est aussi dans cette association que la criminalité du fonctionnaire puise une plus haute gravité. Car, s'il n'agit pas alors dans l'exercice de ses fonctions, il se sert du moins de ses fonctions pour faciliter l'exécution du délit, puisqu'il en paralyse l'action, puisqu'à dessein il ne les exerce pas. Or la perpétration du même délit a-t-elle les mêmes caractères quand l'agent le commet sans le concours des tiers et isolément ? Dans le premier cas, il trahit son devoir', il se coalise avec les individus qu'il doit surveiller, il place son autorité au service des malfaiteurs; dans l'autre hypothèse, au contraire, il n'agit que comme un simple particulier; il est plus coupable sans doute parce qu'il doit mieux connaître l'immoralité de l'action, mais du moins il ne rend pas son autorité complice du délit, il ne la livre pas à des tiers par suite d'une criminelle association; et assurément il y a moins de perversité et moins de péril social dans un acte isolé qui semble se voiler par son isolement même, que dans la coalition effrontée du fonctionnaire chargé d'une surveillance avec les malfaiteurs qu'il surveille. Ces nuances sont délicates peut-être, mais elles tendent à expliquer une distinction qui résulte d'un texte formel; car la participation à un crime suppose nécessairement la coopération de plusieurs agents; cette coopération, ce lien de complicité, voilà donc la circonstance aggravante établie par la loi. C'est donc à l'existence de cette circonstance que doit être subordonnée l'aggravation de la peine. On a pu sans doute arriver par le raisonnement à prouver la nécessité de cette peine plus forte, dans le cas de la perpétration isolée comme au cas de la participation; mais admettons que cette ap-. plication soit fondée en raison, elle ne le serait pas en droit, car on ne peut appliquer une peine par voie d'analogie, étendre une disposition répressive par voie d'interprétation. Ce n'est point assurément sans quelque hésitation que nous sommes résolus à contredire une opinion jusqu'à présent acceptée sans contradiction, mais nous avons dù énoncer nos raisons de douter, et nous croyons qu'elles méritent au moins d'être pesées.

Cette opinion semble d'ailleurs puiser quelque force dans le rapprochement des art. 198 et 462. Ce dernier article punit d'un tiers en sus de la

[2] Arr. 2 mai 1816.

[3] Carnot et Bourguignon sur l'art. 198.

peine les délits correctionnels de dévastation ou de dommages, lorsqu'ils ont été commis par des gardes champêtres ou forestiers ou des officiers de police. La difficulté de concilier ces deux dispositions a épuisé la science des interprètes. M. Carnot a prétendu que l'art. 462 s'appliquait aux délits commis hors de l'exercice des fonctions, et que l'art. 198 devait être invoqué, au contraire, à l'égard des faits commis dans cet exercice [1]. M. Bourguignon a facilement démontré l'inexactitude de cette explication: l'art. 198 ne dit point, en effet, que des dispositions s'appliqueront aux fonctionnaires ou officiers publics qui auront commis des crimes ou délits dans l'exercice de leurs fonc tions, mais qu'elles s'étendront à ceux qui auront participé aux crimes ou délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou de réprimer. Mais ce jurisconsulte s'arrête après cette observation, et n'énonce aucun mode de conciliation [2]. Et en effet, en adoptant l'interprétation de la Cour de cassation, il devient impossible de combiner ces deux articles: car quels motifs de la dérogation de l'art. 462 au principe de l'art. 198? et pourquoi ces deux dispositions contradictoires appliquées aux mêmes agents dans deux espèces identiques? Dans le système que nous proposons, au contraire, ces deux articles se concilient sans nulle difficulté; car l'art. 198 ne prévoit, suivant nous, que les cas de complicité du fonctionnaire avec les malfaiteurs, tandis que l'art. 462 punit la perpétration directe et isolée de certains délits par l'officier lui-même : ce sont donc deux espèces distinctes, deux hypothèses différentes que le Code a énoncées dans des termes divers, et aux quelles il n'a point dû attacher les mêmes peines. L'art. 462 restreint nécessairement l'art. 198 dans le sens que nous lui avons donné; et re

[1] Comm. du Code d'inst, crim, sur l'art. 9, obs.

3 et 10.

marquons enfin que dans l'art. 462 l'action directe du fonctionnaire n'est point punie d'une peine supérieure à la peine commune ou du maximum de cette peine, mais seulement du tiers en sus de cette même peine. Dans un Code où toutes les dispositions se tiennent et s'enchaînent comme l'expression d'une pensée générale, cette différence de pénalité confirme nos précédentes réflexions sur la distance morale qui sépare les deux actes.

L'énumération des peines tracées par l'art. 198 est claire et ne donne lieu qu'à peu d'observations: il importe seulement de rappeler que ces peines sont dominées par la disposition générale de l'art. 463 qui s'applique à toutes les peines prononcées par la loi, lorsque le jury a déclaré des circonstances atténuantes en faveur des accusés. Toutefois l'application de cet article a soulevé quelques incertitudes à l'égard du 2o paragraphe de l'art. 198, qui dispose que les coupables, s'il s'agit d'un délit de police correctionnelle, subiront toujours le maximum de la peine attachée à l'espèce du délit. On a pensé que cette expression devait exclure, dans ce cas spécial, la règle générale d'atténuation. Mais les termes du dernier paragraphe de l'art. 463 sont généraux et absolus; ils comprennent donc l'art. 198 comme les autres. Ce qui résulte du mot toujours, employé dans ce dernier article, c'est que les tribunaux doivent prononcer contre les fonctionnaires publics, pour les cas qui y sont spécifiés et en matière correctionnelle, le maximum,de la peine, à moins qu'il n'y ait des circonstances atténuantes ; car on ne peut raisonnablement supposer que, dans les délits dont l'art. 198 prescrit une répression sévère, il ne puisse se présenter de circonstances atténuantes. Telle est aussi la doctrine adoptée sur ce point par la Cour de cassation [3].

[2] Jurisp. des Cod. crim. t. 3, p. 200. [3] Arr. cass. 27 juin 1834.

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