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DES TROUBLES APPORTÉS A L'ORDRE PUBLIC PAR LES MINISTRES DES CULTES. 223

CHAPITRE XXIX.

DES TROUBLES APPORTÉS A L'ORDRE PUBLIC PAR LES MINISTRES DES CULTES DANS L'EXERCICE DE LEUR MINISTÈRE.

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Quel est le caractère des ministres des cultes? — Ils ne sont pas fonctionnaires publics. Conséquences de cette règle. — Différence entre les cas d'abus et les délits qu'ils commettent. – Le délit, quoique qualifié abus, doit étre poursuivi comme délit. — Les dispositions du Code s'appliquent aux ministres de tous les cultes. — § Ier. Des contraventions propres à compromettre l'état civil des personnes. — Célébration du mariage religieux avant le mariage civil. — Triple caractère de ce fait, successivement contravention, délit et crime.— Limites de l'application des urt. 199 et 200. - § II. Des critiques, censures ou provocations dirigées contre l'autorité publique dans un discours pastoral prononcé publiquement. — Conciliation des articles 201 et 202 avec la loi du 17 mai 1819. — Caractères des délits et crimes prévus par ces articles. —§ III. Des critiques, censures ou provocations dirigées contre l'autorité publique dans un écrit pastoral. — Caractères de ce crime. · Antinomie entre les art. 205 et 208.—§ IV. De la correspondance des ministres des cultes avec les cours ou puissances étrangères sur des matières de religion. — Cette incrimination n'est pas contraire au principe de la liberté des cultes.— Caractères qu'elle doit renfermer. — Inapplication des dispositions de ce chapitre. (Commentaire des articles 199, 200, 201,202, 203, 204, 205, 206, 207 et 208 du Code penal.)

Le Code pénal s'est occupé à différentes fois des délits qui peuvent naître de l'exercice des cultes, soit pour réprimer les écarts de leurs ministres, soit pour les protéger contre les ou trages auxquels ils sont exposés, soit pour soumettre leurs actes à des règles de surveillance. « Ces diverses dispositions, porte l'exposé des motifs, se lient ensemble et forme un Code complet, relatif au libre exercice des cultes; elles consacrent ce grand bienfait de la puissance et de la raison, précieux et admirable résultat des lumières et de la politique; elles empêchent qu'il ne soit troublé par la violence ou ne puisse devenir nuisible. » Nous n'avons à nous occuper dans ce chapitre que des délits que les ministres des cultes peuvent commettre dans l'exercice de leurs fonctions.

Le Code a séparé les délits de ces ministres de ceux des fonctionnaires publics, parce que, suivant le même exposé des motifs, « les ministres des cultes, à qui nulle autorité temporelle n'est départie, mais dont l'influence et la con

[1] Arr. cass. 23 juin 1831 et 9 sept. 1831; S. 1831, 1, 264 et 353. - Voy. dans le même sens Br. 11 janv. 1827; J. de Br. 1827, 1, 317'; J. du

duite ne sauraient être étrangères à la paix publique, n'entrent point dans la classe de ces fonctionnaires. » Le prêtre, en effet n'est point un fonctionnaire public, car il ne tient aucune mission de l'État, il n'est revêtu d'aucun caractère civil, il n'exerce aucune portion de l'autorité publique. Ses fonctions sont toutes religieuses; elles s'arrêtent aux portes du temple. Ce principe, que nous aurons lieu d'appliquer plus loin, a été à plusieurs reprises consacré par la jurisprudence [1].

On en a déduit la conséquence que les ministres des cultes ne doivent point jouir du privilége que l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an VIII n'accorde qu'aux agents du gouvernement, et que dès lors ils peuvent être poursuivis, à raison des délits qu'ils commettent, sans autorisation préalable du Conseil d'état [2]. A la vérité, les art. 6 et 8 de la loi du 18 germinal an x ont établi la nécessité d'un recours au Conseil d'état, et de l'autorisation de ce Conseil dans tous les cas d'abus de la part des ecclésiastiques. Mais

19e s., 1827, 3, 190.

[2] Arr. cass. 23 juin 1831 et 9 sept. 1831; S. 1831, 1, 264 et 353.

cette formalité, restreinte aux cas d'abus, ne peut être étendue aux délits [1]. Toutefois la Cour de cassation a fait une distinction entre l'action publique et l'action privée le ministère public peut poursuivre d'office sans autorisation, car la loi n'impose point expressément cette condition à l'exercice de son action, et il est de règle qu'elle ne peut éprouver d'autres entraves que celles qu'élèverait une loi expresse. Mais il n'en serait plus de même à l'égard de l'action dirigée par une partie lésée, parce que l'art. 8 de la loi du 18 germinal an X mentionne spécialement le cas où il y a plainted'une partie, et exige dans ce cas l'autorisation [2]. On peut répondre que, dans ces deux hypothèses, la raison de décider est la même; lorsque le fait prend le caractère d'un délit, il cesse d'être soumis aux règles qui ne concernent que les abus, il est saisi par le droit commun; toute la difficulté est d'apprécier le véritable caractère du fait.

Ou l'acte commis par le prêtre, dans l'exercice de ses fonctions, constitue un délit prévu par la loi, ou seulement une infraction aux règles de la discipline ecclésiastique. Dans le premier cas, il importe peu que le délit se trouve compris dans l'énumération générique des cas d'abus faite par l'art. 6 de la loi du 18 germinal an X ; le prêtre est soumis aux mêmes lois et aux mêmes peines que les autres citoyens; la loi ne lui a point conféré de priviléges; il suffit que le cas d'abus ait été qualifié délit pour que son premier caractère soit absorbé par cette qualification [3]. Mais si l'acte, compris parmi les cas d'abus, ne constitue ni délit ni contravention, les règles de la discipline ecclésiastique continuent leur cours, et les formes prescrites pour l'action des parties lésées sont maintenues. Cette distinction suffit pour séparer les abus et les délits, et pour empêcher qu'aucune entrave n'arrête l'application de la loi pénale.

Il est nécessaire d'éclaircir encore un point douteux de la loi avant d'entrer dans l'examen des dispositions qui font l'objet de ce chapitre. La jurisprudence, en appliquant les lois relatives aux cultes, a crée une distinction, dont l'art. 1er de la loi du 25 mars 1822 lui a fourni la formule, entre les cultes légalement reconnus par l'Etat et ceux qui ne le sont pas : cette distinction doit elle s'appliquer à la section qui fait l'objet de notre examen? Par ces mots : les ministres d'un culte, ne faut-il entendre que les ministres d'un culte autorisé ? Nous ne le pensons pas. La loi, en proclamant la liberté des cultes [4], n'a point soumis leur existence à de certaines conditions; l'existence d'un culte est un fait moral qui doit s'apprécier d'après les circonstances, le nombre des personnes qui le professent, les doctrines qui en font la base : il y a culte, dans le sens le plus large de ce mot, toutes les fois qu'une agrégation d'individus se réunit pour adorer en commun et avec des rites convenus la Divinité. Or, faut-il restreindre le sens de ce terme pour n'incriminer que les délits des ministres des cultes reconnus? Mais quel motif de cette restriction? Les cultes non reconnus méritent-ils donc plus de faveur? offrent-ils moins de danger? Les mêmes paroles qui seront poursuivies lorsqu'elles s'élancent d'une chaire autorisée par le gouvernement, seront-elles à l'abri des mêmes poursuites parce que la chaire qui les laisse tomber appartient à un culte nouveau? Il est visible que cette distinction n'est pas dans l'esprit de la loi pénale et, puisque aucun de ses termes ne l'autorise, il est impossible de l'admettre.

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Après ces règles générales posées, nous allons entrer dans l'examen des dispositions du Code. Les crimes et délits des ministres des cultes, dans l'exercice de leur ministère, sont divisés en plusieurs classes.

[1] Les ministres des cultes peuvent, comme tous autres citoyens, être poursuivis directement devant les tribunaux, pour tous délits prévus par les lois pénales ordinaires, lors même qu'ils les ont commis dans l'exercice de leurs fonctions, et le recours préalable au Conseil d'état est seulement requis à l'égard des délits particuliers qu'ils ne peuvent commettre qu'en leur qualité d'ecclésiastiques. Br. cass. 10 mars 1827; J. de B. 1827, 1,

[3] Le ministre du culte qui, dans un sermon prononcé publiquement dans une église, désigne la maison d'un particulier comme un lieu de libertinage et de débauche, se rend coupable du délit de calomnic. Br. cass. 3 janv. 1827; J. de B. 1827, 1, 34 et 363; J. du 19 s., 1827, 3, 105.

[4] La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage [2] Arr. cass. 9 sept. 1831; 18 fév. 1836; S. 1831, de ces libertés. Const. belge, art. 14. 1, 353.

363.

S Ier.

Des contraventions propres à compromettre l'état civil des personnes.

En séparant la puissance civile et la puissance religieuse, la loi a dû prévoir que, dans les premiers temps surtout qui suivraient cette séparation, les ministres des cultes, soit par suite d'habitudes prises, soit par conviction de leurs droits, tenteraient de ressaisir quelques débris du pouvoir qui leur échappait. Les actes de l'état civil, longtemps confiés aux mains des ministres du culte catholique, semblaient surtout devoir être l'objet de ces empiétements. Déjà la loi du 7 vendémiaire an IV avait défendu, sous des peines sévères, d'accorder aucune autorité aux attestations relatives à l'état civil et émanées de ces ministres. Il fallut ensuite que le législateur inscrivit, dans le concordat du 18 germinal an X, la défense imposée aux mêmes ministres de donner la bénédiction nuptiale aux personnes qui ne justifieraient pas avoir contracté le mariage civil. Cette interdiction fut étendue aux ministres des cultes dissidents et du culte israélite.

Les art. 199 et 200 sont la sanction de ces dispositions [1]; l'exposé des motifs développe la nécessité de ces articles en ces termes : « Les ministres qui procèdent aux cérémonies religieuses d'un mariage, sans qu'il leur ait été justifié de l'acte de mariage reçu par les officiers de l'état civil, compromettent évidemment l'état civil des gens simples, d'autant plus disposés à confondre la bénédiction nuptiale avec l'acte constitutif du mariage, que le droit d'imprimer au mariage le sceau de la loi était naguère dans les mains de ces ministres. Il importe qu'une si funeste méprise ne se perpétue point. >>

La loi a limité cette intervention pénale aux seules cérémonies du mariage. La commission du Corps législatif avait proposé d'interdire également la célébration des cérémonies religieuses relatives aux naissances et aux décès, avant que l'autorité civile en eût dressé les actes. Les raisons alléguées par le Conseil d'état pour repousser cette extension sont sans réplique: « Les inhumations sont faites et constatées par les officiers de l'état civil. La part que les ecclésiastiques y prennent, sous le rapport du culte,

[1] L'arrêté du gouvernement provisoire du 16 octobre 1830 n'a pas abrogé l'art. 199 du code pénal, qui frappe d'une peine le ministre d'un culte qui procède aux cérémonies religieuses d'un mariage, sans qu'il lui ait été justifié d'un acte de

CHAUVEAU. T. II.

ne diminue ni les droits ni les devoirs de ces officiers. Il est donc impossible d'étendre la loi à ce cas. A l'égard des baptêmes, on peut prétendre qu'il y en a d'urgents et qui pressent plus que l'inscription civile, pour laquelle la loi donne trois jours. La disposition doit donc être restreinte aux mariages. >>

Les articles 199 et 200 sont ainsi conçus . « Art. 199. Tout ministre d'un culte qui procédera aux cérémonies religieuses d'un mariage, sans qu'il lui ait été justifié d'un acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil, sera, pour la première fois, puni d'une amende de 16 francs à 100 francs. >> « Art. 200. En cas de nouvelles contraventions de l'espèce exprimée en l'article précédent, le ministre du culte qui les aura commises sera puni, savoir pour la première récidive d'un emprisonnement de deux à cinq ans, et pour la seconde, de la détention. >>

Ces dispositions impriment au même fait trois caractères, trois criminalités diverses, suivant l'intention présumée qui a dirigé son auteur. Si le ministre du culte omet une seule fois d'exiger la justification du mariage civil, la loi ne voit dans cette omission qu'une simple négligence, et cette négligence ne constitue à ses yeux qu'une contravention matérielle; il est même à remarquer qu'ici le Code, dérogeant à la classification formulée par son article 1er, a positivement qualifié contravention un fait qu'il punissait d'une peine correctionnelle. Si l'infraction se renouvelle, elle prend dans cette récidive le caractère d'un délit moral, parce que la réitération semble indiquer une résolution arrêtée de substituer le ministère ecclésiastique à celui des seuls officiers reconnus par l'autorité publique, et de rem placer par des cérémonies religieuses des actes qui, aux yeux de la loi, sont purement civils : c'est alors un acte, non plus de négligence, mais d'usurpation de pouvoir qui révèle une pensée de désobéissance à la loi. Enfin, à la troisième infraction, l'action revêt le caractère d'un crime, parce que, suivant l'expression de l'orateur du gouvernement, celui qui a failli` trois fois se place évidemment dans un état de désobéissance permanente et de révolte contre la loi.

mariage préalablement reçu par l'officier de l'état civil. Br. cass. 27 nov. 1834; Bull. de cass. 1835, p. 17; Liége, 10 avril 1835 et 6 mars 1837; J. de Belg. 1836, p. 34, et 1837, p. 232; Const. belge, art. 16.

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On trouve l'origine de cette gradation dans les délibérations du Conseil d'état. « M. Regnaud dit qu'il conçoit trois positions différentes ou le curé se contente de l'assertion des parties qui sont effectivement mariées; c'est le cas de négligence ou l'assertion des parties est fausse, et néanmoins le curé passe outre; dans cette hypothèse, il y a faute de sa part ou enfin le curé persuade aux parties qu'il n'est besoin que de la bénédiction nuptiale pour rendre le mariage légitime; alors il y a délit. M. Cambacérès répond que ces distinctions sont exactes, mais qu'il serait difficile de les prendre pour guides dans l'application. Comment prouver que le curé a dissuadé les parties de se retirer devant l'officier de l'état civil? Il est plus simple de graduer la peine d'après les récidives, et l'on arrive également par là aux distinctions que M. Regnaud a proposées. La première faute ne doit être considérée que comme l'effet de la négligence, la deuxième comme un délit, la troisième comme un crime [1]. »

L'art. 199 semble faire résulter la contravention de la seule omission d'avoir exigé la justification légale du mariage civil. Cependant si les parties étaient effectivement mariées, la poursuite n'aurait plus de base, car quel en serait le but, puisqu'il n'y aurait alors nul préjudice possible? Si l'on admettait une autre interprétation, on arriverait à confondre dans la même peine le défaut de justification d'un acte, quand le ministre peut avoir eu la preuve acquise de la célébration du mariage civil, et la célébration du mariage religieux avec la conviction que le mariage civil n'a pas eu lieu. La loi pénale a voulu punir la simple négligence, mais à condition toutefois que cette négligence ait pu être dommageable. Cette interprétation, sur laquelle les termes de l'article 199 jettent quelque incertitude, se trouve parfaitement éclaircie par les discussions du Conseil d'état. On y lit, en effet, qu'un membre du Conseil avait proposé d'infliger la peine de l'amende à l'ecclésiastique qui négligerait de se faire représenter l'acte de mariage des parties qui seraient d'ailleurs mariées, et la peine de l'emprisonnement dans le cas où elles ne le seraient pas. M. Berlier répondit qu'il ne comprenait pas bien la distinction proposée, et moins encore son utilité : « Car, ajouta-t-il, si le mariage a été préalablement reçu par l'of

[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance do 29 août 1809.

ficier de l'état civil, il n'y aura ni parties lésées, ni lieu à rechercher le ministre du culte, qui en tout cas dirait, `ou qu'on lui a représenté l'acte, ou qu'il le connaissait pour y avoir assisté lui-même. L'article ne reçoit donc réellement son application qu'à la bénédiction nuptiale, conférée à des personnes non préalablement liées par le contrat civil, et que la cérémonie religieuse aurait induites en erreur sur leur état, si elles eussent regardé le ministre du culte comme capable de le leur conférer [2]. »

§ II.

Des critiques, censures ou provocations dirigées contre l'autorité publique dans un discours pastoral prononcé publique

ment.

Si les cultes sont libres dans leur exercice, c'est à la condition qu'ils se renfermeront dans les limites qui leur sont assignées par leur mission sainte; si leurs ministres peuvent librement annoncer leurs enseignements, c'est à la condition que leur parole sacrée, uniquement vouée aux choses de la religion, ne mêlera point à ces intérêts éternels les éphémères intérêts de la société civile. La chaire ne doit compte à personne des discours dont elle a retenti, tant qu'elle s'est renfermée dans cette sphère; sa responsabilité ne commence que lorsqu'elle a empiété sur un terrain qui lui est étranger. C'est cette limite que la loi pénale a eu pour but de protéger.

Sous notre ancien droit, les prédicateurs qui, dans leurs sermons, se servaient de paroles scandaleuses et qui tendaient à émouvoir le peuple, étaient punis par les juges royaux comme perturbateurs du repos public: la déclaration du 22 septembre 1595 prononçait contre eux la peine du bannissement à perpétuité. La législation intermédiaire, s'appliquant à des temps qui apportaient au clergé plus de causes d'irritation, déploya une sévérité sans bornes : l'art. 23 de la loi du 7 vendémiaire an IV condamnait à la gêne (détention solitaire) à perpétuité tout ministre du culte qui, soit par des discours, soit par des écrits, provoquait le rétablissement de la royauté, l'anéantissement de la république et la désertion, ou qui exhortait à la trahison ou à la rébellion envers le gouvernement. Telles sont les

[2] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 29 août 1809.

dispositions que le Code pénal a dù modifier qu'elle régit; aussi l'art. 26 de la loi du 17 mai en les reproduisant.

On lit dans l'exposé des motifs : « Trop sonvent des prédications insensées ont pris dans les chaires de l'Évangile la place du langage sacré de la morale et de la vertu, et des hommes cavoyés pour bénir se sont trop souvent permis de maudire. Trop souvent le fanatisme a fait cntendre sa funeste voix là où la religion seule devait parler, et la société tout entière a été ébranlée dans ses fondements et blessée dans ses plus précieux résultats. La répression de ces délits était un devoir du législateur, et ils at taquaient trop cruellement la paix et la sécurité publique pour n'être pas mis au rang de ceux qu'une juste punition doit atteindre. Des peines sont donc prononcées contre tous les ministres des cultes qui, dans leurs discours, dans leurs écrits, dans leurs instructions, auraient censuré le gouvernement, ses lois, ses décrets, et généralement tous les actes de l'autorité civile, excité à leur désobéir, appelé la révolte contre eux, et tenté, par des déclamations criminelles, d'armer les citoyens les uns contre les autres. »

Ce délit prend deux caractères distincts, suivant qu'il est commis dans un discours ou dans nn écrit pastoral. Nous avons à nous occuper d'abord, dans ce paragraphe, du cas où il se révèle dans les paroles mêmes du prêtre. Mais une question préliminaire, et qui se rattache aux deux modes de perpétration, doit être examinée en premier lieu, Une législation spéciale régit les délits qui se commettent par voie de publication; ces délits ont été définis et punis par la loi du 17 mai 1819 [1], dont les incriminations ont été depuis développées par les lois des 25 mars 1822 et 9 septembre 1835. Or, quel a été l'effet de cette législation sur les art. 202 et suivants du Code pénal? Ces articles en ontils subi quelques modifications? Il faut répondre négativement. La loi du 17 mai 1819 a posé des règles générales pour la répression des délits commis par voie de publication; le Code pénal n'a fait que tracer, au contraire, quelques règles particulières pour la répression de certains délits commis par une voie spéciale de publication et par une seule classe de personnes. Ces deux législations se concilient donc facilement entre elles l'une punit les délits communs, l'autre ne punit que quelques délits particuliers de la parole et de la presse. Celleci conserve donc toute sa force pour les cas

:

[1] En Belgique par la loi du 20 juillet 1831.

1819 n'a point compris les art. 202 et 203 du Code parmi ceux qu'il abroge; mais hors de ces cas spécialement prévus par le Code, le ministre des cultes qui se rendrait coupable d'un délit commun de publication subirait nécessairement l'application de la législation générale de la presse, car dès que l'exception cesse de le régir, il retombe sous l'empire de la loi commune [2]. L'acte qui fait l'objet des art. 201, 202 et 203 est identique quant à sa nature et au mode de sa perpétration; il s'agit, en effet, dans ces trois articles, d'un discours prononcé par un ministre du culte dans l'exercice de son ministère et en assemblée publique. Mais la peine prend des degrés différents de gravité, suivant l'objet du discours et surtout suivant les effets qu'il produit : la loi distingue, pour établir cette gradation, si le discours ne renferme qu'une simple censure des actes du gouvernement, s'il contient une provocation directe à la désobéissance, enfin si cette provocation a été suivie de séditions.

L'art. 201, qui prévoit le premier terme de cette gradation, est ainsi conçu : « Les ministres des cultes qui prononceront dans l'exercice de leur ministère et en assemblée publique un discours contenant la critique ou censure du gouvernement, d'une loi, d'une ordonnance royale ou de tout autre acte de l'autorité publique, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans. >>

Il faut distinguer dans cette disposition les conditions de l'incrimination du discours qui sont communes aux trois articles, et le caractère de ce discours qui détermine l'intensité de la peine. Il est nécessaire, pour motiver les poursuites, que le discours ait été prononcé par un ministre du culte dans l'exercice de son ministère et en assemblée publique. Ce sont là les éléments essentiels du délit; si les paroles répréhensibles n'ont pas été proférées devant l'assemblée des fidèles et lorsque le ministre exerçait son sacerdoce, elles peuvent être incriminées encore en vertu des lois communes; elles ne sauraient l'être en vertu des dispositions spéciales du Code. C'est le sectaire fanatique, c'est le prédicateur séditieux que la loi a voulu atteindre; quand il est descendu de la chaire, quand il ne catéchise plus, le prêtre n'est plus qu'un citoyen soumis, pour ses paroles, aux règles de responsabilité commune à tous les citoyens.

[2] Voy. Const. belge, art. 14.

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