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CHAPITRE XXX.

de la rébellion.

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Caractères généraux de la résistance, de la désobéissance et autres manquements envers l'autorité publique. Division des circonstances caractéristiques et aggravantes de la rebellion. Quelles sont les violences et voies de fait élémentaires de ce delit? — Les outrages et les menaces ne rentrent pas dans cette classe. — Mais il n'est pas nécessaire que des coups ou blessures aient été portés. - Quels sont les agents envers lesquels les violences ont dú s'exercer? — Il est nécessaire qu'elles aient eu lieu envers leur personne. Les voies de fait exercées sur les propriétés ne constituent pas la rébellion. — Il n'y a rébellion que lorsque les préposés agissent pour l'exécution des lois ou des ordonnances de l'autorité publique ou de la justice. — Les actes qui tendent à faire cesser l'exécution ne constituent pas la rébellion. — Y a-t-il délit lorsque les agents procèdent en vertu d'actes irréguliers ou en dehors de leurs fonctions? Jurisprudence de la Cour de cassation. — Expose de la legislation sur cette question. Distinction entre les actes irréguliers et les excès de pouvoir. — Des circonstances aggravantes du delit. · Aggravation résultant du nombre de personnes qui y ont pris part.—Du port d'armes. Dans quels cas il y a réunion.- Réunion armée. · Rapports des pénalités avec ces circonstances. De l'excuse établie en faveur de ceux qui se sont retirés au premier avertissement de l'autorité. — Reunions assimilées à la rébellion. - Mode d'exécution des peines encourues par des détenus pour délit de rebellion. — De la provocation à la rébellion. — Abrogation de l'art. 217.—La disposition de l'art. 221 relative aux provocations est-elle encore en vigueur? (Commentaire des art. 209 à 221 du Code pénal.)

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Nous ne sommes point au terme de la longue nomenclature des crimes et des délits qui sont spécialement dirigés contre la paix publique. Aux abus de pouvoir des fonctionnaires, aux empiétements des ministres des cultes, succède cette classe d'infractions qui puise sa criminalité dans une sorte de lutte contre l'autorité publique, et qui se manifeste par des actes d'une coupable désobéissance. Ces infractions, que le Code de 1791 qualifiait offenses à la loi, se divisent en huit classes: la rébellion, les outrages et violences envers les dépositaires de l'autorité publique, les refus de services, l'évasion des détenus et le recèlement des criminels, les bris de scellés, les dégradations de monuments, l'usurpation des titres, et enfin les entraves au libre exercice des cultes. Nous allons parcourir cette nouvelle série de délits, et hous nous occuperons en premier lieu, dans ce chapitre de la rébellion.

La loi pénale distingue deux espèces de rébellion, qui diffèrent d'après le but que l'agent se propose et les moyens d'exécution qu'il em

ploie : l'une s'attaque aux pouvoirs mêmes de l'Etat, et les moyens qu'elle met en œuvre sont la guerre civile et la dévastation; l'art. 91 du Code qualifie d'attentat à la sûreté de l'État cette sorte de rébellion, et nous en avons fait l'objet de notre chapitre 18. L'autre n'est dirigée que contre des actes isolés des agents de l'autorité, et elle n'entrave l'exercice de la puissance publique qu'en paralysant quelquesuns de ses moyens d'action par une résistance locale et des violences instantanées ; c'est à cette espèce d'offense que la loi a réservé le nom spécial de rébellion, et c'est ce délit qui va faire l'objet de notre examen.

Cette matière se divise naturellement en deux parties nous établirons en premier lieu les circonstances caractéristiques de la rébellion; nous examinerons ensuite les circonstances aggravantes qui servent de base à la gradation des pénalités.

Les caractères de la rébellion sont fixés par l'article 209, qui est ainsi conçu : « Toute attaque, résistance avec violences et voies de fait

envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les préposés des douanes, les séquestres, les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire, agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou jugements, est qualifiéc, selon les circonstances, crime ou délit de rébellion.>>

Ainsi, et d'après les termes mêmes de la loi, la rébellion est toute attaque ou résistance avec violences et voies de fait envers les agents de l'autorité publique, agissant pour l'exécution des lois et des ordonnances, soit de l'autorité publique, soit de la justice. On a reproché à cette définition d'être trop large et de s'étendre trop facilement à des actes qui n'étaient pas entrés dans la prévision primitive de la loi. Il nous paraît au contraire qu'elle exprime avec autant de netteté que de précision les caractères essentiels de la rébellion, et peut-être a-t-on reporté sur la loi un reproche qui ne devait s'appliquer qu'à l'interprétation qu'on lui donnait. Nous devons donc nous attacher à préciser les circonstances caractéristiques du délit ; ces circonstances sont au nombre de trois il faut qu'il y ait eu attaque ou résistance avec violences ou voies de fajt; que cette attaque ou cette résistance ait eu lieu envers les agents que la loi énumère; enfin, qu'elle se soit manifestée au moment où ces agents agissaient pour l'exécution des lois ou des ordonnances de l'autorité publique ou de la justice. Nous allons reprendre avec quelque développement ces trois conditions de l'existence du délit, dont la dernière surtout a donné lieu aux plus graves difficultés.

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verberetur vel pulsetur [1]. L'ordonnance de 1670 s'occupait également, dans ses dispositions, de la procédure à suivre contre les rébellions à justice avec force ouverte ; et l'article 34 de l'ordonnance de Moulins (de février 1566) défendait, sous peine de la vie, d'excéder aucun des officiers, huissiers, ou sergents faisant ou exploitant actes de justice. Enfin le Code de 1791, prenant les expressions que notre Code n'a fait que reproduire, définissait la rébellion une opposition avec des violences et voies de fait (2o part., tit. 1, sect. 4, art. 1).

Les outrages et les simples menaces peuvent constituer des délits particuliers, mais ne forment point le délit de rébellion, car ce ne sont point là des voies de fait. Il ne suffit pas que les agents de l'autorité soient empêchés d'exécuter ses mandements, il faut qu'ils soient arrêtés par les actes matériels d'une force active. Cependant il n'est pas nécessaire que des coups aient été portés; si les agents ont été couchés en joue par des rebelles armés de fusils [2], s'ils ont été poursuivis par des individus armés de fourches et de faux, et qui tenaient ces instruments suspendus sur leurs têtes, en les menaçant de les en frapper [3], il faudrait reconnaître dans ces actes, ainsi que l'a fait la Cour de cassation dans ces deux espèces, les violences et les voies de fait nécessaires pour constituer le délit [4].

La même Cour a jugé qu'il faut distinguer l'attaque de la résistance; que l'attaque constitue la rébellion, sans qu'il soit nécessaire de constater qu'elle a été accompagnée des circonstances caractéristiques de violences et de voies de fait; mais que la résistance ne peut être qualifiée crime ou délit qu'autant qu'elle est accompagnée de ces circonstances [5]. Cette distinction ne nous paraît point fondée et pour

Le premier élément de la rébellion est qu'elle se produise par l'attaque ou la résistance avec violences et voies de fait. Ces violences sont de l'essence du délit; sans elles on ne pourrait induire en de graves erreurs. La raison qui rait concevoir de rébellion. La loi romaine définissait même la nature des voies de fait : hác lege (Julià de vi privatá) tenetur is qui convocatis hominibus vim fecerit quo quis

[1] L. 2, Dig ad. leg. Jul, de vi privatá. [2] Arr. cass. 28 juill. 1808; S. 1807, 2, 1167; 16 mai 1817; Dalloz, t. 27, p. 34.

a déterminé cette décision est que les circonstances des violences ou voies de fait sont inséparables de l'attaque; mais cette indivisibilité est loin d'être certaine, car un simple outrage

rébellion, une véritable attaque avec violences et
voies de fait, envers le notaire lui-même.
Un notaire doit être considéré comme un officier

[3] Arr. cass 28 mai 1807; Dalloz, t. 27, p. 26; ministériel. Br. 23 fév. 1833; J. de B. 1833, 191. S 1807, 2, 1161.

[4] Le fait d'avoir empoigné et chassé des témoins instrumentaires appelés par un notaire à la passation d'un testament, rentre dans l'application des art. 209 el 212 comme constituant un délit de

[5] Arr. cass. 2 juill. 1835. Il n'y a pas délit de rébellion si la résistance opposée n'a été accompagnée d'aucune voie de fait et n'a été en quelque sorte que passive. Liége, 27 mars 1835; J. de Belg. 1835, p. 464; S. 1821, 1, 164.

ou des menaces verbales pourront être considé rés comme une attaque, dès que cette attaque ne sera plus définie par les deux circonstances qui la caractérisent. On ne peut d'ailleurs supposer que la loi ait voulu donner une valeur différente, des éléments divers aux faits d'attaque et de résistance, lorsque ces faits sont présumés empreints de la même criminalité et sont punis des mêmes peines. Il est donc nécessaire de constater, dans l'un comme dans l'autre cas, les violences et les voies de fait qui seules constituent la rébellion.

Au reste, les expressions employées dans l'article 209, pour caractériser l'attaque ou la résistance avec violences et voies de fait, ne sont point sacramentelles; elles peuvent être remplacées par d'autres expressions, pourvu qu'elles présentent la même idée. C'est ainsi que la Cour de cassation a jugé que la rébellion était suffisamment caractérisée par la déclaration qu'il y avait eu opposition avec force et violence aux ordres d'un maire, et que le gendarme chargé de les faire exécuter avait été repoussé [1].

Le deuxième élément de ce délit est que l'attaque ou la résistance ait été commise envers les officiers ministériels, les gardes champêtres ou forestiers, la force publique, les préposés à la perception des taxes et des contributions, les porteurs de contraintes, les préposés des douanes, les séquestres, enfin les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire. On doit remarquer que cette énumération ne comprend point de fonctionnaires publics autres que les officiers de police. La raison en est que l'attaque on la résistance consistant, ainsi qu'on vient de le dire, dans l'emploi immédiat d'une force maté rielle, elle ne peut avoir lieu que contre les agents secondaires chargés d'exécuter les ordres de l'autorité; les fonctionnaires publics, à l'exception des officiers de police, n'exécutent jamais les ordonnances qu'ils rendent, et il ne s'agit ici que de la résistance à cette exé cution. Le Code de 1791 comprenait tous ces officiers dans l'expression générique de dépositaires quelconques de la force publique: la loi a substitué avec raison à ce terme abstrait une désignation qui fait disparaître les difficultés de l'interprétation.

pour qu'il y ait rébellion : qu'elles eussent été commises sur les choses confiées à la surveillance de ces agents. Ce point, incontestable d'ailleurs, a été reconnu par un arrêt de la Cour de cassation du 29 octobre 1812, dans une espèce où des blés mis en séquestre avaient été enlevés en enfonçant le grenier qui les enfermait. Les auteurs de cette voie de fait avaient été poursuivis pour rébellion; mais, sur leur pourvoi, la Cour de cassation déclara leur poursuite mal fondée : « attendu que les art. 209 et suivants supposent des voies de fait et des violences envers la personne des officiers ministériels, et que dans l'espèce il n'en avait été commis que sur la propriété du séquestre et non sur sa personne. »

Le troisième élément de la rébellion est clairement énoncé par l'article 209: il faut que les violences soient exercées envers les agents de l'autorité, ou moment où ils agissent pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l'autorité publique, des mandats de justice ou des jugements. Ces expressions ont néanmoins donné lieu à plusieurs questions.

En premier lieu, lorsque la résistance ne se manifeste pas au moment de l'exécution, mais qu'elle surgit pendant ou après cette exécution pour en interrompre ou en faire cesser l'effet : l'article 209 doit-il s'y appliquer ? Cette hypothèse avait été spécialement prévue par la loi du 22 floréal an II, qui déclarait les peines portées contre la rébellion par le Code de 1791 communes à quiconque emploiera même après l'exécution des actes émanés de l'autorité publique, soit des violences, soit des voies de fait, pour interrompre cette exécution ou en faire cesser l'effet. La question s'est élevée, depuis la promulgation du Code pénal, de savoir si cette disposition était encore en vigueur; mais un avis du Conseil d'état, approuvé le 8 février 1812, a décidé qu'elle se trouvait virtuellement abrogée par l'article 484 du Code pénal; et les motifs de cette décision sont : « que cette loi rentre par son objet sous la rubrique résistance, désobéissance et autres manquements envers l'autorité publique, qui forme l'intitulé de la section 4 ( liv. 3, tit. 1, chap. 3) du Code pénal, et que si elle ne se retrouve pas dans cette section qui règle véritablement et à fond toute la matière comprise dans la rubrique, et si elle n'y est pas remplacée par une disposition correspondante à ce qu'elle avait statué, c'est une preuve que le législateur à voulu l'abroger; et ne faire à l'avenir [1] Arr. cass. 15 oct. 1824; Dalloz, t. 27, p. 31. dériver du fait qu'elle avait caractérisé et qualifié

Il résulte du texte de la loi que les voies de fait doivent avoir été exercées envers la personne des préposés; il ne suffirait donc pas,

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de crime qu'une action purement civile. » Ainsi les termes de la loi ne doivent point être étendus au delà de leur sens propre; ainsi ce n'est qu'à l'instant où les officiers agissent pour l'exécution des lois ou des ordres de l'autorité, que les actes de résistance prennent le caractère de la rébellion; les troubles, les voies de fait même exercées postérieurement à cette exécution cesseraient d'assumer ce caractère; et pour les punir, il faudrait rechercher si les violences ne forment pas un délit particulier et distinct, tels que les coups et blessures, le vol ou le pillage, les destructions d'édifices l'opposition par voies de fait à la construction de travaux, etc. [1].

Une deuxième difficulté beaucoup plus grave, et depuis longtemps débattue, est de savoir si la résistance constitue encore un délit lorsqu'elle repousse l'exécution d'un acie irrégulier ou arbitraire. Cette question, qui touche aux considérations les plus élevées, et qui a fait naître au sein de la jurisprudence un dissentiment qui n'est point encore applani, appelle de notre part quelque développement.

La Cour de cassation a posé en principe que le délit est indépendant de la légalité de l'acte; cependant ses arrêts n'offrent pas sur ce point un corps de doctrine complétement homogène et toujours invariable. Dans une première espèce, la Cour de Toulouse avait jugé qu'i 1 n'y avait pas de rébellion dans la résistance opposée à des gendarmes qui voulaient s'introduire dans une maison particulière pour arrêter un déserteur, parce que cette introduction était irrégulière. La cour de cassation par arrêt du 16 avril 1812 [2], rendu sous la présidence de M. Barris et sur les conclusions de M. Merlin, décida, en appréciant les faits, que la gendarmerie n'avait pas agi irrégulièrement, et que dès lors il avait été exercé sur elle des violences qui constituaient une rébellion armée, dans un temps et dans un lieu où elle agissait légalement dans l'exercice de ses fonctions. Il est évident que cet arrêt consacre implicitement la règle posée par la Cour de Toulouse, qu'il n'y a pas rébellion contre la force armée lorsque celle-ci ne procède pas régulièrement ; car le motif sur lequel il repose est que la force armée avait agi dans l'espèce légalement et dans l'exercice de ses fonctions.

Dans une deuxième espèce dont il importe de préciser avec soin les faits, un huissier, assisté

[1] C'est dans ce sens qu'il faut concilier l'art. 600 du Code de proc. civ. avec l'art. 209 du Code pénal. [2] Bull. no 93.

de deux gendarmes, s'était rendu chez un particulier pour mettre à exécution un jugement rendu contre lui en matière civile et portant contrainte par corps. La résistance que cette exécution éprouva donna lieu à une poursuite pour rébellion; mais la juridiction correctionnelle déclara que les faits de résistance ne constituaient aucun délit, parce que l'huissier n'étant point accompagné du juge de paix, ne pouvait, aux termes de l'art. 781, no 5, du Code de procédure civile, arrêter un citoyen dans sa maison. La Cour de cassation infirma cette déclaration en disant : « que du défaut de cette formalité résultait bien en faveur de la partie une action pour faire déclarer la nullité de l'exécution par corps et demander des dommages-intérêts; mais que le défaut de ladite formalité, dont l'appréciation n'appartenait qu'au juge compétent, ne l'autorisait point à commettre des violences et voies de fait envers l'huissier, qu'en effet, d'après l'article 209, il y a crime ou délit de rébellion dans la résistance avec voies de fait et violences envers les officiers ministériels, par cela seul qu'étant porteurs de mandats de justice, ils agissent pour leur exécution; que cet article ne subordonne pas le crime ou délit au plus ou moins de régularité des formes avec lesquelles les officiers ministériels peuvent procéder, les particuliers n'ayant pas le droit de se constituer juges de ces formes pour refuser avec violences et voies de fait l'obéissance due à la loi et aux actes qui en émanent [3]. »

Dans une troisième espèce parfaitement analo-. gue à celle-ci, il s'agissait de la résistance opposée à l'exécution d'un ordre d'arrestation donné par le commissaire de police hors le cas de flagrant délit, et la Cour de cassation posa également en règle : « que l'illégalité d'un acte ne peut en aucun cas autoriser un particulier à s'y opposer avec violences ou voies de fait ; que le système contraire qui conduirait directement à autoriser chaque particulier à se constituer juge des actes émanés de l'autorité publique, serait subversif de tout ordre public, qu'il ne serait fondé sur aucune loi, et qu'il ne peut être admis [4]. »

Ces deux arrêts s'éloignent évidemment du système consacré par le premier: ils décident que l'irrégularité des formes, et même l'illégalité de l'ordre, n'excusent pas la rébellion

[3] Arr. cass. 14 avr. 1820; Dalloz, t. 27, p. 33. [4] Arr. cass. 5 janv. 1821; Dalloz, t. 27, p. 35; S. 1821, 1, 122.

contre la force publique; mais toutefois, dans les espèces où ils sont intervenus, les officiers ministériels et les agents de la force armée étaient porteurs de mandats de justice ou de jugements, et 'agissaient en vertu des ordres émanés de l'autorité. Cette circonstance, qui peut justifier ces décisions, n'existe plus dans les arrêts qui vont suivre.

La Cour de cassation établit une présomption de légalité en faveur des agents de la force publique : cette présomption les accompagne et les couvre, et toutes les attaques dont ils sont l'objet sont dès lors des actes de rébellion : « Il suffit, porte l'un de ses arrêts, que les agents de la force publique paraissent avec le caractère qui leur a été conféré par la loi et dans l'exercice des fonctions qui leur ont été déléguées, pour que toutes violences et voies de fait soient interdites à leur égard; un système contraire tendrait à convertir en efforts légitimes les excès de cette nature, serait subversif de tout ordre, et serait un outrage pour la loi ellemême [1]. » Un autre arrêt ajoute : « que la présomption légale est que les chefs et agents de la force armée pour le maintien des lois, les respectent et n'agissent que conformément à ces lois; que si les chefs sont responsables de l'emploi illégal qu'ils feraient de leur autorité,

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Si un réglement relatif au service des gardes champêtres, dans une province, exige que pour pouvoir poursuivre et arrêter un individu dans un cas déterminé, ces officiers judiciaires en aient reçu l'ordre de leur brigadier, la circonstance que cet ordre aurait été donné d'une manière peu précise. ou même n'existerait pas, n'empêcherait pas le délit de rébellion d'exister, si cette absence ou cette irrégularité dans l'ordre était entièrement inconnue au prévenu, et s'il ne l'a jamais alléguée comme le prétexte de sa résistance.

Ces principes, admis en jurisprudence, dans le cas où la résistance a lieu de la part de celui-là même contre qui sont dirigés les actes irréguliers des agents de l'autorité publique, sont à plus forte raison incontestables, quand la résistance est op

cette responsabilité ne saurait dispenser les citoyens de l'obéissance qui leur est due, et ne saurait autoriser, dans aucun cas, à résister avec violences et voies de fait à des mesures qui sont toujours supposées, jusqu'à preuve contraire, émanées d'une autorité légale et compétente [2]. » C'est à ces termes que se résume le dernier état de la jurisprudence de cette cour; la règle est absolue: quelle que soit l'illégalité de l'ordre, quel que soit l'abus du pouvoir, les citoyens doivent silencieusement obéir; ils n'ont pas le droit de discuter l'acte que la présomption de légalité environne; ils n'ont que le droit de réclamer après son exécution [3].

Cette doctrine n'a point obtenu l'assentiment des Cours royales: la Cour d'Agen, par arrêt du 5 mai 1823, a déclaré que la résistance avec voies de fait à un détachement de troupes de ligne conduit par un chef, pour dissiper un rassemblement tumultueux, ne peut être considérée comme ur délit de rébellion, lorsque ce détachement n'a pas été régulièrement requis par l'autorité civile. La Cour de Lyon, par arrêt du 10 juin 1824, a consacré le droit de résistance dans une espèce où un huissier et deux gendarmes voulaient procéder à l'exécution d'un jugement qui prononçait la contrainte par corps dans le domicile du débiteur et sans l'as

posée par un individu à qui ces actes sont entièrement étrangers. Gand, 6 févr. 1833; J. de B. 1833, p. 155 — Voy. arrêts de cassation dans le même Dalloz, t. 27, p. 33 et suiv., et J. du 19o s., sens, 1825, 1, 146, et 1829, 1, 348. En sens contraire,

en cas d'irrégularité évidente, Liége, 5 avril 1826 et 14 mars 1825; J. du 19 s., 1825, 3, 80 et 247; Rouen, 25 mai 1821, ib., 1825, 2, 39; Lyon 24 août 1826, ib. 1827, 2, 60; Nîmes, 21 nov. 1826, ib., 1827, 2, 54; Riom, 4 janv. 1827, ib., Riom, 19 mars 1828. ib., 1828, 2, 122; cass. 22 janv. 1829, ib., 1829, 1, 248; cass. 3 brum. an xiv; Dalloz, vo Sûreté publique, 26. Lors de la discussion de la Constitution. MM. De Robaulx et Thorn proposérent à la séance du 27 octobre 1830, un article tendant à déclarer légitime la résistance aux actes illégaux des fonctionnaires ou agents de l'autorité. La section centrale pensa qu'il était inutile et pourrait même être dangereux de sanctionner ce principe d'une manière générale et absolue, et que la légitimité de la résistance dépendant nécessairement des circonstances, elle devait être abandonnée à l'appréciation du juge sans pouvoir étre vaguement proclamée dans la Constitution. L'article n'a pas été admis, par suite de ces observations. (Union belge, 1831, no 88 et 96.)

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