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commission croit qu'il conviendrait d'adopter le mot réunion armée lorsque le nombre des personnes réunies n'excéderait pas dix-neuf, en laissant subsister la même peine il s'ensuivrait que, dès que la réunion serait de vingt, elle constituerait un attroupement. Le Conseil d'état consacra cette distinction, et la rédaction des articles du Code en offre la preuve. Il en résulte une dérogation à l'art. 1er de la loi du 3 août 1791, qui réputait attroupement tout, rassemblement de plus de quinze per

sonnes.

Il ne faut pas confondre, au surplus, l'attroupement prévu par les art. 210 et 213 avec les attroupements qui ont fait l'objet des lois des 2 octobre 1789, 3 août 1791 et 10 avril 1831 [1]. Ces lois, essentiellement politiques, ont eu pour but un autre ordre de faits et de circonstances. Ainsi l'attroupement, dans le système du Code, n'est punissable qu'autant qu'il se rend coupable d'attaque ou de résistance avec violence ou voies de fait envers des agents de l'autorité publique. La loi du 2 octobre 1789 exigeait seulement, au contraire, pour l'application de ses dispositions, que la tranquillité fút mise en péril; la loi du 3 août 1791 ne s'occupait que des altroupements séditieux; enfin la loi française du 10 avril 1831 a créé un délit nouveau, la simple désobéissance, le refus de se séparer d'un attroupement, quelque inoffensif qu'il ait été, et alors même qu'on n'y aurait proféré ni cris ni menaces contre les personnes ou les propriétés le délit, dans l'esprit de cette nouvelle loi, c'est l'altroupement sur la voie publique, persistant malgré la voix des magistrats, délit qui s'aggrave suivant le degré de la persistance; elle fait abstraction complète du but plus ou moins coupable de l'attroupement; elle ne voit qu'un fait matériel menaçant pour la tranquillité publique, et elle le punit dès qu'il persiste à se manifester.

Lorsque, dans les art. 210, 211 et 212 il est question de port d'armes, il doit être bien entendu qu'il s'agit d'armes ostensibles; car, aux termes de l'art. 214, les armes portées os tensiblement peuvent seules communiquer à la réunion le caractère d'une réunion armée, et l'art. 215 suppose formellement que la réunion où se trouvent des personnes munies d'armes cachées n'est pas une réunion armée.

Aux peines corporelles qui punissent la rébellion, l'art. 218 a ajouté dans certains cas une peine pécuniaire; cet article porte : « Dans tous les cas où il sera prononcé pour fait de rébellion une simple peine d'emprisonnement, les coupables pourront être condamnés en outre à une amende de 16 à 200 francs. » Pour que cette peine accessoire soit prononcée, il faut donc qu'il y ait d'abord application de la peine principale d'emprisonnement; mais alors même l'amende n'est que facultative; il appartient aux juges d'apprécier les cas où elle peut être en rapport avec la nature du délit et la position du délinquant.

Une autre peine accessoire est également prononcée, mais dans des cas plus restreints encore, par l'art. 221 qui est ainsi conçu : « Les chefs d'une rébellion et ceux qui l'auront provoquée pourront être condamnés à rester, après l'expiration de leur peine, sous la surveillance spéciale de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus. » Cette peine est encore facultative; elle ne s'applique qu'aux chefs de la rébellion et seulement quand ils ont encouru une peine correctionnelle, car autrement la surveillance est de droit [2]. Il faut que la qualité de chef de la rébellion soit formellement déclarée par le jugement, et il est évident que cette qualité ne peut exister qu'autant que les rebelles étaient liés entre eux par une certaine organisation; car on ne doit pas confondre le chef et le provocateur, la loi les a formellement séparés; nous reviendrons tout à l'heure sur ce dernier.

Enfin, les pénalités des art. 210, 211 et 212 se trouvent modifiées implicitement par la disposition de l'art. 213, qui couvre d'un voile d'indulgence les rebelles les plus obscurs et les moins coupables. Cet article est ainsi conçu : «En cas de rébellion avec bande et attroupement, l'art. 100 du présent Code sera applicable aux rebelles sans fonctions ni emplois dans la bande, qui se seront retirés au premier avertissement de l'autorité publique, ou même depuis, s'ils n'ont été saisis que hors du lieu de la rébellion, et sans nouvelle résistance et sans armes. » Nous avons précédemment expliqué d'une manière complète le système de l'art. 100; il suffira donc de rappeler ici que l'exemption de peine formulée par l'art. 213 ne doit avoir que les effets d'une excuse; que cette

[1] Voy. loi communale belge, art. 94, 105; loi lance des condamnés libérés, n'a pas compris ce provinciale, art. 129.

délit parmi ceux qui comportent cette surveil

[2] La loi belge du 31 déc. 1836, sur la surveillance.

prononcée; mais cette règle domine toutes les dispositions du Code, et dès lors cette sorte de réserve peut paraître superflue.

Ce qu'il importe de remarquer, c'est que l'art. 216 ne punit que les auteurs des crimes et

excuse ne peut être prouvée que par les débats, et ne s'oppose point par conséquent à la poursuite; enfin, que les conditions de son admission sont au nombre de deux, qui sont que les individus qui ont fait partie de la bande se soient retirés après l'avertissement de l'auto-délits commis pendant le cours et à l'occasion rité publique, et qu'ils aient été saisis hors du lieu de la rébellion et sans nouvelle résistance. Mais il importe de remarquer cependant que cette disposition n'est applicable qu'aux cas de rébellion avec bande ou attroupement, et qu'aux seuls rebelles qui n'ont exercé ni fonctions ni emplois dans la bande; de là il suit que le législateur n'a eu en vue que les réunions de plus de vingt personnes, qui peuvent être soumises à une sorte d'organisation, puisqu'il les qualifie, non plus de simples réunions, mais de bande ou d'attroupement, et qu'il y suppose des fonctions et des emplois. Enfin, l'art. 213, de même que l'art. 100 auquel il se réfère, n'excuse le prévenu que pour le fait de rébellion avec violences ou voies de fait; il reste passible des crimes particuliers qu'il a personnellement commis à l'occasion de la rébellion.

Tel est l'ensemble de pénalités qui frappent la rébellion en prenant leur base dans les circonstances intrinsèques du délit, abstraction faite de ses résultats. La loi fait ensuite succéder à ces peines un deuxième système de répression, qui, négligeant les circonstances plus ou moins graves de la rébellion, s'en prend aux résultats eux-mêmes et gradue la peine à raison de leur gravité. L'art. 216 est ainsi conçu : « Les auteurs des crimes et délits commis pendant le cours et à l'occasion d'une rébellion seront punis des peines prononcées contre chacun de ces crimes, si elles sont plus fortes que celles de la rébellion. » Le but de cette disposition est de ne point confondre dans la classe des faits de rébellion les crimes qui auraient pu être commis à l'occasion de la rébellion: ces crimes ne perdent point leur gravité intrinsèque, par la raison qu'ils ont été commis dans le cours de cette rébellion l'attaque ou la résistance envers l'autorité publique n'est pas une excuse, elle ne modifie nullement, dans le système du Code, le caractère des actes qu'elle fait commettre. Ces actes demeurent donc avec leur caractère commun et les peines qui leur sont propres, et, lorsque ces peines sont plus fortes que celles dont la rébellion est passible, elles sont substituées à celles-ci. Une deuxième conséquence de l'article a donc été de réserver l'application de la règle qui veut que, dans le concours de plusieurs délits, la peine la plus forte soit seule

de la rébellion. De là il suit que la responsabilité de ces excès n'atteint point les autres individus qui faisaient partie des réunions, bandes et attroupements: le fait de la rébellion est seul imputable à ceux-ci; et ce n'est que lorsqu'ils ont pris une part matérielle à l'exécution des crimes distincts et plus graves commis par quelques personnes de la réunion, qu'ils peuvent être poursuivis comme complices: le crime cesse d'être collectif, c'est-à-dire l'œuvre d'une réunion; la loi cherche dans cette réunion les auteurs immédiats, et elle les punit individuellement.

Il nous reste, pour compléter cette matière à parler des réunions qui sont assimilées aux réunions de rebelles, et des provocations à la rébellion.

L'art. 219 porte : « Seront punies comme réunions de rebelles celles qui auront été formées avec ou sans armes, et accompagnées de violences ou de menaces contre l'autorité administrative, les officiers et les agents de police ou contre la force publique : 1° par les ouvriers ou journaliers dans les ateliers publics ou manufactures; 2° par les individus admis dans les hospices; 3o par les prisonniers, prévenus, accusés ou condamnés.»

Il ne faut pas confondre la rébellion que cet article punit avec les actes d'insubordination des ouvriers envers les maîtres, avec le délit de coalition des ouvriers, enfin avec les menaces et injures des prisonniers : ces faits divers ont été l'objet d'autres dispositions pénales [1]. Les réunions dont il s'agit dans cet article participent des caractères généraux de la rébellion, bien que ces caractères soient modifiés sous quelques rapports. Ainsi, dans les cas spéciaux dont il s'agit, il n'est pas nécessaire que l'attaque ou la résistance soit toujours accompagnée de violences; il suffit qu'elle soit commise avec de simples menaces; il suffit encore que les menaces soient dirigées contre l'autorité administrative, les officiers et les agents de police, ou contre la force publique; enfin, il ne s'agit plus seule. ment des entraves apportées à la mise à exécution des ordres de l'autorité publique; les réunions prennent le caractère de la rébellion par cela

[1] Voyez art. 415 C. P, 614 C. inst. crim.; loi 25 juill. 1791, tit. 2, art. 25.

seul qu'elles exercent des violences ou expriment des menaces envers certains agents, et lors même que ces agents ne seraient point troublés par ces menaces et ces violences dans l'exécution d'un acte de leurs fonctions.

Le projet du Code pénal comprenait dans une quatrième classe les élèves ou étudiants admis dans les écoles publiques ou privées, s'ils ont plus de seize ans. Cette disposition, qui plaçait ainsi hors du droit commun ces jeunes gens, et les soumettait à une répression plus facile, fut combattue par la commission du Corps législatif : « Les réunions répréhensibles de ces jeunes gens, porte le rapport de cette commission, sont ordinairement l'effet de l'effervescence de leur àge, de l'étourderie, et elles ne peuvent être généralement assimilées à celles des autres individus compris dans cet article. En les y enveloppant, ces jeunes gens pourraient encourir, en certains cas, des peines afflictives ou infamantes; et pour l'erreur ou la fougue d'un instant, des sujets bons jusque-là, d'une heureuse espérance, se trouveraient à jamais perdus dans les bagnes, les maisons de correction ou les prisons. » La commission demandait que la peine fût réduite en leur faveur à six jours d'emprisonnement au moins et six mois au plus. Le Conseil d'état, en admettant les motifs du Corps législatif, n'admit pas sa conclusion; il préféra effacer la disposition additionnelle, et laisser les élèves sous l'empire du droit commun. [1]

Le Code pénal a porté sa prévoyance sur le mode d'exécution des peines portées par l'art. 219 en cas de rébellion de la part des prisonniers. L'article 220 est ainsi conçu : « La peine appliquée pour rébellion à des prisonniers, prévenus, accusés ou condamnés relativement à d'autres crimes ou délits, sera par eux subie, savoir par ceux qui, à raison des crimes ou délits qui ont causé leur détention, sont ou seraient condamnés à une peine non capitale ni perpétuelle, immédiatement après l'expiration de cette peine; et par les autres, immédiatement après l'arrêt ou jugement en dernier ressort qui les aura acquittés ou renvoyés absous du fait pour lequel ils étaient détenus. « L'unique objet de cette disposition a été de formuler une exception à la règle générale qui veut que, par la peine la plus forte qui lui soit applicable, le coupable expie tous les délits qu'il a pu commettre avant une première condamnation

la

[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 9 janv 1810.

peine qu'il a encourue à raison de sa rébellion dans la prison n'est point absorbée par l'exécution d'une peine plus grave; il doit l'exécuter après celle-ci. A l'égard des détenus qui sont acquittés ou absous de la prévention principale qui motive leur détention, la peine qu'ils ont encourue à raison de leur rébellion ne commence à courir que du jour où le jugement qui les a acquittés aété rendu en dernier ressort, et par conséquent la durée de l'emprisonnement pendant la procédure qui a précédé le jugement ne peut être imputée sur la durée de cette peine. Dans l'un et l'autre cas, la pensée du législateur a été de rendre le sort du détenu plus dur et plus rigoureux que le droit commun ne l'avait fait. 1

Mais, sous un certain rapport, le texte de l'art. 219 n'a pas fidèlement rendu la pensée du législateur. En effet, il en résulte que si la peine encourue pour rébellion est une peine afflictive ou infamante, et que la peine que le premier délit a motivée ne soit qu'une peine correctionnelle, cette dernière peine devra être subie la première; or, ce mode d'exécution, contraire à l'intention qui a dicté l'article, serait également repoussé par le principe qui veut que la peine la plus grave soit toujours subie la première. Il serait étrange, en effet, que le condamné frappé de la dégradation civique, qui est nécessairement attachée aux peines afflictives, fút maintenu, pendant tout le temps de l'emprisonnement, dans la jouissance de ses droits civiques, et qu'il n'en fût privé qu'à l'expiration de cette première peine. Il nous semble donc, et telle est aussi l'opinion de M. Carnot, que l'article doit être restreint au seul cas où la première peine est d'une nature plus grave que celle qui aura été encourue pour le fait de la rébellion. C'est aussi le cas qui se présentera le plus fréquemment; il est donc permis de penser que c'est le seul qui se soit offert à l'esprit du législateur.

Nous avons terminé l'examen des éléments caractéristiques de la rébellion et des pénalités qui lui sont appliquées suivant ses circonstances diverses et les degrés de sa gravité. Il nous reste à nous occuper d'un délit que le Code avait confondu dans ses dispositions et qu'une loi spéciale en a distrait, de la provocation publique à la rébellion. L'art. 217, abrogé par l'art. 26 de la loi du 17 mai 1819 [2], était ainsi conçu : « Sera puni comme coupable de la rébellion quiconque y aura provoqué, soit par des dis

[2] Voy. l'art. 1er de la loi belge du 20 juill. 1831.

cours tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards affichés, soit par écrits imprimés. Dans le cas où la rébellion n'aurait pas eu lieu, le provocateur sera puni d'un emprisonnement de six jours au moins et d'un an au plus. Cette disposition a été remplacée par les art. 1, 2 et 3 de la loi du 17 mai 1819 : l'art. 1er répute complice et punit comme tel quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures ou emblèmes vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre. Les art. 2 et 3 distinguent ensuite, comme l'avait fait le Code pénal, le cas où la provocation n'a été suivie d'aucun effet, et ils la punissent d'un emprisonnement et d'une amende qui se graduent depuis le minimum le plus faible (trois jours d'emprisonnement et 30 francs d'amende) jusqu'au maximum des peines correctionnelles (5 ans d'emprisonnement et 6,000 francs d'a

[1] La loi belge du 31 déc. 1836, sur la surveillance de la police, n'a pas compris la rébellion

mende), suivant que le fait objet de la provocation est qualifié délit ou crime par la loi, suivant le péril de cette provocation et les circonstances où elle est intervenue. Il suit de là que le principe et la distinction du Code pénal ont été maintenus et que les peines seules ont été aggravées.

L'article 221 déclare passibles de la surveillance ceux qui ont provoqué la rébellion [1]. Cette disposition pourrait-elle être encore appliquée? On peut dire, pour l'affirmative, que l'art. 221 n'est point compris dans l'abrogation prononcée par la loi du 17 mai 1819. Mais il nous sembleévident que cette peine accessoir e ne saurait subsister quand la peine principale à laquelle elle se rattachait a été effacée du Code. La loi du 17 mai 1819 a complétement réglé la matière des provocations; c'est à cette loi qu'il faut se référer: et la disposition partielle du Code, qui a pu échapper à l'attention du législateur, ne saurait être combinée avec la loi nouvelle, pour aggraver le sort du prévenu; cette disposition doit être considérée comme comprise dans l'abrogation de l'art. 217.

parmi les simples délits passibles de la surveillance de la police.

CHAPITRE XXXI.

DES OUTRAGES ET VIOLENCES ENVERS LES DÉPOSITAIRES DE L'AUTORITÉ ET DE LA FORCE

PUBLIQUE.

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Caractères généraux des outrages et des violences qui font l'objet de ce chapitre. — Aperçu historique de la législation. — Règle générale : il faut que les outrages et les violences aient été commis dans l'exercice des fonctions, ou à l'occasion de cet exercice. Division du chapitre, ler. Des outrages. — De l'outrage par paroles. — Caractères constitutifs. — Est-il nécessaire qu'il soit public? — L'outrage par lettres rentre-t-il dans cette catégorie? — Conciliation des art. 222 et suivants avec les lois des 17 mai 1819 et 25 mars 1822. – A quels fonctionnaires s'appliquent les mots magistrats de l'ordre judiciaire et administratif? — Quels sont les caractères distincts de l'outrage et de la diffamation? — Y a-t-il outrage si le fonctionnaire n'est revétu d'aucun costume? si le fonctionnaire agit au moment de l'outrage incompétemment? — De l'outrage par gestes ou menaces. — De l'outrage fait aux officiers ministériels ou agents de la force publique. — De la réparation d'honneur.—Caractère de cette mesure.-Mode d'exécution. -§ II. Des violences. — Caractères généraux. — Quand elles sont dirigées envers un magistrat. Des pénalités. — Interdiction du lieu où siégent les magistrats. — Aggravation des peines lorsque les violences ont été la cause d'effusion de sang, de blessures, de maladie ou de la mort; - lorsqu'elles ont été portées avec préméditation ou guet-apens; - avec intention de donner la mort; — quand elles sont dirigées contre les officiers ministériels ou agents de la force publique, ou les citoyens chargés d'un ministère de service public. (Commentaire des articles 222 à 233 du Code pénal.)

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Après le crime de rébellion, le Code s'occupe des outrages et violences envers les dépositaires de l'autorité et de la force publique. Il ne s'agit plus d'une lutte contre l'autorité publique, il s'agit de l'atteinte portée à la considération et à la dignité des magistrats et des officiers qui en sont les dépositaires; il s'agit des violences dont ils peuvent être l'objet comme magistrats, comme fonctionnaires. Mais c'est encore une attaque, quoique indirecte et détournée, contre l'autorité elle-même; car ce n'est pas seulement la personne du fonctionnaire, c'est la dignité, c'est la fonction publique dont il est revêtu qu'elle atteint et qu'elle outrage. C'est aussi cette fonction, ainsi que nous allons l'expliquer, que la loi a eu pour but de faire respecter dans la personne du fonctionnaire offensé, et qui fait l'objet principal de sa sollicitude.

L'injure et les voies de fait constituent par elles-mêmes des délits plus ou moins graves, quelles que soient les personnes contre lesquelses elles sont dirigées. La loi s'est donc bornée, dans la matière qui fait l'objet de ce chapitre, à dégager et à établir une circonstance de ces

deux délits : cette circonstance est la qualité de fonctionnaire de la personne injuriée. « Il ne sera question, porte l'exposé des motifs, que des senls outrages qui compromettent la paix publique, c'est-à-dire de ceux dirigés contre les fonctionnaires ou agents publics, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonc tions: dans ce cas, ce n'est pas seulement un particulier, c'est l'ordre public qui est blessé; et dans un grand intérêt les peines peuvent changer de classe et de nature, parce que le délit en a changé lui-même, et que l'outrage dirigé contre l'homme de la loi dans l'exercice de ses fonctions ou de son ministère, quoique conçu dans les mêmes paroles ou accompagné des mêmes gestes, est beaucoup plusgrave que s'il était dirigé contre un simple citoyen. »>>

Le principe de cette agravation a été emprunté à la loi romaine. L'injure, dans cette législation, soit qu'elle fût verbale ou réelle, c'est-à-dire, soit qu'elle se manifestât par des paroles ou des voies de fait [1], puisait une gravité plus intense

[1] Injuriam fieri Labeo ait aut re aut verbis:

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