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drns la condition de la personne injuriée Atrocem injuriam aut personâ, aut tempore, aut re ipsâ fieri Labeo ait [1]; et la loi applique immédiatement à l'injure faite aux magistrats cette aggravation du délit, persona atrocior injuria fit, cui cum magistratui fiat. De là cette règle que pose Farinacius: Injuria illata magistratui dicitur atrox [2]; et la raison de cette aggravation est, suivant Menochius, que l'injure remontait alors jusqu'au prince lui-même, quòd injuria illata magistratui censetur illata ipsi principi [3]. Néanmoins, la peine plus forte qui semblait motiver cette circonstance n'était point déterminée expressément par la loi : la peine de l'injure était extraordinaire, c'est-à-dire que le juge pouvait la graduer suivant les circonstances: De injuriâ nunc extrà ordinem ex causâ el persona statui solet [4]. Les peines ordinaires étaient les verges, l'interdiction de certains droits et l'exil : Servi quidem flagellis casi dominis restituuntur; liberi vero humilioris quidem loci furtibus subjiciuntur. Cæteri autem vel exilio temporali vel interdictione certæ rei coercentur [5]. Cependant la loi a pris soin d'aggraver elle-même la peine dans deux hypothèses différentes : c'est lorsque l'injure avait été commise dans un libelle [6], ou lorsque les violences avaient mis la vie du magistrat en péril [7]; la peine capitale était prononcée dans ces deux cas.

Notre ancienne législation était à peu près muette sur les délits d'injures; mais la jurisprudence avait fidèlement adopté les règles et les distinctions de la loi romaine, et les appliquait non ratione imperii, sed rationis im perio. La qualité de fonctionnaire dans la personne injuriée était donc une raison d'aggravation du délit. « Les injures faites aux juges, magistrats et autres officiers de la justice dans leurs fonctions, dit un ancien criminaliste, sont des injures très-graves le magistrat doit être sacré et inviolable dans ses fonctions, parce

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qu'il représente la personne du prince, et par conséquent c'est une espèce de crime de lèsemajesté d'attenter à sa personne [8]. » La peine était arbitraire et variait suivant la gravité de l'injure: les juges prononçaient dans les cas ordinaires le blâme, l'interdiction à perpétuité de certains lieux, l'amende honorable, le bannissement et les galères [9]; mais la peine pouvait même s'élever jusqu'à la mort, ainsi que le témoignent, dans cette espèce même, les anciennes ordonnances: « Défendons, sous peine de la vie, à nos sujets de quelque qualité qu'ils soient, d'excéder ou d'outrager aucuns de nos magis-trats, officiers, huissiers, ou sergents, faisant, exerçant ou exécutant acte de justice; voulons que les coupables de tels crimes soient rigoureusement châtiés, sans espoir de miséricorde, comme ayant directement attenté à notre autorité et puissance [10]. »

L'Assemblée constituante modifia les pénalités, mais en conservant le principe. La loi du 28 février-17 avril 1791, qui fut transportée depuis dans le Code des délits et des peines, dont elle forma les art. 557 et 558, prononçait, comme peine plus forte, « huit jours d'emprisonnement contre les mauvais citoyens qui oseraient outrager ou menacer les juges et les officiers de justice dans l'exercice de leurs fonctions. » La loi du 19-22 juillet 1791, en étendant cette disposition tutélaire à tous les fonctionnaires publics, déploya plus de sévérité : « Les outrages ou menaces par paroles ou par gestes, faits aux fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions, seront punis d'une amende qui ne pourra excéder dix fois la contribution mobilière, et d'un emprisonnement qui ne pourra excéder deux années. » Enfin l'art. 7 (2o part., tit. 1er, sect. 4) du code de 1791 portait que « quiconque aurait outragé un fonctionnaire public, en le frappant au moment où il exerçait ses fonctions, serait puni de la peine de deux années de détention. » Telles sont les dispositions, incomplètes sans doute, qui for

elle donnait, dit-il, le droit d'interdire au coupable l'exercice de sa profession, quá interdicatur fortè ei ars sua. (Glos. in leg. 45, Dig. de injuriis.) [6] L. 1, C. de famosis libellis.

[7] L. 1. Dig. ad leg. Jul. majest.

[8] Jousse, Traité des matières crim, t. 3, p. 601 et 602.

[9] Muyart de Vouglans, Lois crim. p. 351. [10] Ord.de Moulins, art. 34; édit de janv. 1572, art. 1; ord. de Blois, art. 190; édit. de janv. 1629, art. 119; ord. de 1670, tit. 16, art. 4.

maient toute la législation sur cette matière.

Mais dans la loi romaine, dans l'ancien droit et dans la législation intermédiaire, ce principe de l'aggravation de la peine était limité par une autre règle qui en restreignait l'application au seul cas où le fonctionnaire avait reçu l'outrage dans ses fonctions. Farinacius pense que la peine doit être la même, soit que l'offense ait été commise envers le fonctionnaire durante officio, soit qu'elle ait été commise post officium, mais contemplatione officii [1]; mais Menochius enseigne, au contraire, que la seule offense commise pendant la durée de l'exercice de la fonction doit entraîner une peine plus grave: Intelligitur de eo qui est in officio, non de eo cujus officium est finitum, licèt in civitate [2]. Il cite à l'appui de cette règle restrictive la loi 22 Dig. de testamento militis, et la loi 42 Dig. de injuriis, dont on peut induire, en effet, qu'en dehors de ces fonctions le fonctionnaire n'est plus, aux yeux du législateur, qu'un simple citoyen qui ne doit plus invoquer, pour le protéger, que la loi commune à tous les citoyens. Il est remarquable, au reste, que la loi 4 Cod. de injuriis, qui prévoit les outrages dont les magistrats peuvent être l'objet, suppose, dans l'espèce qu'elle présente, que ces magistrats se trouvent dans l'exercice de leurs fonctions et revêtus des insignes de leurs dignités. Atrocem sine dubio injuriam esse factam manifestum si tibi illata est cùm esses in sacerdotio et dignitatis habitum, et ornamenta præferres ut ideo vindictam potes eo nomine persequi.

Les anciennes ordonnances, dont nous avons cité quelques fragments, ne punissaient également l'outrage d'une peine capitale que lorsqu'il avait été commis envers les officiers de justice, faisant, menaçant ou exécutant acte de justice; et les criminalistes, qui écrivaient sous l'empire de ces ordonnances, généralisant cette règle, exigeaient, comme une condition néces saire de l'aggravation de la peine dans tous les cas, que l'officier public eût été injurié dans ses fonctions [3]. Enfin, on a vu que les lois de l'Assemblée constituante formulaient expressément la condition que le fonctionnaire eût été offensé dans l'exercice de ses fonctions. Notre Code a recueilli la plupart de ces distinc tions; mais il en a modifié quelques-unes. L'injure prend dans ses dispositions la dénomination d'outrage, quand elle est dirigée contre

[1] De delictis et pænis, quæst. 17, no 38. [2] De arbit. quæst. lib. 2, cass. 263, num. 10.

un fonctionnaire public. L'outrage se manifeste aut verbis aut re, par des paroles, des gestes ou menaces, et des violences. La peine, toujours plus grave que lorsque le délit ne blesse qu'une personne privée, se gradue d'après la qualité du fonctionnaire outragé, d'après le lieu où l'outrage est commis, d'après surtout les circonstances qui en aggravent la nature; aut personá, aut tempore, aut re ipsâ atrocem injuriam fieri. Enfin, de même que la loi romaine, l'aggravation cesse dès que le délit ne se rapporte plus à l'exercice des fonctions, dès qu'il n'est plus commis pendant leur durée, durante officio, ou, suivant l'interprétation de Farinacius, lorsqu'il n'a pas du moins pour objet cet exercice, contemplatione officii.

Cette dernière règle, qu'il convient d'établir d'abord parce qu'elle domine toute cette matière, avait été contestée au sein du Conseil d'état, lors de la confection du Code. Un des membres (M. de Ségur) demanda que les outrages faits aux fonctionnaires publics, même hors de leurs fonctions, fussent punis plus sévèrement que ceux qui sont faits aux simples particuliers : « Ce n'est pas là, disait-on, un privilége, mais une disposition que nos institutions appellent; car, puisqu'elles créent des autorités, elles veulent nécessairement que ces autorités soient respectées; or, comment le respect des peuples s'attachera-t-il au magistrat, si l'on ne doit plus voir en lui qu'un homme privé hors des instants où il exerce ses fonctions ? « Cette étrange argumentation fut énergiquement repoussée par M. Berlier. Il n'est dû au fonctionnaire un secours spécial que lorsqu'il est attaqué comme fonctionnaire : c'est l'exercice de l'autorité qui émane de la loi que la loi plus efficacement protége. Lorsque l'outrage ne concerne point la vie publique du magistrat, lorsqu'il ne s'adresse qu'à sa vie privée, et qu'il le saisit en dehors de son ministère, ce magistrat ne peut prétendre qu'aux garanties communes à tous les citoyens, car il ne peut plus être considéré que comme un simple particulier. Au delà de ces termes, la garantie ne serait qu'un privilége odieux; car supposez qu'à raison d'un intérêt privé, d'une dette, par exemple, dont il réclame le paiement, un créancier invective ou frappe son débiteur qui se trouve être administrateur ou juge: comment la qualité de celui-ci, lorsqu'il a été insulté en dehors

[3] Jousse, t. 3, p. 601; Muyart de Vouglans, p. 351.

de ses fonctions, pourrait-elle rendre le prévenu coupable? Supposez encore qu'un vol soit commis la nuit sur une grande route, et que la personne volée soit un fonctionnaire public; comment cette qualité pourrait-elle être considérée comme une circonstance aggravante du vol? Lorsque l'agent n'a pas le fonctionnaire cn vue, lorsqu'il ne s'est adressé qu'au simple particulier, comment pourrait-on lui opposer, pour aggraver la peine, une qualité qu'il n'a pas connue ou qu'il n'a pas voulu blesser?

« Si la violence employée contre un fonctionnaire public, disait M. Berlier, doit être punie plus sévèrement que celle dont on use envers un particulier, ce n'est pas à cause du rang de l'offensé, c'est parce que, par sa nature, le délit est plus grave, en ce qu'il arrête l'exercice de l'autorité; se régler sur la qualité des personnes, ce serait établir des priviléges [1]. » Le même orateur résumait ensuite cette discussion, en exposant les motifs du Code devant le Corps législatif : « Convenait-il de punir les outrages commis même hors de tout exercice de fonctions, de peines de différents ordres graduées d'après la simple considération du rang plus ou moins élevé que les personnes outragées tiennent dans la société? En agitant cette question, on n'a pas tardé à reconnaître que l'application d'une telle idée serait impraticable; qu'en tarifant les peines selon le rang de l'offensé, cela irait à l'infini; qu'il faudrait aussi prendre en considération le rang de l'offenseur. Enfin, on a reconnu que cela était moins utile que jamais dans un système qui, assignant à chaque classe de peines temporaires un maximum et un minimum, laissait à la justice une suffisante latitude pour varier la punition des outrages privés d'après la considération due aux person

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Nous avons dû insister sur les motifs d'une règle qui s'étend sur tous les articles de ce chapitre et en détermine le sens ; il nous sera plus facile maintenant de fixer les limites de son application. L'outrage est commis dans l'exercice des fonctions, toutes les fois que le fonctionnaire, au moment de sa perpétration, procède à un acte de ses attributions. Les termes de cette formule sont généraux et n'admettent point de restriction; ainsi la jurisprudence a été fondée à décider que le fonctionnaire est dans l'exercice de ses fonctions, alors même

[1] Procès-verb. du Conseil d'état, séances des 8 et 12 août 1809.

qu'il n'est pas revêtu de son costume, si le prévenu s'adresse à lui à l'occasion de l'acte auquel il procède [2]; alors même que son incompétence pour procéder à cet acte serait légalement établie, si d'ailleurs il adroit et qualité pour agir[3]; alors même enfin qu'il se trouvait hors du lieu ordinaire où s'exercent ses fonctions, pourvu qu'il procédât régulièrement à un acte de son ministère [4]. L'outrage qui l'attaque dans ces diverses circonstances le saisit donc dans l'exercice de ses fonctions, et dès lors rentre dans les termes de la loi pénale. Enfin il importe peu, dans ces diverses hypothèses, que l'outrage se rapporte à un fait, à un acte des fonctions: lorsqu'il intervient pendant leur durée, le motif est indifférent; la loi ne voit que le trouble, que l'injure apportés à l'exercice des fonctions, que l'insulte qui avilit leur dignité; cette insulte aurait une cause étrangère à ces fonctions, que le trouble n'existerait pas moins ; il n'était donc pas possible de distinguer.

L'outrage est commis à raison ou à l'occasion des fonctions, toutes les fois qu'il se rapporte à un acte de ces fonctions : c'est cet objet de l'outrage qui sert alors à discerner son caractère légal. La loi n'a voulu, nous l'avons déjà dit, protéger d'une peine plus sévère que les seuls actes de la fonction: lors donc que le prévenu n'a fait porter son outrage sur aucun fait qui fût relatif au ministère du fonctionnaire, qui se rattachât à leur exercice, cet outrage ne tombe plus que sur un simple particulier, puisque nous supposons d'ailleurs qu'il est commis en dehors de l'exercice des fonctions, et les dispositions qui font la matière de ce chapitre sont inapplicables. L'art. 16 de la loi française du 17 mai 1819 et l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822, qui ont porté de nouvelles peines contre la diffamation ou les outrages dont les fonctionnaires et les agents de l'autorité publique peuvent être l'objet, n'ont point dérogé à cette règle : dans l'un et l'autre cas, les peines ne sont applicables qu'au cas où le délit est commis à raison des fonctions ou pour des faits relatifs aux fonctions; c'est toujours la même formule, les mêmes motifs, la même règle.

Cela posé, notre matière se divise naturellement en deux parties, suivant que l'outrage est commis par paroles ou par gestes, ou qu'il est accompagné de violences. Nous traiterons donc,

[3] Arr. cass, 1er avr 1813 (Bull. no 63).
[4] Arr cass. 17 therm. an x; 16 août 1810;

[2] Arr. cass. 28 déc. 1807; Dalloz, t. 22, p. 89. Dailoz, t. 22, p. 88; S. 1817, 1, 322.

dans un premier paragraphe, des outrages par paroles, par menaces ou par gestes, et dans un deuxième, des violences et des voies de fait commises sur les fonctionnaires.

S ler.

Des outrages par paroles et par gestes ou

menaces.

L'outrage par paroles et défini par l'art 222 du Code, qui est ainsi conçu: «Lorsqu'un ou plusieurs magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire auront reçu, dans l'exercice de leurs fonctions ou à l'occasion de cet exercice, quelque outrage par paroles tendant à inculper leur honneur ou leur délicatesse, celui qui les aura ainsi outragés sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans. » Cet article indique clairement les éléments du délit que le Code a voulu punir: il faut que l'outrage s'adresse aux fonctionnaires qu'il désigne, qu'il soit commis pendant l'exercice ou à l'occasion de leurs fonctions; enfin, que cet outrage soit verbal et de nature à inculper leur honneur ou leur délicatesse. Cestrois conditions exigent quelques explications.

Le premier point consiste à définir ce qu'il faut entendre par les magistrats de l'ordre administratif et judiciaire. En général, la dénomination de magistrat de l'ordre administratif appartient aux fonctionnaires administratifs qui ne sont ni officiers ministériels, ni agents de la force publique : tels sont les préfets, les maires et leurs adjoints. La jurisprudence a reconnu la même qualité aux commissaires de police [1]; elle l'a refusée avec raison aux membres de la Chambre des Députés [2], aux percepteurs des contributions [3]. Les magistrats de l'ordre judiciaire sont tous les juges, tous les membres du ministère public; ainsi les maires et leurs adjoints et les commissaires de

[1] Arr. cass. 30 juill, 1812; Dalloz, t. 22, p. 90; S. 1813, 73; 9 mars 1837; et un arrêt rendu en février 1838, en audience solennelle. La Cour de Bruxelles a jugé, en 1827, que les outrages envers les commissaires de police, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, ne rentrent pas, hors le cas où ils remplissent les fonctions du ministère public près les tribunaux de simple police, dans les dispositions des art. 222 et 223 du code pénal. Br. 27 janv. 1827; J. de B. 1827, 1, 11; J. du 19 s., 1827, 3, 187; et même arrêt du 14 juill. 1837; J. de B., 1837, 486. - Cependant il résulte des discussions sur l'art. 123 de la loi communale qu'on a donné aux commissaires de police, la qua

police rentrent encore dans cette catégorie. lorsqu'ils exercent les fonctions du ministère public près les tribunaux de police [4]. Mais les officiers de police judiciaire doivent-ils être rangés dans cette classe? La question ne peut s'élever qu'à l'égard des officiers de gendarmerie et des gardes champêtres et forestiers. Or, ces fonctionnaires se trouvant déjà qualifiés commandants ou dépositaires de la force publique, cette qualité absorbe celle de magistrat et fait obstacle à ce qu'ils puissent être considérés sous ce deuxième rapport.

Le deuxième élément du délit est que l'outrage ait été reçu dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de cet exercice. Nous ne reviendrons point sur cette règle générale dont nous avons indiqué le sens et les limites; mais on doit remarquer que de cette formule il ne résulte point que la publicité soit nécessaire pour constituer l'outrage; car cet outrage peut se rapporter aux fonctions ou se commet tre pendant leur exercice, sans se manifester publiquement: tels sont les outrages qui se commettent dans un lieu non public, dans la maison particulière du magistrat. La non publicité de l'outrage ne lui ôte pas son caractère ; c'est en ce sens que la jurisprudence s'est constamment prononcée [3].

Le caractère de l'outrage forme la troisième condition du délit : il faut d'abord que l'art. 222 puisse être appliqué, que l'outrage se manifeste par des paroles; l'article en fait une règle formelle. Cependant la Cour de cassation, ne se croyant pas enchaînée par ce texte, n'a point hésité à assimiler l'outrage par écrit à l'outrage par paroles. Les motifs de cette décision sont : « qu'il n'existe aucune raison de soustraire l'outrage commis par lettre missive ou par écrit non rendu public à l'application des art. 222 et 223 [6]; que l'outrage écrit a un caractère de préméditation qui

lification de magistrats, pour leur assurer, dans l'exercice de leurs fonctions, la protection de l'art. 222 du code pénal contre les outrages qu'on pourrait se permettre à leur égard,

[2] Arr. cass. 20 oct. 1820.
[3] Arr. cass. 25 juill. 1821.

[4] Arr. cass. 7 août 1818; Dalloz, t. 22, p. 90. [5] Arr. cass. 13 mars 1812; 2 avril 1825 ; 23 janvier 1829; Dalloz, t. 22, p. 91; S. 1826, 1, 250.*

[6] L'art. 222, qui punit les outrages par paroles envers un ou plusieurs magistrats de l'ordre administratif ou judiciaire, comprend les outrages consignés dans des écrits publics. Br. cass. 21 no

ticle 222 s'applique aux injures proférées même en l'absence du fonctionnaire, et il se fonde sur ce que cet article n'a pas exigé sa présence [4]. Nous aurions peine à concilier cette décision avec la nature de l'outrage et les textes du Code. La loi suppose évidemment dans tous les articles qui font l'objet de ce chapitre la présence du magistrat offensé : l'art. 222 veut qu'il ait reçu l'outrage; l'art. 228 qu'il ait éprouvé les violences. Ensuite, il est de l'essence de l'outrage d'être fait à la personne elle-même qui en est l'objet; proféré loin d'elle, c'est une diffamation ou une injure, ce n'est plus un outrage, parce que le magistrat n'en est pas atteint immédiatement, parce que la loi n'a voulu le protéger plus efficacement que contre une attaque directe.

ne permet pas de le ranger parmi les outrages par gestes ou menaces; qu'il doit donc être assimilé à l'outrage par paroles; qu'en effet l'écriture n'est qu'une parole écrite; que l'art. 222 n'a point exclu cette interprétation, et que les termes n'en sont point limitatifs [1]. » Nous ne pouvons admettre ni l'exactitude de cette analogie, ni la doctrine sur laquelle elle repose. Faut-il répéter encore qu'en matière pénale les termes de la loi doivent être pris dans leur acception propre, qu'aucun mot ne peut être détourné de son sens naturel, et surtout qu'en aucun cas l'analogie ne peut être invoquée pour en déduire l'application d'une peine à un cas nouveau ? La loi a puni l'outrage par paroles, on en conclut qu'elle a voulu punir l'outrage par lettres; mais il suffirait que ces deux modes d'exécution du même délit fussent différents Enfin l'outrage par paroles doit, pour être l'un de l'autre, pour qu'on ne pût étendre de incriminé, être de nature à inculper l'honneur l'un à l'autre la disposition pénale. Ensuite le ou la délicatesse du magistrat. Pris dans un délit est-il donc le même? L'outrage par pa- sens générique, l'outrage est toute injure faite roles est une espèce de voie de fait; il peut ac- d'une manière quelconque à un fonctionnaire : quérir de la publicité; il emprunte à la forme l'art. 222 a restreint cette acception; il a créé avec laquelle il se produit une gravité plus ou une espèce dans le genre; il ne punit pas tout moins intense. L'outrage par lettres n'a ni le outrage, mais seulement celui qui par son camême retentissement, ni les mêmes caractères ractère tend le plus à paralyser l'autorité mode gravité ; l'injure reste ensevelie dans le silence rale, à affaiblir la considération du magistrat. elle ne cause au fond aucun dommage. Si la lettre Cette nature spéciale de l'outrage prévu par devenait publique, ou si l'agent répétait la l'art. 222 doit être soigneusement pesée par le parole outrageante, l'art. 6 de la loi du 25 mars juge; car il n'est point investi d'un pouvoir 1822 le saisirait aussitôt pour le punir. Le même discrétionnaire pour en apprécier les éléments, besoin de protection ne se fait donc pas sentir puisque ces éléments ont été définis par la loi. dans les deux cas ; c'est un motif de plus pour La jurisprudence offre plusieurs exemples d'une ne pas les assimiler. Nous ajouterons enfin qu'il appréciation des juges du fait, déclarée inexacte n'est peut-être pas exact de dire que les in- ou saine par la Cour de cassation [5]. jures adressées à un magistrat dans une lettre restée secrète ne trouveraient dans la loi pénale aucune répression; car l'art. 376 du Code comprend dans sa disposition toutes injures ou expressions outrageantes, et la Cour de cassation a jugé que cet article s'appliquait aux injures écrites commes aux injures verbales [2]. Au reste, l'interprétation.que nous proposons se trouve déjà confirmée par un précédent arrêt de la Cour de cassation rendu sous la présidence de M. Barris [3].

Telles sont les différentes conditions qui doivent se réunir pour constituer un outrage et caractériser le délit. Mais, depuis le Code pénal, cette matière a plusieurs fois occupé le législateur et les règles qui viennent d'être exposées ont été modifiées en France sous plusieurs rapports. Il importe de savoir quelles règles nouvelles la législation a apportées sur ce point, et quelles dispositions du Code se trouvent abrogées, lesquelles sont encore debout et en vigueur; c'est ce que nous allons maintenant

Mais cet arrêt a jugé en même temps que l'ar- examiner.

vembre 1821; J. de B., 1821, 2. 55; et Br. 29 janv. 1829; J. de B. 1829, 1, 8.

Ce dernier arrêt a jugé également que le ministre de la justice est un magistrat dans le sens de

l'art. 222.

[1] Arr. cass. 15 juin 1837.

[2] Arr. cass. 10 nov. 1826; S. 1827, 213.

[3] Arr. cass. 10 avril 1817; S. 1818, 1, 23; Dalloz, t. 22, 153.

[4] La Cour de cassation de Bruxelles a jugé dans le même sens par arrêt du 29 janv. 1829. J. de Br. 1829, 1, 8.

[5] Arr. cass. 22 déc. 1814; 29 mai 1813; Dalloz, t. 22, p. 92; S. 1815, 1, 92.

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