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Les art. 16 et 19 de la loi du 17 mai 1819 avaient déjà modifié l'art. 222, en en détachant les cas où l'outrage prendrait le caractère d'une diffamation ou d'une simple injure. L'art. 16 porte: « La diffamation envers tout dépositaire ou agent de l'autorité publique, pour des faits relatifs à ses fonctions,sera punie d'un emprisonnement de huit jours à dix-huit mois, et d'une amende de 50 frs. à 3,000 frs. » L'art. 19 punit l'injure envers les mêmes personnes d'un emprisonnement de cinq jours à un an, et d'une amende de 25 francs à 2,000 francs; mais ces dispositions ont été elles-mêmes implicitement abrogées par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822, qui a porté de nouvelles peines contre les outrages dont les fonctionnaires publics peuvent être l'objet, et qui a substitué le terme d'outrage aux mots injure, diffamation, pour qualifier les propos diffamatoires ou injurieux adressés aux fonctionnaires [1]. Toutefois, comme l'article 16 de la loi du 17 mai 1819 est la seule disposition de la législation qui ait désigné les agents de l'autorité publique parmi les fonctionnaires sur lesquels la loi étend une protec tion spéciale, on a continué de l'appliquer toutes les fois que la qualification de fonctionnaire public ne peut être donnée à l'agent de l'autorité publique outragé. C'est ainsi que cette disposition a été invoquée par la jurisprudence en faveur des appariteurs ou agents de police [2], et même des gardes nationaux insultés dans leurs fonctions [3].

Ces dispositions parurent insuffisantes au législateur; l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822 fut proposé pour les compléter. « Il est triste, disait l'exposé des motifs, d'avoir à rappeler que des membres de cette Chambre ont été diversement insultés ou menacés par des attroupements tumultueux. Les tribunaux, fidèles à la lettre de la loi, ont jugé que les membres des Chambres n'étaient pas compris sous les désignations de magistrats ou de dépositaires de l'autorité publique. Une disposition spéciale est donc nécessaire; elle embrasse l'outrage fait publiquement, d'une manière quelconque, à raison de la fonction ou de la qualité; et, comme cette désignation est plus large que celle du Code pénal, le projet ne s'applique pas seulement aux membres des deux Chambres, mais aussi aux fonctionnaires publics. Enfin, l'article donne une garantie semblable aux jurés et aux témoins, dont l'indépendance est si

[1] Arr. cass. 18 juill. 1828; S. 1828, 1, 399. [2] Arr. cass. 28 août 1829.

essentielle à la bonne administration de la justice; tels sont les motifs de l'article 6, ainsi conçu : « L'outrage fait publiquement, d'une manière quelconque, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, soit à un ou plusieurs membres de l'une des deux Chambres, soit à un fonctionnaire public, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une amende de 1,000 fr. à 4,000 fr.; le même délit envers un juré à raison de ses fonctions, ou envers un témoin à raison de sa déposition, sera puni de dix jours à un an, et d'une amende de 50 fr. à 3,000 fr.»

Il est nécessaire de remarquer que si cet article ne crée point un délit nouveau, puisque le délit d'outrage était déjà prévu par le Code pénal, il imprime du moins à ce délit un sens plus large et preque indéfini. Il ne s'agit plus seulement ici, comme dans l'art. 222, d'une atteinte à l'honneur ou à la délicatesse du fonctionnaire; toute expression offensante, toute imputation d'un fait honteux, toute insulte peut être qualifiée outrage. Mais cet outrage n'est punissable, dans le système de la loi, qu'autant qu'il a été commis avec des conditions de criminalité différentes de celles énumérées par le Code.

Ainsi l'art. 222 ne prévoit qu'une espèce d'outrage, celui qui peut inculper l'honneur ou la délicatasse de la personne offensée; l'article 6 de la loi du 25 mars 1822 punit l'outrage sans le définir, et par conséquent toutes les sortes d'outrages commis dans les circonstances énoncées par cet article se trouvent comprises dans cette expression générique. Ensuite le Code pénal ne s'applique qu'aux outrages faits par paroles ou par gestes, tandis que la loi spéciale comprend les outrages commis d'une manière quelconque, par écrits, par paroles, par emblèmes, par gestes. Cette loi se restreint à ceux qui sont faits à raison des fonctions,et le Code s'étend, au contraire, aux outrages commis soit dans l'exercice, soit à l'occasion des fonctions; enfin la loi de 1822 n'atteint que les outrages qui se sont manifestés publiquement, et l'art. 222 les frappe, au contraire, qu'ils soient ou non accompagnés de publicité.

De ces différences il faut conclure que l'article 222 demeure encore en vigueur relativement aux outrages qui sont commis, 1o dans l'exercice des fonctions, qu'ils soient ou non

[3] Arr. cass. 24 fév. et 17 mai 1832; S. 1832, 1,541.

publics [1]; 2° à l'occasion de cet exercice, mais sans publicité [2]. Dans ces deux cas, les règles particulières que nous avons déduites du texte de l'article conservent leur force,et dès lors le délit doit réunir les éléments de criminalité exigés par cet article. Hors de ces deux hypothèses, cette disposition n'a plus d'application. Mais, dans l'une de ces hypothèses même, lorsque l'outrage est commis dans l'exercice des fonctions, il peut revêtir un autre caractère, celui de la diffamation. En général, l'outrage, qui n'est qu'une injure aggravée par la qualité de celui auquel elle s'adresse, constitue un délit distinct de la diffamation, que la loi a définie l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération [3]. Néanmoins, lorsque cette diffamation se produit par la parole, qu'elle est jetée à la face du magistrat comme une injure au milieu de l'exercice de ses fonctions, elle peut être considérée comme un outrage, et les règles relatives à ce dernier peuvent la saisir; mais il n'en serait plus ainsi lorsque la diffamation n'a été accompagnée d'aucune expression outrageante, d'aucun terme de mépris, d'aucune invective, enfin d'aucun geste de nature à en faire un outrage. Cette distinction est surtout importante en ce qui concerne la procédure, puisque la compétence et les formes diffèrent, aux termes de l'article 20 de la loi du 26 mai 1819, dans l'un et l'autre cas.

La loi pénale a considéré comme une circonstance aggravante de l'outrage sa perpétration à l'audience des cours et des tribunaux. L'infraction puise dans cette circonstance une plus haute gravité, soit parce que ce n'est plus à un magistrat procédant isolément, mais à un corps de magistrature, à un tribunal entier que l'injure est portée, soit parce que la majesté des juges doit être protégée avec plus de sévérité au moment où ils distribuent la justice. Le deuxième paragraphe de l'art. 222 porte en conséquence: « Si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, l'emprisonnement sera de deux a cinq ans. » Il est nécessaire de rapprocher d'abord cette disposition de deux autres dispositions analogues de la législation.

-L'art. 11 du Code de procédure civile autorise le juge, dans le cas d'insulte et d'irrévérence grave envers lui, à prononcer un emprisonnement de trois jours au plus; et l'art. 91 du

[1] Arr. cass. 17 mars 1820; 28 août 1823; 27 fév. 1832; Dalloz, t. 22, p. 93; S. 1820, 1, 276, 1832, 1, 161.

même Code investit également les tribunaux du pouvoir de condamner à un mois d'emprisonnement ceux qui outrageraient ou menaceraient les juges ou les officiers de justice dans l'exercice de leurs fonctions : nous ne parlons point des art. 504 et suivants du Code d'instruction criminelle, qui ne sont relatifs qu'au mode de procédure et à la compétence des tribunaux. Ces dispositions ont été abrogées ou du moins modifiées par les art. 222 et 223 du Code pénal. Il est évident, en premier lieu, que l'art. 11 prévoit un fait différent, le fait d'insulte et d'irrévérence grave, qui constitue une infraction beaucoup plus légère que l'outrage. La sollicitude du législateur a dû déployer une prévoyance plus grande en faveur du juge de paix, qui, plus isolé et plus en contact avec les parties, avait besoin d'une protection plus efficace et d'un moyen répressif plus facile. L'art. 11 doit donc subsister à côté de l'art. 222; il agit dans une sphère inférieure, il s'arrête quand l'insulte prend les caractères de l'outrage défini par cet article. En ce qui concerne l'art. 91, cependant, il nous semble que la même solution doit y être appliquée : l'outrage prévu par les art. 222 et 223 a un caractère particulier et très-grave; mais, au-dessous de cette injure spéciale, il est un grand nombre de faits, de paroles injurieuses, moins graves et cependant répréhensibles, qui portent atteinte, non point à la personne du juge, à son honneur ou à sa délicatesse, mais à la dignité de la magistrature et au respect dû à l'audience. C'est à cette classe d'outrages que l'art. 91 peut encore s'appliquer utilement, soit à raison des peines légères qu'il prononce, soit à raison des formes expéditives qu'il trace. Son incrimination étant indéfinie se trouve circonscrite par l'art. 222, mais elle peut s'appliquer encore aux faits qui ne rentrent point dans la disposition de cet article.

Cela posé, toutes les règles relatives aux outrages qui attaquent les magistrats dans l'exercice de leurs fonctions s'appliquent nécessai¬ rement aux outrages commis aux audiences: la pénalité seule est modifiée. Ainsi les même éléments sont exigés pour caractériser le délit ; ainsi il importe peu que l'outrage se rapporte à l'affaire qui occupe l'audience, pourvu qu'il soit commis pendant la durée de cette audience, pourvu qu'il soit dirigé contre les magistrats

[2] Arr. cass. 2 avr. 1825; 20 fév. 1830 ; S. 1826, 1, 250. [3] Art. 13, loi du 17 mai 1819.

qui siégent dans leurs fonctions. Car c'est le caractère public du juge, c'est le cours de la justice et l'exercice des fonctions, que la loi pénale a voulu protéger avec une sévérité plus grande.

Une question qui s'est produite naguère dans une circonstance analogue, est de savoir s'il y a outrage lorsque les magistrats siégeant à l'audience n'ont pas entendu les paroles, ne se sont pas aperçus du fait qui peut le constituer. Dans une espèce où la compétence instantanée des juges était seule controversée, la Cour de cassation a jugé « que les paroles offensantes d'un avocat à l'audience ne perdent pas le caractère de faute de discipline qui leur appartient pour n'être pas parvenues à l'oreille des juges; que toutes les fois qu'au lieu d'être dites sous le secret de la confidence, elles sont prononcées assez haut pour être entendues d'une partie du public, il y a atteinte portée à la dignité de l'audience et au respect dù à la justice [1]. » Il faut remarquer d'abord que cette décision ne juge point notre question, puisque les motifs pour admettre la compétence ou l'existence du délit de sont pas les mêmes, puisque toute atteinte portée à la dignité de l'audience n'est pas un outrage dans le sens de la loi pénale; mais il nous semble nécessaire d'en combattre l'induction qu'on pourrait en tirer. Comment admettre l'existence de l'outrage quand le fait qui le constituerait n'est pas même apparu aux yeux du juge? Comment apercevoir un délit dans un geste, dans une parole qui n'a produit ni trouble ni scandale, qui n'a point interrompu les débats, qui est demeuré ignoré du tribunal? L'outrage est une attaque directe contre les juges, il se produit ouvertement, il imprime son offense sur leur front: c'est parce qu'elle l'a considéré comme un fait flagrant, que la loi a voulu venger de suite la dignité de l'audience troublée, et faire suivre immédiatement l'offense de la réparation. Quelques paroles échappées à demi-voix, un geste à peine aperçu, ne peuvent constituer le délit, parce qu'ils n'atteignent pas ouvertement le magistrat. Peut-être ees atteintes secondaires pourraient-elles être comprises dans les termes de l'art. 91 du Code de procédure civile; mais il serait impossible d'y reconnaître les caractères distinctifs de l'outrage défini par le Code pénal.

quer que le deuxième paragraphe de l'art. 222 s'étend à toutes les cours, à tous les tribunaux indistinctement la disposition générale et la même raison de décider s'appliquent, d'ailleurs, à toutes les juridictions.

Les peines portées contre l'outrage par paroles se graduent suivant la qualité de la personne outragée: si cette personne est un magistrat, cette peine est l'emprisonnement dans les limites fixées par l'art. 222; elle s'abaisse et descend jusqu'à une simple amende, lorsque cette personne est un officier ministériel ou un agent de la force publique. «L'outrage fait par paroles, porte l'art. 224, à tout officier ministériel ou agent dépositaire de la force publique, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, sera puni d'une amende de 16 francs à 200 francs. » Il est clair qu'il s'agit ici du même délit la qualité de la personne offensée a seule changé; la définition et les règles établies par l'art. 222 s'appliquent à celui-ci.

La question s'est élevée de savoir si l'art. 224 est applicable à un individu qui a fait à un agent de la force publique la fausse dénonciation d'un crime imaginaire. Il nous paraît qu'une solution négative doit être adoptée. Ce qui constitue l'outrage prévu par le Code, il faut le répéter encore, ce sont ces expressions injurieuses, ces termes de mépris, ces invectives, ces imputations de vices ou d'actions blâàmables qui portent atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle on les impute [2]. Or peut-on voir un outrage de ce genre dans une déclaration mensongère faite à un officier de police? Ce ne sont pas les termes de la déclaration qui pourront constituer l'outrage: ces termes, qui ne contiennent que le récit d'un fait en apparence véritable, ne s'adressent point à la personne du magistrat, ils ne l'inculpent pas; ils ne portent pas atteinte à son honneur, à sa délicatesse; ils le trompent à la vérité, mais un faux témoin trompe la justice, et son faux témoignage reste impuni s'il n'a été fait que dans l'instruction écrite devant le magistrat instructeur; et toutefois ce faux témoignage a pu induire les magistrats dans des recherches non-seulement illusoires mais injustes, puisqu'ils ont pu faire envelopper un innocent dans cette poursuite. Une déclaration mensongère ne peut être considérée comme un outrage envers

On ne doit pas omettre, du reste, de remar- l'autorité à qui elle est faite, que par une in

[1] Arr. cass 24 déc. 1836.

[2] L'imputation d'imbecillité, de hétise, adressée à un bourgmestre constitue le délit d'outrage.

Br. 6 août 1835; J. de B. 1835, 406. — V. cependant Sirey, 1809, 1, 162; 1810, 1, 298.

duction qui dénaturerait le sens naturel des expressions de l'art. 222; qui substituerait à l'outrage par paroles, lequel présente un sens précis et déterminé et se manifeste par un acte matériel, une autre autre espèce d'outrage qui aurait besoin de temps et de recherches pour se découvrir, qui laisserait des doutes sur l'intention de son auteur, qui serait en un mot tout intellectuel. A cette doctrine, toutefois, on peut opposer un arrêt de rejet de 9 décembre 1808 [1, qui a qualifié d'outrage la dénonciation d'un délit imaginaire faite à la gendarmerie. Mais on doit remarquer que cet arrêt a été rendu sous l'empire du Code de 1791, et les dispositions de ce Code relatives à l'outrage n'étaient point conçues dans des termes aussi précis, aussi restrictifs que ceux de l'art. 222; et d'ailleurs, nous n'hésitons point à penser que, même en appliquant ce Code qui n'avait point défini l'outrage, mais qui lui avait laissé son sens commun, l'arrêt que nous avons cité a méconnu les signes essentiels de ce délit.

L'unique difficulté à laquelle puisse donner lieu l'art. 224 est de savoir quelles personnes sont comprises sous la dénomination d'officiers ministériels et d'agents dépositaires de la force publique [2]. Nous avons précédemment expliqué la signification de la première de ces expressions; elle s'étend, en général, aux avoués, aux huissiers, aux commissaires-priseurs : [3] la jurisprudence y a compris, dans l'application même de l'art. 224, les notaires [4] et même les porteurs de contraintes des contributions

[1] Sirey, t. 10, p. 257; Dalloz, t. 22, p. 88. [2] Les employés des droits d'entrée, etc., ne doivent être considérés ni comme des agents de la force publique, ni comme des officiers ministériels.

L'art. 224 ne s'applique qu'aux agents dépositaires de la force publique, et non à ceux qui en sont simplement agents. Br. cass. 22 oct. 1835; Bull. de cass., 1836, 207.

Le code pénal de 1810 et la loi générale sur les accises du 26 août 1822 ont abrogé l'art. 14 du tit. 13 de la loi du 22 août 1791, qui punit de 500 francs d'amende, sans minimum, ceux qui se permettent d'injurier ou maltraiter les préposés des douanes. Br. cass. 9 août 1834; Bull. de cass. 1835, p. 126; 1836, p. 267.

Les préposés aux taxes municipales sont des officiers ministériels ou agents dépositaires de la force publique, dans le sens des articles 209 et 224 du C. P. combinés avec l'art. 323 de la loi genérale en date du 26 août 1822. Liége, 1er juillet

directes. Quant aux notaires, quoiqu'ils soient plus généralement considérés comme fonctionnaires publics, toutefois ils appartiennent par leur caractère et leurs fonctions à la classe des officiers ministériels, et le vœu de la loi a certainement été de leur assurer la même protection, dans l'exercice de leurs fonctions, qu'aux avoués et aux commissaires-priseurs [5]. Mais nous ne pouvons étendre la même solution aux porteurs de contraintes des contributions directes. La Cour de cassation a décidé « qu'aux termes de l'art. 18 du décret du 16 thermidor an VIII, ces porteurs sont huissiers des contributions directes; que dès lors ils sont officiers ministériels dans l'exercice de leurs fonctions, et que les outrages qui leur sont adressés, dans cet exercice, par paroles, gestes ou menaces, sont prévus et réprimés par l'art. 224 [6]. » Nous ne croyons pas, d'abord, qu'il soit exact de dire que ces agents sont huissiers des contributions directes; ils en remplissent les fonctions, mais ils n'en ont pas le caractère. L'art. 18 de la loi du 16 thermidor an vin est ainsi conçu : « Les porteurs de contraintes feront seuls les fonctions d'huissiers pour les contributions directes; ils ne sont pas assujétis au droit de patente. » Or, ne serait-ce pas donner une extension aux termes de cet article et par conséquent de l'art. 224, que d'assimiler complètement ces agents aux officiers ministériels, pour leur assurer une garantie qui ne leur a point été nominativement accordée? Ensuite, on doit remarquer que l'art. 209 énumère les

1825; Rec. de Liége, t. 10, p. 298.

[3] La Cour de Bruxelles, par arrêt du 29 octobre 1836, a considéré les gardes champêtres comme officiers ministériels, mais outre que la signification propre de ces derniers mots résiste à semblable interprétation, il résulte formellement de l'art. 209 qu'aux yeux du législateur les officiers ministériels et les gardes champêtres forment une classe distincte de fonctionnaires. — V. J. de Belg., 1837, p. 58.

[4] Le fait d'avoir empoigné et chassé des témoins instrumentaires appelés par un notaire à la passation d'un testament rentre dans l'application des art. 209 et 212 comme constituant un délit de rébellion, une véritable attaque avec violences et voies de fait, envers le notaire lui-même. Un notaire doit être considéré comme un officier ministériel. Br. 23 fév. 1833; J. de B. 1833, 1, 191.

[5] Arr. cass. 13 mars 1812; 22 juin 1809; Dalloz, t 22, p. 94; S. 1810, 1, 190.

[6] Arr. cass. 30 juin 1832; S. 1832, 1, 577.

officiers ministériels, la force publique, les préposés à la perception des taxes et des contributions, leurs porteurs de contraintes, etc. En rapprochant cette disposition de l'art. 224, il en résulte ces deux corollaires : que les porteurs de contraintes sont autre chose que les officiers ministériels et les agents de la force publique; et que, puisque l'art. 224 ne punit que les outrages faits à ces derniers, sa disposition ne saurait atteindre les actes de la même nature commis envers les porteurs de contraintes.

Les agents de la force publique sont néces sairement agents de l'autorité publique; mais ces derniers ne sont pas toujours agents de la force publique [1] : ainsi les agents ou les appariteurs de police ne devraient pas être rangés dans la classe des agents de la force publique [2]. Cette différence peut être importante à l'égard des outrages que les agents reçoivent dans l'exercice de leurs fonctions, car l'art. 224 est la seule loi pénale applicable à ces outrages; mais il en est autrement en ce qui concerne les outrages commis à raison de leurs fonctions et publiquement l'art. 19 de la loi du 17 mai 1819 porte que « l'injure contre les personnes désignées par les art. 16 et 17 de la loi sera punie d'un emprisonnement de cinq jours à un an, et d'une amende de 25 à 200 francs. » Or, l'article 16 désigne indistinctement les dépositaires et les agents de l'autorité publique : d'où il il suit que les agents de la force publique sont protégés soit par l'art. 224, soit par l'art. 19 de la loi du 17 mai 1819, suivant qu'ils ont été outragés ou injuriés dans leurs fonctions, mais publiquement; et que les agents de l'autorité ne jouissent, au contraire, de cette garantie que dans le seul cas prévu par l'art. 19 de la loi du 17 mai 1819.

L'art. 225 fait une exception à l'article précédent en faveur des commandants de la force publique : « La peine sera de six jours à un mois d'emprisonnement, si l'outrage mentionné en l'article précédent a été dirigé contre un commandant de la force publique. » Le sens de cette dernière expression ne nous semble pas avoir été sainement compris par la jurispru

[1] Les agents de police, bien qu'ils soient en effet agents de l'autorité publique, ne peuvent être assimilés aux agents dépositaires de la force publique que dans les cas où cette qualité leur est attribuée par l'art. 77 du décret du 18 juin 1811.

En conséquence ceux qui les outragent par paroles dans l'exercice de leurs fonctions ne sont

CHAUVEAU. T. II.

dence: la Cour de cassation a jugé qu'un brigadier de gendarmerie est un commandant de la force publique dans l'étendue du territoire assigné à sa brigade, lors même que dans le service il n'est accompagné que d'un seul homme [3]; cette décision s'appuie sur quelques articles de l'ordonnance du 29 octobre 1820, relative à la gendarmerie, qui désignent ce sous-officier par le nom de commandant de brigade. Mais ce n'est pas au mot seul qu'il faut s'attacher, c'est à la valeur que la loi lui a donnée. Cet article n'existait point dans le projet du Code pénal: un membre du Conseil d'état objecta que la faible amende portée par l'art 224 lui semblait une peine insuffisante lorsque l'outrage serait fait à un officier de la force armée qui pourrait être d'un grade élevé. M. Berlier répondit qu'il semblait inutile de prévoir une hypothèse qui devait rester étrangère à l'article « Qu'est-ce que l'officier ministériel dont il parle ? ordinairement un huissier; et quels sont les autres agents de la force publique ? le plus souvent des recors, plus souvent des gendarmes: voilà les seuls militaires qui puissent se trouver dans la disposition qu'on discute, et encore n'y sont-ils que comme auxiliaires de l'autorité civile. La chose ainsi entendue : quelque faveur que mérite un gendarme, l'outrage qui lui est fait ne paraît pas devoir être aussi grièvement puni que l'insulte faite à un magistrat en fonctions. » On insista en alléguant qu'il était possible que le commandant du détachement fût un officier de gendarmerie, et M. Berlier accorda que dans ce cas spécial il pourrait être convenable d'infliger la peine d'emprisonnement, mais à un degré moindre que dans le cas d'insulte faite à un magistrat : Cambacérès ajouta qu'il fallait faire une disposition particulière pour les officiers supérieurs. Voilà l'origine et les motifs de l'article 225. Il en résulte que ce n'est qu'aux seuls officiers que le législateur a voulu prêter un appui plus efficace, et que sa protection ne s'est point étendue aux sous-officiers qui, alors même qu'ils se trouvent à la tête de quelques militaires, ne peuvent être réputés commandants dans le sens hiérarchique que la loi militaire attache à ce mot. Et si l'on veut une

point punissables aux termes de l'art. 224 du Code pénal. Br. cass. 3 juill. 1834 ; Bull. de cass. 1835, p. 379; Liége, 15 mars 1836; J. de B 1836, 446; et V. 1834, 234.

[2] Arr. cass. 28 août 1829; S. 1830. 1, 159. [3] Arr. cass. 14 janv. 1826; S. 1826, 1, 369.

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