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preuve qui soit puisée dans la loi pénale ellemême, il suffit de rapprocher de l'art. 225 l'art. 234 qui énumère soigneusement les commandants, les officiers et les sous-officiers de la force publique. Il résulterait même de ce nouveau texte que les officiers eux-mêmes ne seraient pas indistinctement réputés commandants, ce qui est exact dans la hiérarchie militaire; mais comme il suit de la discussion que le but du législateur a été de tracer une distinc. tion entre les officiers et les sous-officiers, nous croyons que tous les officiers doivent jouir du bénéfice de l'art. 225.

Nous ne nous sommes occupés jusqu'ici que de l'outrage par paroles: la loi à prévu une deuxième espèce d'outrage qui se commet par gestes ou menaces, et elle l'a placé à un degré inférieur dans l'appréciation de leur criminalité respective. « Dans la classification des outrages, porte l'exposé des motifs, on a placé au moindre degré de l'échelle ceux qui sont commis par gestes ou par menaces: les paroles ou trageantes, qui ont ordinairement un sens plus précis et mieux déterminé que de simples gestes ou menaces, ont paru être un délit supérieur à celui-ci. » La peine varie, du reste, comme en ce qui concerne l'outrage, par paroles, suivant que la personne outragée est un m gistrat, un officier ministériel ou agent de la force publique, ou enfin un commandant de la force publique: elle ne diffère de la peine relative à l'outrage par paroles que dans le premier cas, elle est la même dans les deux autres. L'art. 223 porte: «L'outrage fait par gestes ou menaces à un magistrat dans l'exercice de ses fonctions sera puni d'un mois à six mois d'emprisonnement; et si l'outrage a eu lieu à l'audience d'une Cour ou d'un tribunal, il sera puni d'un emprisonnement d'un mois à deux ans. » Les art. 224 et 225, dont nous avons rapporté les textes plus haut, punissent le même outrage quand il est fait aux officiers ministériels, commandants ou agents de la force publique.

L'art. 223 n'a point défini l'outrage par gestes ou menaces. Faut-il se reporter à l'art. 222 pour y puiser la tendance et le caractère de gravité que doit offrir cet outrage? L'affirmative ne semble pas douteuse. Ces deux articles sont l'expression d'une même pensée; ils appartiennent au même délit, au même genre d'outrages; ils ne diffèrent qu'en ce qu'ils prévoient un mode distinct d'exécution de ce délit : ce mode varie, mais l'acte reste le même; ainsi lout geste injurieux, toute menace offensante ne constituera pas le délit: il faut que son but soit d'inculper l'honneur ou la délicatesse du

magistrat, de l'officier ministériel ou de l'agent de la force publique. Mais comment discerner cette tendance d'un outrage qui ne se manifeste que par des gestes? Cette appréciation est le plus souvent assez facile: le geste est l'expression d'une pensée, expression vive et énergique lorsqu'il traduit un outrage; il est donc aisé de saisir, sous cette forme muette mais expressive, la pensée injurieuse que la parole déguise même quelquefois plus habilement. Les anciens jurisconsultes considéraient comme des gestes injurieux le jet de boue ou d'ordures, le fait de lever une canne sur la tête du magistrat, les sifflets, les charivaris, les huées ces actes pourraient rentrer sans aucun doute, et suivant les circonstances, dans les termes de l'art. 223. C'est aux juges, du reste, qu'il appartient d'apprécier les éléments du délit : mais le jugement doit nécessairement constater ces éléments car l'application de la peine manquerait de base légale. Au surplus, tout autre outrage par gestes ou menaces, qui n'aurait pas l'effet d'attaquer l'honneur ou la délicatesse du fonctionnaire, ne resterait pas par cela seul impuni; l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822 le comprendrait dans ses termes pourvu qu'il eût été commis publiquement et à raison de ses fonctions.

L'art. 223 a omis également, en parlant de l'outrage fait à un magistrat, de définir ce dernier terme : c'est qu'ici encore l'intention du législateur a été de se référer à l'art. 222 relativement à cette définition; c'est aussi ce que la Cour de cassation a reconnu en décidant «qu'en déclarant que les membres de la Cham-bre des Députés ne peuvent être considérés comme magistrats administratifs ou judiciaires, et qu'ainsi l'art. 223 du Code pénal, qui se réfère à l'art. 222, ne pourrait être appliqué aux outrages par gestes ou menaces qui leur seraient faits à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, la Cour royale dont l'arrêt avait été frappé par le pourvoi n'avait point violé ces articles [1]. »

Aux peines d'emprisonnement et d'amende que les articles 222 et suivants ont établies pour la répression des outrages, le Code en a joint une autre d'une nature particulière : c'est la réparation à l'offensé faite à l'audience ou par écrit. Les art. 226 et 227, qui édictent cette peine spéciale, sont ainsi conçus. Art. 226 : «Dans le cas des art. 222, 223 et 225, l'offenseur pourra être, outre l'emprisonnement, condamné à faire réparation, soit à la première

[1] Arr. cass. 20 oct. 1820; Dalloz, t. 22, 97.

audience, soit par écrit ; et le temps de l'emprisonnement prononcé contre lui ne sera compté qu'à dater du jour où la réparation aura eu lieu. » Art. 227: « Dans le cas de l'art. 224, l'offenseur pourra de même, outre l'amende,être condamné à faire réparation à l'offense; et s'il retarde ou refuse, il sera contraint par corps.» Cette peine, qui n'existait point dans la loi romaine, a été puisée dans notre ancien droit où elle était placée à côté de l'amende honorable, quoiqu'elle ne partageât d'ailleurs ni l'infamie ni l'appareil de cette dernière peine. Elle paraît avoir pris son origine dans la jurisprudence canonique, qui la considérait comme une sorte de pénitence imposée au coupable à raison du mal qu'il avait causé par l'injure [1]. » La réparation honorable, dit Jousse, est la satisfaction qu'un accusé qui a offensé quelqu'un est obligé de faire à celui qu'il a offensé. Quand l'injure est légère', cette réparation se fait par un acte que l'on met au greffe et par lequel on déclare que l'on tient celui qu'on a injurié pour une personne d'honneur; si l'injure est grave, celui qui l'a proférée est condamné à faire cette déclaration en présence de deux ou plusieurs personnes, au choix de l'offensé, à lui demander pardon, et à passer un acte de cette déclaration devant notaire et à ses dépens [2]. »

Le Code a limité l'application de cette mesure au seul cas d'outrages envers les fonctionnaires dénommés aux art. 222, 224 et 225; mais, même ainsi restreinte, it importe d'en fixer le caractère ce caractère est évidemment celui d'une peine; elle est prononcée, non point à la requête de la partie civile, mais d'office et sur les réquisitions du ministère public : ce n'est donc point une simple réparation civile, c'est une aggravation de la peine principale. Telle est aussi l'appréciation que la Cour de cassation en a faite en déclarant : « que cette condamnation est au torisée dans les art. 226 et 227 comme une aggra. vation de la peine quand il y échet; qu'elle y est donc considérée comme ayant elle-même un caractère pénal [3]. » De cette règle découlent deux corollaires.

La réparation d'honneur étant une peine, il s'ensuit qu'elle ne peut être prononcée que sur les faits et dans les cas pour lesquels la loi l'a expressément ordonnée ou permise. Ainsi elle ne pourrait être appliquée aux injures commises vis-à-vis des particuliers; elle ne pourrait l'être même aux outrages commis envers les

[1] Farinacius, quæst. 105, no 72.

[2] Traité des matières crim. t. 1, p. 116.

fonctionnaires publics dans le cas prévu par l'art. 6 de la loi du 25 mars 1822. Car la loi pé-nale n'a autorisé cette condamnation que dans les seuls cas prévus par les art. 222, 223 et 225; et, en ne la renouvelant pas pour d'autres cas, mème d'une nature identique, il est présumé l'avoir refusée.

Une deuxième conséquence du même principe est que le magistrat offensé ne peut, comme l'enseigne M. Carnot [4], dispenser le condamné de cette réparation, en déclarant qu'il y renonce. Ce n'est point en vue de la personne et dans l'intérêt du fonctionnaire outragé que la réparation est ordonnée, c'est en considération de la magistrature blessée par l'injure : le fonctionnaire outragé ne peut pas plus la remettre que l'amende et l'emprisonnement.

Cette peine est facultative: les juges ne doivent donc la prononcer que dans les cas les plus graves; mais c'est bien plus la nature de l'outrage que la gravité de la personne offensée qui doit en déterminer l'emploi. La commission du Corps législatif avait proposé de réserver cette réparation en faveur des seuls magistrats offensés : « Il y a une grande différence, portait son rapport, entre un outrage fait à un magistrat séant en son tribunal, et celui fait, par exemple, à un huissier exécutant dans l'intérieur d'une maison un acte de son ministère ; l'un est public, l'autre l'est peu, et le respect dû à l'autorité d'un administrateur, d'un juge, d'un maire, exige un degré de réparation de plus. Le cas sera très-rare à leur égard et très-commun pour les officiers ministériels. La réparation donnerait souvent lieu à de nouvelles injures, à des poursuites fréquentes. » Le Conseil d'état répondit à ces observations qu'il ne voyait pas de motif pour refuser la réparation aux officiers ministériels, et qu'il ne fallait pas que la loi ellemême les avilit en les plaçant en dehors de ses dispositions; l'article fut en conséquence maintenu.

Mais il est dans la nature d'une telle peine d'entraîner de grandes difficultés dans son exécution, car elle consiste dans une obligation de faire; et, si le condamné refuse de se soumettre à cette obligation, il faut recourir à des mesures coercitives. Farinacius voulait qu'au cas de refus de sa part, une autre peine fût substituée à celle-là : Si injurians non vult hanc veniam petere, nullo modo ipsi talis petitio injungenda est, præsertim si famæ et honoris restitutio aliter fieri potest. D'après l'art. 22

[3] Arr. cass. 28 mars 1812; 8 juill. 1813; Dalloz, t. 22, p. 142; S. 1812, 1, 359.

[4] Comm. du C. P. art. 226, no 10.

du titre 25 de l'ordonnance de 1670, les juges devaient faire au condamné trois différentes injonctions, après lesquelles ils pouvaient le condamner à plus grande peine. Les articles 226 et 227 ne fogt courir la peine d'emprisonnement qu'à dater de la réparation, ou, si le condamné n'est pas détenu, ils l'y contraignent par corps. Ce mode d'exécution est plus rigoureux, car il ne laisse pas le choix au condamné. Qu'adviendrait-il donc si celui-ci persistait à refuser la réparation? Serait-ce la justice qui fléchirait? ou, pour un délit léger, le condamné demeurerait-il éternellement en prison?

En résumé, cette peine est un débris d'un système pénal tombé que nos lois modernes n'auraient pas dû recueillir. Quelque modérés que soient les termes de la réparation, elle humilie le coupable au lieu de le corriger; elle allume les ressentiments qu'elle devrait apaiser. Est-elle nécessaire pour réparer l'outrage? Mais qu'est-ce donc que l'emprisonnement ou l'amende sinon une réparation de ce délit ? La société est satisfaite: l'aveu du coupable n'ajoute rien à l'expiation du délit. C'est une espèce de torture morale que notre législation aurait dû repousser.

En terminant cet examen des outrages adressés aux fonctionnaires publics, nous devons faire deux observations: la première est que nous avons dû limiter nos études aux dispositions mêmes du Code, et ne nous occuper des lois qui sont intervenues postérieurement sur la même matière, qu'autant que ces lois avaient touché ou modifié quelques-unes des dispositions de ce Code. Nous nous sommes donc abstenus d'examiner, par exemple, la nature et les éléments des outrages commis envers certaines personnes qui, sans être fonctionnaires publics, agissent toutefois avec un caractère public tels sont les membres des Chambres législatives, les jurés et les témoins; la loi du 25 mars 1822, en introduisant ces incriminations nouvelles, u'a modifié nulle disposition du Code, et il ne pouvait entrer dans notre plan de présenter le commentaire de cette loi spéciale.

Nous voulons, en second lieu, rappeler une règle générale qui doit s'appliquer à tous les délits qui ont fait l'objet de ce paragraphe, c'est qu'il n'y a point d'outrage quand il n'y a point eu d'intention d'outrager : Injuria ex affectu facientis consistit. Ainsi, lorsque l'agent a fait erreur de personne, ou lorsqu'il n'avait pas

[1] L. 1, § 1, 7 et 8, Dig. de injuriis. [2] L. 9, ibid.

le dessein de faire une injure sérieuse, le délit ne peut lui être imputé : Quarè si quis perjocum percutiat aut dùm certat, injuriarum non tenetur. A la vérité, quand les paroles ou les gestes sont injurieux, l'intention coupable est présumée, et c'est au prévenu à justifier de sa bonne foi; mais cette preuve doit être admise et elle efface le délit. Les anciens jurisconsultes ont longtemps disserté sur le point de savoir si l'ivresse ou la colère sont deux excuses de l'injure nous avons apprécié précédemment la nature et les effets de ces deux causes impulsives des actions humaines; il suffira de rappeler que la colère et l'ivresse ne sont point, en général, des motifs de justification, mais peuvent devenir des circonstances atténuantes qui motiveraient seulement une diminution de la peine.

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Des violences commises envers les fonc tionnaires publics.

La loi romaine avait prévu, ainsi qu'on l'a vu plus haut, deux espèces d'outrages, verbis aut re: l'outrage réel consistait dans les violences qui sont exercées sur la personne, re quotiens manus inferuntur. Cette sorte d'injure était réputée atroce, re atrocem injuriam haberi Labeo ait; mais cette gravité du délit se graduait toutefois d'après la gravité des violences et des blessures, vulneris magnitudo atrocitatem facit et nonnunquam locus vulneris veluti oculo percusso [1]. L'injure restait classée parmi les injures atroces, quoique les violences fussent légères, etiam sine pulsatione posse dici atrocem injuriam, personá atrocitatem faciente [2]; mais les peines se mesuraient sur la nature et les résultats des violences [3].

Ces distinctions ont été à peu près appliquées par notre Code en matière d'outrage contre les fonctionnaires. Après avoir disposé sur l'outrage verbal, il passe aux outrages commis à l'aide de violences et en fait l'objet de nouvelles dispositions. Ces violences sont classées, suivant leur criminalité ou plutôt suivant leurs résultats, en einq catégories différentes, à savoir: celles qui n'ont point causé de blessures, d'effusion de sang ou de maladie; celles qui, sans laisser plus de traces, ont cependant été commises avec préméditation ou guet-apens; celles

[3] L. 8 et 45, Dig. ibid.

qui ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, celles qui, ayant produit les mêmes résultats, ont été suivies de la mort de la victime dans les quarante jours; enfin, celles qui ont été commises avec l'intention de donner la mort. Nous allons successivement examiner chacune de ces incriminations.

Les art. 228, 229 et 230 sont relatifs aux violences non préméditées qui n'ont été suivies d'aucune blessure : la loi, en ce qui concerne ce premier degré des violences, et dans cette première hypothèse seulement, a gradué la peine d'après la qualité de la personne offensée. L'article 228 est ainsi conçu : « Tout individu qui, même sans armes, et sans qu'il en soit résulté de blessures, aura frappé un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice, sera puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans. »

Cette disposition a fait naître un doute grave sur la nature des violences qu'elle punit. Ellene comprend, en effet, dans ses termes, que ceux qui ont frappé les magistrats. Or, quel est le sens de cette expression? A-t-elle eu pour but de définir l'espèce des violences punissables, en les restreignant aux coups portés? Est-elle, au contraire, démonstrative seulement de la nature des violences, et permet-elle dès lors de comprendre dans la même incrimination toutes les voies de faits du même genre? Cette question importante, puisque sa solution réagit sur toute cette section, exige quelques développe

ments.

Qu'il nous soit permis de rappeler d'abord que la loi romaine avait distingué et énuméré plusieurs espèces de violences. En règle générale, l'injure réelle existait toutes les fois que les mains s'étaient portées sur la personne, quotiens manus inferuntur: mais ce n'était pas assez d'avoir posé cette règle; la loi avait cru nécessaire de prévoir les diverses sortes de violences. Est-ce une injure réelle que l'acte de violence qui ne touchait point immédiatement

le corps, comme, par exemple, de saisir une personne par ses vêtements et de les déchirer? La loi le décidait formellement: An et si non corpori utputà vestimentis scissis, comite abducto? Et ait Pomponius etiam sine pulsatione posse dici atrocem injuriam personá atrocitatem faciente [1]. Fallait-il ranger dans la même catégorie les voies de fait légères qui ne causent nulle douleur et ne laissent aucune trace? La loi avait pris soin de le déclarer encore: injuria in corpus fit cum quis pulsatur [2]; et la valeur de ce dernier mot était clairement déterminée : pulsare est sine dolore cædere. Les coups étaient à la fois définis: verberare est cum dolore cœdere; et la loi, en punissant ces diverses violences, les distinguait encore: Lex Cornelia competit ei qui injuriarum agere volet ob eam rem quòd se pulsatum verberatumve [3].

Il semble qu'en présence de textes aussi explicites, de distinctions aussi claires, le législateur était suffisamment averti d'énumérer et de définir les violences qu'il voulait atteindre; or, il n'en a prévu et incriminé qu'une seule espèce, les coups et les blessures. Que faut-il en conclure, si ce n'est que les violences non accompagnées de coups ou de blessures restent dans la classe, soit des outrages par gestes, soit des simples voies de fait? L'art. 228 n'a puni que l'action de frapper; les autres violences sortent donc de ses termes [4]. Mais la Cour de cassation n'a point adopté cette conséquence; elle a craint que les violences, plus légères que les coups, ne fussent pas atteintes d'une peine proportionnée à leur gravité; elle a voulu les comprendre dans les termes de l'article 228; elle a déclaré : « que cette interprétation se déduit nécessairement de la combinaison des articles 228, 230, 231 et 232 du Code pénal; que le sens que l'on doit attacher au mot frappé est suffisamment déterminé par les expressions de violences dont il est parlé aux art. 230 et

[1 et 2] L. 1, § 2; 5. § 1; 7, § 8 ct 9, Dig. de in- ticle 228, n'est que démonstratif et que des viojuriis et famosis libellis.

[3] L. 1, § 2; 5, § 1; 7, § 8 et 9, Dig. de injuriis et famosis libellis,

[4] La Cour de Bruxelles a décidé que les articles 228 et 230 ne peuvent être appliqués que lorsque le prévenu a réellement frappé, dans toute l'acception du mot, les personnes y dénommées. Arr. du 23 févr. 1833 ; J. de B. 1833, p. 190. II a cependant été jugé par la Cour de cassation de Paris que le mot frappé, employé dans l'ar

lences constituent le délit prévu par cet article, quoiqu'elles n'aient pas été accompagnées de coups. V. Sirey, 1828, 1, p. $2. Cette interprétation paraît d'autant plus naturelle, que dans un système contraire, l'art. 228 offrirait, en présence de l'art. 311, une véritable superfétation et une anomalie inexplicable même, puisqu'il est dans le système du législateur d'environner de plus de garanties, les personnes publiques.

231; et qu'il résulte notamment de l'art. 232 qu'il y a assimilation parfaite entre les violences et les coups portés, et que ces violences et ces coups rentrent dans les dispositions dudit art. 228, et dans l'acception du mot frappé, qui n'est que démonstratif [1].

Ce système d'interprétation ne nous semble pas pouvoir être adopté. Nous avons souvent eu l'occasion de rappeler cette maxime, presque banale par sa vérité, que toute incrimination doit être sévèrement renfermée dans son texte. Or, quel est le fait prévu par l'art. 228? C'est le seul fait de frapper, de porter des coups; il ne s'agit, dans les termes de la loi, que d'une seule espèce de violences, que de celles qui se manifestent d'une seule manière. Pour étendre à toutes les violences cette disposition si restrictive, que peut-on alléguer? l'identité de raison? Mais, en la supposant, ce serait donc par voie d'analogie que la peine serait étendue d'un cas à un autre, ce serait donc parce qu'un deuxième fait aurait une ressemblance plus ou moins exacte avec le premier, qu'on lui appliquerait une peine que nulle loi n'a prononcée à son égard: cette interprétation monstrueuse, proscrite en matière pénale, peut-elle encore être sérieusement invoquée? Mais, au reste, l'analogie n'existe même pas, car au-dessous des coups et des blessures, qui seuls ont fait l'objet de la sollicitude de la loi, on ne trouverait que des violences légères et des voies de fait qui n'ont point la même gravité, et qui par conséquent ne mériteraient point les mêmes peines. On prétend que l'art. 228 se trouve expliqué par les art. 230 et 232; examinons ces articles. De l'article 230 nous ne citerons que cette seule phrase, la seule qui soit utile ici : les violences de l'espèce exprimée en l'art. 228. Mais ces termes renferment en effet une explication complète, et les conséquences se pressent: l'art. 228 n'a donc prévu qu'une seule espèce de violence, puisque l'art. 230 le déclare hautement; et dès lors les espèces qu'il n'a pas désignées réstent étrangères à sa déposition. Ensuite, les violences incriminées par l'art. 230 ne sont donc autres que les coups prévus par l'art. 228, puisqu'elles sont de la même espèce; d'où il suit que ce dernier article a eu pour but de définir, en les restreignant à une seule espèce, la nature des violences que le législateur voulait punir; d'où il suit encore que ce terme générique de violence n'indique dans ces articles que les seuls coups portés.

[1] Arr. cass. 29 juill. 1826.

L'art. 232 oppose, dans le même contexle, le mot coup au mot violence, et de là la Cour de cassation a conclu que ces deux termes exprimaient deux faits parfaitement analogues, quoique distincts. On pourrait se borner à répondre que ces deux mots sont employés dans cet article comme synonymes, et uniquement pour éviter une aride répétition; mais nous concevons autrement le sens de cette disposition. Les art. 228 et 230 ont limité leur incrimination aux coups dont il ne résulte point de blessures. L'art. 231 prévoit les violences d'une nature plus grave, celles qui peuvent être la cause d'effusion de sang, de blessure ou de maladie. La loi ne s'occupe plus de la manière dont les violences sont exercées; c'est leur résultat qu'elle atteint et qu'elle frappe: ces violences ne résident plus seulement dans les coups; leur gravité se mesure uniquement aux conséquences qu'elles produisent ou qu'elles peuvent produire. Or, l'art. 232 se réfère entièrement, son texte le déclare, à cette dernière classe de violences prévues par l'art. 231, et qui peuvent être la cause d'effusion de sang, de maladie ou de blessures. Lorsque ce résultat n'a pas lieu, la loi dégage de ces violences plus graves une seule espèce de violence, les coups portés, et elle les incrimine séparément. On ne peut donc induire de l'art. 232 aucun argument pour élargir les limites de l'art. 228 et 230. Ce sont deux espèces distinctes, où les mêmes motsexpriment des faits d'une gravité différente.

Nous devons ajouter maintenant que l'interprétation que nous proposons n'est que l'application d'une règle générale qui régit les crimes commis contre les particuliers. Ainsi les articles 309, 310 et 311 limitent également leurs incriminations aux coups et aux blessures; et la question s'est également élevée de savoir si les violences qui n'avaient pas laissé de traces, et qui n'étaient pas des coups, devaient être comprises dans leurs termes. La Cour de cassation, plus fidèle aux principes quand ils n'étaient dirigés que contre les particuliers, constamment jugé que les violences, quand elles ne sont accompagnées ni de coups ni de blessures, ne rentraient point dans l'application de ces articles, et ne pouvaient donner lieu qu'aux peines portées par l'art. 605 du Code du 3 brumaire an IV, contre les auteurs des voies de fait et de violences légères, pourvu qu'ils n'aient ni blessé ni frappé personne [2]. Or, comment cette doctrine ne serait

a

[2] Arr. cass, 14 avr. 1821; 15 oct. 1813 (Bull.

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