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elle pas la même dans les deux hypothèses? N'y a-t-il pas parfaite identité de motifs? A la vérité, les coups et les blessures constituent un acte plus grave quand ils sont dirigés contre des fonctionnaires dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, pourvu que, pour nous servir de l'expression d'un arrêt, ces coups et blessures soient alors tout à la fois un attentat à la sûreté particulière et un attentat à la sûreté publique [1]; mais, si cette circonstance aggrave le crime, elle n'en change pas la nature; si la criminalité s'accroît, c'est à raison de la qualité de la personne seulement : le fait reste le même dans les deux cas; la solution ne saurait donc être différente sans une évidente contradiction.

En résumé, il faut conclure, soit du texte précis et formel de l'art. 228, soit des rapports qui unissent cet article aux articles qui le suivent, soit enfin du système général du Code, que les coups portés sont les seules violences qu'il ait voulu prévenir. Les violences plus légères et les voies de fait sont rejetées, soit parmi les outrages par gestes, soit parmi les excès et les rixes qui font la matièrede l'art.605 du Code du 3 brumaire an IV.

Reprenons maintenant le texte de l'art. 228. Il importe peu que le coupable ait été armé ou sans armes la loi n'a point fait de cette circonstance une circonstance aggravante; mais il importe que des coups portés il ne soit point résulté de blessures, car ces blessures, ajoutant à la gravité des coups, les rendraient passibles des dispositions pénales de l'art. 231. Il semble inutile de rappeler ensuite que l'article se réfère nécessairement à l'art 222 pour la définition du mot magistrat ; nous n'ajouterons donc rien aux explications que nous avons données sur ce point. Nous ne répéterons point également que l'article n'est applicable qu'autant que les violences ont été commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions du magistrat cette règle est commune à toutes les dispositions de ce chapitre.

L'art. 232 punit les coups de la peine de la reclusion, lorsqu'ils ont été portés avec préméditation ou de guet-apens. De là M. Carnot a conclu que dans l'espèce de l'art 228 il ne s'a gissait que des coups portés dans un premier mouvement de colère. Cette opinion, qui restreindrait singulièrement l'application de l'article 228, ne nous paraît pas fondée. Les coups

que prévoient les art. 228 et 232 ne sont pas de la même nature; ce dernier article se réfère à l'art. 231, qui ne s'occupe que des violences susceptibles de causer des blessures, des maladies, ou une effusion de sang; ce sont ces violences, plus graves que celles prévues par l'art. 228, pour lesquelles l'art. 232 réserve la peine de la reclusion, dans le cas même où elles n'ont pas produit de résultat matériel, lorsque du moins la circonstance de la préméditation ou du guet-apens les accompagne encore. L'art. 228 ne se trouve donc nullement modifié par cet article; les deux hypothèses sont différentes, et les coups qu'il prévoit et punit rentrent également dans sa disposition, soit qu'ils aient été portés dans un premier mouvement ou avec préméditation.

Le deuxième paragraphe de l'art. 228 porte : «Si cette voie de fait a eu lieu à l'audience d'une cour ou d'un tribunal, le coupable sera en outre puni de la dégradation civique. » Il est évident que ce paragraphe se réfère nécessairement à la première partie de l'article, quant à la nature de la voie de fait; et en ce qui concerne les délits commis à l'audience, nous n'ajouterons rien à nos explications relatives au deuxième paragraphe de l'art. 222. La peine portée par le Code de 1810 était le carcan; la loi du 28 avril 1832, en substituant la dégradation civique au carcan, a de plus ajouté les mots en outre dans le paragraphe qui fait l'objet de notre examen. Cette addition a fait cesser un scandale qui s'était plusieurs fois reproduit. Il résultait, en effet, de la gradation vicieuse des peines portées par les art. 223 et 228, que l'outrage par paroles, par gestes ou par menaces, commis envers un magistrat en l'audience d'un tribunal, faisait encourir à son auteur un emprisonnement qui pouvait s'élever soit à deux, soit à cinq ans, et que si le coupable s'était emporté jusqu'à frapper le magistrat, la peine du carcan lui était seule applicable. On citait, dès lors, des exemples d'individus qui, prévenus d'avoir outragé un magistrat à l'audience, se récriaient qu'ils l'avaient aussi frappé; ils préféraient le carcan à l'emprisonnement, Au reste, on doit remarquer que cette rectification n'a fait qu'appliquer une proposition faite par la commission du Corps législatif, lors de la rédaction du Code pénal: « Il convient, portait le rapport de cette commission, d'ajouter à l'énonciation de la peine du carcan ces mots : outre l'emprisonnement: on pensera sans

n° 220); 10 oct. 1822; Dalloz, t. 23, p. 166, t. 28, doute que l'emprisonnement doit être uni ici p. 272.

[1] Arr. cass. 13 mars 1817.

au carcan; cette dernière peine ne serait rien pour un vagabond ou un inconnu qui aurait

été soldé pour commettre le délit, ou pour un homme sans pudeur ni moralité, qui se promènerait paisiblement après avoir subi son heure d'exposition [1]. » Cet amendement fut alors rejeté par le double motif que nulle part les peines correctionnelles et les peines criminelles n'ont été réunies, et que le carcan, emportant l'infamie, a des suites bien plus graves que la surveillance. Ces motifs ne répondaient nullement à l'objection.

Aux peines de l'emprisonnement et de la dégradation civique, portées par les 2 § de l'article 228, l'art. 229 ajoute une nouvelle peine; cet article est ainsi conçu : « Dans l'un et l'autre des cas exprimés en l'article précédent, le coupable pourra de plus être condamné à s'éloigner, pendant 5 à 10 ans, du lieu où siége le magistrat, et d'un rayon de deux myriamètres. Cette disposition aura son exécution à dater du jour où le condamné aura subi sa peine; si le condamné enfreint cet ordre avant l'expiration du temps fixé, il sera puni du bannissement. >>

Cette interdiction locale et temporaire doit être considérée comme une peine, ce n'est point une satisfaction attribuée au magistrat offensé, mais une garantie donnée à la société elle-même; c'est en vue du délit et non de la victime que le coupable est éloigné du lieu où il l'a commis. On ne pourrait donc décider, comme le fait M. Carnot, que le décès du magistrat avant l'expiration du délai de cette interdiction la fait tomber de plein droit; la peine est indépendante de son existence et même de son changement de résidence. Cette mesure ne s'applique qu'aux seuls agents qui ont frappé un magistrat sans que les coups aient produit des blessures: la raison de cette restriction est qu'à l'égard des officiers publics et des autres agents de l'autorité, le délit étant moins grave n'exigeait pas les mêmes mesures répressives; et, relativement aux violences plus graves que les simples coups, que ces violences étant punies d'une peine afflictive et infamante, la mesure de l'interdiction locale eût fait un double emploi avec la peine accessoire de la surveillance. Enfin, cette peine est purement facultative; les juges doivent la réserver pour les circonstances les plus graves, et attendre que la sûreté publique en sollicite l'application.

du Code d'instruction criminelle, relatif aux contumaces qui ont prescrit leur peine; mais cette peine accessoire se trouve aujourd'hui formulée en quelque sorte en règle générale par l'art. 44 du Code revisé, qui permet d'interdire aux condamnés à la surveillance l'accès de certains lieux. Toutefois il existe ces différences entre la disposition générale et la règle spéciale, que les mêmes mesures n'en dérivent pas à l'égard du condamné, et que l'infraction du ban dans le cas de l'art. 229 est punie non pas d'un simple emprisonnement, mais de la peine du bannissement.

Les violences, de même que les outrages par paroles, sont punies d'une peine différente, suivant qu'elles sont exercées contre des magistrats ou d'autres officiers publics. Cette dernière hypothèse est prévue par l'art. 230 qui est ainsi conçu : « Les violences de l'espèce exprimée en l'art. 228, dirigées contre un officier ministériel, un agent de la force publique, ou un citoyen chargé d'un ministère de service public, si elles ont eu lieu pendant qu'ils exerçaient leur ministère ou à cette occasion, seront punies d'un emprisonnement d'un mois à six mois. »

Le délit prévu par cet article est le même que celui que l'art. 228 a puni : la qualité des personnes qui en sont l'objet a seule changé. Ainsi cet article ne doit s'appliquer qu'aux individus qui ont frappé les officiers qu'il désigne, sans que les coups aient causé des blessures; car il s'agit dans l'un et l'autre cas de violences de la mème espèce. Ainsi cette application est subordonnée à la condition que l'officier ait été frappé dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Il ne nous reste done qu'un seul point à examiner : quelles sont les personnes publiques auxquelles s'étend l'art. 230? Nous ne répéterons point la définition que nous avons donnée précédemment des officiers ministériels et des agents de la force publique ; mais une question nouvelle se présente ici : que faut-il entendre par ces mots, un citoyen chargé d'un ministère de service public? Il est difficile d'attacher un sens précis à une expression aussi vague, et que le législateur a jetée ici en quelque sorte au hasard, puisqu'il ne la reproduit nulle part ailleurs; toutefois elle doit être entendue avec de certaines restrictions. Les violences qui font l'objet de ce cha pitre ne prennent un caractère de gravité plus élevé que si elles étaient commises sur de simples particuliers, que parce que, exercées sur des personnes publiques, elles constituent en quel[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du que sorte un attentat à la sûreté générale : il suit de là qu'il faut nécessairement limiter l'ap

L'interdiction d'un lieu déterminé ne trouvait d'exemple dans la législation que dans l'art. 635

9 janv. 1810.

plication des termes dont la loi s'est servie, aux individus qui sont dépositaires à un certain degré de l'autorité publique, et contre lesquels les violences exercées compromettraient la sûreté publique. La Cour de cassation a appliqué cette formule singulière aux gardes qui sont chargés de surveiller l'évacuation des lots de bois d'affouage: il lui a paru que ces gardes, qui n'avaient plus alors que leurs fonctions d'agents de la force publique, devaient du moins être considérés comme chargés d'un ministère du service public [1].

Les violences dont nous avons parlé jusqu'ici, définies par l'art. 228, ne sont, ainsi que nous l'avons remarqué, que des coups portés sans qu'il en soit résulté des blessures. Parmi les violences légères et les voies de fait qui ne laissent nulle trace après elles, la loi a dù n'incriminer et ne punir que les coups, qui sont la plus grave de ces voies de fait. Ces violences vont prendre maintenant un caractère plus dan gereux, et la loi va cesser aussitôt de limiter son incrimination à une seule de leurs espèces. Dès qu'elles ont laissé une trace sanglante, dès qu'elles ont produit un résultat matériel et appréciable, leur gravité les fait rentrer dans la disposition de la loi, quelle que soit la manière dont elles aient été occasionnées. C'est dans ce sens que doit être compris l'art. 231, qui porte: « Si les violences exercées contre les fonctionnaires et agents désignés aux articles 228 et 230 ont été la cause d'effusion de sang, blessures ou maladie, la peine sera la reclu sion; si la mort s'en est suivie dans les quarante jours, le coupable sera puni des travaux forcés à perpétuité. >>

Les violences prévues par cet article sont donc toutes celles qui ont pu produire des blessures ou maladies; la loi n'en définit plus l'espèce, ne limite plus l'acception du terme qu'elle emploie. Ce n'est plus d'ailleurs la nature des violences qu'elle considère, mais leur résultat; ce n'est pas l'intention ou la combinaison du crime, mais l'événement : les moyens employés lui sont indifférents; elle cesse d'en faire une condition de son incrimination; elle ne voit que les conséquences matérielles.

En suivant ce système, la loi attribue aux mêmes violences, au même fait, un double caractère, suivant qu'elles ont été suivies de blessures, ou que ces blessures ont entraîné la mort. Nous allons examiner ces deux dispositions; mais il

[1] Arr, cass. 4 août 1826

n'est pas inutile de faire remarquer d'abord que le Code confond ici dans une protection commune les fonctionnaires et agents qu'il avait séparés dans les art 228 et 230, mais que la règle qui restreint cette garantie spéciale aux faits commis dans les fonctions ou à l'occasion des fonctions est toujours subsistante, quoique l'art. 231 ne l'ait pas rappelée, et domine son incrimination comme toutes les dispositions de cette matière.

La loi a confondu dans la même disposition toutes les violences qui peuvent être la cause d'effusion de sang, blessures ou maladies; nulle distinction n'a été faite entre ces diverses violences. La séparation établie par l'art. 309 entre les blessures qui ont produit une maladie ou incapacité de travail de plus de vingt jours, et celles qui n'ont causé qu'une maladie de quelques jours, n'a point été transportée ici que les blessures soient graves ou légères, qu'elles aient entraîné de longues souffrances et même la perte d'un membre, ou la simple effusion de quelques gouttes de sang, la peine est uniforme, le crime est le même aux yeux de la loi. Elle ne s'est attachée qu'à un résultat matériel quelconque, en faisant abstraction de la gravité même de ce résultat, excepté le seul cas de la mort. Quant au but des violences, quant à la volonté criminelle, elle ne s'en est point occupée; il suffit que ces blessures ne soient point accidentelles, que l'agent ait eu l'intention de les faire avec la connaissance de la qualité de la personne sur laquelle il les exerçait. Ainsi la Cour de cassation a pu juger, sans qu'on puisse critiquer cet arrêt, que l'application de cet article ne saurait être modifiée par le but dans lequel les violences ont pu être exercées, et qu'elles sont également criminelles, soit qu'elles aient eu pour objet la résistance à un acte de l'autorité publique, soit qu'elles n'en aient eu d'autre que d'insulter les agents commis à l'exécution de cet acte [2]. Les seules circonstances dont la réunion soit nécessaire pour donner lieu à la peine de reclusion sont que les violences aient été volontairement exercées, que ces violences aient été cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie, enfin qu'elles aient été exercées pendant que l'officier remplissait les devoirs de son ministère ou à cette occasion [3].

La peine s'élève aux travaux forcés à perpétuité, lorsque la mort a suivi les violences dans les quarante jours. L'article primitif du Code

[2] Árr. cass. 21 mai 1811; S. t. 12, 1, p. 135. [3] Arr. cass. 6 avr. 1820.

ne portait point après les mots : si la mort s'en est suivie, ceux-ci : dans les quarante jours. La commission du Corps législatif proposa cette addition en se fondant sur ce que si l'individu blessé, après avoir survécu plus de quarante jours aux blessures ou aux coups, succombait plus tard à la suite d'une autre maladie, on pourrait en attribuer la cause à ces coups et blessures, en sorte que l'auteur de ceux-ci pourrait rester pendant un temps indéfini avec le poids d'une responsabilité terrible et l'attente d'une peine qui dépendrait d'un événement incertain. Ces considérations firent adopter cet amendement [1].

Mais il faut qu'il soit bien établi que la mort ait été le résultat nécessaire des violences exercées; car l'accusé ne saurait devenir responsable d'un malheur qui ne serait pas une conséquence directe de son action. Cette observation, évidente par elle-même, fut d'ailleurs formellement exprimée dans les discussions du Conseil d'état. Un membre (M. Defermon) fit remarquer que ces mots, si la mort s'en est suivie, pourraient faire appliquer la disposition à l'auteur des violences, même lorsque la mort ne serait que l'effet d'une maladie naturelle, mais survenue après l'événement. M. Berlier répondit « que ceux qui interpréteraient ainsi l'article se méprendraient à plaisir, mais qu'on peut rendre la disposition plus claire, en restreignant son effet aux violences qui ont été la cause des maladies.»> L'article fut adopté avec cette explication [2]. On peut, en effet, admettre, avec le législateur, que l'agent porte la responsabilité des suites nécessaires de son action; mais on ne peut lui imputer sans injustice un événement involontaire, une mort accidentelle arrivée à la suite des violences, mais dont celles-ci n'ont pas été la cause nécessaire. En posant une autre règle, « vous rendez, a dit un savant professeur, l'auteur de la blessure responsable de toutes les altérations qui peuvent survenir dans la constitution du blessé; vous le rendez responsable de complications que l'art ne saurait ni prévoir ni empêcher l'art, disons-nous; mais si le blessé a été abandonné à des mains inexpérimentées, vous faites une victime par les lois pour venger une victime de l'ignorance [3]. » La maxime qui domine en général la loi pénale est : l'intention est la mesure du crime: in maleficiis voluntas

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[1] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 9 janv. 1810; Code pénal progressif, p. 256. P [2] Procès-verbaux du Conseil d'état, séance du 12 août 1809.

spectatur, non exitus. Et la loi romaine avait appliqué cette maxime en termes explicites à l'égard des coups et blessures: Divus Hadrianus rescripsit eum qui hominem occidit, si non occidendi animo hoc admisit, absolvi posse, et qui hominem non occidit, sed vulneravit ut occidat, pro homicida damnandum [4]. Le Code pénal déroge ici à ce principe qui a été puisé dans le for de la conscience c'est dans l'événement et non dans la volonté seule que le erime puise son caractère; mais du moins il faut admettre que cet événemènt doit être la suite nécessaire, immédiate de l'action; car il serait trop injuste d'aggraver la peine à raison d'un accident entièrement indépendant de la volonté de l'agent, entièrement étranger à son action.

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Il faut done, pour l'existence du crime, nonseulement que le jury déclare que, la mort a suivi les violences dans les quarante jours, mais encore qu'elle a été la suite et le résultat nécessaire de ces violences. Cette circonstance constitutive du crime doit être réunie aux trois premiers éléments que nous avons énumérés tout à l'heure, et qui sont nécessaires pour l'application de la peine de la reclusion; celle des travaux forcés à perpétuité, que la loi du 28 avril 1832 a substituée dans cet article à la peine de mort, ne peut donc être prononcée qu'autant que ces quatre conditions distinctes se trouveront à la fois constatées [5].

L'art. 231 ne distingue point si les violences qu'il punit ont été commises avec ou sans préméditation; il réunit dans sa disposition toutes les violences qui ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie. Mais si ce résultat matériel n'a pas eu lieu, fidèle à la distinction déjà établie par l'art. 228, il sépare parmi les violences celles qui se manifestent par des coups et celles qui consistent dans d'autres voies de fait les premières sont seules assimilées aux violences suivies de blessures ou de maladie, lorsqu'elles sont exercées avec préméditation. Tel est l'objet de l'article 232 ainsi conçu : «Dans le cas même où ces violences n'auraient pas causé d'effusion de sang, blessures ou maladie, les coups seront punis de la reclusion, s'ils ont été portés avec préméditation ou de guet-apens. » Nous ne ferons sur cet article qu'une seule observation, c'est qu'il se réfère

[3] Essais sur le Code pénal. p. 80. [4] L. 1, Dig. ad leg. Corn, de sicariis. [5] Arr. cass, 6 avr. 1820.

évidemment à l'art. 231 pour la nature des violences qu'il prévoit. De là il suit qu'il est nécessaire que les coups portés aient été de nature à causer une effusion de sang, des blessures ou une maladie; car ce ne sont que des coups de cette espèce qui font l'objet de l'art. 231. Quant aux circonstances de préméditation et de guetapens, elles sont définies par les art. 297 et 298; les autres conditions de crime sont également applicables aux art. 231 et 232.

Enfin, le législateur prévoit le cas le plus grave, celui ou les coups et les blessures, qu'ils aient ou non causé la mort, ont été portés avec l'intention de la donner; et, fidèle à son système d'aggravation, il prononce, au lieu de la peine des travaux forcés perpétuels, peine commune. de ce crime, la peine de mort. L'art 233 porte «Si les coups ont été portés ou les blessures faites à un des fonctionnaires ou agents désignés aux art. 228 et 230, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, avec intention de donner la mort, le coupable sera puni de mort. >>

Cet article a été rectifié par la loi du 28 avril 1832; il était ainsi rédigé : « Si les blessures sont du nombre de celles qui portent le caractère du meurtre, le coupable sera puni de mort. » Ces expressions vagues et obscures avaient soulevé beaucoup de difficultés. On avait de mandé dans quel cas les blessures avaient le caractère du meurtre, et la réponse de M. Carnot, qui enseignait qu'elles avaient ce caractère quand elles étaient faites dans le dessein de tuer, avait éprouvé une vive contradiction. La loi nouvelle n'a fait qu'adopter cette interprétation; mais elle a en même temps exagéré la sévérité du Code lui-même, en ce que celui-ci exigeait du moins qu'il y eût des blessures faites, tandis que, d'après le nouveau texte de l'article, les simples coups portés avec l'intention de tuer seront punis de la peine de mort. Le nouvel article a également ajouté ces mots : faites à l'un des fonctionnaires ou agents désignés aux art. 228 et 230, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. La raison de cette addition est que cet article ayant été voté isolément et en absence de ceux qui le précèdent, on a cru nécessaire d'y rappeler les diverses conditions constitutives du crime. Mais elle était inutile, puisque cet article, comme l'article 232, se réfère à l'article 231 qui renferme l'énumération de ces éléments.

L'art. 233 peut donner lieu, comme l'art. 231, à une critique fondée. Son vice est de comprendre dans la même pénalité des faits inégaux par

leur valeur morale et leurs résultats matériels; en effet, les blessures les plus graves et les simples coups portés avec le dessein de tuer, l'attentat à la vie du fonctionnaire, commis avec ou sans préméditation, de guet-apens ou dans un premier mouvement, le meurtre et l'assassinat, tous ces faits si distincts et que la loi pénale a distingués quand ils sont dirigés contre de simples particuliers, sont punis d'une peine commune, et cette peine est inflexible et sans degrés qui lui permettent de la proportionner aux diverses nuances du crime. C'est là un vice que le législateur pouvait facilement éviter en introduisant dans cette section, tout en aggravant les pénalités, les diverses distinctions qu'il a lui-même établies dans la répression des crimes contre les personnes.

Du reste, il est essentiel, pour l'application de cet article, que la question relative au dessein de tuer soit posée au jury et affirmativement résolue: cette circonstance est constitutive du crime, elle forme seule la différence qui sépare les art. 231 et 233; car il n'est pas nécessaire pour constituer le crime prévu par le premier de ces articles, que l'auteur des coups qui ont donné la mort ait eu le dessein de tuer, il suffit que les coups aient été portés volontairement. Cette volonté ne suffit plus dans l'espèce de l'art 233; soit que les coups aient ou non donné la mort, il faut qu'ils aient été portés avec l'intention de la donner, pour l'existence de ce dernier crime.

Nous avons achevé de retracer les caractères des violences dont les fonctionnaires peuvent être l'objet dans l'exercice de leurs fonctions; ces violences sont, d'après les termes mêmes de la loi, de deux espèces : les coups qui ne laissent point de blessures, et les violences de toute nature qui ont engendré une effusion de sang, des blessures, une maladie. Ces deux espèces de violences diffèrent par leur caractère propre, là restreint, ici illimité, et par leur gravité intrinsèque; là, ce n'est qu'une insulte plus ou moins grave; ici, c'est une attaque contre la sûreté de la personne. Mais, dans l'une et l'autre hypothèse, une question grave surgit et peut modifier l'application des peines en même temps qu'altérer la nature du délit. Il s'agit de savoir si ces violences doivent trouver une excuse dans les violences elles-mêmes du fonctionnaire, si la provocation qui atténue les coups et les blessures commis envers les particuliers cesse de constituer une excuse, quand ces blessures et ces coups sont portés contre des fonctionnaires. La Cour de cassation n'a point hésité à déclarer, par deux arrêts successifs

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