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expression aux seuls délits de police correctionnelle [1]. Le mot délits que le Code n'applique qu'aux faits correctionnels, et l'assimilation qui lie dans cet article ces délits et les crimes passibles de peines infamantes, sembleraient indiquer que le Code a voulu restreindre son incrimination à l'évasion des prévenus de délits correctionnels. On pourrait même ajouter que la détention des prévenus de simples contraventions n'offre point assez d'intérêt à l'ordre social, pour qu'il soit nécessaire d'en garantir la durée par une sanction pénale. Cependant, en matière de simple police, ne pourrait-il point se présenter des faits assez graves pour que l'action d'un geôlier qui faciliterait l'évasion dût être punie?

L'article range dans la même catégorie, avec les prévenus de délits correctionnels et de crimes passibles de peines infamantes, les prisonniers de guerre. La raison d'état peut exiger, en effet, que la détention de ces derniers soit efficacement protégée. Dans ce cas, il suffit d'établir la qualité des détenus évadés, pour déterminer le caractère du délit imputable aux gardiens et le degré de la peine qui leur est applicable.

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Enfin l'art. 238, par une omission qui contraste avec les art. 239 et 240, ne fait mention que des prévenus et nullement des condamnés. Faut-il conclure que l'évasion de ces derniers ne fasse encourir aucune responsabilité aux préposés dans l'espèce prévue par cet article? Nous ne le croyons pas. Si la loi les a rendus responsables de l'évasion des simples prévenus dont la culpabilité est incertaine, et qui par conséquent par cette évasion ne causent qu'un dommage, ponr ainsi dire, conditionnel à l'ordre social, à plus forte raison cette responsabilité doit-elle s'étendre aux condamnés, dont la peine est une garantie pour la société et une sanction de la morale et des lois. Cette interprétation est d'ailleurs conforme au système général que les art. 239 et 240 ont explicitement formulé, et l'on ne pourrait y déroger, dans le cas de l'art. 238, sans qu'une telle exception fût autorisée par la loi. L'omission qui s'est glissée dans cet article n'est évidem→ ment qu'une erreur de rédaction; on ne peut la prendre comme la base et l'expression d'un principe nouveau.

L'art. 239 prévoit un degré plus élevé de la criminalité des gardiens: « Si les détenus évadés ou l'un d'eux étaient prévenus ou accusés d'un crime de nature à entraîner une peine af

[1] Carnot, Comm. du C. P. obs. sur l'art. 238.

flictive à temps, ou condamnés pour l'un de ces crimes, la peine sera, contre les préposés à la garde ou conduite, en cas de négligence, un emprisonnement de deux mois à six mois, en cas de connivence, la reclusion, » Enfin l'art. 240 s'occupe d'une hypothèse plus grave encore: « Si les évadés ou l'un d'eux, porte cet article, sont prévenus ou accusés de crimes de nature à entraîner la peine de mort ou des peines perpétuelles, ou s'ils sont condamnés à l'une de ces peines, leurs conducteurs ou gardiens seront punis d'un an à deux ans d'emprisonnement, en cas de négligence, et des travaux forcés à temps, en cas de connivence, » Ces deux articles maintiennent et continuent la distinction tracée par l'art. 238 entre la négligence et la connivence, nous avons établi tout à l'heure les caractères distincts de ces deux infractions. Ils inculpent les conducteurs et les gardiens; mais pour l'explication de cette expression nouvelle, il faut se reporter à l'art. 237 qui a soigneusement énuméré les personnes que la responsabilité peut atteindre et dont la définition domine tout ce paragraphe. Enfin, il faut remarquer que ces deux articles de même que l'art. 238, ne prononcent de peines qu'au cas de l'évasion consommée : cela résulte du texte même de ces articles qui ne s'occupent que du cas où les détenus sont évadés, des termes généraux de l'art. 237 qui ne déclare les gardiens responsables qu'autant qu'une évasion a eu lieu, enfin de la restriction de l'art. 241 qui, dans un cas spécial, prévoit explicitement l'é vasion et la tentative de l'évasion. Cela résulte surtout de ce qu'on ne peut évidemment accuser les gardiens de négligence qu'autant que l'évasion a été exécutée, et de ce que les signes de la connivence sont trop douteux pour être inculpés jusqu'à ce qu'elle se soit trahie par l'évasion ou par les actes extérieurs mentionnées par l'art. 241.

Cet article est ainsi conçu: « Si l'évasion a eu lieu ou a été tentée avec violences ou bris de prison, les peines contre ceux qui l'auront favorisée en fournissant des instruments propres à l'opérer, seront, en cas que l'évadé fut de la qualité exprimée en l'art. 238, trois mois à deux ans d'emprisonnement au cas de l'art. 239, deux à cinq ans d'emprisonnement, et au cas de l'art. 240, la reclusion. » Le délit prévu par cet article est complexe et se compose de deux éléments distincts: il faut que le gardien ait fourni des instruments propres à opérer l'évasion, avec la pensée de la favoriser, et qu'à l'aide de ces instruments l'évasion ait été effectuée ou tentée avec bris et violences. Il est donc néces

saire que ces deux circonstances soient réunies et constatées pour motiver son application. Latentative est assimilée dans cette hypothèse, à l'évasion consommée, parce qu'à l'égard du gardien le délit est le même dans l'un et l'autre cas: ce délit est consommé à son égard par la remise des instruments faite avec la connaissance de leur destination et suivie du fait materiel de leur emploi.

Il est à remarquer ensuite qu'il ne s'agit plus ici de l'évasion procurée par négligence ou par connivence, mais de celle qui s'est opérée par bris de prison ou par violences. Mais cette distinction donne lieu de signaler une anomalie dans la distribution des peines : si l'évadé est un condamné à des peines perpétuelles, et que le gardien lui ait fourni les instruments qui lui ont servi à rompre les barreaux de la prison, la peine sera la reclusion, aux termes de l'art. 241; s'il lui a fourni au contraire des instruments propres à opérer l'évasion sans bris de prison ni violences, et par exemple une échelle pour escalader les murs, l'article 241 cessera d'être applicable, et il faudra recourir à l'art. 240 qui punit cet acte de connivence des travaux forcés à temps. Toutefois il est évident que ces deux actes ont la même valeur morale et les mêmes résultats matériels.

Le crime des gardiens devient plus grave s'ils ont remis des armes au détenu pour favoriser son évasion; l'art. 243, qui prévoit cet acte de connivence, est ainsi conçu : « Si l'évasion avec bris ou violence a été favorisée par transmission d'armes, les gardiens et conducteurs qui y auront participé seront punis des travaux forcés à perpétuité. » La loi suppose qu'en remettant les armes, le préposé a prévu qu'elles serviraient à favoriser l'évasion; elle le rend responsable de l'usage que le détenu peut en faire en s'évadant avec violence; elle le punit de la peine qu'elle réserve aux violences les plus graves. De là il suit qu'il ne suffirait pas, pour l'application de l'article, que les armes eussent été remises avec la pensée qu'elles dussent servir à la fuite du détenu, il faut encore que l'évasion avec bris ou violence ait été opérée à l'aide de ces armes : l'évasion à main armée, voilà le fait matériel; la remise des armes pour la favoriser, voilà la criminalité du fait.

La peine des travaux forcés à perpétuité n'a point été établie dans cet article sans contestation; la commission du Corps législatif en avait demandé la modification; on lit dans son rapport: « Les gardiens qui transmettent des armes pour faciliter une évasion, et les autres personnes qui y coopèrent, sont bien coupables

sans doute; mais les travaux forcés à perpétuité pour les uns, et les travaux forcés à temps pour les autres, paraîtront d'une excessive sévérité. Le but de la loi est de punir des actes aussi criminels; mais ne trouvera-t-on pas que les peines des travaux forcés à temps et de la reclusion, étant afflictives et infamantes, donnent aux coupables une juste punition et à la société une garantie convenable? » Ces observations étaient fondées, et elles auraient pu s'étendre aux diverses dispositions qui incriminent les actes de connivence des préposés à la garde des détenus. En effet, si la loi a distingué avec une minutieuse exactitude les diverses modifications de leur culpabilité, elle a appliqué en même temps à chaque modification une peine d'un degré supérieur, et elle a conduit rigoureusement jusqu'aux travaux forcés à perpétuité ce système d'aggravation. Or, comme il s'agit au fond du même crime, qui revêt seulement des nuances différentes, peut-être eût-il été plus convenable de se borner à prolonger à chaque degré la durée de la peine, sans en changer la nature. On peut remarquer, d'ailleurs, que le Code n'a pas même suivi avec exactitude le système d'aggravation qu'il s'était imposé. En effet, tandis que l'art. 238 punit d'un emprisonnement de six mois à deux ans la connivence du gardien qui a fait évader le prévenu d'un crime passible d'une peine infamante, l'article suivant, relatif à l'évasion des prévenus de crimes passibles d'une peine afflictive et infamante, au lieu de prononcer pour ce degré immédiatement supérieur la peine immédiatement supérieure, c'est-à-dire celle de deux à cinq ans d'emprisonnement, saute ce degré intermédiaire et s'élève brusquement jusqu'à la reclusion. Il serait difficile de justifier et même d'expliquer cette singulière omission.

M. Carnot prétend qu'il faut restreindre le mot armes, employé dans l'art. 243, aux armes proprement dites, et qui reçoivent cette dénomination dans l'acception commune; mais qu'il ne faut pas l'étendre à tous les instruments ou ustensiles que l'article 101 a compris dans sa définition: il s'appuie sur ce que l'art. 241 prévoit, suivant lui, la remise de ces instruments, et que l'art. 243 doit dès lors être réservé pour la remise des armes proprement dites. Cette opinion ne nous paraît pas fondée. Le principe de la loi est que les armes puisent leur caractère non pas tant dans la matière qui les forme que dans l'usage auquel elles sont destinées [1]. Si donc les instruments transmis, quoi

[1] Voy. Suprà, p. 16.

que n'ayant pas le caractère d'armes proprement dites, rentrent dans les termes de l'art. 101, et sont destinés à favoriser une évasion à force ouverte, nul doute que l'art. 243 ne soit applicable; si, au contraire, ces instruments n'ont pour but que de favoriser une effraction maté rielle de la prison, l'art. 241 devrait seul être invoqué. Toutefois, si les instruments transmis n'étaient pas seulement des ustensiles assimilés aux armes par leur destination et leur emploi, mais des armes dans le sens ordinaire de ce mot, on ne pourrait appliquer ce dernier article, sous prétexte que ces armes n'étaient destinées qu'à rompre les barreaux on percer les murs de la prison: la loi est trop positive, en effet, pour qu'on puisse éluder sa position par une distinction qu'elle n'a pas faite, et le gardien doit s'imputer dans tous les cas d'avoir remis des armes qui, dans les mains du prisonnier, pouvaient servir à un usage plus terrible qu'au bris de sa prison.

Telles sont les dispositions pénales qui s'appliquent spécialement aux préposés à la garde dés détenus, en cas d'évasion de ceux-ci. La peine accessoire de la surveillance et les dommages intérêts des parties civiles peuvent encore, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, se réunir à ces peines principales. Mais nous devons d'abord en rapprocher, pour lier et compléter cette matière, un articlé qui, dans un seul cas, celui où la peine est encourue pour négligence, crée une caused'exemption ou du moins de cessation de cette peine. L'article 247 est ainsi conçu : « Les peines d'emprisonnement ci-dessus établies contre les conducteurs et les gardiens, en cas de négligence seulement, cesseront lorsque les évadés seront repris ou représentés, pourvu que ce soit dans les quatre mois de l'évasion, et qu'il ne soient pas arrêtés pour d'autres crimes ou délits commis postérieurement. »>

La restriction de cette disposition aux seuls cas de négligence se justifie facilement. En effet, les contraventions matérielles ne sont punies qu'à raison du dommage qu'elles causent; il serait done trop rigoureux de prolonger la peine quand ce dommage est réparé. Mais il n'en est pas de même dans les cas de connivence: la reprise de l'évadé répare le dommage maté- ́ riel, mais elle n'efface pas le délit moral qui doit s'expier par l'exécution de la peine. Toutefois deux dispositions limitent l'art. 247: il faut que l'évadé ait été repris, on se soit représenté dans les quatre mois de l'évasion; il faut ensuite qu'il n'ait pas commis d'autres crimes ou délits depuis son évasion. Dans ce dernier cas, la loi impute en quelque sorte au

gardien négligent d'avoir été la cause occasionnelle de ces crimes; ils sont la suite de son infraction; elle en fait remonter jusqu'à lui la responsabilité, en maintenant la peine, même après l'évasion réparée. Il est plus difficile de justifier la première restriction: si l'arrestation n'a lieu qu'après le quatrième mois et que le gardien soit encore en prison, l'excuse serat-elle done moins efficace? Tant que la peine n'est pas subie, l'arrestation de l'évadé y doit mettre un terme, car elle répare le fait matériel, et ce n'est qu'un fait matériel que la loi punit. L'art. 13 de la loi du 4 vendémiaire an vi, dans lequel l'art. 247 a été puisé, prononçait la remise de la moitié de la peine, si les condamnés venaient à être repris dans les six mois de leur évasion. On ne voit pas le motif qui a fait abréger la durée de ce terme; et il eût été plus logique de n'en pas fixer du tout; car la même raison de décider se présente après quatre mois, après six mois, après un an depuis l'évasion.

L'évasion peut être favorisée non-seulement par les préposés à la garde des détenus, mais par des personnes étrangères à cette garde; la loi, après avoir incriminé les actes de négligence ou de connivence des premiers, a dû s'occuper des actes de complicité de celles-ci. Ces personnes ne sauraient être inculpées de négligence, car elles n'ont point de devoir spécial à remplir; elles ne peuvent donc être punies que pour le fait de connivence, c'est-à-dire pour avoir procuré ou facilité l'évasion. Le Code pénal n'a point défini ces termes, par conséquent tous les actes qui ont eu pour effet de préparer et d'aider l'évasion peuvent rentrer dans cette incrimination. Peu importe du reste, que cette évasion se soit effectuée avec ou sans violences, avec ou sans effraction l'excuse que l'évadé peut faire valoir, dans le cas d'une évasion sans circonstances aggravantes, ne peut être invoquée par les tiers.

Cela posé, les mêmes distinctions qui ont servi à déterminer les pénalités des gardiens ont été appliquées aux tiers étrangers à la garde; les peines dont ils sont passibles ont donc une double base : le dommage causé par l'évasion, et la nature même de l'acte de connivence. La peine qui prend sa base dans la quotité du dommage causé a trois degrés, suivant que le détenu était prévenu d'un délit correctionnel ou d'un crime passible d'une peine infamante, d'un crime puni d'une peine afflictive, et enfin d'un crime puni d'une peine perpétuelle ou de la peine de mort. Le deuxième paragraphe de l'art. 238 a prévu le premier cas : «Ceux, porte cet article, qui n'étant pas char

gés de la garde ou de la conduite du détenu, auront procuré ou facilité son évasion, seront punis de six jours à trois mois d'emprisonne ment. » La 2o hypothèse fait l'objet du 2o paragraphe de l'art. 239 qui est ainsi conçu: « Les individus non chargés de la garde des détenus, qui auront procuré ou facilité l'évasion, seront punis d'un emprisonnement de trois mois à deux ans. » Enfin l'art. 240 complète ce système d'aggravation en ces termes : « Les individus non chargés de la conduite ou de la garde, qui auront facilité ou procuré l'évasion, seront punis d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus. » Ainsi, dans ces trois articles, la loi prévoit le même délit, le fait d'a voir procuré ou facilité l'évasion: la peine seule diffère, et cette peine s'accroît en raison de la gravité de celle qui pesait sur le prisonnier évadé.

La loi pénale reprend ensuite les actes de connivence et les incrimine, dans trois cas spéciaux, non plus à raison de l'importance de la captivité du prisonnier, mais à raison de leur caractère propre. Ces trois cas sont la remise faite sciemment d'instruments propres à opérer l'évasion avec violences ou bris de prison; la transmission d'armes destinées à favoriser une évasion à force ouverte; enfin, la corruption exercée sur les gardiens ou geôliers. Les deux premières hypothèses sont prévues par les art. 241 et 243, et les observations que nous avons faites en appliquant ces deux articles aux gardiens s'appliquent également aux tiers qui sont punis, dans le premier cas, d'un emprison nement de trois mois à cinq ans et même de la reclusion, et dans le deuxième, des travaux forcés à temps. Nous ne nous arrêterons donc qu'à l'art. 242 qui porte : « Dans tous les cas cidessus, lorsque les tiers qui auront procuré ou facilité l'évasion y seront parvenus en corrompant les gardiens ou geôliers, ou de connivence avec eux, ils seront punis des mêmes peines que lesdits gardiens et geôliers. >>

Cet article prévoit deux délits distincts: la corruption exercée sur les gardiens pour favoriser l'évasion, et la connivence avec ces gardiens pour parvenir au même but. En punissant dans le premier cas le corrupteur des mêmes peines que le fonctionnaire corrompu, la loi n'a fait que formuler une application de la règle qu'elle avait posée dans l'art. 179. Mais la question peut s'élever de savoir si le deuxième paragraphe de cet article, qui ne prononce qu'un simple emprisonnement quand la tentative de corruption n'a eu aucun effet, serait applicable au cas prévu par l'art. 242. Nous pensons qu'il

faudrait répondre affirmativement. L'art. 242 suppose évidemment que la corruption a été consommée, car il ne prévoit que le cas où les tiers sont parvenus à procurer l'évasion en corrompant les gardiens; donc la tentative de corruption, non suivie d'effet, n'étant pas prévue par cet article spécial, est restée dans le droit commun, et dès lors devient passible de la peine portée par l'art. 179.

Le Code est également fidèle à la règle posée par l'art. 59, en punissant les tiers qui ont formé un lien de complicité avec les gardiens, de la même peine que ceux-ci. Nous nous bor nerons à répéter ici que cette assimilation n'est point exacte, puisque les deux criminalités ne sont pas les mêmes les uns et les autres commettent un délit moral en enfreignant les prescriptions de la loi, en provoquant même à sa désobéissance. Mais les gardiens trahissent en outre un devoir qui dérive de leurs fonctions et qui n'est pas imposé aux autres personnes. On ne saurait donc sans injustice faire peser sur celles-ci une aggravation de peine qui puise sa source dans ce devoir auquel elles n'étaient pas assujéties. Quoi qu'il en soit, ces mots : dans tous les cas ci-dessus, indiquent que cette disposition s'étend à tous les cas où des tiers ont pris part à une évasion; quel que soit le fait imputé à l'évadé, quelles que soient les circonstances de l'évasion, dès qu'il y a eu de la part de ces tiers connivence avec les gardiens ou corruption exercée sur eux, la barrière qui dans chaque article les séparait de ces gardiens s'abaisse et se détruit; les deux classes n'en forment plus qu'une; ils sont assimilés à ces gardiens, soumis à la même responsabilité, et punis des mêmes peines.

La loi a soigneusement énuméré tous les cas de complicité des personnes étrangères à Ja garde des détenus et qui leur prêtent appui pour leur évasion. Cependant elle semble n'a voir point prévu l'une des espèces les plus graves de ce délit, celle où ces personnes feraient invasion par la force dans la prison et mettraient les prisonniers en liberté. A la vérité, cette hypothèse rentrerait dans les termes généraux de la loi, puisque l'évasion aurait été facilitée ou procurée aux détenus. Mais il est visible que ce mode d'exécution du délit en aggraverait le caractère, et que dès lors une disposition distincte devait le prévoir et le réprimer. Les anciens jurisconsultes avaient porté leur prévoyance sur ce cas spécial : Non solùm punitur carceratus qui fracto carcere aufugit, sed etiam et alius non carceratus carcerum effractor ad hoc ut carce

rati aufugiant [1]. La peine qui frappait les actes de ces agents était la peine même à la quelle les détenus étaient condamnés et pour laquelle ils étaient détenus: eâdem penâ quâ puniendi erant carcerati pro delicto pro quo detinebantur.

Peut-être doit-on également regretter que la loi pénale n'ait point étendu aux parents du détenu qui ont favorisé l'évasion, mais en la modifiant, l'exception établie par le paragraphe2 de l'art. 248. L'affection qui naît de la parenté forme une excuse que le législateur ne peut pas plus méconnaître dans le cas de l'évasion que dans celui du recèlement. L'ancienne jurisprudence admettait cette excuse dans les deux cas: des arrêts nombreux sont rapportés par Mornac [2], par Julius Clarus [3], par Jousse [4], qui ont exempté de toutes peines une femme, des enfants, de proches parents qui avaient arraché des mains des archers leur mari, leur père, leur frère. A la vérité, une nuance sépare les deux délits : la femme, le père ne pourraient sans inhumanité repousser leur fils ou leur époux qui réclame un réfuge sous leur toit; ils le reçoivent, mais là s'arrête leur participation. La complicité d'évasion n'est pas seulement, comme le recel, un acte passif et presque forcé; c'est un acte de révolte active contre la loi, c'est un appui matériel donné à l'infraction, c'est un concours volontaire au délit. Aussi ce n'est pas une exception entière, mais seulement une atténuation de la peine, qui nous semblerait devoir être établie dans ce dernier cas; et cette disposition est tellement commandée par la nature des choses, que quelques tribunaux n'ont point hésité, malgré les termes restrictifs de la loi, d'étendre le deuxième paragraphe de l'art. 248 anx parents qu'il désigne prévenus de complicité du délit d'évasion [5].

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Eximens debitorem ex carcere tenetur solvere de proprio debitum creditoribus non aliter ac si fuisset ipsius debitoris fidejussor [6]. Jousse établit cette décision comme une règle : « Si le prisonnier, dit-il, était détenu seulement pour dettes civiles, les complices de l'effraction pour le sauver doivent, outre la peine du bris de prison, être condamnés à payer la dette [7]. » Au reste, cette disposition n'est qu'une application de l'art. 1382 du Code civil qui oblige quiconque cause par son fait un dommage à autrui à le réparer; seulement il aggrave cette règle à l'égard des prévenus de connivence, en attachant à leur responsabilité le lien de la solidarité : chacun des complices du délit de connivence est tenu des dommages-intérêts in solidum. Est-il nécessaire, pour faire naftre cette action, que la partie civile se soit constituée avant l'évasion? Non, pourvu qu'elle fût dans les délais utiles pour se constituer encore; car rien ne la forçait de le faire avant l'expiration de ces délais, et elle ne peut perdre son recours quand elle n'a aucune faute à s'imputer. Les créanciers auraient-ils le même droit? Nullement, car l'art. 244 ne s'applique qu'à la partie civile; les créanciers restent donc dans le droit commun. Enfin, la partie lésée qui n'a pas figuré aux débats dans lesquels le détenu a été condamné, pent-elle, en vertu de cet article, former un recours par la voie civile, à raison des dommages-intérêts auxquels elle avait droit, mais qu'elle n'avait pas réclamés? Nous croyons qu'il faut répondre affirmativement. La loi n'a point limité la voie que la partie lésée doit choisir pour faire valoir ses droits: il suffit qu'ils soient fondés et que l'évasion l'ait empêchée de les invoquer, pour qu'elle puisse diriger son action contre le complice, qui, suivant l'expression de Farinacius, s'est porté, par le fait de sa complicité, la caution du détenu qu'il a fait évader.

La deuxième disposition commune aux gardiens et aux personnes étrangères est l'art. 246 qui porte : « Quiconque sera condamné, pour avoir favorisé une évasion ou des tentatives d'évasion, à un emprisonnement de plus de six mois, pourra, en outre, être mis sous la surveillance spéciale de la haute police, pour un intervalle de cinq à dix ans. » Cet article avait excité les réclamations de la commission du

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