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Corps législatif : « Quoique la disposition de mise en surveillance énoncée en cet article ne soit que facultative, disait cette commission, on peut se dispenser de l'insérer. Ceux qui favorisent ou concertent une évasion étant ordinairement des parents ou amis, contre lesquels il y a rarement d'autres reproches à faire, il ne paraît pas que la mesure de surveillance soit nécessaire à leur égard. S'il se trouve des individus qui en fassent habitude, alors ils tombent dans un cas de récidive, et dès lors ils sont soumis à la surveillance, suivant l'esprit de l'art.58 concernant la récidive.» Le Conseil d'état répondit que, puisque la disposition n'était que facultative, les juges ne seraient jamais forcés de l'aqpliquer malgré eux à des cas où ils la trouveraient trop rigoureuse; mais qu'il est aussi des cas où il serait utile de leur donner le pouvoir d'en faire usage: ce motif fit maintenir l'article. Du reste, pour qu'il puisse être appliqué, il faut que le complice de l'évasion ait été condamné à un emprisonnement de plus de six mois : la surveillance est subordonnée à cette condition expresse,

Ici se terminent nos observations relatives aux fauteurs et complices de l'évasion. Il nous reste à examiner le délit des personnes qui, sans prendre une part active à l'évasion, y participent en quelque sorte en recélant le détenu évadé. L'art. 248 est ainsi conçu : « Ceux qui auront recélé ou fait recéler des personnes qu'ils savaient avoir commis des crimes emportant peine afflictive, seront punis de trois mois d'emprisonnement au moins et de deux ans au plus.» Mais cette disposition ne se borne pas, comme on le voit, à prévoir et à punir le recèlement des détenus évadés: elle a généralisé ses termes; elle a franchi les limites de ce chapitre; elle s'applique au recèlement de toutes les personnes qui ont commis des faits qualifiés crimes par la loi. C'est donc une disposition distincte et qui n'est ni la conséquence ní le complément des dispositions que nous venons de parcourir: c'est une incrimination spéciale, un délit différent et nouveau, et c'est sous ce point de vue qu'il faut l'examiner.

Il est nécessaire, en premier lieu, d'apprécier les rapports et les différences qui se trouvent entre l'art. 248 et les art. 61 et 62 du Code pénal. Ce dernier article ne prévoit que le recélé des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit, tandis que l'article 248 ne s'occupe, au contraire, que du recè

[1] Voy. t. 1, p. 171 et 180. [2] L. 1, Dig. de receptatoribus.

lement des personnes coupables de crime la distance qui sépare ces deux articles est donc bien tranchée; ce sont deux délits distincts et par leur objet et par leur moralité; nulle confusion n'est possible entre eux. Le délit prévu par l'art. 61 a plus de liens avec celui que punit l'art. 248 là aussi il s'agit d'un recèlement de personnes, là aussi il s'agit d'une retraite ouverte à des criminels. Mais il est facile toutefois d'apercevoir les caractères différents de ces deux incriminations: l'art. 61 punit l'habitude de fournir logement et secours ; ce qu'il a voulu punir, ce sont les repaires secrétement préparés aux malfaiteurs toujours sûrs d'y trouver asile'; ce sont les individus qui font métier de tenir ces retraites afin d'avoir une part dans les brigandages; de là la règle qui les considère et les punit comme complices [1]. L'art. 248 diffère de cet article en ce qu'il ne punit point l'habitude de recéler, mais un acte isolé; en ce qu'il ne considère point cet acte comme un acte de participation au crime commis, mais comme un délit distinct, et spécial; enfin, en ce qu'il n'est point limité au recèlement d'une classe de malfaiteurs, mais qu'il s'étend à celui de toutes personnes qui ont commis des crimes.

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Cela posé, il devient facile d'apprécier le vé– ritable caractère du délit de recèlement ce n'est point un acte de participation au crime commis, ce n'est pas même un acte d'approbation donnée à ce crime, car il est impossible de tirer une pareille induction d'un fait qu'une foule de circonstances et de sentiments divers peuvent suggérer : dans l'esprit de la loi, aucun lien criminel ne réunit le recéleur et la personne recélée; celui-là a pu ne céder qu'à un sentiment d'affection ou même d'humanité ; il a pu blâmer hautement l'action du coupable et rejeter toute solidarité de cette action; le seul fait que la loi pénale veut apercevoir et punir, c'est qu'en recélant un coupable que la justice réclame, il se rend coupable de désobéissance et en quelque sorte de rébellion envers la loi qui preserit la poursuite des crimes et l'application des peines. C'est en ne considérant le recèlement que sous ce rapport spécial, que la loi ne l'a puni que d'une peine correctionnelle.

Les textes du Digeste et du Code de Justinien assimilent aux coupables eux-mêmes les individus qui les ont recélés in pari causâ habendi sunt: porte le Digeste [2]; et le Code ajoute: par ipos et eos pœna expectet [3]. Mais il faut remarquer que dans l'espèce de la

[3] L. 1, C. de his qui latrones vel alios crimin. reos occult.

première loi il s'agissait des officiers publics qui auraient reçu de l'argent pour recéler ou faire évader les malfaiteurs, et le Code suppose une association quelconque entre les recéleurs et les criminels que poursuit la justice. Ces textes sont donc étrangers à notre espèce; aussi les jurisconsultes, qui s'écartent rarement des déci sions des lois romaines, n'ont pas hésité dans ce cas spécial à enseigner qu'une peine arbitraire, c'est-à-dire proportionnée aux circonstances, était seule applicable in illum domi sue receptante et occultante non eadem pœna sed arbitraria [1]. Notre ancien droit renfermait des décisions diverses : les ordonnances de Moulins et de Blois (art. 26 et 193) portaient une disposition ainsi conçue : « Et d'autant que plusieurs de nos sujets donnent confort, aident et recèlent les coupables contre lesquels il y a décret pour crime et délit, défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu'ils soient, de recevoir ni recéler aucuns accusés et poursuivis en justice pour crime ou délit; ains leur enjoignons de les mettre ès mains de ladite justice, sur peine d'être punis de la même peine que seront les coupables. » Mais une autre ordonnance de janvier 1629 ne prononçait d'autre peine que « d'être tenus en leur propre et privé nom des amendes et réparations jugées à l'encontre des coupables, et d'en demeurer caution et responsables. >>

Au reste, le délit prévu par l'art. 248 repose sur une double base: la loi exige que les personnes recélées aient commis un crime emportant peine afflictive, et que le recéleur ait formellement connu cette circonstance. La première condition suppose que la personne recélée est convaincue du crime, et par conséquent qu'elle a été condamnée; car, dans le langage de la loi, nul n'est censé avoir commis un crime, si ce n'est ceux que la justice en a déclarés coupables : et d'ailleurs comment savoir, si ce n'est après le jugement, que le fait commis emportera telle ou telle peine? Supposons que l'art. 248 s'étende même au recélé des personnes seulement inculpées : que deviendrait la condamnation du recéleur, si ces personnes mises ensuite en jugement sont acquittées ou condamnées à toute autre peine qu'une peine afflictive ? Que serait-ce qu'une condamnation soumise à une condition résolutoire ? Comment qualifier une peine dont le

sort dépendrait d'un jugement à venir ? Ce n'est donc que le recèlement des coupables, c'est-àdire des condamnés, que la loi a voulu punir ; et, en effet, l'incertitude de la culpabilité des prévenus enlève au recélé une partie de sa criminalité: le recéleur a pu croire légitimement à l'innocence de ce prévenu, il a pu croire que l'acte imputé n'avait pas la gravité que l'action publique lui supposait. La deuxième condition est que le recéleur ait positivement connu la position légale du criminel; et il est évident, en effet, que s'il ne l'a pas connue, aucune responsabilité ne doit peser sur lui. Toute la moralité de l'acte du recélé est dans cette connaissance : il n'est donc pas permis de la supposer ; il faut qu'elle soit formellement établie, et tout jugement prononcé contre le recéleur, qui ne déclarerait pas l'existence de cette circonstance, n'aurait aucune base et serait frappé de nullité.

Mais l'art. 248 s'applique non-seulement aux personnes qui ont recélé, mais à celles qui ont fait recéler: l'action des unes et des autres est,en effet, la même; que la désobéissance à la loi soit directe ou indirecte, elle n'est pas moins une désobéissance. Ainsi cette disposition s'étend à tous les individus qui ont procuré un asile au criminel, soit sous leur toit, soit sous un toit étranger. Toutefois les termes de la loi ne s'appliquent qu'au refuge donné ou procuré, et non point aux secours qui auraient pu être offerts au réfugié: la loi peut, dans un intérêt social, défendre de dérober à l'action de la justice une personne déclarée coupable et que cette justice réclame et poursuit ; mais elle ne pourrait porter plus loin sa prévoyance sans blesser les droits de l'humanité, et transformer en délit l'appui et les secours fournis au condamné dont la position les réclame.

Le deuxième paragraphe de l'art. 248 renferme, qu surplus, une exception que l'humanité a dictée et que la justice la plus rigoureuse ne pourrait désavouer; il est ainsi conçu : «Sont exceptés de la présente disposition les ascendants ou descendants, époux ou épouse, même divorcés, frères ou sœurs des criminels recélés, ou leurs alliés aux mêmes degrés. »

La loi romaine avait établi cette exception: Eos apud quos adfinis vel cognatus latro conservatus est, neque absolvendos, neque severè admodùm puniendos. Non enim par est eorum delictum, et eorum qui ni

[1] Farinacius, quæst. 30, no 98; Bartole, in l. 1, Dig. de recept.; Menochius, in tractatis de

CHAUVEAU. f. II.

arbitr, jud. causis, casu 348; Carrerius, in Pract. crimin. § homicidium, no 33.

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hil ad se pertinentes latrones recipiunt [1]. Tous les jurisconsultes, en s'appuyant sur ce texte, ont admis l'exemption qu'il pose, en lui accordant plus ou moins de développements, plus ou moins d'effets [2], Jousse, en recueillant cette décision, la motive en ces termes : « Les proches parents qui retirent chez eux les voleurs sont excusables, si d'ailleurs ils ne sont

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pas participants à leurs vols, parce qu'alors ils sont présumés leur donner retraite pour les garantir et mettre à couvert des poursuites de la justice ainsi ils doivent être punis moins sévèrement que les autres recéleurs; car c'est une maxime constante que les lois relâchent de leur sévérité, quand elles sont offensées par un motif de charité inspiré par la nature [3]. »

CHAPITRE XXXIV.

DES BRIS DE SCELLÉS ET ENLÈVEMENTS DE PIÈCES DANS LES DÉPOTS PUBLICS.

Caractères, généraux de ces délits. Division du chapitre.

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Législation antérieure. Disposition du Code. Du bris de scellés apposés en quelque matière que ce soit. Il faut que les scellés aient été apposés par ordre du gouvernement ou par suite d'une ordonnance de justice. — De la négligence du gardien en cas de bris. — Il est nécessaire que cette négligence soit établie.- De la connivence du gardien. - De la participation de toute autre personne au délit. — Le préjudice causé par le bris est indifférent pour l'existence du délit. — Du bris des scellés apposés sur les papiers et effets du prévenu d'un crime emportant une peine perpétuelle ou la peine de mort. — Négligence du gardien. — Caractères de cette négligence. Sa participation au délit. - Perpétration de ce délit par toutes autres personnes. -Caractère spécial de cette espèce de bris. — Du bris causé par violences. — Du vol commis à l'aide d'un bris de scellés. — § II. Des enlèvements de pièces dans les dépôts publics. — Ce qu'il faut entendre par depôts publics. — Punition des dépositaires négligents. Punition des soustractions commises—par le dépositaire, — par toutes autres personnes. soustractions ont lieu avec la circonstance aggravante de violences envers les personnes. (Commentaire des art. 249, 250, 251, 252, 253, 254, 255 et 256 du Code pénal.)

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Les bris de scellés et les enlèvements de pièces ne sont considérés dans ce chapitre que dans leurs rapports avec l'autorité publique dont ils blessent les prescriptions. C'est en les appréciant sous ce point de vue que le Code pénal a rangé ces infractions parmi les crimes et délits contre la paix publique, et dans la section des actes de résistance, désobéissance et autres manque ments envers l'autorité publique. Il ne s'agit donc que du bris des scellés apposés par ordre du gouvernement ou par ordonnance de justice, que des enlèvements de pièces commis dans les dépôts publics. La pensée de la loi a été d'ap

[1] L. 2, Dig. de receptatoribus.

porter une sanction aux actes des pouvoirs publics, de protéger les lieux de dépôt qu'ils ont choisis, de garantir enfin l'inviolabilité du sceau de l'autorité. Cette pensée, qui va se réfléchir sur les diverses dispositions que nous allons parcourir, fixera leur sens et leurs limites; elle est à la fois le principe et la règle d'interprétation de cette matière.

Ce chapitre se trouve divisé par la loi ellemême en deux parties, distinctes par leur objet, quoique émanant du même principe: nous suivrons cette division qui ne peut qu'aider à la clarté du travail et à la facilité des recherches.

cius, no 99 et 100; Damhouderius, in Pract, crim.

[2] Menochius, casu 348, no 12 et 13; Farina- cap. 134, no 5.

[3] Jousse, t. 4, p. 251.

1er.

Du bris de scellés.

Dans notre ancienne législation, le bris de scellés pouvait établir la présomption d'une spoliation de succession, mais ne donnait lieu qu'à une action en dommages-intérêts, sauf les cas où il était suivi de faux ou de vol [1]. Le Code pénal de 1791 avait également omis de classer ce fait dans la catégorie des délits une loi du 20 nivôse an II combla cette lacune; mais cette loi, née dans des circonstances extraordinaires, avait poussé la sévérité si loin, que son application n'avait pu survivre à ces temps. Son art. 5 était ainsi conçu : « Tout gardien de scellés, et tout individu qui sera convaincu d'avoir mé chamment et à dessein brisé des scellés, sera, ainsi que les complices, puni de mort, en cas de bris de scellés apposés sur des papiers et effets de personnes prévenues de crimes contre-révolutionnaires; de 24 années de fers, en cas de bris de scellés apposés sur des effets ou papiers appartenant à la république; de 12 années de fers, en cas de bris de scellés apposés sur des effets ou papiers appartenant à des particuliers, >>

Le Code pénal, répudiant cette excessive rigueur, a gradué la peine du bris de scellés sur l'importance des objets mis sous les scellés, sur la qualité des personnes qui ont commis le bris, enfin sur les circonstances matérielles qui atté nuent ou aggravent la criminalité de ce fait. C'est d'après ces distinctions que des degrés différents ont été établis dans la pénalité, suivant que les scellés brisés étaient apposés sur des effets quelconques, ou sur les effets d'un individu prévenu d'un crime emportant une peine perpétuelle ou la peine de mort; suivant que le bris a été commis par le gardien ou par toute autre personne; suivant enfin qu'il doit être imputé à la négligence, à la fraude, ou aux violences exercées par les agents.

Le bris des scellés apposés par l'autorité publique sur des effets quelconques doit faire le premier objet de notre examen : ce délit prend deux caractères distincts, suivant qu'il est commis par les gardiens ou par d'autres personnes; et les gardiens en sont responsables lors même qu'ils n'y ont pas participé. L'art. 249, qui prévoit cette dernière hypothèse, est ainsi conçu « Lorsque des scellés apposés soit par

ordre du gouvernement, soit par suite d'une ornonnance de justice rendue en quelque matière que ce soit, auront été brisés, les gardiens seront punis; pour simple négligence, de six jours à six mois d'emprisonnement. >>

Cet article atteste, par son texte, qu'il ne s'agit, ainsi que nous l'avons dit plus haut, dans les dispositions qui font l'objet de ce chapitre, que d'un attentat à la paix publique, d'un acte de rébellion envers l'autorité; en effet, il n'incrimine pas le bris de tous les scellés, mais seulement des scellés apposés par ordre du gouvernement ou par suite d'une ordonnance de justice; ce sont là les seuls scellés dont l'infraction constitue un délit, parce qu'ils portent le sceau de l'autorité publique, et que l'acte de les briser est un manquement envers cette autorité. C'est dans ces bornes qu'il faut restreindre l'application des articles suivants.

Le fait que punit l'art. 249 est la simple négli gence du gardien, abstraction faite de tout acte de participation au bris des scellés. On pourrait croire, à la simple lecture de cet article, que par cela seul que les scellés ont été brisés, le gardien doit être réputé coupable de négligence, sans qu'il soit nécessaire d'en rechercher les preuves dans sa conduite; mais, outre qu'il serait exorbitant de punir le gardien d'une faute que peut être il n'a pas commise, il résulte du rapprochement de cet article avec l'art. 250, que la loin'a voulu atteindre que le gardien négligent. Ainsi la responsabilité ne naît qu'à la suite de la faute; il ne suffit pas que les scellés aient été brisés, il faut que le fait de la négligence soit établi, pour que la peine qui la réprime soit encourue.

Mais la négligence même établie suppose que le bris de scellés a été commis par des tiers; or il peut l'avoir été par le gardien lui-même. Ces deux cas sont prévus par l'art. 252 : « A l'égard de tous autres bris de scellés, les coupables seront punis de six mois à deux ans d'emprisonnement; et si c'est le gardien lui-même, il sera puni de deux à cinq ans de la même peine. »> Remarquons d'abord que ces mots tous autres bris de scellés se réfèrent à l'article qui précède et dans lequel est indiquée une espèce particulière de scellés : le sens de ces termes est donc uniquement de s'étendre aux autres espèces de scellés, mais aux autres espèces du même genre, c'est-à-dire de scellés apposés par ordre du gouvernement ou par ordonnance de justice. Rien n'autorise, en effet, à déroger ici à la règle posée par l'art. 249; c'est toujours la même ma

[1] Serpillon, Code crim., p. 949; Jousse, t. 4, tière, la même classe de délits, la même nature

p. 70.

d'infraction: çes diverses dispositions, par cela

même qu'elles impriment en se déroulant des nuances diverses, se coordonnent entre elles, s'expliquent les unes par les autres, et sont l'application d'un principe unique que l'art. 249 a clairement formulé.

C'est une conséquence de ce principe que la Cour de cassation a appliquée en décidant que le bris de scellés commis par des héritiers constitue un délit, encore bien qu'il n'en soit résulté aucun préjudice pour les autres cohéritiers [1]. En effet, ce n'est pas le préjudice qui constitue le délit, parce qu'il ne s'agit pas d'un délit contre la propriété, parce que ce n'est pas la fraude qui le constitue; c'est l'acte de désobéissance, c'est le manquement envers l'autorité publique. Du reste, la distance qui sépare le gardien qui lui-même les brise, et la personne étrangère à cette garde qui se rend coupable du même fait, est facile à apprécier celle-ci, quel que soit le motif qui l'anime, méconnaît l'autorité de la loi; le gardien, à cette infraction commune, ajoute l'infraction d'un devoir spécial; il trahit la mission de surveillance qui lui a été confiée, et se sert de ses fonctions pour commettre le délit. La gradation de la peine est donc loin d'être exagérée. Mais il ne faut pas omettre de dire que si le gardien a cédé à la corruption, ou s'il s'est rendu coupable de vol à l'aide du bris de scellés, la spécialité de l'acte ne l'absout pas des peines attachées à ces délits.

Après le bris des scellés apposés par l'autorité publique, en quelque matière que ce soit, la loi prévoit le bris d'une espèce particulière de scellés; l'art. 250 porte : « Si le bris des scellés s'applique à des papiers et effets d'un individu prévenu ou accusé d'un crime emportant la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation, ou qui soit condamné à l'une de ces peines, le gardien négligent sera puni de six mois à deux ans d'emprisonnement. » L'exposé des motifs du Code explique cette disposition en disant : « Un gardien des scellés est un dépositaire, et son dépôt devient plus précieux, si la cause qui a nécessité le scellé est un crime commis par celui sur les effets de qui les scellés ont été apposés. La peine sera donc plus forte. » Ainsi la peine de la négligence s'aggrave à raison de l'importance du dépôt, à raison de ce que cette importance appelle une surveillance plus active, des soins plus attentifs. Mais, dans cet article comme dans l'art. 250, c'est la négligence seule, c'est, pour employer

les termes de l'article lui-même, le gardien négligent qui fait seul l'objet de l'incrimination: il est donc nécessaire, outre le bris de scellés, de prouver encore que ce bris a été commis par suite de la négligence du gardien.

La deuxième condition de l'infraction est que les scellés aient été appliqués à des papiers et effets d'un individu prévenu ou accusé d'un crime emportant la peine de mort ou une peine perpétuelle. On trouve la source de cette disposition étrange dans la loi du 20 nivôse an 11, qui punissait de mort le bris de scellés apposés sur les papiers et effets de personnes prévenues de crimes contre-révolutionnaires. La même pensée politique qui avait dicté cette loi atroce s'est perpétuée, par une singulière préoccupation, dans le Code pénal; c'est évidemment les yeux fixés sur les crimes d'état, sur l'importance politique que les papiers des accusés de ces crimes peuvent avoir, sur l'intérêt que des complices auraient à les soustraire, que le législateur a cru devoir déployer dans ce cas une sévérité plus grande. Mais il y a lieu de croire que cette prévoyance aura peu de fruit, et que cette disposition restera sans application.

Le Code pénal, poursuivant la même hypothèse, prévoit le cas où le bris de scellés aurait été commis à dessein : « Quiconque, porte l'art. 251, aura à dessein brisé des scellés apposés sur des papiers ou effets de la qualité énoncée en l'article précédent, ou participé au bris des scellés, sera puni de la reclusion; et si c'est le gardien lui-même, il sera puni des travaux forcés à temps. » Cet article, expliqué par ce qui précède, ne peut donner lieu à aucune observation spéciale. Il suffit de remarquer qu'il se réfère à l'article 250, en ce qui concerne la nature des scellés brisés, et qu'ainsi son application se trouve limitée au bris commis volontairement de scellés apposés sur les papiers et effets des prévenus ou condamnés à raison de crimes emportant la peine perpétuelle ou la peine de mort.

Enfin, le bris des scellés, quels qu'ils soient, s'aggrave lorsqu'il est commis avec des violences exercées contre les personnes: la peine est alors, aux termes de l'art. 256, celle des travaux forcés à temps. Nous reviendrons, dans le 2o § de ce chapitre, sur cette circonstance aggravante qui est commune aux destructions de pièces et au bris de scellés.

Jusqu'ici nous ne nous sommes occupés du bris de scellés que dans ses rapports avec l'au

[1} Arr. 22 juill. 1813; Dalloz. t. 24, p. 473, torité publique que cette infraction offense; S. t. 11, p. 96.

mais si elle constitue un manquement envers

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