Images de page
PDF
ePub

L'usurpation s'applique soit aux fonctions, soit aux titres. L'art. 258, qui prévoit la première, porte: « Quiconque, sans titre, se sera immiscé dans des fonctions publiques, civiles ou militaires, ou aura fait les actes d'une de ces fonctions, sera puni d'un emprisonnement de 2 à 5 ans, sans préjudice de la peine de faux, si l'acte porte le caractère de ce crime. »

Cet article prévoit la simple immixtion dans des fonctions publiques. D'autres articles ont prévu le même fait, mais accompagné de circonstances qui en aggravent le caractère. Ainsi l'art. 93 punit l'usurpation du commandement d'une armée, d'une place de guerre ; les art. 127 et 130 répriment l'immixtion de certains fonctionnaires dans l'exercice du pouvoir législatif; les art. 196 et 197 prévoient les actes d'une autorité illégalement anticipée ou prolongée; enfin l'art. 334 s'applique à l'usurpation du costume ou du nom d'un officier public pour opérer une arrestation arbitraire. L'art. 258 a donc dégagé le fait de l'usurpation de fonctions de ces circonstances aggravantes ou concomittantes ce qu'il punit, c'est la seule immixtion, sans titre, dans les fonctions, la perpétration d'un seul acte sous le nom du fonctionnaire.

Déjà ce délit avait été l'objet de la sollicitude du législateur : la loi du 15 septembre 1792 l'avait prévu, mais en le frappant de peines hors de proportion avec sa gravité; son article 3 punissait de la peine de mort tout citoyen trouvé revêtu d'un costume qu'il n'avait pas le droit de porter, et convaincu d'avoir fait des actes d'autorité que l'officier public a seul le droit de faire. Le Code, tout en recueillant la pensée qui avait dicté cette loi, s'est éloigné de son texte: il n'a point exigé la double condition du port du costume et de la perpétration de l'acte; l'immixtion suffit pour constituer le délit.

Mais il est nécessaire que cette immixtion soit faite dans des fonctions publiques: c'est là une condition essentielle du délit;, ces fonctions seules présentent assez d'importance pour que le législateur ait cru devoir les défendre d'une dangereuse usurpation. Les fonctions publiques sont celles qui s'exercent par suite d'une délégation de l'autorité publique : ce sont celles-là seulement que la loi a dû protéger. Deux questions se sont élevées à ce sujet, et leur solution ne peut que servir à fixer le sens du terme légal. Il s'agissait de savoir, dans une première espèce, si l'individu étranger à la garde nationale, qui y fait le service sous le nom d'un membre de cette garde, se rend coupable de l'usurpation d'une fonction publique. La Cour de cassation a résolu cette question négativement: « Les

fonctions dont il s'agit, porte le réquisitoire qu'elle n'a fait qu'adopter, ne sont point assurément des fonctions publiques civiles; sontelles militaires? La garde nationale n'est réputée corps militaire que lorsqu'elle est mise en activité, à l'instar de la troupe de ligne : il faut qu'elle soit appelée à faire un service extraordinaire hors de ses foyers. Tant qu'elle est sédentaire, elle n'est point militaire, et conséquemment elle n'exerce point de fonctions militaires : c'est ce que déclare expressément la loi du 12 décembre 1790: « Les citoyens armés ou prêts à s'armer pour la chose publique ou pour la défense de la liberté et de la patrie, ne formeront point un corps militaire [1]. »

La question ne présentait plus de difficultés dans la deuxième espèce : elle consistait à savoir si l'exercice, sans titre, des droits électoraux, constitue le délit d'usurpation de fonctions publiques. La Cour royale d'Amiens a jugé cette question négativement par arrêt du 26 juin 1822 [2]. Il est impossible, en effet, sans faire violence au sens littéral de l'article 258, de ranger le droit d'élire au nombre des fonctions publiques, puisque l'électeur ne l'exerce pas par suite d'une délégation de l'autorité publique, mais en vertu de ses droits de citoyen et suivant les conditions exigées par la loi politique. Nous ajouterons que bien évidemment la pensée du législateur n'a pas été d'étendre la protection de l'article 258 aux droits électoraux ; la seule idée qui l'ait préoccupé a été celle de défendre l'autorité publique contre toutes les attaques dont elle peut être l'objet, et la preuve de cette préoccupation exclusive se trouve, non-seulement dans ses termes, mais dans la place qu'il occupe dans la section des désobéissances, résistances et manquements envers l'autorité publique. L'exercice illégal des droits électoraux ne trouve donc point de sanction dans l'article 258; mais nous avons reconnu ( t. 3, p.80) que ce délit rentrait dans les termes de l'art. 111. L'art. 258 se termine par ces mots sans préjudice de la peine de faux, si l'acte porte le caractère de ce crime. Il n'y a crime de faux qu'autant qu'à l'altération matérielle de l'écriture se réunissent l'intention de nuire et la possibilité d'un préjudice. Lors donc que ces caractères ne se trouvent pas constatés, l'acte d'usurpation, quel qu'il soit, demeure compris dans les termes de cet article. Ainsi,

[blocks in formation]

les actes passés sous la fausse qualité du fonctionnaire demeurent soumis à cette disposition, tant que l'agent, en se revêtant de cette qualité, n'a pas usurpé un faux nom ; et dans le cas même où il aurait pris le nom d'un fonctionnaire dans les actes qu'il aurait souscrits en cette qualité, ces actes resteraient encore dans la même caté gorie, s'ils ne produisaient pas une lésion quelconque, soit à l'État, soit à des tiers.

Le deuxième délit d'usurpation, dont nous avons maintenant à nous occuper, est le port illicite d'un costume ou d'une décoration. L'art. 259 est ainsi conçu : « Toute personne qui aura publiquement porté un costume, un uniforme ou une décoration qui ne lui appartiendra pas, sera punie d'un emprisonnement de six mois à deux ans. » Ce n'est donc plus l'immixtion dans les fonctions que cet article prévoit, mais le port illicite du costume de ces fonctions; ce n'est plus l'usurpation de pouvoir, mais celle d'un signe extérieur que l'agent n'avait pas le droit de porter. Ce délit était prévu par l'art. 2 de la loi du 15 septembre 1792 qui punissait de deux années de fers tout citoyen qui serait trouvé revêtu d'un costume qu'il ne serait point autorisé par la loi à porter. La loi ne suppose pas encore qu'il ait été fait un funeste usage du costume usurpé, mais elle voit dans ce fait un acte préparatoire d'un délit, et elle le punit dès qu'il est constaté, pour n'avoir pas à punir un délit plus grave: «Il est du plus grand intérêt pour Ja société, dit la loi de 1792, que des particuliers ne puissent, pour faciliter l'exécution de projets criminels, se revêtir à volonté des décorations décrétées pour les juges, les administrateurs, les magistrats du peuple, et pour tous autres officiers publics. » Ce délit a donc une gravité moindre que celui prévu par l'art. 258: il prépare l'usurpation de pouvoir, il ne la consomme pas; l'agent revêt un costume qui lui est inter dit, mais il n'en fait aucun usage. S'il s'en servait pour la perpétration de quelque acte, le fait changerait de nature, il constituerait alors l'usurpation des fonctions, et dans certains cas le délit d'escroquerie ou de crime de faux.

Une circonstance substantielle du délit est que le costume ou la décoration ait été porté publiquement; c'est cette publicité seule qui constitue le délit, parce que seule elle constitue le danger. Chaque citoyen est libre de revêtir dans sa maison tous les costumes qu'il lui plaît: le caprice qui fait naître ces usurpations les

[1] Arr, cass. 25 août 1832.

absout en même temps, et le législateur n'a point à se préoccuper de ces actes qui ne peuvent produire aucun danger.

La publicité même du port illicite du costume ne serait pas suffisante pour constituer le délit : ce n'est point ici une contravention matérielle que la seule perpétration du fait puisse former. Il est nécessaire que l'agent qui a revêtu le costume ou la décoration, ait eu l'intention, sinon de porter préjudice, car alors son action prendrait un autre caractère, du moins de faire croire qu'il était possesseur des fonctions ou du titre que ces signes extérieurs représentent. C'est cette pensée de fraude qui distingue et sépare l'usurpation inoffensive, que cette innocuité absout, et l'usurpation que la loi doit inculper, parce qu'elle constitue une sorte d'outrage pour l'autorité publique, et qu'elle tend à en compromettre les insignes et à en usurper le pouvoir,

Le costume, l'uniforme et la décoration n'appartiennent à l'agent qui les porte qu'autant que le titre qui donne le droit de les porter lui a été conféré par un pouvoir légal. Ce principe, évident par lui-même, a été consacré dans une espèce récente. Le 1er août 1830, Charles X, étant à Rambouillet, avait conféré la décoration de la Légion-d'Honneur à l'un des officiers de sa garde: des poursuites ayant été dirigées contre cet individu pour port illicite de cette décoration, la Cour royale de Bordeaux crut devoir surseoir à statuer jusqu'à ce que le ministère public eût produit l'ordonnance qui annulait la nomination. Cet arrêt a été déféré à la Cour de cassation, parce qu'il supposait la validité d'une nomination, nulle de plein droit, puisqu'au 1er août 1830 Charles X avait cessé d'être roi. La Cour a, en effet, annulé l'arrêt en se fondant: « sur ce que le jour où Charles X aurait fait la nomination, il existait un gouvernement reconnu qui avait la plénitude de la puissance exécutive; que dès lors le pouvoir royal avait cessé d'exister dans la personne de Charles X; que la Cour royale de Bordeaux, en refusant de statuer au fond, avait violé les règles de la compétence et méconnu les principes fondamen-taux du droit public du royaume [1]. »

Le port des insignes des divers ordres éirangers, sans autorisation du roi, serait compris dans les termes de l'art. 259 [2]. En effet, cet article ne distingue point entre les diverses décorations dont il prévoit le port illicite, et il dé

a jugé que les terines de l'art. 258 sont généraux [2] La Cour de Paris, par arrêt du 10 déc. 1837, et absolus et ne font aucune distinction entre les

pend du gouvernement de soumettre le port des décorations étrangères à une autorisation dont l'absence frappe la décoration d'illégalité. Or les art. 67 et 69 de l'ordonnance du 26 mars 1816 portent : « Tous les ordres étrangers sont dans les attributions du grand chancelier de l'ordre royal de la Légion-d'Honneur. 11 prend nos ordres à l'égard des ordres étrangers conférés à nos sujets, et transmet les autorisations de les accepter et de les porter. » Et l'ordonnance du 16 avril 1824 renferme à cet égard les dispositions suivantes : « Toutes décorations ou ordres, quelle qu'en soit la dénomination ou la forme, qui n'auraient pas été conférés par nous ou par les souverains étrangers, sont déclarés illégalement et abusivement obtenus, et il est enjoint à ceux qui les portent de les déposer à l'instant. Tous Français qui, ayant obtenu des ordres étrangers n'aura pas reçu l'autorisation de les accepter et de les porter, conformément à notre ordonnance du 26 mars 1816, sera pareillement tenu de les déposer, sans préjudice à lui de se pourvoir pour solliciter cette autorisation. Nos procureurs généraux poursuivront selon la rigueur des lois tous ceux qui, au mépris de la présente ordonnance, continueraient de porter des ordres étrangers sans notre autorisation, ou d'autres ordres quelconques, sans que nous les leur ayons conférés. » La loi du 28 avril 1832 a supprimé, dans le texte de l'art. 259, une disposition moins grave par elle-même que par le principe qu'elle supposait Cette disposition punissait de la peine portéepar l'article toute personne qui se serait attribué des titres royaux qui ne lui auraient pas été légalement conférés. Des motifs divers ont provoqué cette suppression. La Chambre des Députés l'a fondée sur ce que les individus qui s'attribuent des titres de noblesse qui ne leur appartiennent pas, ne portent préjudice ni aux intérets genéraux de la société ni aux intérêts privés; sur ce que l'art. 62 de la Charte qui permet la conservation des titres de noblesse est purement facultatif et n'a pas besoin de sanction pénale; enfin, sur ce que cette disposition était tombée en désuétude, et qu'il n'appartenait qu'au ridicule de faire justice des

écarts de la vanité. Devant la Chambre des Pairs, d'autres raisons ont éte alléguées : « Cet arti-cle, a dit le rapporteur, qui ne protégeait dans sa sanction pénale que les titres conférés par un décret impérial ou une ordonnance du roi, n'était plus en harmonie avec l'art. 62 de la Charte, lequel, en même temps qu'il conserve à la nouvelle noblesse ses titres, permet à l'ancienne de reprendre les siens. Or il n'est personne qui ne sache que les titres conférés par ordonnance royale étaient autrefois les plus rares, et que presque tous ceux de l'ancienne noblesse reposaient sur une prescription immé– moriale qui avait fait de l'usage non contesté un droit, et sur la possession d'anciens fiefs héréditaires, titrés par concession du souverain ou antérieurement à toute concession, et qui conféraient aux possesseurs nobles et à leur famille le droit de porter le titre qui y était annexé. En abrogeant le dernier paragraphe de l'art. 259 vous placez les titres anciens de la noblesse française sur le même rang que les titres glorieux et immortels transmis par l'empire à la restauration. Cette juste assimilation est dans l'esprit de la Charte, et elle devient plus complète par le retranchement opéré par la Chambre des Députés dans l'article qui nous occupe. » Peut-être faudrait-il rechercher le véritable motif de ce retranchement en dehors de ces diverses allégations qui sont peu concluantes; peut-être pourrait on y voir une conséquence de l'état des mœurs et de l'opinion générale, une inspiration de cet instinct d'égalité qui tend à abaisser les hauteurs de l'ordre social, en leur refusant la dernière sanction qui protégeât encore une dernière prérogative. It résulte, en effet, de la suppression prononcée qu'aujourd'hui chacun peut impunément usurper un titre de noblesse, sans être justiciable d'aucun autre tribunal que de l'opinion publique. Il est bien entendu toutefois que si les ti-tres usurpés ont servi à surprendre la crédulité publique et à commettre une escroquerie, les peines de l'art. 405 demeurent applicables. La loi pénale n'épargne que la vanité : elle sévit dès qu'elle découvre la fraude.

Français et les étrangers, ni entre les décorations quelconque, sera puni d'un emprisonnement de étrangères et françaises.

Voyez aussi l'arrêté belge du 19 juillet 1814. La loi du 25 juillet 1834, art. 6, statue que quiconque aura porté publiquement, sans autorisation du roi, l'un ou l'autre des insignes d'un ordre

huit jours à un an et d'une amende de 50 à 500 fr, sans préjudice de l'application, s'il y a lieu, des peines portées à l'art, 2 de la loi et à l'art. 259 du Code pénal.

CHAPITRE XXXVII.

DES ENTRAVES AU LIBRE EXERCICE DES CULTES.

Caractère général des entraves au libre exercice des cultes.

[ocr errors]

Plusieurs espèces d'entraves. Empéchement par voies de fait ou menaces. - La loi du 18 novembre 1814. qui prescrit l'observation des fêtes, est-elle encore en vigueur? — Principes consacrés par l'art. 260. Circonstances caractéristiques des delits qu'il prévoit. — Des troubles ou désordres de nature à interrompre l'exercice du culte. Loi du 20 ávril 1825 abrogée. — Caractères du délit. — La confession est un acte d'exercice du culte catholique. — Des outrages par paroles ou par gestes envers les objets ou les ministres du culte. — Conciliation de l'art. 262 avec l'art. 6 de la loi du · Ce qu'il faut entendre par les lieux destinés à l'exercice du culte. Des coups portés et des violences exercées contre les ministres du culte. — Abrogation de l'art. 263. (Commentaire des art. 260, 261, 262. 263 et 264 du Code pénal.)

25 mars 1822.

--

Ce chapitre termine la série des actes de résistance, désobéissance et autres manquements envers l'autorité publique. Le législateur a cru devoir ranger dans cette classe les entraves mises au libre exercice des cultes : « Ce libre exercice, porte l'exposé des motifs, est l'une des propriétés les plus sacrées de l'homme en société, et les atteintes qui y seraient portées ne sauraient que troubler la paix publique. »>

Le Code pénal distingue quatre sortes d'entraves, quatre délits distincts: l'empêchement par voies de fait ou menaces à l'exercice d'un culte, l'interruption de cet exercice par des troubles ou désordres, l'outrage par gestes ou paroles contre les objets ou les ministres d'un culte, enfin les coups portés au ministre d'un culte dans ses fonctions. Nous allons reprendre l'une après l'autre ces diverses incriminations. La première est la simple atteinte portée à la liberté du culte : « Nulle religion, nulle secte, porte encore l'exposé des motifs, n'a le droit de prescrire à une autre le travail ou le repos, l'observance ou l'inobservance d'une fête religieuse, car nulle d'entre elles n'est dépositaire de l'autorité, et tout acte qui tend à faire ouvrir ou

[blocks in formation]

fermer des ateliers, s'il n'émane du magistrat même, est une voie de fait punissable. C'est cette règle que l'art. 260 a eu pour but d'appliquer. Cet article est ainsi conçu : » Tout particulier qui, par des voies de fait ou des menaces, aura contraint ou empêché une ou plusieurs personnes d'exercer l'un des cultes autorisés, d'assister à l'exercice de ce culte, de célébrer certaines fêtes, d'observer certains jours de repos, et en conséquence d'ouvrir ou de fermer leurs ateliers, boutiques ou magasins, et de faire ou quitter certains travaux, sera puni, pour ce seul fait, d'une amende de 16 à 200 fr. et d'un emprisonnement de six jours à deux mois[1]. »

Cet article a été modifié par la loi du 18 novembre 1814 qui, dans l'intérêt de la religion catholique qui était alors la religion de l'État, commande l'interruption des travaux ordinaires les jours des fêtes célébrées par cette religion. Mais cette loi est-elle encore en vigueur? n'at-elle point été implicitement abrogée par la Charte de 1830 qui a aboli la religion de l'Etat? Nous sommes forcés d'entrer dans l'examen de cette question. L'observation des jours consacrés aux solennités religieuses était prescrite

ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte, ni d'en observer le jour de repos. ([b., art. 15.)

[ocr errors]

:

par le réglement du 8 novembre 1782 à cette époque la religion catholique était la seule dont l'exercice public fùt autorisé en France. L'Assemblée constituante proclama le principe de la liberté des cultes; mais ce principe, enfreint par la Convention nationale, ne refleurit que quelques années plus tard: la loi du 4 ventôse an III permit l'exercice de tous les cultes, et celle du 7 vendémiaire an IV défendit aux juges, aux administrateurs et à tous autres de contraindre ou d'empêcher les citoyens d'observer certaines fêtes religieuses. Cependant cette tolé rance fut troublée par la loi du 17 thermidor an vi qui prescrivait sous des peines sévères l'observation des décadis et des fêtes civiques. L'arrêté consulaire du 7 thermidor an VIII posa un principe que la législation n'a fait que développer la prescription d'observer les décadis fut restreinte aux membres des autorités constituées. Les articles organiques de la loi du 18 germinal an x ne modifièrent point cette régle introduite en faveur des particuliers: ils se bornèrent à changer les jours de repos, sans toucher aux obligations qui en dérivaient. Enfin l'art. 260 a été la garamie et la consécration de ce système il protége la liberté de tous il n'impose d'obligations à personne.

:

Telle était la législation lors de la promulgation de la Charte du 4 juin 1814, dont l'art. 6 proclamait la religion catholique, religion de l'État. Dès le 7 juin suivant, le directeur général de la police rendit une ordonnance sur la célébration des fêtes et dimanches. Cette ordonnance qui rétablissait des peines très-sévères fut l'objet de vives réclamations, et n'eut qu'une existence éphémère, mais elle fut l'origine et le prétexte de la loi du 18 novembre 1814. La proposition de cette loi se fonda sur ce qu'un article de la Charte constitutionnelle ayant reconnu la religion catholique comme religion de l'Etat, il ne s'agissait que d'en fixer les prérogatives et de renouveler en sa faveur les dispositions des ordonnances relatives à l'observation des dimanches et fêtes [1]. Ainsi cette loi n'était qu'un corollaire de l'art. 6 de la Charte de 1814; et l'examen de ses dispositions confirme cette opinion, car elles sont inconciliables avec un système d'égalité légale entre les divers cultes; elles supposent la prééminence du culte catholique. Ainsi les chrétiens des cultes dissidents sont obligés de célébrer des fêtes que leur conscience repousse, de suspendre leurs travaux aux heures des offices

[1] Procès-verbal de la Chambre des Pairs, séance du 16 août 1814.

du culte catholique; ainsi les Israélites sont contraints d'observer, outre les fêtes prescrites par leur culte, celles d'un culte qui leur est étranger. Or, la Charte de 1830, en abolissant la religion de l'État, a détruit cette prééminence. Dès lors la loi du 18 novembre 1814, conséquence d'un principe qui' n'est plus, a dû immédiatement cesser d'exister. Et comment, en effet, la loi qui, dans un esprit religieux, contraignait les cultes dissidents à la célébration des fêtes du culte catholique, pourrait-elle subsister encore, quand tous les cutes ont les mêmes droits, quand tous jouissent de la même liberté ? Comment concilier cette gêne et ses entraves avec un principe qui domine toute la législation? Quelle que soit la réserve avec laquelle les abrogations implicites doivent être accueillies, on ne peut se défendre de considérer la loi du 18 novembre 1814 comme abrogée par la Charte de 1830, car ce sont là deux principes contraires, qui ne peuvent vivre ensemble, dont l'un doit nécessairement absorber l'autre et la pratique, au surplus, vient ici confirmer la théorie; il est certain que la loi du 18 novembre 1814 est aujourd'hui tombée en désuétude et qu'elle ne reçoit plus aucune application.

L'art. 260 a donc repris toute sa vie : les citoyens restent libres d'observer les fêtes ou de ne pas les observer; nulle contrainte ne peut être exercée pour les faire célébrer certaines fêtes, garder certains jours de repos; ils n'ont d'autre règle à suivre que celle de leur conscience [2]. Voilà le principe que cet article applique et qu'il a sanctionné. Toutefois il ne l'a sanctionné qu'à l'égard des actes tyranniques qui peuvent être exercés par des particuliers, il n'a prévu que les attentats privés : les vexations des officiers publics constitueraient des excès de pouvoir ou des actes arbitraires et appartiendraient à un autre ordre de faits. Une autre raison qui a également motivé cette restriction, est que le législateur a voulu réserver à

l'autorité civile le droit de célébrer les fêtes nationales. Mais cette limite apportée à l'application de l'art. 260 n'en altère point le principe; les attentats de l'autorité civile échappent à la peine qu'il prononce, mais ils sont saisis par la peine qui punit les actes illégaux, car en les exceptant, la loi ne les a point autorisés.

Les éléments du délit sont faciles à énumérer : le premier est la contrainte ou l'empêchement d'exercer le culte, d'assister à son exercice, de

[1] Voy. la note plus haut.

« PrécédentContinuer »