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préfets, et enfin aux gardes champêtres et fo- du Code d'instruction criminelle n'admet aucun restiers, ainsi qu'aux gendarmes.

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Les procureurs du roi ne peuvent ordonner l'arrestation d'un citoyen que dans deux cas exceptionnels en cas de flagrant délit, lorsque le fait est de nature à entraîner une peine afflictive et infamante (art. 40 Cod. d'inst. crim.); et même hors le cas de flagrant délit, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit commis dans l'intérieur d'une maison, et qu'il y a réquisition de la part du chef de cette maison (art. 46 du même Code). Dans ces deux cas, le procureur du roi ou son substitut peut faire saisir les prévenus présents, ou, s'ils sont absents, délivrer contre eux un mandat d'amener; mais à ces deux circonstances est limité le droit d'arrestation que la loi a confié au procureur du roi; et si, hors de ces hypothèses, au lieu de se borner à requé rir le juge d'instruction qu'il soit informé, il délivrait lui-même un ordre d'arrestation, il se rendrait coupable d'un attentat à la liberté.

Les juges de paix, les officiers de gendarmerie, les maires et adjoints, et les commissaires de police, considérés comme officiers de police auxiliaires du procureur du roi, ont les mêmes attributions et les mêmes pouvoirs que les procureurs du roi eux-mêmes; ils peuvent donc, dans les deux cas de flagrant délit et de crime ou délit commis dans l'intérieur d'une maison, soit faire saisir les prévenus présents, soit décerner un mandat d'amener contre ceux qui sont absents [1]. Toute arrestation ordonnée hors de ces hypothèses serait un crime.

Le droit d'ordonner une arrestation appartient encore à une classe de fonctionnaires, aux préfets des départements, et au préfet de police à Paris (art. 10 du Cod. d'inst. crim.). On s'est élevé avec raison contre cette attribution. Le droit exorbitant de disposer de la liberté des citoyens ne doit être accordé qu'aux fonctionnaires qui réunissent à la garantie de l'inamovibilité toutes les garanties de la magistrature judiciaire. Un mandat d'amener n'est pas un simple acte conservatoire, c'est un acte de juridiction. Arrêter un citoyen préventivement, c'est, dans une foule de positions sociales, le condamner au déshonneur et à la ruine. La loi a refusé de conférer une semblable omnipotence au procureur du roi, aux officiers de police auxiliaires; elle ne doit pas être remise aux mains d'un préfet. Mais le texte de l'article 10

[1] C. d'inst. cr. art. 48, 49 et 50; ord. 29 oct. 1820. art. 148; Traité de la lib. indiv. par Coffinières, t. 2, p. 447; Carnot, sur l'art. 49; Legrave

doute, et il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que ce Code date de 1808, c'est-à-dire de l'époque où le despotisme impérial était arrivé à son plus haut periode. On ne doit pas s'étonner que Napoléon ait voulu investir les préfets des attributions les plus étendues: ils étaient le centre et le nerf de sa vigoureuse administration.

Cependant il résulte des discussions du Conseil d'état que l'intervention de ces fonctionnaires avait été réservée pour des cas extraordinaires; le projet du Code portait seulement ces mots : « La police judiciaire sera exercée par les préfets pour les crimes qui intéressent la sûreté intérieure et extérieure de l'État. » M. Treilhard défendait cette disposition devant le Conseil en disant : « Le préfet n'agit que dans des occasions qui sont très-rares. Son action ne contrarie pas celle de la justice, lorsque ayant, par exemple, surpris des conjurés, il dresse procès-verbal, interroge, entend les témoins, et livre les prévenus aux tribunaux. Si on le réduit à provoquer l'action de la justice, les traces du crime seront effacées avant que la justice se soit mise en mouvement. » Napoléon n'approuva pas la restriction de l'article aux crimes politiques : « Le préfet, dit-il, comme chargé de la police administrative, veille sur les malfaiteurs, évente leurs projets, fait saisir les pièces de conviction, et s'empare des coupables. Il semblerait donc utile qu'il pût aussi interroger sur-le-champ et constater les traces de tout crime quelconque. La section lui donne la police judiciaire pour les cas qui intéressent la sûreté publique, parce qu'elle sait qu'il a une correspondance, des bureaux, la disposition de la force armée, en un mot, tous les moyens de la bien exercer pourquoi l'empêcher de diriger ces mêmes moyens contre les autres crimes [1]? »

De là la rédaction actuelle et générale de l'art. 10. Mais si sa disposition peut s'étendre à tous les crimes, l'esprit qui l'anime n'a pas cessé d'être le même. C'est une faculté réservée au préfet dans les circonstances extraordinaires, lorsqu'il est urgent de saisir le coupable et les instrumens du crime, lorsque le plus léger retard pourrait en effacer les traces. De ces observations, que confirme le texte de l'article 10, il faut conclure que le préfet est incompétent pour ordonner une arrestation,

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lorsque la justice a déjà commencé l'instruction de l'affaire, puisque son action spontanée ne serait plus motivée; que ce fonctionnaire ne peut agir qu'au cas de flagrant délit, puisque si ce délit n'est pas flagrant, il n'y a point d'urgence; enfin, que l'action du préfet est personnelle et ne peut être déléguée.

Toutefois, dans cette circonstance, le préfet, s'il n'a pas la qualité d'officier auxiliaire du procureur du roi, n'agit pas non plus comme administrateur. Il fait un acte de police judiciaire; le but unique de son intervention est de livrer les auteurs d'un délit à l'autorité judiciaire. Il en est de même dans l'hypothèse prévue par l'art. 509 du même Code, qui attribue aux préfets, sous-préfets, maires et adjoints, officiers de police administrative ou judiciaire, lorsqu'ils remplissent publiquement quelques actes de leur ministère, le droit de faire saisir les individus qui les troubleraient dans leurs fonctions car ce trouble constitue un délit, et le but de l'arrestation est, non point d'infliger aux coupables une détention administrative, mais de les conduire devant les juges compétens.

Mais ce droit d'arrestation que l'autorité administrative exerce ainsi, dans quelques cas, au profit de la police judiciaire, ne peut-elle l'exercer encore dans d'autres circonstances? En d'autres termes, a-t-elle le droit de détenir certaines personnes, par mesure de police et en vertu d'un simple ordre administratif? Cette question est fort grave; car on n'ignore pas que dans la pratique l'administration est entraînée par une sorte de nécessité à exercer des droits qui pourraient peut-être lui être contestés; il s'agit done, dans l'intérêt de la liberté individuelle, non-seulement de poser les limites de son pouvoir, mais de froisser peut-être quelques usages établis.

En thèse générale, l'autorité administrative n'a, sous l'empire de la Charte, aucun droit sur la liberté des hommes: ce droit n'appartient qu'à l'autorité judiciaire, suivant les limites et dans les cas fixés par la loi. Cette règle fondamentale, qui forme la garantie la plus imposante de la liberté individuelle, se trouve textuelle ment consacrée dans l'art. 609 du Code d'instruction criminelle, qui déclare que: «Nul gardien ne pourra, à peine d'être poursuivi et puni comme coupable de détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu'en vertu, soit d'un mandat de dépôt, soit d'un mandat d'arrêt décerné selon les formes prescrites par la loi, soit d'un arrêt de renvoi devant une cour d'assises, soit d'un décret d'accusation ou d'un

arrêt ou jugement de condamnation à une peine afflictive ou à un emprisonnement. » Donc, toute détention en vertu d'un ordre administratif serait une détention arbitraire et punis sable.

Toutefois on a élevé des doutes sur ce principe; au texte de l'art. 609 on a opposé un autre texte qui semblerait à la première vue y jeter quelques nuages. L'art. 120 du Code pénal, qui forme la sanction de l'art. 609, et qui s'éloigne cependant sous ce rapport des termes restrictifs de cet article, ne reconnaît de détention arbitraire que dans l'action du gardien qui a retenu un prisonnier sans mandat ni jugement ou sans ordre provisoire du gouvernement. D'où il suit que la détention par ordre administratif serait autorisée et légale. Il faut expliquer ce dernier texte : cette explication se trouve dans la législation existante à l'époque de sa rédaction.

Le gouvernement était investi, par l'art. 46 de la constitution du 22 frimaire an VIII, d'un droit d'arrestation par mesure de police; s'il était informé qu'il se tramât quelques conspirations contre l'Etat, il pouvait décerner des mandats d'amener et d'arrêt qui avaient un effet légal pendant dix jours. Ce droit fut organisé par l'art. 60 du sénatus-consulte du 28 floréal an xII, qui institua la commission sénatoriale de la liberté individuelle, chargée de faire cesser ces arrestations après le dixième jour. Enfin, le décret du 3 mars 1810, sur les prisons d'état, étendit et régla le système des arrestations, par mesure de haute police, en en confiant l'exercice au Conseil privé. On sait que, même après la Charte, ce système exceptionnel fut quelque temps continué par les lois des 29 octobre 1815 et 26 mars 1820, qui conféraient également au gouvernement le droit d'arrêter et de détenir, sans les renvoyer devant les tribunaux, les individus prévenus de certains délits politiques.

C'est à ce droit, constitutionnel à l'époque de sa rédaction, que se référait l'art. 120; il fallait bien, puisque le gouvernement pouvait ordonner une arrestation, que le geôlier pût recevoir sans crime la personne arrêtée. Cet article se référait encore à l'art. 45 du même Code, qui permettait au gouvernement de faire arrêter et détenir les condamnés à la surveillance qui avaient rompu leur ban.

Cette double exception au droit commun s'est successivement effacée de la législation. Le droit d'arrestation par mesure de haute police, détruit par la Charte, ramené momentanément et comme mesure d'exception par la gravité des circons

tances politiques, est définitivement aboli. L'article 45 du Code pénal a été également modifié par la loi du 28 avril 1832, et la détention légale substituée à la détention arbitraire que cet article autorisait. La disposition de l'art. 120 ne doit donc plus avoir d'application le droit d'arrestation par ordre administratif a disparu. Cependant on allègue quelques circonstances spéciales, on cite certaines classes de personnes qui motiveraient une dérogation à cette règle journellement on arrête sans mandat et sans jugement les évadés des prisons et des bagnes, les déserteurs et les soldats retardataires; les mendians et les filles publiques, les fous, les voyageurs sans passe-port et les étrangers. Il faut examiner le droit de l'administration à l'égard de ces divers individus.

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Quant aux évadés des prisons et des bagnes, le droit de les arrêter sans mandats de justice n'est pas douteux; car ils se trouvent en état de flagrant délit. Dès que les agents de la force publique les reconnaissent, ils ont le droit de les saisir mais en cela ils n'obéissent point à un ordre administratif ; ils agissent en vertu du jugement de condamnation qu'ils exécutent : la feuille des signalements ne renferme point d'ordre d'arrestation; elle ne fait qu'indiquer les moyens d'exécuter les ordres de la justice. Il n'y a donc point ici de détention administrative.

La raison de décider est la même à l'égard de déserteurs reconnus tels par leurs vêtements militaires et par leur aveu, des militaires sans feuille de route et sans permission d'absence régulière, et des jeunes soldats inscrits sur les registres matricules de l'armée et retardataires. Dans ces diverses bypothèses, il y a délit ou présomption de délit : dans la plupart des cas même, ce délit est flagrant. La loi du 28 germinal an vi n'a donc point dérogé au droit commun quand elle a ordonné à la gendarmerie «< de saisir et arrêter les déserteurs et militaires qui ne seraient pas porteurs de passe-port ou congé en bonne forme. » Et il est impossible d'assimiler ces arrestations, qui ont pour but de traduire ces individus devant la juridiction militaire, aux arrestations purement administratives.

Les droits de l'administration à l'égard des mendiants peuvent faire naître plus de difficultés. La loi du 22 décembre 1789 confia aux assemblées administratives la police des mendiants. Cette police consistait, aux termes des décrets des 30 mai et 12 août 1790, à renvoyer chaque mendiant dans la commune de son domicile et à ouvrir des maisons pour les recevoir.

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La loi du 24 vendémiaire an 11 porta des peines: le premier fait de mendicité n'était puni que du renvoi dans la commune ou d'une sorte de détention provisoire; la récidive était seule passive d'un an de détention. L'article 11 de la loi du 7 frimaire an v apporta une sanction à la mesure qui renvoyait les mendiants dans leur commune: ils y étaient conduits par la gendarmerie, et condamnés à une détention de trois mois. Enfin, le décret du 5 juillet 1808 ordonnait l'arrestation et l'envoi immédiat des mendiants dans les dépôts de mendicité. Sous ce régime, on conçoit l'arrestation par ordre administratif de cette classe de personnes ; il n'était, en effet, besoin de jugement ni pour les renvoyer dans leurs communes, ni pour les enfermer aux dépôts. Mais l'article 274 du code pénal a rangé la mendicité au nombre des délits; et ce n'est qu'après avoir été condamnés que les mendiants peuvent être conduits dans les dépôts. Il suit de là que les prévenus de ce délit rentrent dans la classe de tous les autres prévenus, qu'ils ne peuvent être arrêtés que pour être traduits devant les tribunaux, et que l'administration n'a d'autre droit, après l'exécution de la peine, que de les conduire dans la maison du dépôt. Nous ne faisons, au reste, qu'indiquer ici une règle qui sera développée au chapitre de la mendicité.

Il en est de même à l'égard des filles publiques: nous ne parlons ici que du seul droit de les arrêter et de les détenir arbitrairement. Aucune loi, aucune disposition quelconque ne donne un tel droit à l'administration; quelle que soit la position de ces femmes, elle doit les surveiller, mais elle ne peut les arrêter lorsqu'elles ne commettent aucun délit punissable. On ne peut reconnaître de classe à part qui soit en dehors du droit commun, et pour laquelle les lois n'aient ni force ni protection; on ne peut reconnaître à l'administration d'autres droits que ceux que la loi lui confère.

Nous avons dit précédemment notre opinion sur la détention des personnes en démence, par mesure administrative. Il nous reste à parler de la détention des voyageurs sans passe-port, et des étrangers. Il résulte des lois des 28 mars 1792, art. 9, et 10 vendémiaire an Iv, art. 6 et 7, que le voyageur qui ne présente pas de passe-port sera conduit devant l'autorité municipale pour y être interrogé, et mis, s'il y a lieu, en état d'arrestation; et qu'à défaut de justification, dans vingt jours, de son inscription sur les registres d'une commune, il sera réputé vagabond et traduit comme tel devant les tribunaux. Le dernier paragraphe de

l'art. 179 de l'ordonnance du 29 octobre 1820 ordonne également aux gendarmes de saisir les individus voyageant sans passe-port, à la charge de les conduire sur-le-champ devant le maire de la commune la plus voisine. Du texte précis de ces lois, on peut induire d'abord, que la gendarmerie n'a pas le droit de conduire en prison l'individu qu'elle arrête par le motif qu'il n'a pas de passe-port; ensuite, qu'elle est obligée de le présenter au maire de la commune la plus voisine; enfin, que c'est à l'autorité administrative à prononcer si cet individu doit être mis en liberté, ou renvoyé devant le procureur du roi comme prévenu de vagabondage.

Mais cette autorité a-t-elle de plus le droit de mettre provisoirement en arrestation l'individu saisi à défaut de passe-port, et de l'y retenir pendant vingt jours? Cette question a été portée à deux fois différentes devant le conseil d'état, et a reçu deux solutions opposées. Un avis des comités de législation et de l'intérieur, du 14 août 1823, reconnaît: « que lorsqu'un individu n'est arrêté qu'à défaut de passe-port, c'est devant l'autorité administrative qu'il doit être d'abord traduit; mais que, dans le cas où son domicile et ses moyens d'existence ne seraient pas justifiés, il y a nécessité pour l'autorité administrative de renvoyer l'individu arrêté sans passe-port devant l'autorité judiciaire, qui seule a le droit de s'assurer de sa personne en décernant, s'il y a lieu, un mandat de dépôt. >> Mais un deuxième avis émané des comités réunis, le 5 février 1824, déclare au contraire: « qu'il est impossible d'admettre qu'après avoir fait arrêter la personne qui voyage sans passeport, l'autorité administrative soit tenue de la livrer immédiatement et avant les délais fixés par la loi du 10 vendémiaire an IV à l'autorité judiciaire, pour la faire poursuivre comme prévenue de vagabondage; que ce serait scinder les dispositions de cette loi et restreindre arbitrairement l'application des règlements sur les pas se-ports; que le défaut de passe-port ne constitue point le vagabondage; que si l'on ne pouvait retenir dans les prisons les voyageurs arrêtés sans passe-port, que lorsqu'ils seraient prévenus de ce délit, les règlements sur les passe-ports ne seraient plus applicables que dans un petit nombre de cas, ou deviendraient même entièrement inutiles, puisqu'il suffit du code pénal pour faire arrêter les prévenus de vagabondage. >>

Ces décisions contradictoires accusent l'obscurité de la législation. D'une part, la spécialité des lois sur les passe-ports et le texte de l'art. 6 de la loi du 10 vendémiaire an Iv sem

CHAUVEAU. T. II.

blent attribuer à l'administration le pouvoir de détenir pendant deux décades le voyageur dépourvu de passe -port; d'un autre côté, l'art. 609 du code d'instruction criminelle proscrit indistinctement toute détention qui ne puise pas sa légitimité dans un mandat ou dans un jugement. Il est clair que l'unique moyen de concilier ces textes opposés est de déclarer, avec l'avis du conseil d'état du 12 août 1823, que le droit attribué à l'autorité administrative par la loi de l'an IV a été implicitement restreint par le code, et qu'il se borne aujourd'hui à la faculté d'interroger le voyageur sans passe-port, de le laisser en liberté s'il justifie de son domicile, et de le renvoyer devant l'autorité judiciaire, s'il n'en justifie pas, pour assurer sa détention provisoire. Mais on ne doit pas dissimuler que cette solution, qui priverait l'administration d'un droit quelquefois utile, éprouverait quelques difficultés en face d'un texte spécial qu'elle fait évidemment fléchir. En présence de ces contradictions de la loi, de l'obscurité de ses textes, la mise en arrestation prononcée par l'autorité administrative serait difficilement réputée abusive et illégale. L'administration continuera donc de jouir d'un droit que l'interprétation lui conteste et que la théorie lui refuse, jusqu'à ce que cette partie de la législation ait subi les réformes que l'intérêt de la liberté individuelle appelle si vivement.

Son pouvoir à l'égard des étrangers est, au contraire, hors de contestation: aux termes de l'art. 7 de la loi du 28 vendémiaire an vi, tous étrangers voyageant dans l'intérieur de la France, ou y résidant sans y avoir une mission diplomatique, ou sans y avoir acquis le titre de citoyen, sont mis sous la surveillance du gouvernement, qui peut retirer leurs passeports, et leur enjoindre de sortir du territoire français s'il juge leur présence susceptible de troubler l'ordre et la tranquillité publique. Cette disposition a été reproduite par l'art. 272 du Code pénal, à l'égard des étrangers qui ont été déclarés vagabonds. L'art. 2 de la loi du 1er mai 1834 a même ajouté une pénalité contre les réfugiés expulsés qui rentreraient sur le territoire. Nous n'avons point à discuter ici une question controversée, celle de savoir si ces lois récentes et l'art. 272 du Code pénal supposent l'abrogation ou l'action encore vivante de la loi du 28 vendémiaire an vi. Nous devons renvoyer l'examen de cette question à l'explication de l'art.272. Ce qui importe à notre sujet, c'est de constater que la législation n'autorise que l'ex pulsion de l'étranger, que l'arrestation par voie

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administrative ne peut être employée à son égard que comme moyen coercitif pour le contraindre à sortir du royaume, et que toute détention prolongée et qui aurait un autre but, serait une détention arbitraire.

Ici se termine l'énumération des fonctionnaires qui ont le pouvoir d'ordonner une arrestation, et des cas où ils peuvent user de ce pouvoir. Les agents publics qui ont le droit de l'opérer sont également désignés par la loi : ce sont les huissiers, les gendarmes, les gardes champêtres et forestiers, enfin, dans quelques cas spéciaux, les officiers de paix.

Les huissiers et les gendarmes, lorsqu'ils sont chargés de l'exécution d'une ordonnance de justice, peuvent arrêter un citoyen dans tous les cas où la contrainte peut être exercée à son égard, soit comme une mesure provisoire quand il est l'objet d'une poursuite criminelle, soit comme une peine, soit comme mode d'exécution d'une condamnation civile ou commerciale. Comme ces agents n'exercent point un droit qui leur soit directement attribué, et que leur pouvoir dérive du magistrat ou de l'autorité qui les a requis, leur responsabilité se borne à n'agir que sur les réquisitions d'une autorité com pétente, et en vertu d'un mandat ou d'un jugement régulier. Les gardes champêtres ou forestiers peuvent également, comme officiers auxiliaires de police, concourir avec la gendarmerie à la recherche et à l'arrestation des personnes contre lesquelles des mandats ont été décernés ou des jugements prononcés.

Lorsque aucune réquisition légale n'a été faite, il n'est permis, soit aux gendarmes, soit aux gardes forestiers et champêtres, d'arrêter un citoyen que s'il est surpris en flagrant délit, ou dénoncé par la clameur publique, pourvu d'ailleurs que ce délit soit passible de la peine d'emprisonnement ou d'une peine plus grave (art. 16 C. inst. cr. et 179 ord. 29 oct. 1820). Le droit d'arrestation peut, dans ce cas, être exercé même par les simples particuliers qui en sont témoins (art. 106 C. d'inst. crim.); mais cette différence existe seulement, que les agents de la force publique ont dans ce cas le droit de requérir assistance, tandis que les citoyens, concourant spontanément à l'arrestation du oupable, ne peuvent faire aucune réquisition égale.

La question de savoir si les agents de police peuvent mettre un mandat à exécution a été longtemps controversée. Un arrêt de la Cour royale de Paris, du 27 mars 1827, a reconnu aux officiers de paix le droit de saisir sur la voie publique les délinquants, et de les con

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duire immédiatement devant l'officier de police judiciaire. Cet arrêt se fonde sur la loi du 29 septembre 1791, qui nomme vingt-quatre officiers de paix pour la ville de Paris, et l'art. 3 de la loi du 23 floréal an Iv qui charge ces officiers d'arrêter les délinquants et de les traduire devant le juge de paix. Néanmoins ce pouvoir a été contesté: toute la question est de savoir si la loi du 23 floréal an rv, d'ailleurs spéciale pour la ville de Paris, a été abrogée par le Code d'instruction criminelle; et le soin qu'a pris ce Code d'énumérer les fonctionnaires auxquels il délégue le droit exorbitant d'arrêter les citoyens, nous ferait pencher pour l'affirmative. Mais cette difficulté cesse, en tous cas, d'être sérieuse quand elle s'applique aux agents subalternes de la police: ils n'ont dans aucune circonstance quelconque le droit d'arrestation; car aucune disposition de loi, soit antérieure, soit postérieure au Code, ne Je leur confère.

Une question plus grave, et qui semble résulter de ce qui précède, est de savoir si les citoyens ont le droit de résister à une illégale arrestation; mais ce n'est point ici le lieu de l'examiner; c'est en appréciant, dans notre chapitre de la rébellion, les caractères de la résistance légale envers les officiers ministériels, que cette difficulté, qui a divisé les meilleurs esprits, pourra recevoir les développements qu'elle exige.

Résumons ce qui précède. Le droit d'arrestation ne peut être exercé que par les fonctionnaires auxquels la loi l'a formellement délégué; il ne peut être exercé que dans les cas qu'elle a prévus; enfin l'arrestation elle-même ne peut être opérée qu'avec le concours des formes qu'elle a prescrites, et des agents qu'elle a désignés. L'infraction de ces règles et de ces formes est de deux sortes: ou elle est autorisée en quelque sorte par le pouvoir discrétionnaire dont le juge est investi, et dans ce cas, quel que soit le dommage souffert par le citoyen, les textes de la loi ne pourraient que difficilement se ployer à la répression de l'infraction; ou elle sort au contraire des limites de ce pouvoir, et dès lors l'acte arbitraire, s'il révèle surtout le dol ou une intention oppressive, revêt immédiatement les caractères d'un attentat punissable; le magistrat ou l'agent qui l'a commis devient passible de la dégradation civique et de dommages-intérêts envers la partie lésée. C'est à ces termes que se résument la définition du crime prévu par le 1er § de l'art. 114, et les conditions d'application de la peine qu'il inflige.

Mais cet article ne punit pas seulement les actes attentatoires à la liberté individuelle, il

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