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du monument la pensée générale qui l'a construit. On aperçoit mieux dans ces dispositions parasites l'esprit despote et méticuleux qui animait les rédacteurs du Code, que dans ces incriminations des crimes communs, où la morale est souvent tentée d'applaudir à leur sévérité.

sures actives; il est une espèce de coalition qui se présente au premier aspect comme passive dans ses moyens d'exécution, et dont les résultats troubleraient la société à un haut degré: ce sont les démissions combinées, et dont l'objet ou l'effet serait d'empêcher ou de suspendre la justice ou tout autre service public. » L'art. 126 porte, en conséquence: «Seront §IV. Empiétement des autorités adminiscoupables de forfaiture et punis de la dégradation civique, les fonctionnaires publics qui auront, par délibération, arrêté de donner des démissions dont l'objet ou l'effet serait d'empêcher ou de suspendre soit l'administration de la justice, soit l'accomplissement d'un service quelconque. >>

Le crime est consommé par la simple délibération prise de donner des démissions; ainsi, c'est encore la volonté qui est punie au lieu du fait, la détermination au lieu de l'acte. Peu importe que la démission n'ait pas suivi la délibération; les auteurs n'en seront pas moins punissables: ce crime secondaire a été assimilé aux crimes de lèse-majesté, dans lesquels l'intérêt de l'État a voulu qu'on punit la volonté comme le crime.

Il faut, en deuxième lieu, que les démissions aient pour objet ou pour effet d'empêcher ou de suspendre soit l'administration de la justice, soit l'accomplissement d'un service. Ainsi la loi confond l'objet, c'est-à-dire le but où l'on tend, avec l'effet, c'est-à-dire le résultat de l'acte, résultat souvent indépendant de la volonté de son auteur. Ainsi elle met sur la même ligne l'acte qui empêche l'administration de la justice, c'est-à-dire qui oppose volontairement à cette administration un obstacle direct, et celui qui ne fait qu'en suspendre le cours. Enfin elle assimile la suspension de la justice et l'interruption d'un service quelconque. Il est évident, du reste, qu'il faut entendre par ces derniers termes, un service public, une branche quelconque de l'administration générale. Nous n'insisterons pas sur ces nuances diverses qui ont été méconnues, sur ces caractères distincts de criminalité qui ont été confondus dans un même article, dans une même peine. Cette disposition, de même que celles qui la précèdent et qui composent cette section, ne seront peut-être jamais appliquées; leur injustice n'est plus qu'un mot vide tant qu'elles resteront oisives. Mais il nous était impossible, à nous qui étudions attentivement chaque fragment, chaque expression de notre Code, de ne pas faire remarquer l'incohérence de leur rédaction ces observations d'ailleurs ne sont pas inutiles; elles font jaillir de chaque parcelle

tratives et judiciaires.

Le pouvoir social se subdivise en plusieurs branches qui s'élèvent, parallèles les unes aux autres, sans se confondre et sans se nuire. Ces grandes, divisions ont pris le nom de pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Leur indépendance mutuelle est l'un des fondements de la liberté publique. Si leur action se confondait, si des envahissements réciproques réunissaient leur puissance, l'État serait dominé par le despotisme ou l'anarchie. Les articles 127 et suivants du Code pénal sont destinés à réprimer ces usurpations. (1).

On doit remarquer, d'abord, que le législateur n'a réservé des peines qu'aux excès et aux luttes de la magistrature et de l'administration : le pouvoir législatif, par sa nature complexe et par sa souveraineté, échappe à la puissance de la loi elle-même. S'il franchit ses limites constitutionnelles, il n'y a plus de juges qui le puissent réprimer : il n'est responsable de ses actes et des maux qu'ils peuvent entraîner que devant la souveraineté nationale.

Les premières prévisions de la loi pénale se sont portées sur l'usurpation de la puissance législative. C'est qu'en effet cette usurpation est la plus dangereuse : empiéter sur cette puissance, c'est envahir la souveraineté elle-même, c'est une violation de la constitution. Le Code frappe d'une peine égale les magistrats et les administrateurs qui ont commis cet excès de pouvoir.

L'art. 127 est ainsi conçu : « Sont coupables de forfaiture et punis de la dégradation civique, 1o les juges, les procureurs généraux ou du roi, ou leurs substituts; les officiers de police, qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir législatif, soit par des règlements contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou en suspendant l'exécution d'une ou de plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de savoir si les lois seront publiées ou exécutées. » L'art. 130 punit de la même peine « les préfets, sous-préfets, maires et autres administrateurs, qui se seront immiscés dans l'exercice du pouvoir lé

[1] V. Const. B. art. 107.

gislatif, comme il est dit au numéro premier de l'art. 127. »

Ces dispositions simples et claires n'ont besoin d'aucun commentaire. On sent qu'en traçant le cercle où la magistrature doit se mouvoir, le législateur avait sous les yeux l'exemple des anciens parlements, et craignait de voir leurs écarts se renouveler. Cette inquiétude était chimérique; la constitution actuelle de la magistrature, conforme d'ailleurs à sa mission sociale, ne lui permet aucune sorte d'empiétement. Peut-être la sollicitude de la loi aurait-elle dû se tourner principalement vers l'administration, dont l'action est soumise à des règles moins sûres, et qui plus facilement peut se laisser entraîner à des envahissements de pouvoir. Le Code ne parle pas des ministres : le même crime, commis par eux, ne pourrait être considéré que comme un acte de trahison, crime difficile à constater et à poursuivre.

Les usurpations réciproques des administrateurs et des juges appellent, en second lieu, l'attention du législateur. Le principe qui sépare ces deux autorités et les érige indépendantes l'une de l'autre, a été posé par l'Assemblée constituante. La loi du 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13, porte: « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. >>

C'est ce principe, reproduit depuis dans toutes les constitutions de la république [1], que le deuxième alinéa de l'art. 127 a eu pour objet de maintenir en punissant de la dégradation civique « les juges, les procureurs généraux et du roi, ou leurs substituts, les officiers de police judiciaire, qui auraient excédé leur pouvoir, en s'immiscant dans les matières attribuées aux autorités administratives, soit en faisant des réglements sur ces matières, soit en défendant d'exécuter les ordres émanés de l'administration, ou qui, ayant permis ou ordonné de citer des administrateurs pour raison de l'exercice de leurs fonctions, auraient persisté dans l'exécution de leur jugements ou ordonnances, nonobstant l'annulation qui en aurait été prononcée, ou le conflit qui leur aurait été notifié. »

[1] Loi du 7-14 oct. 1790; const. du 3 sept. 1791, ch. 4, sect. 2, art. 3, et ch. 5, art. 3; const. du 5 fruct, an 11, art. 189; lois du 16 fruct. an ш, du

L'indépendance du pouvoir judiciaire est plus précieuse encore peut-être que celle de l'autorité administrative, car ce pouvoir est la sauvegarde des droits des citoyens, et le seul refuge qu'ils aient contre l'arbitraire. « Il n'y a point de liberté, a dit Montesquieu, si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et sur la liberté des citoyens serait arbitraire, car le juge serait le législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur (2). » L'art. 130 du Code pénal a pour but de protéger cette indépendance, lorsqu'il porte que les préfets, sous-préfets, maires et autres administrateurs qui se seront ingérés de prendre des arrêtés généraux tendants à intimer des ordres ou des défenses quelconques à des cours ou tribunaux, seront punis de la dégradation civique. »

M. Destriveaux pense que les empiétements réciproques des autorités administratives et judiciaires n'auraient pas dû être placés sur la même ligne. L'usurpation commise par la première de ces autorités sur l'autre lui paraît la plus importante et la plus probable : « Celle-là, dit-il, n'a pas besoin d'un sujet particulier pour faire un réglement, elle se saisit elle-même bien ou mal; mais l'autorité judiciaire est saisie seulement quand une question particulière lui est présentée; hors de là elle reste dans un état d'inertie. L'autorité administrative agit par elle-même ; la force judiciaire a besoin d'être mue pour agir. L'autorité administrative, émanation du pouvoir exécutif, est souvent confiée à un seul homme dont les déterminations sont prises promptement et sans combat; au lieu que la dispensation de la justice n'est jamais remise aux mains d'une personne unique, elle ne peut être exercée que par une compagnie entière et après une délibération (3). Cet auteur conclut que l'on aurait dû punir plus fortement l'usurpation commise sur le pouvoir judiciaire par l'autorité administrative, que l'empiétement corrélatif commis par le pouvoir judiciaire. Il nous semble que tout ce qu'on peut déduire de ces considérations qui sont vraies, c'est que les excès de pouvoir seront, en général, plus fréquemment commis par l'autorité administrative. Mais de là résulte-t-il donc que les empiétements de

21 fruct an 111, art. 27; const. du 22 frim. an vIII, art. 52.

[2] Esprit des lois, liv. 12, chap. 6. [3] Essais, p. 77.

naires devant les tribunaux pour faits relatifs à leurs fonctions n'est plus un motif d'élever un conflit, à moins que la question que soulève le procès ne soit attribuée à l'autorité administrative par une disposition législative. En matière de grand criminel, le conflit d'attribution ne peut jamais être élevé; en matière correctionnelle, il ne peut l'être que dans le cas fort rare où le délit est de la compétence des conseils de préfecture, et dans le cas où le procès soulève une question préjudicielle dont la connais

cette autorité soient empreints d'une criminalité plus intense, que les administrateurs qui sortent du cercle de leurs fonctions soient plus coupables que les juges ? Le délit moral est évidemment le même, puisque, dans l'un comme dans l'autre cas, il s'agit uniquement d'une usurpation de pouvoir; et s il est vrai que les actes administratifs soient en général plus spontanés et plus irréfléchis, cette circonstance devrait plutôt être considérée comme une excuse que comme une aggravation du crime. La peine établie ne nous semble donc pas insuffisance appartient à l'autorité administrative (2).

sante.

Aux termes de l'art. 127, le pouvoir judiciaire se rend coupable de forfaiture, lorsqu'il fait un réglement sur les matières administratives, lorsqu'il défend d'exécuter les ordres de l'administration; enfin, lorsqu'il cite à raison de leurs fonctions des administrateurs, et passe outre au jugement ou à son exécution, nonobstant la notification qui lui est faite d'un conflit.

Les deux premiers modes d'empiétement sont clairement définis, et ne semblent pouvoir donner lieu à aucune difficulté. Mais les conflits ouvrent un vaste champ d'incertitudes et d'embarras. La seule question de savoir dans quels cas les juges doivent s'arrêter devant la notification du conflit, c'est-à-dire, dans quels cas ils peuvent se rendre coupables d'un crime ou d'un délit, a reçu plusieurs solutions diverses, et reste encore indécise.

La ligne de démarcation qui sépare les deux autorité administrative et judiciaire est une règle abstraite dont l'application a soulevé de nombreuses difficultés De ces difficultés sont nés les conflits. Dans notre législation, le droit d'élever le conflit et celui de le décider n'appartiennent qu'à l'autorité administrative (1). Pendant longtemps nulle règle fixe n'avait déterminé les limites dans lesquelles ce droit doit s'exercer; de là les abus qui amenèrent l'ordonnance du 1erjuin 1828. Cette ordonnance eut pour but de restreindre les droits de l'administration, etd'énumérer les cas où les préfets peuvent élever le conflit et les formes qu'ils doivent observer. Nous n'avons point à rappeler ces règles. Mais il importe de remarquer que, par suite de cette ordonnance, l'art. 127 se trouve implicitement modifié, puisque la citation des fonction

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L'incrimination de l'art. 127 se trouve donc nécessairement restreinte.

Il en est de même de l'art. 128. Cet article est ainsi conçu : « Les juges qui, sur la revendication formellement faite par l'autorité administrative d'une affaire portée devant eux, auront néanmoins procédé au jugement avant la décision de l'autorité supérieure, seront punis chacun d'une amende de 16 francs au moins et de 150 francs au plus. Les officiers du ministère public qui auront fait des réquisitions ou donné des conclusions pour ledit jugement seront punis de la même peine. »>

Un magistrat a soutenu que cet article ne pouvait s'appliquer qu'au seul cas où les juges auraient à tort retenu une affaire que l'administration était fondée à revendiquer [ 3 ]. Cette interprétation restrictive ne pouvait prévaloir en présence du texte de l'art. 128. Mais l'ordonnance du 1er juin 1828 permet une distinction nouvelle : si le conflit est régulier, c'est-à-dire s'il est élevé dans les cas prévus par l'ordonnance et dans les délais qu'elle a fixés, les juges ne peuvent le déclarer mal fondé; car la loi est formelle et l'ordonnance n'y a point dérogé à cet égard : mais si le conflit est irrégulier ou tardif, c'est-à-dire s'il est pris hors des termes et des délais fixés, nous pensons que les juges pourraient sans délai passer outre et statuer au fond; car l'administration se trouve alors sans droit pour le former [ 4 ]. Ainsi l'art. 128 n'est suivant nous applicable qu'autant que le juge, saisi d'un conflit régulièrement introduit, a refusé d'y avoir égard et a statué au fond.

L'ordonnance du 1er juin 1828 a encore exercé son influence sur les cas et le mode d'applica

toutes leurs attributions. V. Const. b. art. 106. [2] Ord. 1er juin 1828, art. 1 et 2. [3] M. Bavoux, des Conflits, t. 2, p. 37. [4] V. M. Duvergier, Coll. des lois, t. 28, p. 185.

tion de l'art. 129. Dans l'état actuel de la législation, les agents du gouvernement ne peuvent être cités ou poursuivis devant les tribunaux, soit à fins civiles, soit à fins criminelles, sans une autorisation du gouvernement [1]. Toutefois cette autorisation préalable n'est nécessaire, en matière civile, qu'autant que les agents du gouvernement sont cités à raison de leurs fonctions; et, en matière criminelle, qu'autant que les délits sont relatifs à leurs fonctions ou commis dans l'exercice de ces fonctions. L'ancienne jurisprudence autorisait à élever le conflit, à défaut d'autorisation préalable, non-seulement lorsqu'un agent du gouvernement était cité à fins civiles, mais même lorsqu'il était poursuivi criminellement pour délits relatifs à ses fonctions ou commis dans l'exercice de ses fonctions. On pensait que, dès que l'acte incriminé était celui d'un agent du gouvernement, c'était au gouvernement à apprécier d'abord la nature de cet acte. C'est d'après cette règle que l'art. 129 a été rédigé.

Cet article est ainsi conçu : « La peine sera d'une amende de 100 fr. au moins et de 500 fr. au plus, contre chacun des juges qui, après une réclamation légale des parties intéressées ou de l'autorité administrative, auront, sans autorisation du gouvernement, rendu des ordonnances ou décerné des mandats contre ses agents ou préposés, prévenus de crimes ou délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. La même peine sera appliquée aux officiers du ministère public ou de police qui auront requis lesdites ordonnances ou mandats. »

Aux termes de l'art. 3 de l'ordonnance du 1er juin 1828, le défaut d'autorisation de la part du gouvernement, lorsqu'il s'agit de poursuites dirigées contre ses agents, ne donne plus lieu d'élever le conflit ; ce défaut d'autorisation ne constitue plus qu'une exception personnelle que le prévenu est admis à faire valoir, et que les juges doivent accueillir.

Nous avons vu précédemment, au sujet de l'art. 121, que si les juges n'ont pas le droit de décerner des mandats contre les agents du gouvernement prévenus de crimes ou délits relatifs à leurs fonctions, ils peuvent du moins informer et recueillir tous les renseignements qui se rapportent à ces faits la même règle s'applique à l'art. 129. Le pouvoir du magistrat n'est suspendu qu'en ce qui concerne la liberté

[1] Lois des 12 déc. 1789, art. 61; 16-24 août 1790, tit. 2, art. 13; const. 3 sept. 1791, tit. 3,

personnelle de l'agent inculpé. Le mandat de comparution est prohibé comme l'est le mandat d'amener, et cette prohibition existe en matière correctionnelle et criminelle [2]; mais tous les actes qui se rattachent à la constatation du crime et à la recherche de ses auteurs restent dans le droit commun.

Cette supposition du droit d'arrestation existe-t-elle encore dans les cas de flagrant délit? En d'autres termes, les agents du gouvernement peuvent-ils être poursuivis et arrê– tés, sans autorisation, pour des faits relatifs à leurs fonctions, lorsque le crime vient de se commettre ou que le prevenu est l'objet de la clameur publique? On peut dire pour l'affirmative que l'art. 106 du Code d'instruction criminelle impose à tout agent de la force publique, et même à toute personne, l'obligation de saisir l'inculpé surpris en flagrant délit, et de le conduire devant le procureur du roi, sans qu'il soit besoin de mandat d'amener, si le crime emporte peine afflictive ou infamante; que cet article ne distingue pas entre l'inculpé qui a la qualité d'agent du gouvernement, et celui qui n'a pas cette qualité; que cette distinction aurait été impossible, parce que, quand on arrête un homme surpris en flagrant délit, on peut ignorer son nom et sa qualité, et parce que l'arrestation pouvant être opérée par toute personne, les individus qui y procèdent sont généralement hors d'état d'apprécier les prérogatives attachées à la qualité de ceux qu'ils arrêtent. On peut ajouter encore que l'art. 121 du Code pénal et l'art. 52 de la Charte permettent l'arrestation, au cas de flagrant délit, des membres du Conseil d'état et de la Chambre des Députés.

Toutefois il nous semble difficile de concilier cette solution avec le texte de l'art. 129. Et d'abord remarquons que les termes de l'art. 75 de la loi du 22 frimaire an VIII, dont l'article 129 sanctionne la disposition, sont absolus et ne semblent permettre aucune exception. L'article 3 du décret du 9 août 1806 porte également en termes généraux: « Il ne peut être décerné aucun mandat, ni subi aucun interrogatoire, sans l'autorisation préalable du gouvernement. » Quant à l'art. 121, nous avons vu, dans l'explication de cet article, que dans l'espèce qu'il a prévue il s'agit, non de crimes commis dans l'exercice des fonctions, mais bien

ch. 4, sect. 3, art. 8; const. 5 fruct. an III, art. 196 et 203; const. 22 frim. an vii, art. 75. [2] Arr. cass. 6 fév. 1836.

de faits commis hors des fonctions. Le motif qui protège les agents du gouvernement dans l'hypothèse de l'art. 75 ne s'y appliquait donc pas. Mais l'art. 129, au contraire, retrace textuelle ment l'espèce de l'art. 75. Or cet article n'a point reproduit la distinction des cas de flagrant délit qu'on trouve dans l'art. 121. Quels sont les motifs de ce silence? C'est que l'art. 129 ne s'applique qu'aux crimes qui sont relatifs aux fonctions des agents, ou commis dans l'exercice de ces fonctions, et que la garantie de l'autorisation étant accordée à la nature même des actes, à ceux qui se rattachent aux fonctions, il y a lieu de l'étendre aussi bien aux actes qui sont surpris au moment de l'exécution, qu'à ceux dont la découverte n'est qu'ultérieure. Et en effet la circonstance du flagrant délit est extrinsèque au fait ; elle lui imprime le caractère de l'évidence, mais elle ne change rien à sa nature: si donc l'acte en lui-même appartient à la classe des faits que protége l'art. 75 de la constitution du 22 frimaire an VIII, il ne cesse pas d'appartenir à cette classe parce que l'agent a été surpris dans sa perpétration; l'administration n'a pas moins d'intérêt à l'apprécier avant les poursuites; le même privilége doit le suivre. Aussi, dans le système contraire, il serait impossible de soutenir que l'inculpé peut être mis en jugement sans autorisation; on bornerait donc le droit du juge à l'arrestation sous mandat de dépôt, mais en reconnaissant que l'inculpé ne peut, aux termes du décret du 9 août 1806, être interrogé avant l'autorisation. Mais quel serait donc un système qui, d'une part, dérogerait à l'art. 75 pour se rapprocher des dispositions du Code d'instruction criminelle, et, d'un autre côté, violerait ensuite ces mêmes dispositions pour revenir à la règle de l'art. 75?

damental, un autre principe s'élève non moins important et sacré : c'est l'application du droit commun aux fonctionnaires en tout ce qui peut se concilier avec les droits légitimes de l'administration. Or il faut remarquer que ce droit commun saisit le fonctionnaire, comme tous les autres citoyens, pour tous les actes qu'il commet hors de l'exercice de ses fonctions; il faut remarquer que ce n'est que dans le cercle étroit de cet exercice qu'il peut invoquer le privilège de n'être pas, à raison de ses actes, mis en état d'arrestation préalable. Si la loi offre à cet égard quelque lacune, on doit la rechercher peut-être avec plus de raison dans l'absence d'une définition précise des actes qui rentrent dans l'exercice des fonctions. Il est évident qu'il ne doit être question ici que des faits qui non-seulement sont commis pendant la durée des fonctions, mais qui sont la conséquence et l'exercice même de ces fonctions : car ce n'est qu'à l'égard des actes de cette nature que l'administration est fondée à décliner l'examen et l'appréciation des tribunaux. Hors de cette sphère ainsi resserrée, le coupable, quel qu'il soit, appartient à la justice, et les mêmes règles doivent être appliquées, que l'agent soit saisi en flagrant délit, ou qu'il ne soit découvert qu'après la perpétration du crime; car, dans l'un comme dans l'autre cas, les mêmes raisons de décider subsistent.

Nous venons de parler des empiétements de l'autorité judiciaire sur l'administration. L'article 131, qui est la disposition corrélative des articles 128 et 129, s'occupe des empiétements de l'autorité administrative sur le pouvoir judiciaire, et leur inflige la même peine. Voici le texte de cet article: « Lorsque ces administrateurs (les préfets, sous préfets, maires et autres administrateurs,) entreprendront sur les fonctions judiciaires en s'ingérant de connaître de droits et intérêts privés du ressort des tribunaux, et qu'après la réclamation des parties ou de l'une d'elles, ils auront néanmoins décidé l'affaire avant que l'autorité supérieure ait prononcé, ils seront punis d'une amende de 16 fr. au moins et de 150 fr. au plus. >>

Nous pensons donc que l'art. 129, qui n'est que le corollaire de cette disposition, n'admet pas la distinction proposée ; son texte formel et l'esprit qui l'anime la repoussent à la fois. On ne doit pas perdre de vue que, dans le système de notre législation, l'art. 75 est une exception complète et générale à nos lois de procédure: nulle disposition n'en a restreint les termes, nulle limite n'y a été apportée; il faut l'abolir entièrement ou l'adopter avec ses conséquences. Nous ajouterons même qu'en maintenant rigoureusement l'art. 129 dans ses limites, le système de cet article n'aurait que très-peu d'inconvénients dans la pratique. Sans doute, et on ne doit point le perdre de vue, l'indépendance de l'autorité administrative doit être mise hors de toute atteinte; mais,à côté de ce principe fon- t. 2 p. 62.

CHAUVEAU. T. II.

Nous ferons observer, après M. Haus [1], que cette disposition, qui pouvait suffire lors de la rédaction du Code pénal, est évidemment trop restreinte aujourd'hui. En effet, les tribunaux ont dans leur ressort exclusif, non-seulement les contestations qui ont pour objet les droits

[1] Observations sur le projet de Code belge,

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