Images de page
PDF
ePub

privés des citoyens, mais aussi celles qui se rattachent à l'exercice de leurs droits politiques. Il serait donc nécessaire que la prohibition s'étendit jusqu'aux contestations relatives à ces droits, lorsque la loi en a réservé la décision au pouvoir judiciaire.

Nous terminons ici l'examen des articles qui composent cette section; ces articles, rédigés avec une grande précision, ne semblent pas exiger des développements auxquels la rareté

de leur application laisserait d'ailleurs peu d'intérêt. Ils forment la sanction nécessaire d'un des principes les plus graves de notre ordre constitutionnel; ils garantissent l'harmonie des pouvoirs publics, en les maintenant chacun dans la sphère où ils doivent militer vers un but commun. Mais leur utilité est, en général, purement théorique ; et les peines qu'ils portent, proportionnées d'ailleurs avec la gravité des délits, sont heureusement comminatoires.

CHAPITRE XX.

DE LA FAUSSE MONNAIE. CARACTÈRE ET PÉNALITÉS DE CE CRIME DANS LES LOIS ROMAINES ET LA LÉGISLATION ANCienne. EXAMEN DE SON CARACTÈRE VÉRITABLE ET DE SES RAPPORTS AVEC LA PEINE. DISTINCTIONS NÉCESSAIRES DANS L'INCRIMINATION DE LA FAUSSE MONNAIE. CARACTÈRES DISTINCTS DE LA FABRICATION ILLICITE, AU TITRE ET AU POIDS DE LA MONNAIE NATIONALE; DE LA FABRICATION A TITRE ET A POIDS FAUX ; DE L'ALTÉRATION DES MONNAIES D'OR ET D'ARGENT; DE L'ÉMISSION AVEC OU SANS COMPLICITÉ; DU BLANCHIMENT DES MONNAIES DE BILLON; DE L'EXPOSITION ET DE L'INTRODUCTION SUR LE TERRITOIRE DE MONNAIES FAUSSES. EXAMEN DES DISTINCTIONS

[ocr errors]

-

[ocr errors]

PUISÉES DANS LE PREJUDICE PLUS OU MOINS GRAVE PRODUIT PAR LE FAUX MONNAYAGE,
ET DANS L'IMPERFECTION DES PIÈCES FAUSSES. RÉSUMÉ THÉORIQUE DES PRINCIPES DE LA
MATIÈRE. EXAMEN DES DISPOSITIONS DU CODE PÉNAL.-CONTREFAÇON DES MONNAIES D'OR
ET D'ARGENT. CARACTÈRES DE CE CRIME.-DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CONTREFAÇON.
FAUSSES APPArences donnéES AUX PIÈCES D'ARGENT Et de cuivre. CONTREFAÇON DE
PIÈCES DÉMONÉTISÉES. EXCUSES LÉGALES.
IMPERFECTION DE LA CONTREFAÇON.
ALTÉRATION DES MONNAIES. · PARTICIPATION A L'ÉMISSION. — DIFFÉRENTS CARACTÈRES De
L'ÉMISSION- EXCUSE. -EXPOSITION ET INTRODUCTION SUR LE TERRITOIRE. CONTREFAÇON
DES MONNAIES DE BILLON OU DE CUIVRE. QUELLES PIÈCES SONT RÉPUTÉES DE BILLON.
CONTREFAÇON DES MONNAIES ÉTRANGÈRES.—
A QUELLES MONNAIES CETTE INCRIMINATION
S'APPLIQUE. CARACTÈRE DES PIÈCES D'Italie.
EXEMPTION DE PEINES EN FAVEUR DES
DÉNONCIATEurs. APPLICATION De l'exposition AUX FAUX MONNAYEURS. (COMMENTAIRE
DES ART. 132, 133, 134, 135, 138 ET 165 DU CODE PÉNAL.)

[ocr errors]

[ocr errors]

Les législateurs ont longtemps méconnu les vrais caractères du crime de fausse monnaie. Le dommage que ce crime entraîne, les alarmes qu'il peut répandre dans la société, leur ont paru motiver les peines les plus rigoureuses, et, pour en justifier l'application, ils l'ont revêtu d'une criminalité qui lui était étrangère.

A Rome, ce n'était pas seulement la falsification de la monnaie que punissait la loi, c'était l'offense faite à la personne du prince, c'était

surtout l'usurpation du droit impérial de battre monnaie: de là la qualification qui plaçait la fabrication de la fausse monnaie au rang des crimes de lèse-majesté [1]. La pénalité n'était que le corollaire de cette qualification : les faux monnayeurs, punis d'abord de la déportation, du travail des mines, et puis de l'exposition aux bêtes, s'ils étaient de libre condition, du der

[1] L. 2. Cod. de fals. mon.

nier supplice s'ils étaient esclaves [1], furent ensuite uniformément soumis à l'horrible peine du feu [2].

La même définition passa dans la législation française: «Comme c'est au roi seul, dit Muyart de Vouglans, qu'il appartient de faire battre monnaie dans son royaume et de lui donner une juste valeur, on commet nécessairement un crime de lèse-majesté, lorsqu'on s'arroge le droit de la fabriquer sans sa permission [3] » On sent que cette raison devait être puissante dans un temps où le droit de battre monnaie était l'un des attributs et en même temps l'un des signes de la souveraineté. Mais la justice exigeait du moins qu'une importante distinction fût tracée d'après le caractère qui prédominait dans le crime. Si l'intention du fabricateur avait été, en effet, d'envahir et de s'approprier un droit régalien, c'était un acte politique, un attentat à la souveraineté, et la définition légale se trouvait justifiée; mais s'il n'avait voulu que se procurer un bénéfice illégitime, si son but unique était de commettre un vol, cette intention imprimait à l'action un caractère distinct, et la loi qui la punissait alors comme un crime de lèse-majesté n'était plus qu'une odieuse fiction.

L'effet de cette confusion fut de frapper de la peine capitale la plus grossière imitation de la monnaie la plus minime. Il est toutefois remarquable qu'en remontant aux temps où les lois romaines ne régnaient pas encore en France, on voit figurer dans la législation des peines moins graves. Un capitulaire de Childebert III, rendu en l'an 744, ne condamnait les faux monnayeurs qu'à avoir le poing coupé [4] et deux ordonnances de Louis-le-Débonnaire et de Charlesle-Chauve, intervenues en 819 et en 864, confirmèrent cette pénalité. Mais dès l'an 1262, Louis IX établit la peine de mort et la confiscation des biens; et, depuis cette époque, les ordonnances rendues sur la même matière n'ont pas cessé de maintenir ces deux peines: toute leur mission a été de les étendre aux diverses

[blocks in formation]

espèces qui se sont manifestées. [5]. Le genre de mort était la potence; cependant deux coutumes, celles de Bretagne et de Lodunois, déterminaient une exécution plus rigoureuse: les coupables étaient bouillis vivants [6]. Du reste, la procédure portait l'empreinte de la définition légale : le crime se jugeait sans appel [7]; tous les témoignages étaient admis; les faux dénonciateurs ne pouvaient encourir aucuns dommages-intérêts [8]; enfin, pour condamner, il n'était pas nécessaire de réunir une preuve complète, de simples présomptions suffisaient [9].

Il est évident que les raisons politiques que nous avons rappelées ne suffiraient pas pour justifier cette excessive sévérité. Elle devait prendre sa source dans l'importance réelle ou imaginaire du crime lui-même : cette importance devait être, en effet, beaucoup plus grave dans ces temps reculés que de nos jours. Lorsque les arts étaient à leur berceau, que la chimie ne possédait que des éléments incomplets, l'imperfection des monnaies devait en rendre la contrefaçon plus facile. Alors s'établissaient ces ateliers de faux monnayage, dont les historiens nous ont transmis le souvenir, et que la voix populaire multipliait dans sa terreur. Les récits des mystérieux travaux, des fausses et rapides richesses de ces fabricateurs, étaient accueillis avec avidité; et ces idées, peut-être dès-lors erronées, remontaient jusqu'au législateur et exerçaient sur son esprit une secrète mais puissante influence.

L'Assemblée constituante, dont les vues hautes et nettes dominaient toutes les erreurs, revint à une appréciation plus saine de ce crime : le Code du 25 septembre-6 octobre 1791 ne prononçait contre ces divers modes de participation que la seule peine de 15 années de fers. Mais l'article 5 de la loi du 14 germinal an XI, dont nous avons vainement recherché les motifs, vint rétablir sans aucune distinction la peine de mort contre les auteurs, fauteurs et complices de l'altération et de la contrefaçon des monnaies; et le Code pénal l'avait maintenue « à cause de la gravité

[blocks in formation]

de ce crime, répétait M. Berlier, et des alarmes tellement grossières, que l'œil le moins exercé qu'il répand dans la société. »

:

Cette idée, quelque peu vague, a continué d'exercer son empire jusqu'en 1832, époque à laquelle le législateur, obéissant au cri de la conscience publique, a aboli la peine de mort appliquée au crime de fausse monnaie, et lui a substitué celledes travaux forcés à perpétuité. Voici les termes de l'exposé des motifs: « Le crime de fausse monnaie est un de ceux qui créent le plus de dangers et inspirent le plus d'alarmes : en ébranlant la confiance qui est due à la monnaie nationale, il fait disparaître toute sécurité des transactions de la vie civile [1]. » Ces paroles seraient exactes s'il était vrai que d'immenses ateliers de faux monnayage fussent incessamment ouverts, et que des pièces fausses d'or et d'argent en jaillissent à profusion. Le péril d'une telle fabrication appellerait, sans doute, les peines les plus fortes, et celle des travaux forcés à perpétuité ne serait pas hors de proportion avec ce crime. Mais ce n'est pas avec ces caractères qu'il se produit de nos jours. Je tons les yeux sur les procédures qui s'instruisent les faits poursuivis sont toujours des actes isolés d'une contrefaçon maladroite que sa grossièreté même dévoile à sa première tentative, ou quelques essais infructueux pour dorer ou blanchir quelques pièces de monnaie. En 1832, sur 48 condamnés pour fausse monnaie, 30 seulement avaient essayé d'altérer ou de contrefaire des pièces d'or ou d'argent; en 1833, 23 sur 34; en 1834, 38 sur 54 [2]. Les autres, c'est-à-dire plus du tiers des condamnés, n'avaient tenté d'altérer que des monnaies de cuivre ou de billon, ou s'étaient bornés à émettre des pièces qu'ils avaient reçues pour bonnes. Dans tous les cas, les pièces émises étaient en petit nombre, elle portaient l'empreinte évidente d'une fabrication clandestine, et quelques instruments incomplets et grossiers avaient servi à les former Ce sont ces faits qui faisaient dire au rapporteur de la loi du 28 avril 1832: «La meilleure garantie de la monnaie nationale est dans sa perfection. Une contrefaçon faite avec quelque art et quelque étendue exigerait un apparcil de fabrication qui rendrait la clandestinité impossible; une contrefaçon clandestine ne peut s'opérer qu'avec les procédes les plus imparfaits, et n'arrive qu'à des fabrications

[1] Code pénal progressif, p. 229.

[2] Il est à regretter que la statistique ne fasse cette distinction qu'à l'égard des condamnés et non des accusés: nous avons de fortes raisons de

ne peut longtemps s'y méprendre. »

On a donc trop insisté sur les alarmes que ce crime peut répandre dans la société : ces alarmes ne portent que sur un intérêt pécuniaire, et cet intérêt lui-même est asez minime, puisqu'il se borne à la perte de quelques pièces d'or ou d'argent. A la vérité, quelques publicistes, dominés par la classification du Code pénal, ont voulu lui imprimer le caractère d'un crime contre la chose publique, en se fondant sur la circulation rapide des monnaies, et sur ce que la masse de ces monnaies compose en quelque sorte le patrimoine public [3]. Cette idée ne nous semble pas exacte. Chaque monnaie falsifiée mise en circulation ne constitue en réalité qu'une atteinte à la propriété privée, puisqu'elle ne lèse que celui qui l'a acceptée pour bonne et qui en découvre les vices. La rapide circulation donne plus de facilités pour commettre le crime; mais elle n'en peut changer la nature et les effets. Ensuite, la masse des monnaies d'une nation ne constitue pas plus un patrimoine public, que la masse de ses marchandises ou de ses meubles. Chaque pièce de monnaie, considérée isolément, est une propriété privée, une richesse particulière, et les atteintes portées à cette propriété ne frappent que les seuls détenteurs des monnaies altérées. Ce n'est dont que par une sorte de fiction qu'il est toujours périlleux d'admettre en matière pénale, et par l'influence que la qualification des lois anciennes ont exercée sur les esprits, que le crime de fausse monnaie a pu prendre place dans la catégorie des crimes publics.

Cela posé, il faut établir le véritable caractère de ce crime. Le rapporteur de la loi du 28 avril 1832 l'a nettement défini dans ces termes : « Ce n'est qu'un vol accompagné d'une circons tance très-aggravante. » En effet, le vol est son seul but, et la falsification de la monnaie n'est qu'un moyen de perpétration. Or le vol se modifie et change de caractère d'après les circonstances qui l'accompagnent. Ainsi la contrefaçon de la monnaie est un vol commis à l'aide d'un faux ; la simple altération, un vol dépouillé de cette circonstance aggravante; enfin, le fait de blanchir ou dorer une pièce de billon ou une pièce d'argent n'est plus qu'une escroquerie.

A la vérité, ce vol ou cette escroquerie prend

croire que plus de la moitié de ceux-ci ne sont poursuivis que pour altération des monnaies de cuivre ou de billon.

[3] M. Rossi, t. 2, p. 68; M. Haus, p. 310.

un caractère plus grave à raison de la facilité que la circulation rapide de la monnaie prête à son exécution: la sûreté des échanges, aisément compromise par ce crime, exige une protection efficace. Mais il est constant que, dans la plupart des cas, le péril est plus léger qu'on ne le suppose généralement, et la difficulté de s'en garantir n'est pas un motif suffisant pour élever la peine à un taux hors de proportion avec le crime. Ce n'est donc que dans quelques cas rares et réellement exceptionnels, où le crime aurait eu des résultats assez graves, un développement assez considérable pour jeter, sinon quelque perturbation, au moins une vague inquiétude dans les relations sociales, que la loi doit réserver les peines les plus sévères pour atteindre la criminalité plus haute des agents, pour rassurer la société alarmée.

Ces observations trouvent leur confirmation dans les chiffres précieux de la statistique criminelle. En ne remontant qu'à l'année 1832, où fut revisé le Code, on trouve dans les trois années 1832, 1833 et 1834, 129 condamnations pour fausse monnaie, qui se classent de la manière suivante: 18 aux travaux forcés à perpétuité; 25 aux travaux forcés à temps; 62 à la réclusion, et 24 à l'emprisonnement. On remarquera que la peine de mort venait d'être supprimée, et qu'il devait en résulter une tendance à faire l'application des peines les plus fortes après cette peine, par suite de l'inquiétude vague qu'inspire toujours la suppression d'une garantie même inutile. Le jury n'a pas suivi cette pente naturelle : libre d'apprécier la mora lité du crime, dans 87 espèces sur 100, il a provoqué la réduction de la peine déjà réduite par la loi ; et dans 70 sur 100, la Cour d'assises s'est réunie à son opinion, et la peine a été abaissée de deux degrés. La conclusion de ce fait remarquable est évidente: c'est que les jurés et les juges n'ont consenti à l'application de la peine des travaux forcés à perpétuité qu'à l'égard des faits les plus graves de fausse monnaie; c'est que cette peine n'est point en harmonie avec la criminalité de la plupart des actes qu'elle est destinée à punir; c'est, en un mot, que la pénalité s'efforce de se mettre en rapport avec la moralité intrinsèque de ce crime et l'abaisse le plus souvent au rang des vols qualifiés. Quelques auteurs n'ont pas hésité même à placer, dans l'ordre hiérarchique des crimes, la fausse monnaie au-dessous du vol. « Il y a moins de bassesse, a dit un magistrat, dans le crime de fausse monnaie que dans le vol. Si les fausses pièces sont reçues dans la circulation, le fabricateur ne sait pas même à quelles per

sonnes il fait tort. Il peut espérer qu'on sera longtemps trompé sur la valeur de ces pièces; qu'elles passeront de main en main; que celui qui les aura reçues pour bonnes les donnera pour bonnes, et par conséquent n'y perdra rien. Le moment où le dommage se fera sentir est incertain; les personnes qui viendront à perdre, s'il en est qui perdent, sont incertaines. La monnaie, en général, n'est qu'un signe de convention qui représente la valeur des choses. Tant que celle qui est fausse a le même cours que celle qui est vraie, il n'y a point de tort individuel causé à ceux qui la reçoivent. Le faux monnayeur peut se faire bien plus illusion sur le dommage qu'il fait éprouver que le voleur qui s'empare de la chose d'autrui : son crime a quelque chose de vague qui le lui rend moins coupable [1]. >>

Ces réflexions nous semblent plus spécieuses que justes. Au moment où le faux monnayeur émet la monnaie qu'il a fabriquée, il trompe la personne qui la reçoit comme bonne, et ne peut se faire illusion sur son crime si celle-ci la replace sans apercevoir la falsification, cette circonstance étrangère ne saurait l'excuser, car à son égard le crime est consommé au moment où la fausse monnaie a été émise. D'ailleurs, plus le vol sait se dérober sous un voile épais, plus il est dangereux et plus l'agent est coupable, puisqu'il trouve le moyen de surprendre plus aisément la bonne foi et que nulle défiance ne décèle ses piéges. Si donc, à notre avis, le crime de fausse monnaie ne doit pas être placé au-dessus de vols qualifiés, il doit du moins être rangé sur la même ligne que ces vols, et il doit puiser ensuite dans les circonstances qui l'accompagnent l'aggravation ou l'atténuation de sa pénalite.

Un coup d'œil jeté sur les législations étrangères va confirmer cette opinion. En Allemagne on a depuis longtemps considéré le crime de fausse monnaie sous son véritable point e vue. D'après le Code prussien, celui qui, sans autorisation, frappe ou met à la fonte une monnaie publique revêtue de l'effigie du prince, encourt la reclusion de deux à trois annés et une amende décuple des bénéfices (art. 252). Si la monnaie est étrangère, la peine est réduite à moitié (art. 253). Si le titre est altéré, s'il y a vol, la reclusion est de quatre à dix années (art. 254). S'il a été mis en circulation une grande quantité de pièces fausses, et qu'il en soit ré

[1] M. de Molènes, De l'humanité dans les lois criminelles, p. 334.

sulté une atteinte au commerce, la peine est le travail des fortifications à vie et le supplice des verges (art. 256). Enfin la fabrication sans émis sion n'est punie que de la moitié de la peine, et l'altération par la lime ou tout autre moyen n'est passible que d'une détention de 2 à 4 ans et d'une amende (art. 259 et 263). Le Code pénal d'Autriche met sur la même ligne celui qui, sans autorité légitime, bat monnaie à un titre égal, celui qui fabrique de la monnaie d'une moindre valeur, et celui qui lime ou rogne des monnaies véritables; mais la peine n'est que de cinq à dix ans de prison dure; et cette peine peut seulement être élevée jusqu'à vingt ans, s'il y a danger particulier ou dommage considérable (art. 103 et 104). Le complice par emission n'est puni que d'un emprisonnement d'un an à cinq ans (art. 105 et 106). Enfin, le Code pénal bavarois de 1813 prononce la reclusion pendant huit à douze ans contre ceux qui ont mis en circulation les monnaies fausses. Si les monnaies fabriquées n'étaient pas encore émises, la peine est un emprisonnement de quatre à huit ans ; et si des monnaies véritables n'ont été que rognées ou altérées, la peine est un emprisonnement d'un an à trois ans et une amende quadruple du bénéfice illicite (art. 341 et suivants).

La législation de l'Angleterre, célèbre pendant longtemps par sa rigueur sur cette matière, a été entièrement réformée par l acte du 23 mai 1832. D'après les dispositions de ce bill, la contrefaçon des monnaies d'or et d'argent est considérée comme un crime de félonie et punie de la transportation pour sept années au moins, mais qui peut être prononcée à vie, ou d'un emprisonnement qui ne doit pas excéder quatre années. Les mêmes peines sont appliquées à ceux qui dorent ou blanchissent des pièces d'argent ou de cuivre, pour les faire passer avec une valeur supérieure. La transportation est de sept à quatorze ans, ou l'emprisonnement de trois années, pour ceux qui liment et altèrent les monnaies d'or et d'argent véritables. L'émission faite sciemment d'une monnaie contrefaite n'est punie que d'un an d'emprisonnement. Enfin, la contrefaçon des monnaies de cuivre est passible de la transportation pour sept ans ou d'un emprisonnement de deux années [1]

Les statuts des États-Unis assimilent la fausse monnaie d'or et d'argent au crime de faux, et

[1] St. 2, William IV, c. 34; an act for consolidating and amending the laws against offences relating to the coin.

[2] Revised statutes of New-York, § 28.

prononcent l'emprisonnement dans un pénitencier depuis un an jusqu'à dix, suivant les circonstances et la gravité du crime (2). Le projet de Code de la Louisiane, œuvre de M. Livingston, porte l'emprisonnement laborieux de sept à quinze ans pour la contrefaçon et l'émission de monnaies fausses d'or et d'argent, et l'emprisonnement d'un an à cinq ans avec une amende de 200 à 500 dollars, pour l'altération de ces mêmes monnaies. Le Code du Brésil a des dispositions plus simples encore et plus modérées. La fabrication sans autorisation légitime, mais sans intention de commettre un vol, est passible de la prison avec travail pendant deux à quatre ans; la peine peut s'élever jusqu'à huit ans, lorsque la monnaie n'a pas le poids légal et que le vol est le but de sa fabrication; l'altération de la monnaie nationale est punie de deux mois à quatre ans de prison; enfin l'émission d'une fausse monnaie, de la prison pendant six mois à deux ans (art. 173 et suivants). (*)

Ainsi, dans nul pays le crime de fausse monnaie n'est puni aussi sévèrement qu'en France. Ainsi, les législations des autres peuples l'assimilent soit au faux, soit au vol qualifié, soit même au vol simple, et ne le frappent en général que d'une peine temporaire. Cependant ces peuples ont le même intérêt que la France à le réprimer : mais ils ont reconnu que sa criminalité intrinsèque, que l'alarme qu'il jette dans la société, ne sont pas aussi graves qu'on la cru généralement parmi nous, sur la foi de la loi romaine et de notre ancienne législation. Ces exemples pratiques viennent donc se réunir aux considé– tions que nous avons exposées, et en rendent la conclusion plus pressante.

Toutefois on ne doit pas omettre de signaler dans la fabrication de la fausse monnaie un autre caractère : l'infraction au droit exclusif du gouvernement de batt re monnaie. A la vérité, ce droit n'est plus un attribut de la souveraineté; c'est un simple monopole exercé par le gouvernement dans l'intérêt genéral de la société. Le particulier qui fabrique de la monnaie commet donc, non pas un attentat à la souveraineté, non pas un crime de lèse-majesté, mais une usurpation de pouvoir, une contravention à une loi prohibitive et de sûreté générale; mais cette infraction secondaire se confond dans le crime de faux qui l'accompagne et dans

(*) Une loi belge du 5 juin 1832, dérogeant au code pénal, punit les crimes déterminés par l'article 132 des travaux forcés à perpétuité, et ceux prévus par l'art. 133 des travaux forcés à temps.

« PrécédentContinuer »