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tumes.

Indépendamment de ces prérogatives | neur - général, avec le fouverain & fes minif

générales & communes à toutes les Provinces,
hacune d'elles jouit encore de privilèges parti-
culiers, qui lui ont été affurés par des pactes. Les
plus importans de ces conttats font la joyeuse en-
trée,
, pour le Brabant & le Limbourg, & la bulle
d'or de Brabant. La bulle d'or exempte ces Pro-
vinces de toute jurifdiction quelconque de l'Em-
pire d'Allemagne, & la joyeufe entrée détermine
& confirme les privilèges accordés fucceffivement
par les fouverains. Ce dernier pacte, tel qu'il fut
juré en 1744 au nom de Marie-Thérèfe, confifte
en cinq articles, dont voici le contenu principal:
le fouverain promet de s'abftenir de tout pouvoir
arbitraire, & de gouverner les fujets felon le droit
& les jugemens des juges compétens, de ne
commencer aucune guerre, relativement aux Pro-
vinces de Brabant & de Limbourg, fans le confen-
tement des états; de ne faire aucune convention
qui puiffe être préjud ciable à leurs droits & in-
térêts; de donner aux brabançons la plupart des
places dans les tribunaux de ne faire battre des
efpèces d'argent ou de les décrier fans le confen-
tement des états; de laiffer à chaque membre,
dans l'affemblée des états, la permiffion de dire
fon fentiment, fans rifque d'encourir la difgrace
du fouverain; de conférer les abbayes, les pré-
latures & autres dignités eccléfiaftiques à des ec-
cléfiaftiques; de ne point fe fouftraire à l'obfer-
vation des droits, privilèges & ufages, fous pré-
texte de ne les avoir pas confirmés nommément ;
enfin, de permettre à fes fujets la ceffation de
leurs fervices envers leur fouverain, dans le cas
où il cefferoit lui-même d'obferver leurs privilèges
entièrement ou en partie.

:

tres.

SECTION III.

Remarques touchant les prétentions formées derniérement par l'empereur fur l'ouverture de l'Escaut, fur d'autres prétentions à la charge des ProvincesUnies, & fur la manière dont s'eft terminé ce différend du projet d'échange de la Bavière contreles Pays-Bas.

Nous avons dit à l'article BAVIERE Comment l'empereur parvenu au trône de fes domaines héréditaires, annulla le traité de la Barrière. Il ne tarda pas à former de nouvelles prétentions contre les Provinces-Unies (en 1783 ). Sa qualité d'héritier général de tous les droits, titres ou demandes qui avoient été, ou qui auroient pu être réclamés par la branche espagnole de la maifon d'Autriche, & par fa ligne propre; fa qualité de repréfentant du peuple des différens pays qu'il poffédoit fous les dénominations diverfes de duc, de comte ou de feigneur, lui fournirent des fujets de querelle d'autant plus inépuifables, que le temps & la préfomption n'offroient pas des raifons capables d'arrêter un prince fi puffant il demanda jufqu'à la liquidation & au paiement des comptes de fourage, qui avoient été fournis par quelques diftricts dans la guerre de la fucceflion: il demanda des contributions qui avoient été levées fur d'autres domaines à cette époque. Il paroît même que les guerres du fiècle dernier formèrent le fujet de quelques réclamations: mais, de toutes les prétentions qu'il forma alors, celle fur la ville & le canton de Maëftricht de Maëftricht, que nous expliquerons tout-àPheure, parut la mieux fondée.

appui à la cour de France, qui avoit acquis de la prépondérance dans les fept provinces pendant la guerre; & à la cour de Berlin, qui, par fes liaifons de famille & fes vues politiques, ne pouvoit pas permettre à l'empereur de se livrer ainfi à toutes fes vues ambitieufes.

Depuis l'année 1749, la dignité de gouverneur général de Pays-Bas eft entre les mains d'un prince ou d'une princeffe du fang. Son pouvoir eft très-étendu; il a la drection de toutes les affaires civiles & eccléfiaftiques, & il peut af Les Provinces Unies fortoie. t d'une guerre où fembler à fon gré les divers départemens dés elles n'avoient recueilli que des humiliations; des Provinces, le confeil d'état, le confeil privé & diffenfions inteftines leur ôtoient la moitié des celui des finances. L'infpection de la juftice, de forces qui leur reftoient, & elles ne pouvoient la police, des finances, des troupes, & en géréfifter feules à l'empereur; e'les cherchèrent un néral de toutes les affaires civiles & militaires, lui eft confiée. Les loix font promulguées par lui: il difpofe, au nom du fouverain, des places & des penfions vacantes; il convoque les états en un mot il repréfente la perfonne du fouverain. La cour du gouverneur général et brillante; il a deux compagnies de gardes-du-corps le roi de France & les états-généraux entretiennent auprès de lui des miniftres plénipotentiaires, & le roi d'Angleterre un réfident. La perfonne du gou verneur-général peut être repréfentée de fon vivant par le miniftre plénipotentaire des Pays-Bas autrichiens; mais le pouvoir de ce repréfentant eft plus limité que celui du gouverneur - géné ral. Le fecrétaire-d'état & de guerre eft chargé de la correfpondance miniftérielle du gouver

:

Ce n'eft pas ici le lieu de rendre compte de toutes les négociations qu'entraîna cette affaire. La cour de Vienne, prit, dans toutes fes difcuflons avec les Provinces Unies, la hauteur & la fierté qui étoien: peu analogues à l'esprit d'un fiècle ù l'on connoit toute l'inftabilité d'une puiffance; mais qui avoient caractérisé la maison d'Autriche, même à ces époques de détresse où cette fierté étoit de la grandeur.

Au milieu de la difcuflon, l'empereur forma

une prétention beaucoup plus grave que celle qui avoit tant allarmé les Provinces-Unies ; il demanda l'ouverture de l'Efcaut ; &, fans attendre qu'on revînt fur les anciens traités, il y fit navi. guer fes navires.

Les hoftilités étoient déja commencées ; un détachement d'infanterie avec quatre pièces de campagne étoit entré fur le territoire de la république, & avoit pris poffeffion du fort du vieux Lillo. Un détachement de dragons avoit pénétré à Hartog Eyk près de Heerle; il y démolit les barrières ; il abattit le pavillon hollandois qui flottoit fur la douane, & il chargea, au nom de fa majefté impériale, le receveur de ce département de n'obeir à aucun ordre des régens de Heerle, qui étoient fes maîtres légitimes, & de ne recevoir de qui que ce fût de l'argent, à titre de droit ou de péage, finon qu'on l'enverroit pieds & poings liés à la première garnifon autrichienne.

Au printemps de 1784, la guerre paroiffoit inévitable les Pays-Bas étoient remplis de troupes prêtes à marcher; & l'empereur, loin d'abandonner quelques-unes de fes prétentions, demandoit, outre l'entière & libre navigation de l'Escaut d'Anvers à la mer, qu'on demolit les forts de Frédéric Henri, de Liefenhock, Kruif chans & Lillo, que les hollandois avoient élevé pour garder la navigation exclufive de l'Efcaut, dont les traités les avoient mis en poffeffion. I demandoit, en troifième lieu, la navigation libre & un commerce non interrompu aux Indes orientales & occidentales: c'étoit, dans le fait, demander la moitié de tous les bénéfices que les Provinces Unies tiroient de leurs colonies du Nouveau-Monde, de leurs conquêtes & de leurs établiffemens en Afie: c'étoit leur enlever le fruit de leurs entreprifes perilleufes, des dangers qu'ils avoient courus, & des tréfors qu'ils avoient répandus; des guerres cruelles qu'ils avoient fupportées, & des traités & des négociations qui avoient eu lieu depuis deux fiècles. L'empereur réclamoit encore la ville & le diftrict de Maëftricht, &c. &c. .

Les hollandois répondirent que plufieurs des demandes de l'empereur contrevenoient directement aux traités les plus folemnels; que par celui de Munker, figné le 30 janvier 1648, Philippe IV, roi d Efpagne, duc de Bourgogne, de Brabant & comte de Flandres, avoit reconnu l'indépendance des Provinces-Unies; que nonfeulement il avoit confirmé toutes les poffeffions qu'elles avoient alors, & les villes & forts de Barrières qu'on venoit de leur affigner, mais qu'il ayoit renoncé à jamais, pour lui & fes fucceffeurs, à toutes celles qu'elles pourroient acquérir enfuite, fans infraction au traité; que, par le même traité, il avoit irrévocablement confirmé les chartres & les droits des compagnies hollan doifes, des Indes orientales & occidentales; qu'il avoit rendu lui & fes fucceffeurs garants perpé

tuels de leur commerce dans ces deux parties du monde; que le 6 article du même traité ftipuloit, en particulier, que les fujets de Philippe IV continueroient leur navigation aux Indes orientales, ainfi qu'ils l'avoient faite jufqu'alors, & que, dans aucun cas, il ne leur feroit permis de l'étendre au-delà de ces bornes.

Que le 14 article du même traité de Munfter déclaroit expreffément que l'Efcaut occidental ou inférieur (appellé le Hondt), le canal de Saas, le Swin & les autres embouchures feroient tenus fermés.

Que plufieurs traités fubféquens avoient reconnu & confirmé le traité de Munfter, & fortifié & étendu les droits des Provinces Unies; que par le traité de la Barrière, conclu en 1715 entre l'empereur, le roi de la Grande Bretagne & les Provinces-Unies, le premier céda aux hollandois certains territoires qui y font défignés; qu'il leur en céda la pleine & entière fouveraineté, pour la fûreté & l'exercice de leurs droits fur le bas - Efcaut, & pour faciliter leurs communications entre le Brabant & la Flandre hellandoife; que la convention fignée par ces trois puiffances, en 1718, avoit répété & confirmé cette ceffion d'une manière formelle, & que, dans les mêmes vues, elle avoit ajouté quelque chofe au territoire cédé trois ans auparavant aux hollandois.

Que, relativement aux droits de commerce, le même empereur Charles VI ayant, contre un article du traité de Munter, formé le projet d'établir à Oftende une compagnie des Indes orientales, ce prince fe vit forcé cependant de l'abandonner, & de diffoudre la compagnie quelques années après; que par le traité de Vienne, conclu en 1731 entre l'empereur & le roi d'Angleterre, & dont les Etats-Généraux devinrent parties, l'empereur fut obligé d'abolir à jamais ce commerce & la compagnie. Que, pour le commerce aux Indes occidentales, l'acte de concurrence déclare que « les hollandois fe confor» meront de bonne foi aux réglemens établis par le traité de Munfter, & tout ce qui s'y trouve ftipulé fur le commerce & la navigation des lu» des occidentales.

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Les hollandois infiftèrent fortement fur ce que leurs droits, & en particulier leur navigation exclufive de l'Efcaut, avoient été confirmés & garantis par tous les traités, qui affurent l'exiftence politique de l'Europe; que 140 ans s'étoient écoulés depuis le traité de Munster; que, durant ce long intervalle, ils avoient joui difficulté, de la navigation exclufive de ce fleuve. Qu'à l'époque du traité de Munter, ce n'étoit pas même une nouvelle prétention ou l'exercice d'un nouveau droit, puifque l'Efcaut avoit toujours été fermé depuis la prife d'Anvers, par le duc de Parme en 1585: que, quand même le traité de Munfter ne contiendroit pas un article

particulier là-deffus, cette omiflion dans une matière importante, & le confentement à une mefure, établie depuis fi long temps & d'une manière fi notoire, devroit être regardée comme une reconnoiffance entière, & une confirmation du droit qu'il ne faut pas examiner fi ce droit exclufif fi ancien avoit été compenfé de quelque manière; que c'étoit une partie du prix que payoit l'Espagne pour le maintien de ces mêmes PaysBas que poffède aujourd'hui l'empereur; que, fans cela, les Etats-Généraux n'auroient jamais abandonné les prétentions qu'ils pouvoient y former; qu'on fait qu'à cette époque & à une épcque poitérieure, la confédération des fept provinces étoit bien en état ; qu'elle avoit alors, & qu'elle a eu depuis, des occafions favorables de faire valoir ces droits, fille n'y avoit pas re

pour la navigation exclufive de l'Efcaut. Les hollandois ajoutèrent que l'affaire de l'Efcaut étoit loin d'intéreffer uniquement le commerce, ainfi qu'on le prétendoit; que la queftion de l'ouverture de ce fleuve étoit plus politique que commerçante; que, depuis les révolutions & les changemens furvenus dans les routes du commerce, Anvers ne pouvoit devenir un objet de jaloufie ou d'envie; mais qu'en abolifant la clôture de l'Efcaut, on ouvriroit un grand chemin dans le centre de leurs domaines; que ce feroit ouvrir & expofer les fources qui donnent la vie aux fept provinces, & qu'on compromettroit ainfi, non-feulement la fureté immédiate, mais l'indépendance & l'existence de la république. L'empereur répondoit que les Provinces - Uniés s'étoient permis un fi grand nombre d'infractions au traité de Munter, dans tous les points qui affuroient les droits des Pays-Bas, ou leur étoient avantageux de quelque manière, qu'ils avoient perdu le droit de réclamer les ftipulations foufcrites alors en leur faveur: que, d'après les principes de la raifon & de l'équité, il fe trouvoit complettement difpenfé de faire aucune attention aux articles fur lefquels ils infittoient fi vivement. Qu'au rette, felon leur coutume, pour l'interprêter à leur avantage, ils forçoient le fens de l'article du traité de Munster, qui a rapport à l'Efcaut; que cet article n'énonce pas la fouveraineté & le droit exclufif: qu'en admettant tout ce qu'ils difoient, d'après cet article du traité, le joug honteux qu'on avoit impofé aux Pays-Bas, étoit trop contraire à la nature & trop humiliant pour le laiffer fubfifter; qu'on n'a jamais pu le fouffrr, qu'autant que l'abfolue néceffité, fuite de la malheureufe fituation des affaires publiques, rendoit cette foumiffion indifpenfable.

Le cabinet de Vienne ajoutoit que les hollandois avoient enfreint le traité de la Barrière & les autres traités poftérieurs, ainfi qu'ils avoient enfreint celui de Munter; que fi l'on vouloit négliger ou oublier toutes les occafions où ils

avoient violé la foi publique & les traités, leur honteufe prévarication & l'injuftice de leurs procédes à l'égard de Maëttricht, fuffiroient feules pour annuller tous les devoirs & toutes les conditions envers un peuple qui n'avoit jamais exécuté ou refpecté les articles d'un traité ou d'une convention, qu'autant que cela convenoit à les intérêts.

Au refte, de toutes les prétentions de l'empereur, celle qu'il formoit fur Maeftricht & fon territoire, paroiffoit la mieux fondée. En 1672, lorfque les Provinces Unies étoient menacées de la deftruction, par l'invafion de Louis XIV, le comte de Monterey, gouverneur des Pays-Bas, n'attendit pas le tardif résultat des délibérations de fa cour, qui étoit en paix avec celle de France; il fentit qu'un délai feroit perdre l'occafion d'agir avec fuccès, & il eut la fagacité politique & le courage de faifir les véritables intérêts de l'Efpagne, & d'agir de lui-même, Il s'efforça d'arrêter la violence du torrent ; fans fonger aux reproches qu'on pourroit lui faire. gardant toutefois l'apparence de la neutralité, il donna aux hollandois des fecours fecrets, & il leur rendit d'importans fervices. Sa conduite ayant été approuvée par le cabinet de Madrid, il continua d'agir fur le même plan. Ses fervices devinrent fi effentiels, qu'ils jettèrent les fondemens d'un traité fecret entre la Hollande & l'ELpagne. La république, en confidération du paffé & pour obtenir de nouveaux fecours, s'engagea à céder à l'Efpagne la ville de Maëttricht, avec une portion du territoire défiguée dans la convention mais cette ceffion étoit foumife à la con'dition fpéciale, qu'on empêcheroit la France de garder aucune de fes conquêtes, ou de démembrer quelques-uns des domaines des ProvincesUnies.

:

Cette condition ayant été remplie par la tournure inattendue que prit la guerre, & qui obligea Louis XIV à abandonner fes conquêtes, lors du traité de paix conclu à Nimègue', Charles II, roi d'Espagne, réclama Maeftricht; les EtatsGénéraux éludèrent la ceffion Généraux éludèrent la ceffion, en faisant valoir des hypothéques que le prince d Orange avoit fur' cette ville & fon territoire. Le roi d'Espagne paya ces hypothéques, & cette confiance & cette générofité méritoient plus de bonne foi du côté des hollandois. Ils élevèrent alors de nouvelles difficultés; ils mirent tant d'intérêt à ne pas fe défaifir de Maëltricht, que la ceffion fut toujours différée, & qu'elle fut un fujet de né gociation jufqu'à la mort de ce prince.

La confufion générale, occafionnée par la mort & le teftament de ce monarque, les longs troubles & les guerres qu'excita fa fucceffion, paru rent effacer toutes les traces de l'affaire de Maeftricht. Il n'en fut plus queftion dans aucun des traités ou des conventions poltérieures; les chofes reftèrent en cet état jufqu'en 1738 : à cette

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époque, l'empereur Charles VI, fe regardant comme l'héritier de tous les droits de l'Efpagne fur les Pays-Bas, fit revivre la prétention fur Maeftricht, fi long temps oubliée. Des commiffaires, nommés par les deux puiffances, ouvrirent une négociation à Bruxelles, & ils paroiffoient difpofés à terminer cette affaire; mais comme fi elle avoit dû toujours être différée ou interrompue par des fcènes d'un grand défordre & d'un grand malheur publics, la mort de Charles VI, les puiflances nombreufes qui effayèrent d'envahir l'héritage de fa fille, la feue impératrice-reine, mirent bientôt fin aux négociations de Bruxelles, & jettèrent l'Europe dans l'état de confufion & de guerre, où elle s'étoit trouvée lorfqu'on fe difputa la fucceffion au tròne d'Efpagne. On oublia donc encore la prétention fur Maëltricht, & elle n'a été reprife depuis que par l'empereur actuel.

Au refte, Maëftricht, malgré sa valeur réelle & l'importance que lui donne fa pofition, n'étoit pas le point le plus grave de cette difpute des hollandois avec l'empereur. L'ouverture de l'Ef caut étoit l'article effentiel, le grand objet des defirs de la cour de Vienne, & des craintes & de la confternation des Etats-Généraux. Tous les autres pouvoient s'arranger.

On s'intéreffoit à cette affaire dans prefque tous les pays de l'Europe, & jamais l'opinion publique n'a été auffi divifée qu'elle le fut fur cette queftion fi fimple & fi bornée, qu'elle regardoit feulement la navigation d'une rivière.

Les raifons que faifoit valoir l'empereur, avoient quelque chofe de fpécieux & de raifonnable; il étoit facile de les préfenter d'une manière plaufible, & de les revêtir de couleurs intéreffantes elles étoient finguliérement propres à féduire le commun des hommes, qui examinent légérement les affaires, & font dominés par le fentiment & la justice naturelle, plus que par les calculs & les principes de la politique.

le commerce, & élever Amiterdam fur les ruines d'Anvers. Afin d'exciter les paffions, on repréfentoit avec encore moins de juftice & de verité, l'Efcaut, comme le plus beau fleuve de l'Europe: on cût dit que fa beaute devoit être comptée pour quelque chofe, dans des queftions de droit ou de nécefité politique. Il eft aifé de voir que l'avidité bien reconnue des hollandois, l'efprit de monopole, la dureté & les principes arbitraires qu'ils ont toujours montrés dans les affaires de commerce, produifoit contr'eux une impreffion très défavantageufe.

Ils avoient cependant un grand nombre de raifons & de faits à oppofer aux déclamations plaufibles & artificieufes, ou même à l'opinion publique qui s'étoit établie fi légérement On ne peut, dans l'état actuel des chofes, recourir aux droits naturels, pour annuiler les conventions politiques entre les états, lefquelles font le fondement & la fûreté de toutes les propriétés publiques & particulières. Quelle fcène offriroit l'Europe, fi toutes les puiffances étoient obligées de recourir aux principes de l'équité & aux loix de la nature, & d'abandonner les domaines, dont ils le font mis en poffeffion, par la fraude ou la violence, la guerre ou les traités, au milieu des révolutions d'une longue fuite de fiècles! On romproit les liens qui uniffent les hommes; on les replongeroit dans l'état de la nature fauvage; le monde politique retomberoit dans le cahos, & on n'y verroit plus que le défordre & la confufion.

Les hollandois foutencient que le paffage d'un fleuve fur quelque portion du territoire d'un prince, ne formoit pas un droit naturel, lorfque fon embouchure eft en la poffeffion d'un autre fouverain; & pour diffiper toutes les déclamations pathétiques des partifans du cabinet de Vienne ils affurèrent que le cours entier des deux branches de l'Escaut étoit entiérement artificiel ; que c'étoit l'ouvrage des hollandois; que fes bords étoient l'effet de plufieurs fiècles d'un travail continuel, & qu'on ne les maintenoit qu'avec beaucoup de foins & de dépenfes; que, fans ces monumens de l'induftrie hollandoife, ces digues étonnantes qui excitent l'admiration des hommes, les eaux, croupiffantes de l'Efcaut formeroient des lacs & des marais immenfes ; qu'elles ne feroient jamais arrivées à la mer, dans la quantité néceffaire à la navigation; que les hollandois ayant ainfi formé & maintenu l'Efcaut inférieur, ainfi qu'ils ont formé, & qu'ils maintiennent les provinces de Hollande & de Frife, il étoit égale

L'expofition feule du fait, le tableau d'un peu ple ancien & refpectable, qui, célèbre de bonne heure dans le commerce, le trouve ruiné, parce qu'on l'a privé de fon droit naturel à la navigation & aux avantages d'un fleuve qui traverfe fes domaines, fembloir décider la queftion, & réunir tout le monde contre une injuftice fi criante. En fuivant le même efprit, on regardoit comme un exploit glorieux & digne d'un héros, le projet d'affranchir une nation d'un pareil efclavage, & de lui rendre fes droits naturels & fon ancienne profpérité. Pour émouvoir les paffions on ne manqua pas de rappeller la grandeur, l'é-ment leur propriété; que les Provinces - Unies clat & l'opulence qu'eut autrefois Anvers, & on attribuoit fa décadence, avec beaucoup d'effet, mais avec peu de juftice & de vérité, à cette odieufe clôture de l'Efcaut, fuite, difoit on, de la jaloufie & de la cupidité des hollandois, qui avoient voulu s'approprier le monopole de tout

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n'ayant pu deftiner ces immenfes travaux qu'à leur ufage, les avantages qui en résultent, doivent être, indépendamment de tous les traités, regardés, d'après les principes du droit naturel de la loi & de la juftice, comme leur propriété exclusive.

entre l'empereur & les Etats Généraux, furent fignés à Paris le 20 feptembre 1785; & le 8 octobre de la même année, le traité définitif fur figné à Fontainebleau, fous la médiation & la garantie du roi de France.

Le traité de Munfter fervit de base à ce traité de 1785, qui en renouvella les articles dans tous les cas qui ne font pas formellement exceptés par de nouvelles claufes. Voici ces clautes nouvelles: Les Etats-Généraux ont reconnu la fouveraineté abfolue & indépendante de l'empereur fur chaque partie de l'Efcaut, depuis Anvers jufqu'aux iumites du comté de Saftingen, conformément à une ligne tirée en 1604 : ils ont renoncé au droit de lever aucune taxe ou impôt fur cette partie du fleuve, & ils fe font engagés à ne pas y interrom

Et fur la décadence & la chûte d'Anvers, qu'on attribuoit uniqueraent à l'avarice & au defpo tifme des hollandois, & en particulier fur la clôture de l'Efcaut, ils obferverent que diverses causes bien connues avoient déterminé le commerce étranger à abandonner cette ville; que plufieurs de ces caufes étoient antérieures à la clôture, & qu'aucune d'elles n'y avoit de rapport. La prospérité d'Anvers déclinoit, à pas précipités, un fiècle avant le commencement des troubles & des guerres des Pays-Bas. Le commerce s'étoit porté dans d'autres canaux; Amfterdam qui étoit confidérable, long-tems avant cette époque; fes avantages fupérieurs & diverses causes de profpérité l'avoient rendu la première ville commerçante de l'Europe, au temps où on ferma l'Escaut. Anvers toutefois continua à être opulente; &, malgré les pertespre la navigation des fujets de l'empereur : le qui réfultèrent du mémorable fiège qu'elle effuya, elle auroit maintenu fon importance, fi les cho fes qui ont amené la décadence de Bruges & de toutes les grandes villes des Pays-Bas, n'avoient pas amené fa ruine. Le defpotifme, la cruauté & les perfecutions des efpagnols obligèrent les négocians & les manufacturiers à abandonner ces villes, & à porter ailleurs le commerce & les arts. On remarqua, comme un fait curieux fur cette matière, que le roi d'Espagne, fouverain d'Anvers, n'avoit pas été moins intereffé que la Hollande à la clôture de l'Efcaut, parce que, comme le dit le célèbre Jean de Witt, dans fes mécrétion les forts de Lillo & de Liefkenshock moires, la grandeur & l'opulence de cette ville n'étoient pas compatibles avec les vues du defpotifme efpagnol. Au refte, les hollandois ne dirent pas toutes les frayeurs que leur caufa la demande de l'ouverture de l'Efcant; ils craignirent de montrer à un prince ambitieux le moyen d'opérer leur ruine avec plus de fuccès.

Les diverfes branches de l'Efcaut entrecoupent leurs domaines de telle manière, & communifi bien avec leurs canaux & leurs rivières, quent que leurs havres, leurs chantiers, leurs arfe naux, plufieurs de leurs principales villes & l'intérieur de leur pays fe feroient trouvés expofés aux entreprifes d'une puiffance formidable, maitreffe du fleuve dont nous parlons.

Tout annonçoit la guerre au printems de l'année 1785. L'impératrice de Rullie avoit déclaré u'elle foutiendroit l'empereur : le cabinet de Verfailles qui, après le partage de la Pologne, ne pouvoit plus fouffrir les vues ambitieufes de la cour de Vienne, laquelle, au milieu des dif cuffions de l'Efcaut, s'occupoit de l'échange de la Bavière contre les Pays-Bas, alloit fe décider en faveur des hollandois, & la guerre paroiffoit inévitable: mais le comte de Vergennes négocia fi heu. reufement que les articles préliminaires de la paix,

refte de la rivière, au-delà de ces limites jufqu'à la mer, ainfi que les canaux du Sas, le Swin, & les autres embouchures, font reftés fous la fouveraineté des Etats-Généraux, conformément au traité de Munfter: il a été ftipulé de plus, que les hollandois évacueroient & démoliroient les forts de Kruifchans & de Frédéric Henri, & qu'ils en céderoient les territoires à fa majefté impériale; que pour donner à l'empereur une nouvelle preuve de leur defir, d'etablir la plus parfaite intelligence entre les deux pays, les EtatsGénéraux évacueroient & foumettroient à fa dit

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avec les fortifications telles qu'elles fe trouvoient; ils le font réfervés feulement le droit d'en retirer l'artillerie & les munitions: que l'empereur renonce à toutes les prétentions qu'il avoit formées ou qu'il peut former, en vertu du traité de 1673, fur Maëftricht & fes dépendances, & que les Etats-Généraux paieroient à fa majetté impériale la fomme de 9 millions & demi de florins, monnoie de Hollande; de plus un demi-million de florins, pour dédommager fes fujets des dommages caufés par les inondations (1). Les autres articles contiennent diverfes renonciations à des ceflions mutuelles de villages & diftricts; des fixadroits, ou à des prétentions des deux parties; des tions de limites; des difpofitions locales, ou des réglemens intérieurs. On y déclare qu'à l'avenir on n'élevera pas de forts & de batreries à la por tée du canon, des limites de l'un ou l'autre côté, & qu'on démolira ceux qui fe trouvent conftruits. Toutes les dettes ou réclamations pécuniaires entre les deux états font annullées; & les parties contractantes renoncent, fans aucune réserve, à toutes les prétentions ultérieures qu'ils pourroient former l'une contre l'autre.

Si la tranquillité de l'Europe fut affermie fur les bords de l'Efcaut, un autre projet de la cour de Vienne, mit en fermentation Allemagne en

(1) Les hollandois avoient ouvert les digues en quelques endroits.

tière.

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