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tyrė, & une côte d'un des SS. Martyrs de Montmartre que Madame de Rantzau faifoit mettre en châffe. Comme elle favoit que la fœur Angélique étoit fort induftrieufe pour les ouvrages des mains, elle l'avoit priée de garnir les châtles qu'elle avoit fait faire, & lui avoit laillé dans fa chambre & les châffes & les Reliques. La four à cette occafion voulant un peu s'égayer, dit à Madame de Rantzau qu'elle voyoit bien pourquoi elle lui avoit fait cette grace; que comme les prifons font les Temples des Martyrs, puifque ce font eux qui les ont confacrées les premiers, c'étoit pour cela qu'el le ne jugeoit pas leurs Reliques indignement placées dans fa chambre qui étoit fa prison.

Les Meres occupérent auffi pendant quelque tems la four Angélique à leur faire des fi gures de cire jettées en moule, car elle avoit auffi ce petit talent. Elle fe fit prier long-tems, parce qu'elle avoit beaucoup d'éloignement de ces fortes d'amusemens, qui, felon S. Auguftin, ne font qu'ajouter de nouveaux charmes à la tentation de la concupifcence des yeux. Enfin elle ne put fe défendre d'y travailler, du moins pour leur montrer comment on s'y prenoit. Comme la Mere de Rantzau affistoit fouvent à fon travail, elle voulut à fon tour s'égayer, & lui dit assez joliment : » Cela eft » admirable comme vous trouvez toute forte "d'inventions pour venir à bout de vos ouvra "ges: mais le malheur eft que vous avez l'ef prit fait comine les doigts, & qu'il vous four»nit auffi toute forte de raifons pour vous for

» tiffer fur tout.

La four Angélique ne fut pas fi complai fante au fujet d'un autre fervice que la Supéricure lui demanda. Elle la pria de vouloir bien

IX.

écrire au net des réflexions qu'elle avoit faites, elle Supérieure, dans fa retraite, & qu'elle avoit jettées fur le papier; la fœur avoit d'abord accepté la commiffion: mais ayant jetté les yeux fur ces paperaffes dévotes, elle y reconnut toute la tournure d'efprit des Directeurs de la maifon qui étoient les Jéfuites. Elle ne put fe réfoudre à fe remplir la tête d'idées & de principes fi différens de ce qu'elle avoit appris en étudiant toute la vie la Religion. Elle renvoya les papiers à la Mere, s'excufant fur la foibleffe de fa main qui étoit un peu entreprife depuis quelque tems: ce qui étoit vrai.

Vers la Fête de Noël, elle demanda à la SuDeux Ser-périeure fi elle jugeoit à propos qu'elle écrivit mons de -à M. l'Archevêque pour les Sacremens. Cellefuites qu'elle ci lui ayant témoigné que cela étoit affez inu

entend.

tile, elle fe tint en repos, & fe réfolut à paf-
fer la grande folemnité dans l'humiliation :
mais toujours dans la paix de l'ame, bien per-
fuadée que Dieu pouvoit remplir ce vuide
abondamment. Elle reprit le jour de Noël l'u-
fage d'aller au chœur, le tems qu'elle avoit
pris pour s'en abfenter étant fini. Elle penfa

que
ce feroit s'excommunier elle-même, que
de n'y pas retourner. L'embarras étoit qu'il y
avoit encore quelques Sermons du P. Nouet à
entendre. Elle s'y réfolut généreufement pour
le bon exemple. Cependant elle échappa celui
de Noël par un heureux hazard. Il vint dans
l'efprit à la Supérieure avant Vêpres d'offrir à
la fœur d'aller pendant le fermon affifter de-
vant le S. Sacrement qui étoit exposé du côté
des Religieufes. Elle l'accepta. Elle fut encore
difpenfée du Sermon du jour de l'an, enforte
qu'elle n'eut que le Sermon du jour des Rois à
entendre. Elle l'entendit donc. Ce qu'elle y

trouva de meilleur, c'eft que le Prédicateur ne dit pas un mot qui approchât des disputes du tems. Il parla fur l'amour de Dieu, 33 s'é» chauffant beaucoup, mais n'échauffant pas »tant, dit-elle, ceux de fes Auditeurs qui fa»voient qu'on ne tient pas afluré dans la Société qu'on foit obligé d'aimer Dieu, finon quelquefois en la vie.

Elle eut encore une autre occafion d'entendre prêcher un Jéfuite. C'étoit une conférence à la grille. Les Religieufes y alloient, & ayant rencontré la fœur, elles l'y invitérent. Elle ne crut pas devoir refuser. Elle fut fort étonnée des bonnes maximes fur la Grace qu'il avança; entre autres de ce qu'il dit fur la fouftraction des graces en punition de la négligence à en profiter. Il s'étendit fort fur l'impuiffance ou ce retirement de la lumière intérieure réduit une ame, quand Dieu la lui ôte. » Il com» para l'ame en cet état à ces morts du fiécle à » qui on fait une grande pompe funebre, qui » font dans une chapelle ardente tout envi» ronnés de lumières, & qui font cependant » dans les ténébres, & ne voient pas le moin» dre jour, malgré ces flambeaux qui les envi»ronnent: figure de l'ame qui ayant perdu la » lumiére de J. C. ne voit plus rien, n'entend plus rien, cherche Dieu & ne fauroit le trouver. La fœur qui le voyoit pouffer les chofes fi loin, étoit, comme je l'ai dit, fort étonnée. Mais le correctif ne manqua pas; car il abandonna brufquement les principes & fes preuves, en difant, pour finir fon fermon,

qu'il ne tenoit pas à Dieu cependant que > nous n'euffions les fecours & les lumiéres » dont nous avions befoin: mais que c'étoit »notre négligence qui en étoit cause, & que

Elle deman

» nous pouvions toujours fortir de cet état. X. Le Carême étant venu, il vint en penfée à de les Sacre-la Sœur en lifant l'Evangile du mauvais Rimens à M. de che & du pauvre Lazare la feconde femaine Péréfixe pour de Carême, d'écrire dès ce moment à l'Arche Pâques. vêque pour lui demander de bonne heure la

XI.

Communion de Pâques. C'eft fa troifiéme-lettre à ce fujet. Elle fe compare dans fa lettre à ce pauvre mendiant affis à la porte du riche, attendant les miettes de fa table qu'on lui refufe; & après avoir fait fon raisonnement ordinaire, qu'elle n'eft coupable d'aucune défobéiffance, fuppofé deux chofes qui font certaines, la premiére, qu'on lui défend de figner fans avoir la créance, & qu'en effet ce feroit un mensonge; la feconde, qu'elle n'a pas cette créance, qu'elle ne fçauroit fe la donner, & que d'ailleurs on ne la lui commande pas, comme en effet on ne fçauroit la commander; elle conclut ainfi. » Je suis perfuadée » que, quoiqu'il arrive, c'eft un moindre » malheur d'être même réduite à fouffrir qu'on »nous refuse les miettes qui tombent sous la table de Jefus-Chrift, que de s'expofer en l'offenfant à n'obtenir dans toute l'éternité » une goutte d'eau pour adoucir le feu de notre » fupplice. » La réponse à la lettre ne vint qu'à Pâques. L'Archevêque fit donner fous main à la Sœur un papier où étoient plufieurs paffages des Peres & quelques lieux communs tendans à la porter à la fignature. Elle y répondit avec fa facilité & fes lumiéres ordinaires. En conféquence les Meres lui dirent le JeudiSaint de la part de M. l'Archevêque qu'il ne pouvoit point lui accorder la communion.

Avant le Carême la Soeur Angélique s'étoit Bel écrit trouvée fort mal pendant quelques jours. Elle

Tobéiffance

penfà que s'il alloit lui prendre quelque mala-qu'elle comdie violente qui lui ôtât la liberté d'efprit, on pofe pour fe la regarderoit comme une perfonne qui meurtjustifier du redans un efprit de fchifme & de révolte contre proche de dé. T'Eglife. Elle crut devoir écrire fes fentimens, en cas qu'elle afin qu'au moins on les trouvât fur elle après vienne amouLa mort, & que cela remédiât au fcandale, rir. Elle a intitulé fon écrit: Examen fincére du fond de mon cœur au fujet de la fignature. C'est un chef-d'œuvre de bon fens, de justesse & de précifion pour le fond, & une piéce d'une clarté & d'une beauté parfaite pour l'exécution. L'extrait que j'en vais faire en donnera l'idée à ceux qui ne voudront pas la lire entiére dans fa Rélation où elle est tout au long, aussi bien que la réponse dont j'ai parlé plus haut, au papier de M. l'Archevêque.

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» Elle dit qu'elle recherche depuis fix mois » d'exil, de prifon, de filence & de privation » de tout confeil quel peut être fon crime. On » l'accufe perpétuellement de défobéiffance »& elle ne peut deviner où elle est. M. l'Archevêque commande la fignature: mais il y » met une condition, qu'on fignera avec une » foumiffion intérieure au Fait, & qu'on le > croira, non d'une foi divine, mais d'une foi » humaine. Lors donc qu'on n'a pas cette foi » humaine, il n'ordonne pas de figner, il le » défend au contraire. Jufqu'ici il n'y a donc » pas de défobéissance chez moi.

»La défobéiffance confifteroit-elle en ce qu'on ne croit pas le Fait, qu'on n'en a pas la » créance ? Mais comme on ne peut pas fe donsoner la créance par commandement de la vo»lonté, que l'efprit ne fe rend qu'à l'évidence » des chofes ou à une autorité infaillible, & » que ni l'une ni l'autre ne se trouve ici, il

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