Images de page
PDF
ePub

» faudroit dire que l'Eglife commanderoit une chose impoffible, fi elle commandoit de fi"gner quand ces deux motifs manquent. Donc point encore de défobéissance.

[ocr errors]

La faute feroit-elle à douter du Fait ? "Mais comment pourrois-je lever mes doutes, » étant d'un côté incapable par moi-même de m'inftruire par la lecture du Livre, faute d'intelligence de la matiére, & ayant d'un » autre côté la connoiffance de plufieurs cir>> conftances qui donnent de légitimes foupçons que les Supérieurs ont pu être trompés ou prévenus dans toute cette affaire tout → de même qu'il m'eft vifible que cela eft arri»vé depuis peu par rapport à notre Monastére » qu'on perfécute fi outrément, pendant que les Religieufes proteftent qu'il n'y a que » leur confcience qui les retient.

පා

[ocr errors]
[ocr errors]

» Dira-t'on que ce doute n'eft qu'un fcrupule, & que c'eft un péché de défobéissance de ne pas céder à l'autorité, quand il eft que»ftion de fcrupules? Mais mon doute n'est point du tout fcrupule. Car de quoi eft-ce que je doute? Ce n'eft pas de fçavoir fi je » puis ou fi je ne puis pas figner en confcien»ce dans la difpofition d'efprit où je fuis. Je >> ne doute nullement que je ne le puis pas fai»re. Il m'eft clair que n'ayant pas la créance » intérieure du Fait, je ne puis pas l'attefter par ma fignature. Cela m'eft clair & par l'auto» rité divine qui me défend de mentir, & par » l'autorité de mon Archevêque qui me défend » de figner fans croire intérieurement. Ainfi il » n'y a pas ici lieu ni au fcrupule, ni à la régle qui oblige le fcrupuleux de fe laiffer » déterminer par fes Supérieurs. Donc il n'y a

כל

[ocr errors]

pas matiére encore par cet endroit à la » défobéiffance.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

» Voudroit-on enfin placer la défobéissance »à ne pas vouloir me faire inftruire fur la queftion de Fait qu'on me commande de figner? Je l'ai fait dans toutes les occafions qui fe font préfentées ; & cela m'a toujours » fi mal réuffi, qu'au lieu d'éclaircir mes difficultés, elles fe font augmentées par la contradiction & la diverfité des fentimens que » j'ai rencontrés. D'où j'ai conclu que je ferois » mieux de refter dans l'état d'ignorance qui » convient à mon fexe & à ma profeffion fur » des points qui ne regardent ni la foi ni les

[ocr errors]
[ocr errors]

دو

» mœurs.

[ocr errors]

» Quant à ce qu'on me promet l'impunité devant Dieu pour la faute que je croirois » faire en fignant, & l'affurance qu'on me » donne que je ne répondrois pas à Dieu de ce » que j'aurois fait par obéiffance, & que mon >> Supérieur en demeureroit feul chargé, je n'ai » pu encore voir jufqu'à cette heure dans tout » ce qu'on m'a voulu dire, que ce principe fût appuyé fur aucune autorité fuffifante pour y fonder l'affurance du falut, & pour en » hazarder la perte en fignant contre les lumiéres de ma confcience.

පා

Voilà en fubftance l'écrit raifonné de la Sour Angélique. On a déja rencontré dans la fuite de l'Hiftoire les mêmes vues éparfes : mais elles font ici ramaffées, & elles y forment comme un corps de réflexions, n'y a point de réplique.

à

quoi il

XII M.Chamil

On commença après Pâques à parler beaucoup à la Sœur Angélique de la nouvelle Bulle lard lui apvenue de Rome, & de l'excommunication ma- porte le noujeure qui s'enfuivroit du refus de l'acceptation veau Formu

ment deM de Pépéfixe.

laire d'Ale & de la fignature. Les Meres tâchoient de l'inxandre VII. timider par la vue de ce que l'excommunica& le Mande- tion a de terrible. On ne lui diffimuloit pas fi elle venoit à être excommuniée, la mai→ que fon ne pourroit plus la garder. Le Dimanche dans l'Octave de l'Afcenfion où on lit dans l'Evangile cette prédiction de Jefus-Chrift ils vous chafferont des Synagogues, elle fe mit dans l'efprit en entendant ces paroles, que c'étoit dans ce moment qu'on publioit la Bulle au prône des Paroifles. La chofe fe trouva vraie, & deux jours après M. Chamillard reparut fur la scène & vint apporter à la Scur la Bulle du Pape & le Mandement de l'Archevêque qui l'accompagnoit. Il lui en fit la lecture, & fe mit enfuite à la prêcher. Elle lui répondit que cette nouvelle piéce ne changeoit rien dans fes difpofitions, parce que M. TArchevêque dans fon Mandement demandoit toujours la créance intérieure avec la fignature, & que c'étoit ce qui l'avoit toujours arrê d'un autre côté la nouvelle Bulle la peinoit encore plus que les premiéres, parce que outre la condamnation du Livre & de la Doctrine de Janfénius, elle condamnoit encore plufieurs personnes vivantes qu'elle traitoit d'hérétiques, & qui certainement n'étoient rien moins; que d'ailleurs le ferment ajouté au Formulaire lui donnoit encore infiniment plus de répugnance pour la figna

tée :

ture.

que

M. Chamillard lui laissa le Mandement qu'elle ne fut pas fâchée de garder, pour y faire fes réflexions plus à loifir. Toutes les Religieufes Annonciades fignérent le nouveau Formulaire quoiqu'elles euffent déja figné l'ancien ; & la dévotion fut fi grande pour la

[ocr errors]

fignature, qu'on ne voulut pas priver de cet avantage les Novices & les Converses, & mê, me deux fervantes qui n'étoient que depuis fix femaines dans le Couvent. Comme le Mandement portoit un délai de trois mois pour la fignature, la Sœur les employa à faire tranquillement les exercices de piété ordinaires, paroiffant aux Meres plus décidée & plus ferme contre la fignature qu'auparavant ; ce qui les affligeoit fort. Je n'ai pas cru devoir faire de récit des fréquentes conférences de ces Meres avec la Sœur Angélique, parce que les argumens qu'elles employoient pour tâcher de la ramener, étoient, à fon avis, tout ce qu'on peut imaginer de plus pauvre; & qu'en effet ces bonnes Religieufes étoient d'une ignorance parfaite fur les notions les plus communes des matiéres difputées.

XIII.

On lui annonce fa for

Le z. Juillet, jour de la Vifitation, la Mere Rantzau vint voir la Sœur,& lui dit qu'elle venoit lui payer fa fête & la fienne; la fête de la tie prochaiVifitation étant en quelque façon la fête de ne. fainte Elizabeth dont la Mere portoit le nom, & la fête de S. Jean dont la Sœur tiroit auffi fon nom de Couvent. Ce bouquet étoit une bonne nouvelle qu'elle lui apportoit, fçavoir qu'un Abbé fortoit du parloir, qui étoit venu de la part de M. l'Archevêque pour lui demander fi elle feroit bien aife d'aller trouver la Mere Agnès à fainte Marie, ajoutant que peut-être delà on les meneroit à P. R. des Champs. La furprise fut grande de la part de la Sœur Angélique. Elle ne pouvoit comprendre d'où venoit un tel changement de conduite à son égard dans l'Archevêque. Comme elle ne fçavoit qu'en penfer, elle ne s'avança pas trop, & fe contenta de témoigner que cela lui feroit

XIV.

plaifir: mais qu'après tout elle ne demandoít rien à M. l'Archevêque, eftimant qu'elle ne devoit point prévenir Dieu, ni fes Supérieurs en ce qui regardoit fon fort.

Depuis ce moment-là les Meres qui voyoient Derniers qu'elles alloient être bientôt déchargées de la entretiens de Sœur, lui témoignerent plus librement l'afla Scur avec fection qu'elles avoient pour elle. La Supéles Meres An- rieure lui parla deux ou trois fois les larmes

nonciades.

aux yeux d'une maniére pleine de bonté, auffi bien que la Dame de Rantzau. Elle de fon côté tâcha de correfpondre à toutes ces marques d'amitié. La reconnoiffance y entroit pour beaucoup; car hors le point de la fignature, ces bonnes Meres l'avoient toujours traitée avec toute forte d'égards, jufques-là que la Supérieure lui a quelquefois apporté elle-mê me fon fouper, & l'auroit toujours fait, fi la Sœur n'avoit témoigné trop de répugnance pour le fouffrir. Dans les derniers tems c'étoit la Sous-prieure qui s'étoit chargée de lui apporter tout ce qu'il lui falloit, & de la conduire dans la maifon lorfqu'elle fortoit de fa chambre. De plus, on n'avoit point manqué de lui faire en maigre un ordinaire exprès les trois jours de la femaine que les Annonciades font gras, quoiqu'elle les eût priées de lui garder pour ces jours-là du maigre de la veille. Elles lui donnoient auffi part à toutes leurs petites fêtes du refectoire; elles lui envoyoient de leurs pâtifferies & de leurs confitures. Pour furcroît de politeffe, elles l'assurérent qu'elles avoient compté ne jamais rien recevoir pour la nourriture, & qu'elles avoient été fort furprises, lorfqu'au mois de Février on leur avoit apporté 200. liv. pour fa penfion de la part du Roi. Enfin vers la fin de la

« PrécédentContinuer »