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XVII.

Paroles re

ties très-fpirituelles de la Sœur Angélique de
S. Jean, qui n'ont pas trouvé lieu dans le corps
de la narration que je viens de faire
qu'elles l'auroienr trop allongée.

,

parce

Dès le commencement la Mere de Rantzau marquables lui dit d'un air gracieux & familier: Mais de lasœur An- »ma Meré, je vous prie, comptez-moi un gélique de S. peu toute votre hiftoire. La fœur qui s'étoit » fait la loi de parler peu, lui répondit du même

Jean.

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» air: Attendez s'il vous plaît, ma Mere, que » l'hiftoire foit achevée, car nous voici au plus » bel endroit ; quand on en aura vu la fin, it » fera tems de faire l'histoire.

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La Mere Supérieure lui parlant beaucoup de la paix & de la tranquillité d'ame qu'éprou voient les Sœurs qui avoient figné, & lui difant un peu en riant, qu'elle devroit une fois effayer de figner, pour voir comment elle s'en trouveroit: elle lui répondit » qu'il étoit dan "gereux de s'enfoncer un poignard dans le fein " pour voir fi cela faifoit mourir ; qu'elle laiffoit ces expériences à faire à d'autres.

que

Comme on lui parloit fouvent de l'excommunication dont la nouvelle Bulle menaçoit les réfractaires, & qu'on infiftoit fort fur ce c'étoit que d'être excommunié par le Pa pe, que c'étoit une chofe horrible: » Il Y a » une confolation, répondoit-elle, qui eft qu'il » arrive quelquefois que les fucceffeurs de S. Pierre imitent un peu fa promptitude à tirer l'épée, & qu'ils frappent trop tôt comme luiz fans attendre la permiffion de J. C. mais qu'alors J. C. guérit, comme en ce tems-là la plaie qu'ils ont faite.

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Sur les aveux qu'on lui faifoit que la fignature à la vérité n'étoit pas d'obligation en soi į -& que c'étoit le commandement que l'Arche

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vêque en faifoit, qui formoit pour les Reli gieufes une obligation de s'y rendre, fous peine d'être traitées comme défobéiffantes, & retranchées de la communion des fidéles : » C'est » à mon fens, difoit-elle, faire comine un Chirurgien qui m'auroit fait une forte ligature » au bras fans aucun befoin, & qui le voyant » à caufe de cela devenu fort noir & fort enflé, » me diroit qu'il faut me le couper, parce que » la gangrene va s'y mettre: Ne lui dirois-je » pas, M. le Chirurgien, coupez s'il vous plaît » la ligature, & ne me coupez pas le bras ; l'un eft plus raisonnable que l'autre.

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Nous ne quitterons pas encore la fœur Angélique. J'ai à placer ici, comme c'eft en effet fa place naturelle, un extrait de trèspieufes réflexions qu'elle fit alors fur fa captivité & fur celle de fes Sœurs. La beauté de fon génie s'y fera fentir de nouveau en mêmetems que la tendre piété de fon cœur; ce fera d'ailleurs un bel accompagnement aux récits qui vont fuivre.

Elle remarque d'abord que l'on avoit effayé de pénétrer & d'expofer au commencement du Livre des Conftitutions de P. R. quelques-unes des vues qu'on pouvoit préfumer que Dieu avoit eues dans l'Inftitut du S. Sacrement établi à P. R. mais qu'il s'en découvre d'autres non moins merveilleufes, maintenant que les Religieufes font devenues victimes & associées à J. C. Hoftie dans le S. Sacrement. Voici les rapports de reffemblance qu'elle trouve entre J. C. dans l'Euchariftie, & les Religieufes perfécutées, furtout celles qui font captives.

J. C. eft immolé par les Prêtres. Les Religieufes le font par le miniftére des Pasteurs, des Eccléfiaftiques, &c.

F

J. C. eft diftribué par les Prêtres à tous ceux qui fe préfentent. Les Religieufes font livrées des inconnus & des étrangers.

J. C. fous les espèces divifées demeure entier & non divifé. Les Religieufes féparées de corps demeurent fortement unies par la charité,

J. C. eft invifible & fans action apparente dans l'Euchariftie. Les Religieufes font séqueftrées & cachées comme mortes.

J. C. eft expofé dans le Sacrement aux outrages & aux indignités des profanateurs. Les Religieufes fans protection font réduites fous la puiffance de ceux qui les oppriment.

J. C. par l'anéantiffement de fa vie fous le voile du Sacrement, donne la vie aux ames. Les Religieufes en fouffrant & en mourant à ellesmêmes, font peut-être en cet état plus utiles aux ames dont elles étoient chargées, & qu'elles ne peuvent plus affifter.

J. C. eft offert dans le Sacrifice pour tous & au lieu de tous. Les Religieufes font des vitimes choifies pour fatisfaire feules la paffion de ceux qui voudroient perdre tous les difciples de S. Auguftin, enforte qu'elles peuvent pratiquer éminemmenr la charité dont le propre eft de donner fa vie pour fauver celle des

autres.

J. C. eft le même en plufieurs lieux. Les Religieufes doivent édifier dans les différens lieux où elles font, par une conduite semblable & par l'uniformité de leurs bonnes œuvres, quoiqu'elles foient loin les unes des autres.

J. C. eft un facrifice d'actions de graces, Les Religieufes ont le bonheur de fouffrir pour l'honneur de la Grace de J. C. & doivent rendre à Dieu de grandes actions de graces pour un tel bienfait.

J. C. eft dans l'Euchariftie le lien de la charité & le Sacrement d'unité. Les Religieufes fouffrent pour ne point vouloir blesser la charité en condamnant le prochain.

J. C. eft contenu fous deux efpéces différentes, afin que fa mort foit repréfentée par leur féparation mystique. Les Religieufes par leur féparation forment une Communauté & un corps qui paroît comme mort.

La blancheur d'une efpéce & la couleur rouge de l'autre apprennent aux Religieufes à pratiquer également la fincérité dans leur conduite & la patience dans les fouffrances.

J. C. dans l'Euchariftie eft un mystére de for où l'on adore la puiffance de Dieu & fes merveilles fans les comprendre. Les Religieufes en s'élevant par la foi au-deffus des fens feront frappées d'admiration pour la grandeur des graces que Dieu leur fait dans leur état pré

fent.

J. C. eft élevé & fufpendu fur l'Autel pour l'adoration. Les Religieufes font données en fpectacle à toute l'Eglife, aux Anges & aux hommes, pour l'applaudiffememt des uns & l'édification des autres.

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J. C. eft fous un pavillon, comme un voyageur fous une tente. Les Religieufes font fans maison, fans cité fixe & permanente, errantes dans un pays étranger.

J. C. eft fufpendu fans appui que du côté du Ciel. Les Religieufes ne doivent attendre que du Ciel le fecours & la confolation.

J. C. eft dans l'Euchariftie femence de l'immortalité. Les Religieufes font comme des grains femés dans plufieurs terres, pour multiplier les fruits de leur juftice; ce qui eft peutêtre préférable à la multiplication de leur nombre.

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J.C. eft préfent parmi nous jufqu'à la fin des fiécles, humilié dans le Sacrement jufqu'au jour de fa gloire. Les Religieufes y trouvent une leçon de perfévérance dans leur foumiffion aux épreuves & aux humiliations, quand même elles ne devroient point en fortir que par leur évocation à la gloire du Ciel.

Avant que de paffer à une autre Captivité, une Religieufe de l'Ordre des Annonciades, chez qui étoit la fœur Angélique de S. Jean, a droit d'attendre ici la juftice qui lui eft due, pour s'être déclarée généreufement pour la Soeur de S. Jean & contre la fignature. C'est la Mere Gadagne Supérieure des Annonciades de Lyon. Cette vertueufe Religieufe ayant fçu que la four Angélique étoit exilée chez fes Sœurs de Paris, follicita auprès de celles-ci, & employa tous les moyens qu'elle imagina pour obtenir différens adouciflemens dans la captivité de la Religieufe de P. R. Il est vrai que ce fut fans fuccès, mais on doit toujours fui en fçavoir gré & elle mérite bien qu'on rapporte à fon honneur la conduite ferme qu'elle a tenue dans fon Couvent de Lyon au fujet de la fignature du Formulaire. Elle n'étoit que fimple Religieufe,lorfqu'on demanda dans les Provinces la fignature du premier For mulaire. La Supérieure de fa maifon engagea toute fa Communauté à figner: mais elle ne put rien gagner fur la Mere Gadagne. Si une premiére chute ordinairement en attire une feconde, on peut dire de même qu'une premié re réfiftance ferme & courageufe mérite la graçe d'une feconde encore plus forte. C'eft ce qu'on vit dans la M. Annonciade. Car étant deve nue elle-même Supérieure de fa maison, elle tint ferme contre tous les Grands-Vicaires ?

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