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accablant de l'Epifcopat, fous lequel il mè paroît fuccomber, une charge nouvelle. » Lorfqu'on lui annonçoit l'affoibliffement de quelques-uns des Meffieurs en qui la Maison avoit eu grande confiance, elle dit dans fa Rélation qu'elle prioit Dieu de les retirer tous à lui avant qu'ils euffent trahi leur confcien ce; & qu'elle éprouvoit alors ce que S. Auguftin appelle le fupplice & le martyre de l'amitié, de défirer la mort des amis.

noir. »

Elle s'égayoit quelquefois fur la matiére, & repliquoit joliment aux propos qu'on lui teSignons, ma Sœur, fignons, lui disoit → une des Meres du Couvent. Je vous dirai » tout franchement qu'en commencant ce ma» tin mon oraifon, & penfant à vous, car

je vous porte partout, notre bon Jesus m'a » dit d'une voix intellectuelle: Vas trouver » cette ame que tu aimes fi tendrement : dis» lui qu'elle m'ouvre fon cœur par l'obéiffan »ce à fes Supérieurs; car je veux demeurer en

elle, & elle fera mon épouse. » La Sœur lui répliqua gaiment: » Vous avez trop de bonté, » ma Mere: mais fans mentir, je ne crois pas

que ce foit pour moi que le bon Jefus vous »ait parlé : car fi c'étoit pour moi, sans doute » il m'auroit ordonné de vous écouter : & au » contraire, il me dit tous les jours de n'écoutér » perfonne fur ce point.

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Quand la Mere lui difoit que fes Religieufes faifoient des priéres & de rudes pénitences pour obtenir fa converfion, elle répondoit avec cordialité : » Je vous en remercie de tout » mon cœur, ma chere Mere, & j'en fuis » tout-à-fait obligée à vos bonnes Filles: » J'ai bien fenti que quelqu'un s'étoit fouve» nu de moi devant Dieu; car en vérité je

same lens toute fortifiée & plus courageufe que jamais.

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Je ne puis mieux terminer cet article, qu'en XXVIII. remarquant que la conduite de la Soeur Eufto- Combien la quie dans le Couvent des Urfulines fut telle', Sœur Euftoque beaucoup de ces Religieufes, malgré les mée des Urfuquie étoit aiaveugles préventions dont elles font remplies, lines. avoient conçu une eftime & une amitié réelle pour elle fur la fin. N'ofant pas lui parler à caufe des défenfes, elles lui faifoient de profondes révérences lorfqu'elles la voyoient ; l'une lui jettoit un bouquet; l'autre venoit parer de fleurs la porte de fa chambre ; une autre l'appelloit en la présence de Dieu; fans parler de fa gardienne, la Mere Scholaftique, qui ne fçavoit comment lui témoigner combien elle l'aimoit. Une autre difoit qu'elle ne vouloit point juger de la Sœur Euftoquie'; que tout ce qu'elle voyoit l'édifioit trop pour croire qu'elle fût dans l'erreur; qu'elle ne pouvoit s'imaginer d'autre part, que ceux qui font ou qui exigent la fignature fuffent trompés, & qu'ainfi tout ce qu'elle pouvoit faire, c'étoit de fufpendre fon jugement

Captivité de la Saur Chriftine Briquet aux Filles Sainte Marie de la rue Saint Antoine.

XXIX.

Sortie de la

Soeur Chrifti-
ne Briquet de

La Sour Magdeleine de Sainte Chriftine Briquet étoit une jeune Religieufe âgée de 23. ans, qui avoit été formée par la Sœur Angélique de S. Jean, à laquelle elle s'étoit fingu- p. R. M. de liérement attachée. C'étoit elle, avec la Sour Péréfixe & la Euftoquie de Brégy, qui avoit fait face aux Mere Eugénie affaires depuis l'enlèvement des Meres au mois ne peuvent red'Août 1664. Nous avons vu dans l'Hiftoire larmes.

tenir leurs

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de cette année-là, avec quelle fupériorité de génie & quelle fermeté ces deux jeunes Religieufes avoient foutenu la controverse vis-àvis de M. l'Archevêque & des Docteurs ; avec quelle préfence d'efprit elles avoient dirigé les opérations qui fe préfentoient à faire de tems en tems; enfin, avec quel fuccès elles avoient relevé le courage de toutes les Sœurs de la Maifon. La Sour Chriftine étoit d'une famille diftinguée alors dans la robe. Deux de fes oncles étoient, l'un Avocat Général, l'autre Maître des Requêtes.

L'Archevêque ne pouvant pas la fubjuguer, fit enfin à fon égard ce qu'il avoit fait à l'égard des premières. Le 19. Décembre 1664. il fa fit enlever & conduire aux Filles Sainte Marie de la rue S. Antoine. Dans la converfation qu'il eut avec elle avant fon départ, & qui dura une heure & demie, il arriva une chofe affez finguliére. La Sœur, fur la fin, fut prife malgré elle, d'un faififfement qui lui fit manquer la parole. L'Archevêque en fut touché, & ayant voulu lui dire quelque mot de bonté, il ne put pas parler non plus & fe mit à pleurer. La Mere Eugénie préfente avec la fameufe Sour Flavie, en firent autant. Après quelque tems de filence, l'Archevêque dit en pleurant encore: » Penfez-vous, ma bonne Sœur, qu'on n'ait point de peine à faire ce qu'on fait ? Si vous avez de la peine, Monfeigneur, lui répliqua-t'elle, il eft »›ne votre pouvoir de vous en délivrer & nous

auffi.» Elle alla enfuite à fa cellule prendre quelques nipes, & revint embraffer toutes les Sœurs qui l'attendoient au paffage. Puis elle monta dans le caroffe avec un Aumônier de l'Archevêque, & elle fut conduite au Convent

de

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de Sainte Marie de la rue S. Antoine.

Lorfque la porte du Monaftére fut ouverte,

ne eft traitée

elle fe mit à genoux devant la Supérieure, Comment la
& lui promit de lui rendre une entiére obéif- Sœur Chrifti-
fance en tout ce qui ne feroit pas contraire à dans fa pri-
ce qu'elle devoit à Dieu & à fa Communauté. fon.
La Supérieure reçut le compliment affez froi-
dement, & la mena à l'Eglife pour prier Dieu.
Une Mere de Pontchartrain vint enfuite la
prendre pour la mener à la chambre qu'on lui
avoit deftinée, & vifita quelques Livres qu'elle
avoit apportés, l'Imitation de Jefus-Chrift, les
Confeffions de S. Auguftin, la Vie de la Vierge
& le Cœur nouveau. La Mere fit quelque diffi-
culté de les lui laiffer, alléguant la défenfe
que leur Supérieur avoit faite de lui permettre
aucun Livre, ou compofé ou traduit par les
Janféniftes. La Sœur lui répliqua que M. l'Ar-
chevêque en permettoit l'ufage aux Religieu-
fes de P. R. & la Mere fe rendit : elle fe con-
tenta de joindre à ceux-là les Livres du Pere
S. Jure & du Pere Hayneuve, qu'elle lui ap-
porta. La Supérieure vint la voir l'après midi,
& fe montra, comme elle a continué de faire,
également dure & prévenante : dure fur le point
de la fignature & fur le refus qu'en faifoit la
Sour; prévenante & officieuse fur tout le refte.
Après quelques paroles de reproches un peu
amers fur fa prétendue défobéiffance & fa vi-
vacité, elle lui offrit de venit la voir pour la
divertir, toutes les fois qu'elle auroit de mau-
vais quarts d'heure.

Trois jours après, Madame Bignon vint voir
la Sour Chriftine, & demanda pour elle à la
Supérieure quelques graces que la Sœur n'avoit
ofé lui demander: entre autres d'avoir tous les
jours une demi-heure pour prier devant le S,
Tome II.

G

XXXI.

Sacrement l'après dinée, & d'entendre les Sermons qui fe feroient, auffi bien que les Vêpres & les Complies les mêmes jours. La Supérieure accorda ce qu'on lui demandoit, fi ce n'eft qu'elle plaça au matin après la Meffe la demi-heure d'adoration du S. Sacrement, parce qu'il y avoit trop loin, difoit-on, de fa chambre à l'Eglife, & qu'elle rencontreroit en y allant l'après midi, des Religieufes de la Maifon, ce qu'il falloit éviter. En effet, toutes les fois que les Religieufes l'appercevoient, elles s'en alloient promptement, ou lui tournoient le dos quand elle palloit. On lui avoit donné une jeune Religieufe pour compagne la nuit, qui couchoit dans la même chambre. C'étoit une fille douce & polie, qui cherchoit de bon cœur à amufer la Sœur, fi elle avoit été de ce goût-là, & qui lui apprenoit toutes les nouvelles qu'elle pouvoit fçavoir de la Mere Agnès & des Religieufes de P. R. Les Meres qui la vifitoient, étoient la Supérieure, la Mere de Pontchartrain, & au défaut de celleci qui devint Supérieure d'une autre Maison, une Mere nommée Chevalier.

Les vifites étoient fréquentes, & par conféControverfe quent la controverfe fur la fignature prefque de la Sœur continuelle. La Sœur y fourniffoit peu, parce avec les Me- qu'elle étoit dans le principe de la défunte

Christine

res.

Mere Angélique pour les cas pareils', qui étoit de garder exactement le filence & de parler très-peu. Elle s'étoit même recommandée, avant que d'entrer dans le Couvent de Sainte Marie, aux priéres de cette refpectable défunte, pout obtenir par fon moyen cet efprit de filence. Si la difpute étoit incommode pour la durée, elle l'étoit peu pour les argumens. Tantôt c'étoit des traits de l'antiquité tout

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