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biftournés; que S. Cyprien avoit voulu fe foulever contre le Pape, mais que Dieu l'avoit préfervé de ce naufrage, en envoyant promptement une perfécution à l'Eglife, qui lui fit abandonner la pourfuite de fon deffein, & envoyer au Pape des preuves de fon repentir & de fa foumiffion : tantôt c'étoit de faire la lecture d'un chapitre du livre de l'Amour de Dieu de S. François de Sales, & d'y trouver clairement la néceffité de figner le Formulaire ; tout ce que l'Auteur difoit de la Foi, de la Predeftination & de la Providence, étoient autant de démonftrations, pour pouver qu'il ne falloit point vouloir entrer dans les pensées du Pape, ni revoquer en doute que tout ce qu'il avoit dit & jugé ne fût très-équitable & très-véritable. D'autrefois on prétendoit accréditer la caufe du Formulaire par le mérite de fes promoteurs les Jéfuites: on en faifoit de grands éloges; on rapportoit des traits finguliers du grand efprit & du grand zéle de ces Peres; d'un entre autres qui avoit réuffi par un petit ftratagême à déterminer un homme d'une vie pleine de crimes à fe confeffer à la mort, ce que perfonne n'avoit pu lui perfuader. Ce fut de propofer à ce mourant un échange à faire de tous les péchés contre les mérites du Jéfuite: avec cette condition que comme le Jéfuite demeureroit chargé de tous fes péchés, il étoit néceffaire que le pécheur les lui dît, afin qu'il pût en faire pénitence. Le marché conclu, le Jéfuite entendit tous les péchés qu'on lui déclara & donna l'abfolution. D'autres fois c'étoient des lamentations, des défolations fans mesure fur l'état de la Sœur qui refufoit de figner pour des raifons de confcience: que cela étoit horrible, que cela faifoit dreffer les

cheveux à la tête ; qu'on s'étonnoit que la terre ne s'ouvrît pas tout à coup fous les pieds pour engloutir la pauvre Sour; qu'il falloit qu'elle fût enforcelée, & qu'il étoit impoffible qu'elle pût fans une caufe furnaturelle perfévérer dans un état où elle n'étoit ni consolée, ni soutenue de qui que ce foit, furtout étant fi jeune. On joignoit à tout cela des difcours pleins de mépris pour P. R. & pour la conduite des Meres qu'il n'y avoit point dans cette maifon d'efprit intérieur; que la trop grande pratique du filence en étoit la caufe, parce que ce long filence empêchoit qu'on ne pût faire l'oraifon, l'efprit étant trop las de n'avoir point de relâche.

Je ne parle point des lieux communs de l'obéiffance, qui étoient fouvent rebattus. On prétendoit que la défobéissance présente renfermoit quatre grands péchés: Le premier, celui de la défobéiffance: Le fecond, le violement du vœu de ftabilité, la Religieufe préférant fes fantaisies à ce qu'elle pouvoit faire aisément pour demeurer dans fon Monaftére : Le troifiéme, celui de l'orgueil, en ne voulant point d'autre direction quelle de fon propre efprit, & fe mettant au-deffus du jugement de fes Supérieurs Le quatrième, d'avoir paffé la fête de Pâques fans communier. Ce font-là les batteries qu'on dreffoit contre la Sœur dans les fréquens entretiens qu'on avoit avec elle pendant les fix mois de fa captivité. La Sœur étoit fi frappée du petit & du parfait ridicule qui fe trouvoit dans ces propos, qu'il lui vint à ce fujet une réflexion tout-à-fait jolie qu'elle a rapportée dans fa Rélation, » Que

l'affaire de la fignature, à dire le vrai, » étoit un sujet qui faifoit prefque extrava

guer les fages qui la veulent perfuader, & » qui faifoit au contraire, ce fenible, parler » raisonnablement les plus fimples & les plus ignorantes à qui Dieu infpiroit de la re» fufer. »

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XXXII.

refufe de con

Prenons maintenant le fil des petits événemens qui font arrivés à la Sœur dans le cours Raifons pour de fa détention. Dès les premiers jours la Mere lefquelles elle la preffa de voir quelque perfonne habile qui féier avec des feroit neutre & défintéreffée ; que fi elle n'étoit Théologiers. pas contente des Sçavans & des Docteurs de Paris, elle s'offroit ( elle Supérieure) de lui en faire venir de cent lieues à ses frais & dépens. Elle lui donna deux jours pour prendre fa détermination. Lorfqu'elle revint au terme fçavoir la réponse, la Sœur lui répondit qu'elle ne pouvoit point accepter l'offre pour trois raifons: 1o. Parce qu'elle étoit bien asfurée que M. l'Archevêque ne permettroit à qui que ce foit de la voir, que fous la condition de la porter à la fignature; auquel cas la perfonne ne feroit plus cenfée neutre. 2°. Que pour le déterminer avec connoiffance de caufe, il faudroit entendre les deux parties; chofe qu'on ne lui accorderoit pas, & qu'ellemême ne fouhaitoit pas, vu qu'il n'étoit pas de fa compétence de juger fur des matiéres de doctrine. 3°. Qu'elle n'avoit aucun befoin de confulter pour fçavoir fi en fignant le Fait · fans croire elle feroit un péché ; que c'étoit une chofe toute décidée par la Loi de Dieu qui condamne le menfonge, & par l'autorité de M. l'Archevêque qui défendoit de figner fans avoir la créance intérieure. Les filles Sainte Marie communément ne répliquoient pas fur le champ à la Sœur, quand il arrivoit qu'elle alléguât ainfi fes raifons: elles lui difoieut

XXXIII.

La Sœur

qu'elles y répondroient le lendemain, parce que fans doute elles alloient au conseil pour former leurs répliques.

Quelque tems avant le Carême, la Sœur apprit que de trois filles de M. d'Ormesson, qui Chriftine paf- étoient Religieufes aux Annonciades, une étoit captivité fans morte, & les deux autres infirmes, à cause aucune peine que l'air de ce lieu étoit très-mal-fain. L'ind'efprit.

fe toute fa

XXXIV.

ques fans

communion.

quiétude la prit fur le champ pour la fanté de la Sœur Angélique de S. Jean qui y étoit prifonniére. Dans le même tems on lui dit que la Mere Agnès étoit fort mal, qu'elle n'avoit plus qu'un filet de vie. Cette feconde nouvelle augmenta confidérablement fes angoifles. Elle eut recours à Dieu, fe reprocha ce qu'il y avoit peut-être de trop dans fon attachement à ces deux Meres, reconnut que l'excès de fes allarmes renfermoit un peu de défiance de la Providence & de foumiffion à fes ordres. Elle entra enfin dans un efprit de facrifice & d'abandon total d'elle-même & de fes amis, au bon plaifir du Seigneur, & elle recouvra une paix entiére pour tout le tems qu'elle demeura dans la captivité.

Le Carême étant venu, elle demanda aux Elle paffe le Meres la permiffion de le paffer en retraite, Carême en re- felon la coutume de P. R. On le lui accorda, traite, & l'â & on ne venoit plus la voir qu'à l'heure de la lecture. Vers la mi-Carême, la Supérieure vint lui faire les complimens de M. de Sévigné, un des amis de P. R. & lui dit qu'il avoit envoyé pour elle le Livre de la Religieufe parfaite & imparfaite, mais qu'elle ne le lui donneroit pas, parce que cela lui étoit défendu. La Sœur demanda permiffion du moins d'écrire à M. de Sévigné une lettre de remerciment pour fon bon fouvenir & pour fon

gracieux préfent. La Supérieure lui dit qu'elle enverroit fa Lettre à la Mere Eugénie à P. R. laquelle la montreroit à M. l'Archevêque. La bonne Mere fut trompée dans fon idée. L'Archevêque, à qui on montra la Lettre, répondit qu'il eftimoit le Livre, & que c'étoit lui-même qui avoit permis qu'on le donnât à la Sœur.

A la fin du Carême l'attaque fut vive au fujet de la Communion de Pâques. La Sœur répondit qu'il ne falloit pas fe mettre en grands frais pour l'y exhorter; qu'elle ne déftroit rien avec plus d'ardeur, & qu'elle écriroit à M. l'Archevêque pour la lui demander. Elle le fit, & fur les follicitations de la Mere, elle témoigna dans fa Lettre qu'elle ne refufoit pas de voir un de MM. les Grands-Vicaires. L'Archevêque lui envoya M. de la Brunetiere, qui rouva la Sœur dans les mêmes difpofitions fur le Formulaire qu'auparavant, comme elle le trouva lui-même armé toujours des mêmes armes pour la fignature, & des mêmes projets d'accommodement, de figner fans croire par foi-même, mais en déférant au jugement. du Pape, &c.

La fête de Pâques fe pafla donc fans permiffion d'approcher de la fainte Table. Sur la fin de la femaine la Sœur reçut la vifite de la Mere de Maupeou, une des Filles Sainte Marie qui avoient été amenées à P. R. avec la M. Eugénie, & qui, comme je l'ai dit en fon lieu, avoit demandé fon renvoi à Sainte Marie, ennuyée de voir ce qui lui déplaifoit dans les procédés de fes compagnes. Elle témoigna beaucoup d'amitié à la Sour Chriftine, & la confola fort par l'aveu qu'elle lui fit, qu'elle étoit extrêmement fcandalisée de la conduite

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