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pour recevoir & fai

billets.

des Filles de P. R. qui avoient figné, & très-
édifiée de celles qui ne l'avoient pas fait. Dans
ce tems-là-même, la Sœur avoit auffi reçu
beaucoup de confolation d'un billet que lui
avoit écrit une Sœur de P. R. où on lui mar-
quoit que toutes les Sœurs demeuroient fer-
mes, & que la circonftance de la fête de Pâ-
ques n'avoit occafionné en elles aucun affoi-
blissement.

Il eft à obferver qu'elle recevoit affez fouArtifice de vent des billets fecrets de fes Sœurs, & qu'elle la Soeur Chri- leur en écrivoit de même. La voie qu'on employoit pour cela étoit un petit artifice très-inre pafler des nocent. On fe demandoit réciproquement des papiers indifférens, comme des cayers manufcrits des Conftitutions de P. R. & chofes femblables, & on y écrivoit en entre-ligne ce qu'on avoit à dire avec une espéce d'encre blanche qui ne paroiffoit point du tout, & qu'on faifoit reparoître par un petit fecret, quand on vouloit lire l'écriture. La rufe fut découverte après quelque tems. Six de ces billets blancs furent interceptés ; & ce qui fit plus de peine à la Sœur, c'eft que dans quelques-uns de ces billets elle s'étoit exprimée d'une maniére libre & naïve fur le compte de la Supérieure de Sainte Marie. Elle crut devoir prier cette Mere de venir à fa chambre pour recevoir les excufes à ce fujet. La chose se passa fort bien; les excufes furent faites avec beaucoup d'humilité, & reçues avec bien de la bonté.

Voici quelques extraits d'une de ces Lettres que la petite Sœur écrivoit fecrettement à fes Sœurs de P. R. Son caractére & fon cœur y font admirablement peints. Cette Lettre eft du premier Juin 1665. » Vous avez trop de bonté,

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» ma chere Sœur, de vous mettre en peine de » ce qui me regarde ; je vous supplie de vous

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en tenir fort en repos. Je n'ai quafi rien à » fouffrir. L'on ne me tourmente pas tant que » vous le pensez, & du refte je ne fuis que trop » bien traitée..... J'ai l'efprit aufli en paix, & » même auffi fatisfait dans l'extrémité de mon » affliction, que fi j'étois dans les occupations les plus agréables. Ne fçavez-vous pas bien qu'il n'y a pour nous de fatisfaction fur la » terre que celle d'être privée de toute confolation pour la vérité? Je n'en défire plus » d'autre que celle-là. Si j'étois capable d'en avoir quelqu'une, ce feroit de m'imaginer qu'il fe pourroit faire que j'euffe un jour la joie de revoir la Mere Agnès ma Sœur Angélique, ceux qu'on ne nomme point, & » vous, ma chere Sœur. Mais c'est une pen» fée que je ne veux pas feulement admettre » dans mon efprit. Et il me fuffit que je me puiffe confoler comme je fais par l'efpérance que la vérité qui nous a captivées fi heureusement par fon amour, nous déli» vrera au dernier jour de toutes nos angoif«fes & tribulations, pour nous réunir éternellement dans la poffeffion d'un bonheur » que nous ne fçaurions acheter par de trop grandes peines. Je vous affure le tems » ne m'a point encore paru long depuis que je » fuis ici... La folitude vaut mieux qu'on ne » pense. Il n'en faut pas compter les heures, » car nous ne pouvons pas douter que Dieu » n'en ait compté tous les momens. Il eft vrai » que ce feroit un grand bien d'aller plus fouvent à l'Eglife que je n'y vais..... Je porte » cette privation comme un effet de la Juftice divine, qui punit l'abus que j'ai fait de

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cette grace. Il est bien raisonnable que puif» que nous faifons ici notre purgatoire, les peines que nous fouffrons aient quelque rap» port à nos péchés..... Que cela ne vous faffe pas peur, ma chere Soeur; ce n'eft encore que » l'apprentiffage d'une plus grande peine qu'il sy a fujet de croire que Dieu permettra qu'il » nous arrive. Mais il faut efpérer en même » tems que fa grace remplira ce vuide, & qu'il fçaura bien trouver les moyens de fe communiquer à nous & de nous confoler dans » nos plus grandes peines. Il me femble que » nous devrons dire alors, & dès à présent mê» me, ces paroles de S. Paul, que quelque gran၁ de que foit notre oppreflion, nous vivons & » nous refpirons encore, fi nos Sœurs font fermes au Seigneur & en fa vérité..... J'appré hende que le refus de ma Sœur Candide, ne foit caufe de la faire enlever bien-tôt. » Les menaces qu'on lui a faites m'affligent. Plût à Dieu que je fuffe digne d'endurer à » fa place tous les coups qu'on voudra déchar→ 35 ger fur elle. Il me femble qu'étant jeune & » faine comme je fuis, je les porterois de bon » cœur & avec joie, auffi bien que tous les maux qu'on machine contre vous toutes..... Dieu s'eft bien contenté d'un Belier à la place d'Ifaac; & peut-être fe contenteroit-il » de faire feulement tomber fes fléaux fur une

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auíli chetive créature que je fuis, &c. » 11 faut dire à la louange de cette jeune Religieufe, qu'elle a eu elle feule de toute la Maison l'avantage privilégié de n'être jamais dans fa captivité, ni affoiblie par la rigueur de fon état, ni ébranlée par aucun raifonnement fpécieux, ni même inquiétée par aucun obfcurciflement ni aucune peine d'efprit, pendant

que toutes les autres, fans en excepter la Sœur Angélique, ni même la Mere Agnès, ont paffé par certains états de perplexité & de trouble très-facheux.

Comme la nouvelle Bulle étoit arrivée de Rome, ce fut une occafion de nouvelles attaques pour la Sœur. M. l'Avocat Général fon oncle vint la voir, & l'exhorta à fe foumettre à la Bulle, lui alléguant l'exemple de M. l'Evêque d'Alet, qui avoit écrit au Curé de S. Nicolas, qu'il étoit prêt à recevoir le nouveau Formulaire, & à le faire figner dans fon Diocèfe. Après l'Avocat Général vint M. Chamillard, qui apporta la Bulle & le Mandement, & les lut à la Sœur. Avant la lecture il y eut du perfonnel. La Mere dénonça la Sœur à M. Chamillard, comme une Religieufe toute volontaire, qui paffoit fon tems à faire des écritures peu religieufes, & à chercher le moyen de les envoyer par toute forte de déguifemens. La Soeur écoutoit tout en filence & de fens raffis. Sur quoi la Mere & M. de Chamillard l'entreprirent fortement, difant qu'elle avoit perdu toute honte naturelle, puifqu'elle ne rougiffoit pas d'une chofe qui fuffifoit dans le monde pour perdre d'honneur une fille. La Sœur lui répartit que ce n'étoit pas d'écrire des billets fecrets qui faifoit perdre l'honneur à une fille, mais qu'il falloit voir quel en étoit le fujet; & que la réputation d'une fille n'étoit pas bleffée, lorfqu'étant dans une prifon elle tâchoit par d'innocentes fineffes de fçavoir des nouvelles de fa mere & de fes fœurs, & de leur faire fçavoir des fiennes. Enfuite la converfation roula fur la Bulle, & il fut dit de part & d'autre tout ce qui s'étoit déja dit deux cent fois. Depuis ce tems-là la

XXXVI.

Mere Supérieure, par un fecret dépit, ceffa de rendre visite à la Sœur, & lui fit par-là même un grand plaifir.

Au bout de fix femaines, la Mere de MauLa Sour peou vint voir la Sœur & lui apprit que M. Chriftine eft l'Archevêque avoit accordé à la Mere Agnès tirée de fa d'être transférée à P. R. des Champs, & qu'il prison & en- ne tiendroit qu'à elle d'obtenir la même grades Champs. ce, fi elle vouloit la demander à M. l'Arche

voyée à P. R.

vêque. La Sœur témoigna beaucoup de joie de cette nouvelle, en ce qui regardoit la Mere Agnès, mais elle parut fort embaraflée en ce qui la concernoit. Elle dit à la Mere que ce qui l'inquiétoit, c'étoit de fçavoir s'il lui étoit permis de fe déplacer elle-même par fon choix, au lieu d'attendre que Dieu lui-même la changeât de fa place, s'il le jugeoit à propos, & elle demanda huit jours pour fe confulter. Quatre jours après, une Dame vint voir la Soeur, & lui apporta un billet de la Mere Agnès qui décidoit l'affaire. Ainfi elle promit d'écrire à M. l'Archevêque pour lui demander la réunion avec fes meres & fes fœurs. Elle le fit, & remit fa lettre à la M. de Maupeou. Le même jour à dix heures du foir on vint chercher la Sœur. On la conduifit à la chambre de la Mere Supérieure, qui lui montra l'ordre de M. l'Archevêque pour fa fortie, & l'ayant embraffée tendrement, la fit conduire à la porte du Couvent. Là elle trouva un ca-, roffe qui l'attendoit, dans lequel étoit une Religieufe qu'elle reconnut être ce qu'elle fouhaitoit au monde plus ardemment. C'étoit la Soeur Angélique de S. Jean. On les conduifit à Sainte Marie du Fauxbourg, où elles pafférent la nuit, comme je l'ai déja dit.

Voilà en abrégé ce que porte la Rélation

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