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qu'on apportât une chaife pour la Mere Agnès qui ne pouvoit pas refter debout. Il le refufa durement & perfévéramment malgré les fupplications réitérées. La Mere & la Sœur montérent en caroffe, conduites par M. d'Andilli, comme il a été dit.

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Etant arrivées à Ste Marie, elles fe mirent toutes deux à genoux devant la Supérieure qui leur fit civilité. Elles allérent adorer le S. Sacrement, & de-là on les conduifit à leur chambre. C'étoit une chambre fort petite qui n'avoit point d'air, point de vue & fort peu de jour. Il y avoit dans le voifinage un Jubé de l'Eglife pour entendre la Meffe. Elles demandérent permiffion de fe promener une fois par jour dans le Cloître à une heure où la Communauté feroit occupée à quelque exercice afin de ne pas rencontrer de Religieufes. La Supérieure l'accorda: mais au bout de quelques jours l'Archevêque l'ayant fçu, donna des ordres contraires. Elles étoient vifitées par la Supérieure & deux autres Religieufes feulement durant toute leur captivité. Pour M. l'Archevêque, il venoit fouvent à Ste Marie, & voyoit la fœur Thérèse: mais il ne vit la Mere Agnès que trois fois dans les dix mois de fa détention. La Mere n'avoit permiffion d'écrire qu'à la Reine de Pologne & à M. d'Angers: : mais les filles Ste Marie voyoient les lettres qu'elle écrivoit, & ouvroient celles qui lui venoient du dehors. Elles n'eurent point de mécontentement de celles qui furent écrites à M. d'Angers, parce que la Mere y parloit avantageufement d'elles, à caufe des bons traitemens qu'on lui faifoit. De plus il étoit fouvent fait mention du B. François de Sales d'une lettre de lui que la Mere Agnès portoit tou

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XLV.

jours fur elle, où il parle de tous les enfans de M. Arnauld, d'une neuvaine qu'une fille Ste Marie a promis à laMere de faire faire pour elle à Anneci, d'un préfent que la Supérieure de la Vifitation d'Angers lui a fait de quelques Reliques du Bienheureux. Voilà quelle fut la fituation de la Mere Agnès dans le Couvent de Ste Marie. Entrons maintenant dans le détail des événemens.

Dans les premiers jours la Mere Agnès éprou Peines d'ef. Va une défolation profonde, une efpèce de déprit que la laiffement qui fans lui ôter abfolument la paix, Mere Agnès la mettoit hors d'état de fe confoler elle-mêéprouve.

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me, foit par la prière, foit par le fouvenir des vérités capables de foutenir une ame. Quand elle fe fentoit plus accablée de ces angoiffes intérieures elle avoit recours au figne de la, Croix, & à cette parole célébre venue du Ciel, In hoc figno vinces: vous vaincrez par ce figne; ce qui la foulageoit. Elle préféroit ces foulagemens fpirituels à tous ceux qu'elle pouvoit trouver du côté des fens. Elle fait la remarque dans fa Rélation, que quand il lui arrivoit de recevoir quelque confolation felon les sens, quand ce n'auroit été que de fe promener au jardin, elle en étoit après cela plus trifte: ce qui lui faifoit dire qu'on ne porte bien l'affliction que par l'affliction même. Les difcours qu'on lui tenoit ne contribuoient pas à alléger le poids de l'amertume qui la chargeoit. Car elle n'entendoit que des éloges de l'Archevêque & de la conduite infiniment fage qu'il tenoit, des nouvelles affligeantes de ce qui fe paffoit dans fa maiton, de la chute par exemple de fes filles, tantôt de celle-ci, tantôt de celle-là; des menaces de traitemens fâcheux pour l'avenir, des projets de fignature tournés artificieusement

artificieufement qu'on venoit lui propofer.

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Après la N. D. de Septembre la tante & la niéce témoignérent qu'elles voudroient bien voir M. Chéron pour lui parler de leur confcience. Il vint dès le lendemain, & leur dit qu'il avoit ordre de M. l'Archevêque de confeffer toutes celles qui voudroient s'adresser à lui, avec pouvoir de les abfoudre, pourvu qu'elles promiffent d'être dans l'indifference. A ce mot la Mere Agnès fe récria. Il fe mit en devoir de lui expliquer le bon fens que ce mot pouvoit avoir. Mais on finit fans rien conclure, avec promeffe de la part du Confeffeur de reve nir l'après-midi. Mais la Supérieure vint leur dire l'après-diné que M. Chéron ne reviendroit plus, que M. l'Archevêque ne le vouloit point, & qu'il leur offroit M. Grandin, M. Chamillard le Profeffeur de Sorbonne, M. Lefcot. » Autant vaudroit, dit la Mere Agnès, nous offrir le Pere Annat. » La Mere écrivit à M. l'Archevêque qui vint dès le lendemain lui faire des reproches fur ce qu'elle lui demandoit des perfonnes fufpectes ; qu'après tout il vouloit bien lui donner quelqu'un qui lui convint. Il lui nomma l'Abbé Boffuet, homme fçavant, très-doux, & qui n'eft d'aucun parti. L'après-midi la Supérieure vint faire fes plaintes à la Mere des bruits qui couroient à Angers que les filles Ste Marie de Paris traitoient inhumainement les Religieufes de P. R. qu'elles avoient chez elles. C'eft ce que portoit une lettre de la Supérieure de la Vifitation d'Angers écrite à celle de Paris, & que celle-ci donna à lire à la Mere Agnès. La leAure de la lettre lui fit beaucoup de plaifir parce qu'elle étoit très-obligeante pour les Religieufes prifonniéres, & qu'on s'y louoit beauTome II.

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XLVI.

coup de M. d'Angers, & du bien qu'il faifoit à trois Monaftéres de l'Ordre de la Vifitation. L'Abbé Boffuet vint voir la Mere Agnès & fa La Mere A- niéce ce même après-midi. Il continua pendant gnès demande toute la captivité fes vifites qui furent fréquenà voir quel- tes. I leur tenoit de fort beaux difcours fur elle & pour fa l'affaire préfente dont elles fe défioient, parce niéce. M. Bof. qu'ils leur paroiffoient féduifants. fuet,&le Curé

qu'un pour

de S. Nicolas bre la voient.

La Mere ayant été malade au mois d'Octo

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& craignant que la maladie ne devînt dangereufe, elle demanda M. le Curé de S. Nicolas du Chardonnet, qui étoit un des GrandsVicaires de l'Archevêché. Il vint & entreprit une controverfe fur la fignature, qui fut trèsanimée. La Mere répliquoit avec modération. Le Confeffeur voyant qu'il ne gagnoit rien, fe livra à un tranfport de zéle, fe jetta à genoux auprès du lit, & fe mit à crier tant qu'il put, en joignant les mains & fe frappant la poitrine: Mon Dieu, ayez pitié d'elle, elle est en » état de péché mortel: Seig eur, vous êtes » mort pour elle: faites lui connoître qu'elle » fe damne par fa défobéissance, » & plufieurs autres chofes femblables qu'il prononçoit en fe tourmentant d'une maniére étrange. La niéce toute baignée de larmes le pria de vouloir bien laiffer fa tante en repos, qu'il la mettoit beaucoup plus mal. Il fe leva & s'en alla difant à la niéce de ne pas imiter fa tante qui fe dam; noit. La fœur outrée lui répondit: » Mon»fieur, vous répondrez devant Dieu de la ma"niere dont vous l'avez traitée ; je vous appelle » à fon Tribunal.» La tante & la niéce demeurérent fort triftes, & celle-ci ne fit que pleurer le refte du jour & toute la nuit. Le lendemain comme elle racontoit la scene au Médecin elle fitun tel effort pour retenir fes larmes qu'elle

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fe trouva très-mal: il lui prit un tel battement
de cœur que la compagnie en fut très-effrayée,
& le Médecin lui-même.

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Thérèfe elt

Ce fut alors que commença l'affoibliffement XLVI. de la four Thérèse, qui la conduifit par dé- La Secur grés à la fignature du Formulaire fous les yeux combattue de fa tante. Elle éprouvoit depuis un mois des par de granpeines d'efprit inconcevables: elle fe trouvoit des peines dans de telles obscurités qu'elle ne favoit plus d'efprit, fi elle croyoit en Dieu : elle prioit, elle difoit à Dieu » Mon Dieu, éclairez-moi : fi je » fuis dans le bon chemin, faites-moi la grace d'y marcher; fi je n'y fuis pas, faites-le 5 moi connoître. » D'un autre côté elle étoit obfédée par les filles Ste Marie qui l'effrayoient en lui mettant devant les yeux les triftes fuites de cette affaire. Les fignatures de la fœur Héléne, de la fœur Candide, de la four Melchide vinrent l'une après l'autre jetter dans fon ame un furcroît d'affliction & de trouble. La crainte de ne pas perfévérer jufqu'au bout cffaroucha fon imagination. Elle étoit furtout frappée étrangement & déconcertée de ne pouvoir pas fe confeffer: mais ce qui l'allarmoit encore plus que tout le refte, c'étoit l'appréhenfion qu'elle avoit qu'on ne la féparât de la Mere Agnès, comme on le lui avoit déja affez fait entendre; parce qu'on penfoit que c'étoit la Mere qui la fortifioit, & que fi on ne l'avoit pas mife avec elle, elle fe rendroit plus aifément. La fœur étoit donc balancée d'un côté par la fignature pure & fimple du Formulaire qui lui faifoit peur, & de l'autre par toutes ces penfées affligeantes au fujet du refus de la fignature.

Elle étoit dans ces combats intérieurs, lorsque l'Archevêque quatre jours avant la Touf

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