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XLVIII.

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faint, vint voir la Mere, en conféquence d'une lettre qu'elle lui avoit écrite pour lui demander la Communion. Dans la converfation il avança entre autres chofes, que ce qu'il demandoit n'étoit rien, qu'il ne demandoit qu'une foumiffion & un acquiefcement. La fœur prit la parole, & lui dit: » Monfeigneur, ne demandez-vous que cela? » L'Archevêque faifit l'occafion & encouragea beaucoup la Sœur. Comme elle lui demanda à voir M. de SteBeuve, il le lui promit & s'en alla. Depuis ce moment on étoit toujours après la Sœur qui en fut malade tout le jour. Le foir l'Abbé Boffuet arriva à la place de M. de Ste Beuve qui, difoit-on, avoit absolument refusé de fe mêler des Religieufes de P. R. & qui ne pouvoit que les exhorter à fuivre fon exemple. L'Abbé ne fut pas long-tems avec la Sœur à caufe de l'état pitoyable où elle étoit. Elle pafla toute la nuit fans dormir, pleurant & priant Dieu. Elle fouffroit un tourment infupportable: elle craignoit horriblement de figner, & elle ne voyoit pas comment elle pourroit s'en tirer.

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Dès le matin on vint l'avertir que M. l'ArLa Soeur chevêque étoit au parloir avec l'Abbé Boffuet. Thérèfe eft Elle ne vouloit point y aller on la força d'y bien ébranlée entrer. Elle entra toute tremblante, & fut acture par M.de cueillie par l'Archevêque avec une grande bonPéréhxe, M té. Le Prélat & l'Abbé fe joignirent pour la Boffuet & M. perfuader. Ils lui dirent que M. de Singlin lui

pour la figna

Cheron.

même avoit penfé qu'elles devoient figner ; que M. de S. Ciran (le neveu) & M. Guillebert penfoient de même; qu'enfin elle ne figneroit qu'au bas de la déclaration que M. l'Archevêque avoit faite pour expliquer qu'elles ne fignoient que pour témoigner leur déférence à leurs Supérieurs. L'Archevêque lui lụt cette

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déclaration; je l'ai rapportée plus haut. » C'eft » quelque chofe, dit la fœur, mais ce n'eft pas tout; car je ne veux point condamnr Jansé nius, & j'entends qu'on me parle d'acquief cement à la condamnation. Acquiefcer, dit l'Archevêque, ce n'eft pas juger, c'eft fe foumettre à un jugement rendu. Enfuite il ajouta: n'eft-ce point que vous appréhenderiez votre bonne tante? Elle l'affura que fa tante ne vouloit point qu'elle fe décidât par elle, & que comme elle lui avoit dit une fois qu'elle ne vouloit rien faire que ce qu'elle feroit, elle lui avoit répondu en propres terines, » Ne dites pas cela il ne faut pas s'appuyer fur un bras de chair. Si vous croyez le devoir faire, pourvu que ce foit avec confeil, je n'en aurai point de peine. Ce trait plut extrême»ment à l'Archevêque & à l'Abbé qui en furent même touchés & attendris jufqu'aux larmes. Enfin la fœur demanda à voir M. Chéron ; ce qui lui fut accordé.

Ce Monfieur vint le foir; il écouta toutes les ouvertures que la four lui fit, entrant tout-à-fait dans fes peines. Il alla jufqu'à lui avouer que la Mere Agnès & la fœur Angélique de S. Jean qui avoient beaucoup de lumiéres dans cette affaire, & qui n'avoient aucun doute, feroient mal de figner, étant perfuadées qu'elles ne le doivent point faire: mais qu'une autre qui n'auroit pas tant de lumières & qui craindroit de défobéir, feroit bien de fe rendre, parce que Dieu demande plus aux uns & moins aux autres, à proportion des difpofitions différentes des perfonnes. Quant au mot d'acquiefcement, il lui dit que le fens auquel les Religieufes de P. R. l'entendoient étoit fi notoire & fi public, que cela ne de

La Sœur Thé

voit point du tout l'arrêter. Cette raison frap-
pa beaucoup la four. Une autre difficulté de-
mandoit auffi fa folution. La fœur étoit frap-
pée du fcandale que cauferoit fa fignature

dans fa Communauté. On trouva le reméde.
M. Chéron lui dit qu'elle n'avoit qu'à faire un
acte qui previendroit fa fignature, & qui ex-
pliqueroit dans quel fens elle l'auroit faite.
L'expédient fut agréé par la fœur : elle fit l'acte
fur le champ & le lui donna, avec promeffe
de fa part de le dépofer chez un Notaire, &
de le faire paroître en tems & lieu. Mais on
n'a pas revu depuis le papier. Cependant il n'y
eut encore rien de conclu abfolument.

L'Archevêque vint quelque tems après, prê-
XLIX. cha encore la fœur, lui montra la fignature
rèfe fe rend à de fa four Marie-Claire dont en effet elle re-
grande peine, connut bien l'écriture: lui répéta ce qu'il lui
la Mere Aavoit dit tant de fois fur le terme d'acquiefce-
gnès la laif-
ment afin de la calmer, & lui promit de lui
fant faire.
faire voir encore M. Chéron, comme elle le
fouhaitoit. M. Chéron vint donc & conclut
avec elle définitivement qu'elle pouvoit & de-
voit figner dès ce jour-là même, fi M. l'Arche-
vêque venoit. Les filles Ste Marie envoyoient
coup fur coup à l'Archevêché pour preffer l'Ar-.
chevêque de venir. Il arriva donc; on alla
avertir la fœur qui étoit dans un grand trou-
ble. Elle fit beaucoup de difficulté pour venir:
elle fe jetta aux genoux de la Mere Agnès,
pleurant fans pouvoir parler. La Mere ne lui dit
mot non plus. Ce qui la déterminoit à tenir cet-
te conduite envers fa niéce, c'eft qu'elle crai-,
guoit qu'en la détournant de faire cette dé-
marche dans le rens préfent où elle étoit con-
vaincue par les raifons de M. Chéron, elle ne
pût pas dans la fuite l'empêcher de la faire,

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tôt ou tard. Elle penfoit d'ailleurs que les circonftances de la déclaration de M. l'Archevêque & de toutes les explications de viye voix que la four avoit données, pouvoient rendre la fignature permife à des ames foibles, telle qu'étoit la fœur. Enfin elle ne pouvoit aller contre la décifion d'un Eccléfiaftique qui l'avoit déterminée pour la fignature, & à qui elle avoit cru pouvoir l'adreffer avec une entiére confiance. Voilà pourquoi elle crut devoir ne lui rien dire & la laiffer à elle-même. C'eft la Mere Agnès qui rend elle-même compte de toutes ces vues qu'elle a eues alors, & qu'elle défavoue entiérement dans un papier écrit & figné de fa main. Car elle s'eft bien repentie dans la fuite de la conduite qu'elle avoit tenue comme nous le verrons encore ailleurs.

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La Sœur entra donc dans le parloir avec une foibleffe fi grande qu'elle ne pouvoit prefque marcher. Après quelqu'entretien, elle exigea de M. l'Archevêque qu'il lui promît qu'on ne lui demanderoit jamais rien contre les perfonnes qui avoient conduit P. R. & qu'on ne lui feroit plus faire abfolument aucune fignature. L'Archevêque le lui promit, paffa fon Mandement par la grille, & une perfonne préfenta la plume à la fœur. Elle protefta de nouveau à M. l'Archevêque qu'elle ne donnoit fa fignature que comme une marque de foumiffion & de refpect; elle répéta la même proteftation en adreffant la parole à Dieu, & mit enfin fon nom au bas du Mandement. Dans le moment l'Archevêque loua grandemenr la bonne œuvre qu'elle venoit de faire; puis d'un ton abfolu & extrêmement férieux, il lui dit : » Je vous déso fens, ma fille, par toute la puiffance que

L.

j'ai fur vous en qualité de votre Archevêque, » d'avoir jamais de la peine de ce que vous ve » nez de faire. » Le trait parut un peu comique à la pauvre Sœur, comme il le paroîtra affurément à tout Lecteur. Prétendre commander aux fentimens de l'ame de fon prochain, & employer pour cela le ton de commandement, la chofe est tout-à-fait neuve ; cela étoit réfervé à M. de Péréfixe.

L'Archevêque lui demanda enfuite ce qu'elle penfoit des Sceurs qui avoient figné. Elle lui dit qu'il n'y en avoit que quatre qui lui euffent fait impreffion; qu'elle n'étoit pas étonnée de la fignature de la four Flavie & des autres. On fe mit à faire l'éloge & de la fœur Flavie & de la fœur Dorothée. L'Archevêque dit que la four Dorothée avoit eu beaucoup de peine dans la maifon de ce qu'on y détournoit de l'obéif fance & du refpect pour le Pape & pour les Evêques. La Sour fe récria: » Dieu lui par» donne; car c'est tout le contraire. Nous nous fommes mifes fous la jurifdiction des Evêques: il n'y a homme au monde qui ait au»tant relevé la hiérarchie, que M. de S. Cyran; il n'y a qu'à lire fon Petrus Aurelius. >> Oui, dit l'Archevêque, votre M. de S. Cyran » dit à M. Vincent qu'il n'y avoit plus d'Egli» fe. La Sœur dit en pleurant: Je suis bien >> malheureufe d'avoir figné, puifqu'on me

parle déja de la forte. » L'Archevêque en fe retirant recommanda aux filles Ste Marie de, bien divertir la Sœur.

Elle s'en alla au Jubé où elle fe profterna & La Soeur Thé- récita le Miferere. Ayant enfuite rencontré la rèfe eit défo- Mere Supérieure, elle la conjura de ne point lée de la fi- faire chanter le Te Deum, comme on l'avoit gnature. fait au Calvaire pour la fœur Héléne, parce

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