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LXI.

L'Abbé Blampignon vint une feconde fois rendre vifite à la fœur, & ne la traita pas Rude aflaut avec plus de ménagement que la premiére fois. livré à lasœur Il s'avifa de fe déchaîner contre les Religieu- Claire par M. fes de P. R. Il dit aux Meres de la Maison Blampignon Supérieur. qui étoient préfentes, » qu'on avoit fait à P.

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R. des chofes exécrables; qu'on avoit en-. » terré la nuit M. Singlin dans le propre ci» metiére des Religieufes fans permission, & qu'il y avoit trois ou quatre Prêtres enterrés dans la clôture. » Les Religieufes de faint Thomas fe mirent à rire de la fimplicité de l'Abbé, & la fœur lui dit » que M. Singlin » avoit été enterré avec les permiffions néceffaires, & qu'il étoit tout ordinaire dans l'Ordre de Citeaux, d'enterrer des Prêtres dans » les Cloîtres des Religieufes. » Il entra ensuite en matiére, & demanda à la fœur, s'il n'étoit pas vrai que toutes les feurs fe fuffent engagées par ferment à ne jamais figner. Elle lui répondit que non. » Mais, reprit une perfonne de la compagnie, qu'est-ce donc que ce ferment qu'on a fait en mettant la main fur les Evangiles La Soeur dit que c'é» toit la profeffion de foi du Concile de » Trente, qu'elles avoient fignée la main fur les Evangiles, pour fe rendre témoignage, & au public qui en feroit informé, qu'elles → embraЛoient tout ce que croit l'Eglife, & que c'étoit à tort qu'on vouloit rendre leur » foi fufpecte.

Après ce préliminaire, l'Abbé avança, & dit qu'il falloit croire les faits fur la parole de fon Supérieur, & qu'il y avoit une infinité de faits qu'on croyoit fur le rapport des autres. >> Lorfqu'on vous préfente, ajouta-t'il, - »› une médecine, qui vous affure que que l'Apoti

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LXII.

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caire n'y a point mis du poifon ? Vous la » prenez cependant fur la foi qu'il ne voudroit pas vous empoifonner. Je vous affu»re, Monfieur, lui dit-elle, que fi j'avois quelque fujet d'en douter, quoique plu» fieurs m'affuraffent du contraire, je trouသ verois que le plus für feroit de ne la pas prendre. » Il fallut encore en revenir aux invectives contre les amis de P. R. » dont la » vertu apparente, difoit-il,

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n'étoit

pas une

raifon d'y avoir tant de créance. Arnaud de Breffe, continua-t'il, étoit un grand jeûneur, & cependant c'étoit un hérétique qui » fut brulé vif. Il s'appelloit Arnaud, voyez» vous, il s'appelloit Arnaud. » L'entretien finit par des lamentations, & de l'Abbé & des Meres, fur l'endurciffement de la Sœur. Elle s'en retourna à fa chambre fort trifte; fi ce n'eft que la fimplicité d'une Religieufe qui l'y conduifoit, l'égaya un peu. Elle l'exhortoit tendrement à l'obéiffance. » » Voyez-vous, dit

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elle, ce dégré qui eft blanc? Si N. S. P. le Pape me difoit qu'il eft noir, je le dirois > noir. Et vous mentiriez, dit la Soeur, car il feroit toujours blanc.

La Sœur demeura quelque tems dans fa foLaSour Clai litude fans être importunée. Elle paffoit le re livrée à une tems à lire, à prier, & à faire de l'ouvrage grande folitu de, commen- qu'on lui apportoit pour le fervice de la maice à s'affoiblir fon, qui en étoit fort contente, parce qu'elle fur la figna- en faifoit beaucoup. La Mere Prieure la ve

fure.

noit voir une fois la femaine, & reftoit peu de tems. Elle cherchoit au refte à lui adoucir fes peines autant qu'elle le pouvoit. Elle lui donnoit des nouvelles de la fanté de la Mere Agnès & de la Soeur Angélique de S. Jean. Quand elle lui lâchoit quelque mot fur la

fignature, & qu'elle s'apperçevoit que cela lui faifoit de la peine, elle s'arrêtoit. Elle lui permit même, & lui ordonna de fe promener tous les jours une demi-heure dans une allée du jardin avec fa compagne de chambre. La Sous-Prieure n'avoit pas tant de confidération & d'égard. Elle vexoit beaucoup la Sœur, & lui reprochoit entre autres chofes, qu'elle ne demandoit à voir perfonne, & qu'il n'étoit pas bien de s'en porter ainfi à fes propres lumiéres. La Soeur lui dit pour la contenter, qu'elle ne refufoit pas de voir quelqu'un ; elle lui nomma M. de Sainte-Beuve. On le fit donc avertir.Il vint au Couvent fans fçavoir pour qui c'étoit mais quand on lui dit au parloir que c'étoit pour une Sœur de P. R. il se retira, & né voulut point la voir. A fon défaut l'Abbé Blampignon fit la féance; car il étoit alors au parloir; & on lui amena la Soeur. L'entretien fut dans le goût des précédens.

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Quoique la Sœur fît bonne contenance au dehors, ne laiffant rien paroître de ce qui fe paffoit en elle, elle étoit excédée par l'amertu me & la trifteffe qui provenoit des réflexions que j'ai mentionées ci-deffus. Ces réflexions la menérent loin; elle penfa que peut-être on n'avoit pas prévu les fuites de cette affaire, lorfqu'on s'étoit engagé dans le refus de la fignature; que le refus produifoit un mal réel en expofant au danger du défefpoir, au lieu que la fignature n'étoit pas un péché certain, vu que des perfonnes de grande piété affuroient qu'il n'y avoit point de mal; qu'elle avoit entendu dire autrefois que celles qui croyoient devoir figner, le pouvoient faire, chacune ayant fa confcience. Ce dernier point de vue mit le comble à fes agitations: elle étoit inté

LXIII.

re fe rend à la

fieurement déchirée & combattue par la craina te d'offenfer Dieu en fignant & de fcandalifer fes Sœurs, & par les fuites funeftes du refus de la ignature, qui peut-être étoit innocent. Tantot elle formoit la résolution de ne pas figner, & fe trouvoit toute remplie de joie ; tantôt elle retomboit dans des angoiffes mortelles qui la portoient à figner pour s'en délivrer,

Elle fut dans cette tourmente pendant fix, LaSou: Clai- femaines, après lefquelles il lui vint un nouLignature, & veau tour pour envifager favorablement la fitombe dans gnature; fçavoir, que quand même ce feroit un chagrin un mal, il falloit de deux maux éviter le plus mortel de fa grand; que le mal de la fignature d'ailleurs

faute.

I

feroit excufé devant Dieu, par la violence, qu'on exerçoit envers elle, & que les actes de défaveu faits par provifion rendroient nulle la fignature, & donneroient moyen de s'en relever. Le dénouement lui plut; elle s'y fixa & prit feulement un délai de quelques jours jusqu'après la Touffaint; » osant ainfi, dit-elle,

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prefcrire un tems à Dieu, & marquer un » terme à son fecours. » En attendant elle fit

qu'elle put pour obtenir la Communion à la fête, & demanda M. Chamillard pour fe confeffer; mais il ne vint point, & la fête se paffa fans communier. Le 4. Novembre il vint; la Sœur lui ouvrit fon cœur & lui témoigna qu'elle ne s'éloignoit pas de figner ne pouvant plus fupporter l'état de trouble ou elle étoit. Il l'encouragea, calma toutes fes inquiétudes, l'affura qu'elle jouiroit d'une paix parfaite lorfqu'elle auroit figné; lui promit, &, lui en fit même un billet, qu'on ne lui feroit plus jamais rien figner. Le lendemain l'Archevêque arriva: la Soeur parut: il lui fit beaucoup d'amitié, répondit à toutes fes peines,

lui lut fa déclaration, & lui promit la main fur fa poitrine, que quand même il viendroit une nouvelle Bulle, elle ne figneroit plus rien. Puis il paffa fon Mandement; on préfenta une plume à la Sœur & elle figna. Elle 'demanda à retourner à P. R. mais l'Archevêque éluda & fe retira.

La Sœur s'en retourna dans fa chambre, fort abbattue & d'efprit & de corps. M. Chamillard revint deux jours après pour la confeffer. Elle fe confeffa & alla communier. Elle ne tarda pas à fe repentir de sa démarche. Tous les bons côtés par lefquels elle avoit envifagé la fignature, s'évanouiffoient à fes yeux, comme de purs phantômes : tout ce qu'elle lifoit dans fon office, lui reprochoit fa faute & la jettoit dans l'effroi. Elle étoit quelquefois fi preffée de la douleur, qu'elle tomboit en défaillance, & étoit obligée de fe mettre fur fon lit; elle étoit toujours en pleurs ; & les nuits elle ne pouvoit retenir fes cris. Les Meres qui s'appercevoient de fon état, faifoient tout leur poffible pour l'égayer. Elle commença à communier bien plus rarement, n'ofant prefque s'approcher de Dieu. Elle le prioit de venir à fon fecours, & de lui procurer l'occafion de réparer fa faute. Ce qui la retenoit, & l'empêchoit de fe déclarer far l'heure, c'eft qu'elle craignoit de manquer par-là fon renvoi à P. R. L'Archevêque vint la voir au commencement de l'Avent, lui propofa d'aller à P. R. des Champs. Mais il n'y eut rien de conclu, & l'Avent se passa ajnfi.

Elle s'apperçut que le parti de diffimuler fes difpofitions préfentes n'étoit pas tenable, parce qu'il l'expofoit à tout moment à trahir la

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