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me in-40. de plus de 400. pages, où font les lettres qu'écrivoient celles de Paris, foit aux fœurs des Champs, foit à des amis de la maifon. Ce font des pieces très-édifiantes. Les Religieufes de Paris dans l'éloignement de la Mere Abbeffe & de la Mere Prieure, regardoient la Prieure des Champs comme leur Supérieure, lui écrivoient avec un respect filial. Les fœurs Converses même de Paris avoient quelque commerce de lettres avec les Converfes des Champs: elles s'unifloient par des vœux d'un an : C'est ainfi qu'elles appelloient un plan de pratiques & de prières auquel elles s'engageoient, pour fléchir la colére de Dieu & obtenir la protection pour les deux Monaftéres. Elles marquoient dans leurs lettres, qu'elles faifoient leurs communions, pour les faintes Meres qui étoient privées de la fainte Euchariftie; & elles témoignoient la confufion qu'elles reffentoient de le voir admifes à la participation des faints Myftéres, pendant que tant de faintes perfonnes en étoient exclues. Enfin les deux maifons fe tenoient étroitement liées de la maniére qu'elles le pouvoient, aux perfonnes du dehors en qui elles avoient confiance, & de qui elles vouloient toujours dépendre pour le Confeil. Le commerce de Lettres continuoit donc quoique rarement,à caufe de la grande difficulté.

Ces Meffieurs de leur côté fe retournoient en tout fens pour imaginer des moyens d'adoucir l'oppreffion. C'étoient eux qui fuggéroient aux Religieufes l'idée de préfenter à l'Archevêque des Requêtes juridiques, pour le faire expliquer. Ils fe propofoient par ces tentatives, de tirer de l'Archevêque quelque phrafe, quelque parole qui marquât qu'il ne demandoit point la créance, & qui donnât lieu

VII.

tinuels de la

M. de Péréfi

xe.

aux Religieufes de faire la fignature en sûreté de confcience. Il faut avouer que les Religieufes ne se prêtoient qu'avec peine à ces vues d'œconomie: elles craignoient toujours qu'on ne les engageât dans des partis non affez conformes à la droiture & à la fincérité ; & comme elles fe fouvenoient des peines qu'elles avoient éprouvées à la premiére fignature, à l'occafion de différens projets qu'on leur propofoit, elles aimoient mieux prendre le parti de n'écouter aucune propofition qu'après le retour des Meres captives; fe regardant comme incapables d'agir, tant qu'elles feroient fans chef.

Pendant que ces faintes filles fe fortifioient Affauts con- ainfi dans les fentimens de religion que Dieu part de M. leur avoit mis dans le cœur, leurs ennemis Chamiliard, continuoient la petite guerre, en attendant le des filles fain- moment des grands affauts. M. Chamillard te Marie & de les vifitoit fouvent & leur annonçoit un Bref de Rome qui étoit fur le point d'arriver, afin de les intimider. Il leur exaggéroit les maux que leur attireroit ce Bref, fi elles ne fe foumettoient pas qu'elles n'en feroient pas quittes pour une fimple privation des Sacremens; qu'elles feroient frappées de l'excommunication majeure, privées de toute participation aux chofes faintes, de l'Office Divin, & même de la fépulture eccléfiaftique après la mort. On trouvera parmi les piéces justificatives un long entretien de ce Docteur avec une Religieufe: j'ai cru devoir donner cet échantillon des pitoyables raifonnemens du premier,& de la noble défenfe que faifoient ces faintes filles. M. de la Brunetiere Grand-Vicaire fe mettoit auffi de la partie: il avoit des maniéres moins révoltantes que le premier ; mais il preffoit toujours pour la fignature, & re

mettoit fur le tapis le fyftême féduifant de l'indifférence dont nous avons parlé plus haut.

Les filles de Ste Marie, pour toucher les prétendues rebelles, faifoient de grandes démonftrations de dévotion & de gémiflement.Elles faifoient des neuvaines publiques pour leur converfion elles en avertiffoient les Religieufes, & leur difoient que tous les jours de la neuvaine, une d'entre elles (filles de Ste Marie) jeûnoit pour la Communauté ; que M. Chamillard lui-même l'avoit fait une fois, prefqu'au pain & à l'eau. Les filles de Ste Marie d'ailleurs avoient foin de femer des bruits fourds d'une difperfion générale qu'on projettoit, effayant par-là de jetter la terreur dans les efprits & d'ébranler quelqu'une des fœurs.

L'Archevêque ne se laffoit point de fréquenter la maison. Il y venoit trois & quatre fois la femaine pour s'entretenir avec fes filles Ste Marie, quelquefois avec les fœurs, auprès de qui il renouvelloit fes follicitations. Or chaque fois qu'il arrivoit, c'étoit une allarme dans tous les efprits, par l'idée qui fe préfentoit de quelque enlévement nouveau. Malgré qu'on en eût, il se faifoit un renversement dans le corps & dans l'efprit ; & l'on éprouvoit dans l'ame des angoifles mortelles, qui avoient quelque chofe de pareil à celles des perfonnes qu'on conduit au fupplice : c'eft ainfi que s'expriment les Religieufes dans leurs Rélations.

VIII. Elles éprouvoient encore d'autres peines inFermeté des térieures, du côté des difficultés de diverfe Religieufes forte qui inquiétoient leur confcience: tantôt malgré les fur la conduite qu'elles tenoient dans les dif- peines d'efférentes rencontres, fçavoir fi elle ne bleffoit prit qu'elles pas la charité, ou l'humilité, ou la fimpli- éprouvent & cité tantôt fur des points qu'elles ne favoient qu'on leur li

les affauts

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pas décider, & qui les troubloient beaucoup, Il y en eut un entre autres qui les molefta fort pendant quelque tems. Comme on étoit fort menacé de l'excommunication il étoit venu en pensée à quelques-unes, que l'excommunication qui ne pouvoit nuire pour le refus de la fignature, parce que ce n'étoit pas un péché, auroit peut-être fon effet pour d'autres péchés fecrets qu'on auroit commis: elles s'imaginoient que cela arrivoit ainfi quelquefois. Heureufement pour elles, les bons efprits de la maison fentirent le faux de cette pensée, & la firent évanouir dans l'efprit des fœurs, foutenues de la décifion de quelques Théologiens qu'on confulta par lettre.

Joignez à tout cela une efpéce de combattans qu'elles avoient toujours fur les bras, dont j'ai déja parlé ; des freres, des fœurs, des peres, des meres, des oncles qui venoient de tems en tems les folliciter à la foumiffion : des Eccléfiaftiques même, des perfonnes de diftinction, qui faute de bien comprendre le faux des raifonnemens des perfécuteurs, les affuroient qu'il n'y avoit point de mal à faire ce qu'on leur demandoit. Les uns étoient mis en œuvre par l'Archevêque, d'autres envoyés par la Reine Mere, d'autres amenés par une compaffion naturelle, & par l'amitié qu'ils avoient pour P. R. Ce n'eft pas qu'elles n'euffent auffi quelquefois la confolation de fe voir approuvées par des perfonnes qui n'étoient nullement fufpectes de Janfénifme. Quelques Confeffeurs que l'Archevêque leur envoyoit de tems en tems, & dont il ne fe défioit point, leur parloient à cœur ouvert dans le confeffionnal; & quoiqu'ils ne leur donnaffent pas l'abfolu tion à caufe des défenfes de l'Archevêque, &

qu'ils cruffent qu'elles auroient pu figner fans péché; ils les approuvoient fort néanmoins de ne pas le faire contre leur confcience, les encourageoient à perfévérer par la vue du bonheur qu'il y a à fouffrir pour la vérité, & du bien même qui en reviendra à l'Eglife; car, difoient-ils, le petit nombre qui résistera empêchera qu'on ne dife au tems à venir, qu'en tel tems tout le monde s'eft foumis à la créan ce des Faits. On peut lire à ce fujet deux entreriens d'un Vicaire de S. Médard avec la fœur Phare. Au refte ces petites rencontres heureuses n'étoient pas fréquentes ; & celles qui étoient capables d'affoiblir, étoient les plus ordinai

res.

que

De tous ces faits il réfulte que ces pauvres Religieufes étoient toujours dans le combat, comme S. Paul le dit de lui-même, tant au dedans qu'au dehors; craintes au dedans, combats au dehors, foris pugna, intus timores : & qu'elles avoient befoin que le Seigneur les foutînt continuellement. Ce qu'il faifoit non feulement par la force & la vertu d'en haut TEfprit-Saint leur communiquoit, mais encore par des confolations extérieures de différente forte. La force par exemple, qui paroiffoit tous les jours prendre de nouveaux croiflemens dans la Communauté, faifoit la joie commune des unes & des autres. Les exemples finguliers de courage & de foi que leur donnoient quelques-unes d'entre elles, les rempliffoient & d'admiration & de générofité. Je rapporterai encore un trait de cette vertueufe veuve, dort il a été déja parlé, la fœur Liée de Chazé qui étoit impotente & gifante fur le grabat, & dont la vigueur chrétienne étoit Comme une efpéce d'aiguillon qui canimoit

ac

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