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8.

vérité & fa confcience, lorfqu'on lui deman doit comment elle fe trouvoit à l'égard de la fignature. Elle prit donc fa réfolution & fe détermina à fe rétracter publiquement. Elle fut fortement encouragée par un paffage de la Bible qui lui tomba fous la main en ouvrant le livre le voici : Vous qui êtes mon enMich.7.v.nemie, ne vous réjouissez point fur moi, parce

que je fuis tombée: je me releverai, après que je me ferai affife dans les ténébres; le Seigneur eft ma lumière: je porterai la colere du Seigneur, parce que j'ai péché contre lui, jusqu'à ce qu'il juge ma caufe: il me conduira à la lumiére; je verrai fa juftice. Elle fit venir M. Chamillard le 23. Décembre. Lorfqu'elle fut devant lui, elle fe mit à fondre en larmes ; elle » lui dit, qu'elle ne pouvoit plus communier; " que toutes les fois qu'elle alloit à la fainte » Table, elle fentoit une répugnance étonnante; qu'elle ne pouvoit plus demeurer un quart d'heure en prières; qu'enfin après les "promeffes qu'il lui avoit faites qu'elle feroit 55 en paix après avoir figné, elle n'étoit rien » moins qu'en paix.

Le Docteur fut un peu déconcerté. Il lui dit ce qu'il put, & elle fe réduifit à prendre encore un peu de tems, & à prier Dieu. Elle ne fit point difficulté alors de communiquer aux Meres le vrai fujet de fes peines : celles-ci n'oubliérent rien pour lever fes fcrupules, & en meme-tems pour lui procurer les foulagemens de toutes les "efpéces qu'elles s'imaginoient. A la Chandeleur elle ne voulut plus fe confeffer à M. Chamillard; elle demanda un Dominicain, nommé le Pere Baron; on le lui accorda, mais ce ne fut qu'au bout de trois femaines. Elle en fut fort contente. Il lui

parla très-avantageufement des Sœurs de P. R. & les combla d'éloges; mais il la raffura fur fa fignature, & lui perfuada qu'elle n'avoit pas commis de péché : il la confeffa, & il se chargea de prier M. l'Archevêque de la mettre auprès de la Mere Agnès. Le calme dura quatre jours, & l'état de détreffe revint comme aupa

ravant,

LXIV.

Enfin le trois Mars la Religieufe qui avoit La SourCla foin de la fœur entra dans fa chambre d'un re eft transféair très-gai, & lui dit qu'il y avoit de bonnes rée auprès da nouvelles. Un moment après la Mere Prieure la Mere Aentra tenant en fa main l'obédience de la fœur guès. pour les filles fainte Marie du Fauxbourg S. Jacques où étoit la Mere Agnès. La Communauté s'affembla auffitôt, & on conduifit la fœur vers la porte du Couvent. La fœur se mit genoux, remercia la Mere Prieure & toutes les Religieufes des bontés qu'on avoit eues pour elle. Elles l'embrafférent la plupart en pleurant, & elle partit dans le caroffe qui Tattendoit. La Sœur Claire rend témoignage en finiffant fa Rélation, de l'édification qu'elle a trouvée chez les filles S. Thomas : elle fait de grands éloges de la vertu de ces Religieufes en tout genre.

à

Voyez la fuite dans la Rélation de la captivité de la Mere Agnès.

Captivité de la Saur Marguerite de fainte
Gertrude Dupré, aux Annonciades de faint
Denis.

LXV. LaSœurGer

Cette fœur étoit profeffe d'un Couvent de Flandre, où elle avoit eu quelque connoif- trude conduifance des difputes du tems, & même de la per-te à Trefnel fonne de Janfénius. Elle entendit parler de la puis à S. De

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maifon de P. R. des vertus de la Mere An gélique, & de la grande réputation des Directeurs de la maifon. Ce qui lui fit naître le défir d'entrer dans cette maison. La Providence lui facilita l'exécution de fon deffein. Au bout de deux ans elle fut reçue à P. R. fans aucune dot, & dans un état d'infirmité qui vifiblement devoit durer toute la vie. A la premiére fignature des Religieufes en 1661. elle tomba malade à l'extrémité de la douleur qu'elle reffentoit d'avoir été obligée de faire ce qu'elle avoit réfolu de ne jamais faire quoique cette fignature fe fit avec reftriction.

Lorfque M. l'Archevêque fit l'enlèvement, la Sœur Gertrude fut envoyée avec la Sour Candide au Couvent de Trefnel, où elles pafférent quinze jours comme on le verra plus bas dans la captivité de la Sœur Candide. Elles n'y étoient qu'en attendant. On les transféra à S. Denis. La Sœur Gertrude fut menée chez les Annonciades. Elle. fe jetta à genoux devant la Supérieure, & lui demanda la permiffion d'affifter aux Offices: ce qui lui fut accordé. Hors cela la captivité a été grande: car elle n'a jamais été perdue de vue: elle a toujours eu une foeur de la maifon auprès d'elle la nuit comme le jour. Elle étoit vifitée de tems en tems par la Supérieure & par la Maîtreffe des Novices alternativement, affez fouvent par le Confeffeur de la maison. La converfation rouloit fur P. R. & fur les Meffieurs; toutes les calomnies & toutes les fables qu'on avoit forgées depuis vingt ans paffoient en revue ; & la Sœur, quoique affez au fait pour répliquer à tout, fouffroit beautoup cependant de tous ces entretiens difgracieux, auffi bien que des affauts continuels

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qu'elle avoit à fupporter fur la fignature. Elle mena toujours la vie de P. R. faifant mai

gre

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couchant fur la dure, &c.

tement atta

Au commencement d'Octobre l'Archevêque LXVI. vint la voir & lui fit la lecture de cette dé- La Sœur for claration qu'il avoit dreffée pour amener plus quée, fe déaifément les Religieufes à la fignature. Avant fend avec un que l'Archevêque eût achevé de lire tout le peu de prépapier, la Sœur lui dit avec une précipita- fomption. tion qu'elle fe reprocha bientôt après, qu'elle figneroit bien cela tout feul. L'Archevêque lui promit de revenir pour conférer avec elle, & fe retira. Dès qu'il fut en allé, elle eut une peine infinie de l'efpéce de parole qu'elle avoit donnée. Elle'pleura durant deux heures, puis elle écrivit au Prélat pour le prier de lui envoyer le papier qu'il lui avoit lu, afin qu'elle fit fes réflexions: il le lui envoya ; & la lecture qu'elle en fit, l'ayant étrangement révoltée, elle le renvoya à M. l'Archevêque, le priant de ne pas prendre la peine de venir, parce qu'elle ne pouvoit point abfolament faire ce qu'il fouhaitoit. Elle fut vifitée dans le mois de Novembre par le Supérieur de la maifon, qui n'étoit pas moins ardent que les autres pour l'engager à figner, mais qui étoit plus doux dans la difpute, & d'ailleurs lui. paroiffoit plus véridique; enforte qu'autant elle redoutoit les vifites du Confeffeur qui lui débitoit cent fauffes nouvelles, de telle ou telle qui avoit figné, du défordre de la maifon de P. R. depuis fa fortie, du scandale que donnoient les exilées par leur exceffive délicateffe & par la recherche infinie de toutes leurs commodités : autant elle aimoit les

vifites du Supérieur, parce que c'étoit un moyen pour elle d'apprendre plufieurs nou-!

velles du vrai état des chofes. Ce fut dans ce même mois de Novembre, qu'on lui apprit la chute de la Sœur Candide, & qu'on lui fit accroire que la Mere Agnès alloit auffi fe rendre. Elle ne put pas douter de la premiére nouvelle; car on lui apporta une lettre de la Sœur Candide, qui lui difoit qu'elle avoit figné, & l'exhortoit à faire de même. Elle étoit dans l'abbatement que lui avoit causé ces deux nouvelles, lorfque l'Archevêque vint la demander au parloir. Elle y alla toute tremblante, & écouta en filence tout ce que le Prélat voulut lui dire, & tous les réaggraves des Meres qui étoient préfentes à l'entretien. Enfin elle protefta qu'elle ne pouvoit pas fe vaincre au fujet de la fignature, & qu'elle confentiroit volontiers à toute forte de punition, même de ne plus revoir fes Meres & d'être reléguée au bout du monde. L'Archevêque lui dit qu'il reviendroit quelque jour; qu'il vouloit lui donner à elle feule une après dinée entiére, & qu'il voyoit bien qu'elle étoit bonne fille, & qu'elle obéiroit.

Elle paffa cinq jours à pleurer, défolée de l'état où elle fe trouvoit, partagée entre la crainte d'offenser Dieu en fignant, & d'avoir toujours à fouffrir en ne fignant pas. Car elle commençoit intérieurement à s'affoiblir par quelques penfées qui l'inclinoient à la fignature. Elle écrivit à M. l'Archevêque comme la premiére fois, pour le fupplier de ne point fe donner la peine de venir; & de ne pas trouver mauvais fi elle aimoit mieux lui défobéir qu'à Dieu; lui proteftant qu'elle ne mettoit que Dieu feul au-deffus de lui. Cette démarche lui procura un grand repos d'efprit pendant tout l'Avent. Elle fe reprocha deux

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