1 $. Denis. La Sœur Gertrude fut placée aux Annonciades, & la Seur Candide aux filles de la Vifitation. La Mere Supérieure la reçut avec bonté, & le premier entretien fe paffa affez doucement de part & d'autre. Mais ce ne fut pas toujours de même. Dès le lendemain la Mere entreprit vivement la Seur furla fignature & fur l'obligation d'obéir aux Supérieurs. La Sœur à fon tour parla un peu vivement, touchée de la maniére outrageante dont elle entendit traiter les amis de P. R. & des fauffetés qu'on débitoit fur leur compte. Deux jours après, la difpute recommença fur les mêmes points, fçavoir, la fignature & les griefs contre Mrs de P. R. Mais la Supérieure voyant que fes difcours fâchoient toujours la Sœur, & la mettoient en émotion, jugea à propos de fe décharger de la controver fe fur la Maîtreffe des Novices, qu'elle eftimoit la plus capable & en même-tems la plus anti-Janféniste de fa maison. Cette Religieufefur trois heures à prêcher la Sœur fur les deux points fufdits. Elle voulut lui perfuader que les défenfeurs de Janfénius étoient de francs hérétiques, d'autant plus dan gereux qu'ils employoient l'artifice & les four beries pour répandre leurs erreurs. La Sœur qui Lentoit le faux de toutes ces pauvretés, n'en étoit pas ébranlée. Quand on vint à la fignature & à l'obéiffance aveugle, la Soeur déclara que cette forte d'obéiffance avoit lieu par rapport à la foi, & que les filles de P. R. y avoient fatisfait mais que pour le Fait, elles ne pouvoient le foumettre de même, parce qu'elles croyoient ne pouvoir le faire fans offenfer Dieu, & fans commettre un menfonge & un jugement téinéraire. La Controverfifte s'em Tome II, K ( porta fur cela, & fe livra à une telle colére, qu'elle chargea d'injures la pauvre Sœur qui ne répondit que par fes larmes. Elle fe plaiguit du procédé de cette Religieufe à la bonne Sœur qui avoit foin d'elle, & qui étoit extrê mement douce. Cela fit effet,& ladite Religieu fe ne l'approcha pas pendant un mois entier. Mais la Supérieure reprit la fonction. Elle fa tiguoit la Sœur Candide par des conversations de deux heures fur les Janféniftes. La Sœur prit le parti de ne rien répondre & de garder le filence. Elle fe contenta de lui dire une fois pour toutes, qu'elle écoutoit tout cela comme des contes de Fées, tels qu'on en entend quand on eft petite fille. Elle ne laiffoit pas de tom ber après ces converfations difgracieuses dans un chagrin & dans des pleurs qui l'empêchoient de manger. La Soeur qui étoit chargée d'elle la confoloit de fon mieux ; & après l'avoir exhortée à fe rendre, fi elle le pouvoit, elle lui avouoit qu'elle ne comprenoit point pourquoi on vouloit contraindre une fille à agir contre fa confcience. La Mere Supérieure fit venir le Supérieur de la maifon, M. l'Abbé de Saveufe Confeiller d'Eglife, pour entretenir la four & tâcher de la réduire, La tentative fut fans fuccès. Auffi l'attaque ne fut pas bien forte de la part de l'Abbé, qui fit l'aveu qu'il n'avoit pris aucune connoiffance de toutes ces difputes. La Supérieure qui étoit une fille un peu fcrupuleufe, penfa qu'el le faifoit peut-être mal de parler toujours à la Soeur de la fignature, croyant appercevoir la Sœur n'étoit véritablement retenue que que par fa confcience. Elle confulta fon fcru pule, & prit confeil d'un grand Spirituel, (c'eft ainfi qu'elle s'en expliqua à la Sœur un moment après) lequel la raffura, & lui dit qu'elle LXXI. dide eft ébran Quoique la fœur fût très-décidée pour ne point figner le Formulaire, & qu'elle n'eût au- LasœurCancune hélitation à ce fujet, elle portoit une autre peine qu'elle ne pouvoit furmonter ; c'étoit de lée par la peine qu'elle a n'avoir point de Confeffeur. Elle s'imaginoit d'être fans avoir besoin de faire une revue de fa vie paffée Confeffeur. pour des fautes anciennes qui lui revenoient dans l'efprit, qu'elle croyoit très-grieves, dont elle ne favoit pas fi elle s'étoit bien confeffée. Elle ne fouhaitoit d'avoir un Confeffeur que pour une feule fois, parce qu'il lui fembloit qu'après avoir déchargé une fois fa confcience, elle fe pafferoit fans peine de confeffion pour toute fa vie, même à la mort, fi Dieu l'ordonnoit ainfi. Ce fut là, comme ç'avoit été pour la fœur Thérèse d'Andilli, la vraie cause de l'affoibliffement qui la conduifit à la fignature, comme nous l'allons voir. Elle demanda donc à la Mere Supérieure un Confeffeur. La Mere y confentit, & fit venir M. Bail que la four avoit demandé. Le Docteur commença par l'interroger fur fa difpofition à l'égard de la fignature. Elle fe défendit de répondre, fur ce qu'elle ne l'avoit demandé que pour faire fa confeffion. Il perfifta à refufer de l'entendre, à moins qu'elle ne s'expliquât auparavant, & fixe. l'accabla de grands mots pour l'effrayer. Il fe retira en difant qu'il étoit venu de grand ma tin à jeun à l'exemple de notre Seigneur pour chercher une brebis égarée, mais que les péchés l'avoient rendu indigne de la ramener. Ce refus de la confeffion la jetra dans des peines inconcevables. Elle commença à croire fon falut en danger auffi-bien d'un côté com me de l'autre ; voyant bien qu'elle ne pouvoit figner le Formulaire fans péché, & ne croyant pas fa confcience en affurance, tant qu'elle n'auroit pas été à confeffe. Elle étoit donc dans une défolation continuelle ; elle redoubloit fes priéres, elle faifoit des neuvaines à tous les Saints pour obtenir la miféricorde du Seigneur, LXXII. Pendant qu'elle étoit dans cet état de trouElle figne ble & d'angoiffe, la Supérieure vint lui anétant féduite noncer une déclaration que M. l'Archevêque par le billet avoit faite pour lever tous les fcrupules des explicatif de M. de Péré- Soeurs qui avoient de la peine à figner. Deux jours après, le frere de la four Candide arriva de Paris avec cette déclaration.M. l'Archevêque lui avoit permis de voir fa fœur à condition qu'il la porteroit à la fignature, & qu'il lui feroit lecture de fa déclaration. Il s'acquita de la commiffion affez modérément, & laiffa le papier à fa fœur pour faire fes réflexions jufqu'au lendemain qu'il devoit retourner à Paris. Elle lut & relut ce papier fans prefque rien comprendre, fon efprit étant dans le trouble & dans une espéce d'obfcurciffement. Le lendemain il revint au parloir & trouva fa fœur dans l'irrésolution. II la preffa de lui donner un mot de réponse pour M.I'Archevêque ; & comme elle le refufoit, il fe fâcha auffi-bien que l'Abbé de Saveufe qui étoit préfent. La four fortement preffée confentit à lui donner un petit modéle de fignature telle qu'elle voudroit la faire, & le pria de le mon trer à des amis communs, avant que de le por ter à M. l'Archevêque. Voici comme il étoit conçu: » Je me foumets très-fincérement au jugement rendu par le S. Siége fur la doctrine » des cinq Propofitions, & je condamne toutes les héréfies qu'elles contiennent, en quelque Livre qu'elles puiffent être, même dans celui de Janfénius, fielles y font. » Le frere & l'Abbé auffi-bien que les Meres qui étoient préfentes, ne voulurent point qu'elle mît l'exception, fi elles y font, parce que cela ne feroit pas au goût de M. l'Archevêque. Elle y acquiefça, proteftant d'ailleurs qu'elle ne vouloit figner que cela, & non le Mandement. L'Archevêque à qui le frere préfenta ce papier, en fut d'abord affez content : mais quand on lui dit qu'elle ne vouloit pas figner fon Mandement, il fe fâcha difant, que chaque Religieufe fe feroit donc un Formulaire à fa façon. L'Archevêque néanmoins vint voir la Sœur, & la gronda fort de ce qu'elle ne vouloit pas fe contenter de fa déclaration pour fignet fon Mandement. La Supérieure vint à l'appui de l'Archevêque après qu'il fut parti, & affura la foeur que cette déclaration étoit fi bonne que la Cour & les Jéfuites en faifoient des reproches à M. l'Archevêque, & que les amis de P. R. avifoient actuellement à faire figner la Communauté. Ceci ébranla beaucoup la Soeur. Le fcrupule lui prit qu'elle péchoit peut-être en refusant de figner, après cette déclaration. Nouveaux brouillards dans fon efprit, Elle auroit bien fouhaité avoir feulement un mot de quelque ami qui lui dît oui ou non. Elle alloit fouvent au jardin pour voir fi par bonne fortune elle ne trouveroit point quelque billet pour elle |