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devant M. de Péréfixe.

LXXVI. J'ai dit que la Sœur comptoit tenir fecrette LaSourCan- fa difpofition préfente au fujet de la fignatudide rétracte re, jufqu'à l'arrivée de la Bulle qui exigeroit fa fignature une feconde fignature. Mais elle ne fut point obligée d'attendre jufques-là. Une autre voie s'ouvrit auparavant pour exécuter son dessein. M. l'Archevêque averti du changement qu'on' entrevoyoit dans la Sœur, vint à P. R. & fit appeller la Sœur, à qui il demanda tout en colére, s'il étoit vrai ce qu'on difoit qu'elle avoit rétracté. Elle répondit qu'elle avoit rétracté devant Dieu. Elle avoit fait plus : elle avoit mis fa rétractation fur le papier par un acte fecret du 26. Mars, communiqué à quel ques Religieufes feulement : mais elle n'en parla pas à l'Archevêque. Celui-ci irrité à l'excès, l'appella fourbe, menteufe, &c. & lui fit les plus terribles menaces en s'agitant vioJemment & faifant grand bruit. La Sœur fe retira, & s'en alla remercier Dieu devant le faint Sacrement, de la grace qu'il lui avoit accordée de faire l'acquit de fa conscience. La bonne Mere de la Sourdiere, de Sainte-Marie, qui l'avoit prise en affection, comme nous l'avons vu, & qui gémiffoit intérieurement fur la maniére dont les Filles Sainte-Marie, fes compagnes, conduifoient la Maison, vint la trouver dans l'Eglife pour la confoler; car toute la maifon avoit entendu le vacarme du parloir. Elle lui dit de fe tranquillifer, puifque fa confcience ne lui permettoit point de figner. La four lui répondit qu'elle goûtoit une grande paix depuis le moment qu'elle avoit fait fa déclaration : à quoi la bonne Mere applaudit.

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Depuis ce tems-là la four Candide fut pri vée de la Communion, & rentra dans le com

bat avec les fours. Dans fon acte de rétractation elle rend compte de l'état de trouble où elle étoit à S. Denis, qui avoit été la cause de sa chute, de la maniére que nous l'avons vu. Elle déclare que toutes les raisons qui l'ont induite à figner, lui paroiffent à préfent frivo les & fans folidité, qu'elle ne peut pas fe difpenfer de réparer la faute qu'elle a faite, & de le rétracter: & que fi elle ne rend pas dès maintenant fa rétractation publique, ce n'eft nullement une crainte humaine qui la retient, mais des raisons d'intérêt commun & de menagement pour fa Communauté. Elle prit feulement la précaution de notifier fa rétractation à cinq de fes Sœurs qui ont figné comme témoins, non pas fur fon acte même, mais fur un papier féparé qui en fait mention. La Sour prit ce biais pour ne point expofer fes Sœurs, en cas que fa rétractation tombât par hazard en mains ennemies.

Captivité de la Mere Marie Dorothée de l'Incarnation Le Comte, Prieure de P. R. de Paris, aux Filles fainte Marie, rue Montorgueil.

Cette Mere fut enlevée parmi les douze pre- LXXVII. miéres le 26. Août 1664. Elle reçut l'ordre Comment la d'exil avec la même tranquillité, que fi c'eut Merc eft traiété une obédience ordinaire. Elle fortit dans tée dans le l'Eglife du dehors, & fe mit à genoux au Ste Marie. milieu de l'Eglife, où en préfence du monde affemblé en foule, elle fit tout haut cette priére Mon Dieu, vous voyez que c'est

pour l'amour de vous & par la crainte » que j'ai de vous offenfer, que je fors; faia tes-moi la grace de vous être fidelle. Je vous

Couvent de

→promets de mourir plutôt que de rien faire con "tre votre vérité, & je prens pour témoin de la promeffe que je vous fais toute cette affem» blée. Elle monta enfuite en caroffe avec la Sœur Marie-Claire & la Sour Anne de fainte Cecile. L'Eccléfiaftique qui les conduifoit étoit le Curé de faint Jean-le-Rond. Il y avoit de plus une Dame bourgeoife qui faifoit l'ac compagnement. Dans le chemin elles récitérent le Pfeaume Beati immaculati, pour fe confoler de ce qu'elles fouffroient pour ne vouloir pas violer les Commandemens de Dieu, dont ce Pleaume parle depuis le premier verfet jufqu'au dernier. La Mere Prieure fut conduite à la rue Montorgueil chez les Filles Sainte-Marie. L'Eccléfiaftique dit à la Mere, lorfqu'elle defcendoit de caroffe: Si Deus pro nobis, quis contra nos? Si Dieu eft pour nous, qui fera contre nous ? Lorfqu'elle entra dans la maison, elle embraffa fes deux fœurs compagnes du voyage, fe recommanda aux priéres de l'Eccléfiaftique, & le pria d'affurer M. l'Archevêque de fa parfaite obéiffance. Elle fe mit à genoux devant la Supérieure de la maifon, & lui baifa la main; puis on la conduifit à l'Eglife pour adorer le faint Sacre

ment.

La Supérieure étoit la Mere Guérin, une des plus anciennes de cet Ordre, où elle étoit fort confidérée. C'étoit une fille autant préve- ' nue contre P. R. & contre tout ce qu'on appelle Janféniftes, qu'elle l'étoit les Jépour fuites, qui paffoient dans fon efprit pour de grands Religieux, & qu'elle révéroit comme des Apôtres. Elle témoigna dès en entrant beaucoup de froideur à la Mere, & elle continua de même jufqu'à la fin. Elle lui parloit &

agiffoit à fon égard avec dureté, & même avec des airs de mépris. Quant au temporel, elle eut toujours grand foin de fa prifonniére en fanté & en maladie, & elle ne la tint pas fort captive. Hors la défense qu'elle lui fit de parler aux fœurs de la maifon, elle lui laiffa toute liberté. Ainfi la Mere étoit logée dans une cellule du dortoir: elle alloit librement au jardin, au réfectoire, à l'Eglife. Elle fut même pendant quelque tems aux récréations de la Communauté : mais elle pria enfuite qu'on l'en difpensât, autant pour fa fatisfaction que pour celle des Sœurs de la maison, parce que de part & d'autre c'étoit une trop grande gêne, & que la difpute s'échauffoit affez fouvent. Car laMere le Comte effayoit de combattre les préjugés de ces filles : elle s'expliquoit même affez naturellement avec la Supérieure dans l'occasion; par exemple, fur les écarts & les abfurdités qui étoient dans certains Livres que la Supérieure affectoit à caufe d'elle de faire lire au réfectoire, tels que les éloges des Saints de Cerifi, la Vie de M. Vincent, les fcrupules fur la fignature du P. Annat. Elle réuffit en partie à convaincre cette Supérieure du faux qui regnoit dans ces ouvrages, fans cependant gagner rien fur fes préventions. La Supérieure fut une fois bien confufe auffi-bien que fes filles par un accident que je vais rapporter. On avoit souvent argumenté contre la caufe de P. R. en préfence de la Mere , par un événement qu'on prétendoit être une déclaration manifefte du Ciel qui s'expliquoit contre ce Monaftére; [favoir que l'année précédente la fufpenfion du S. Sacrement tomba fur l'autel de P. R. dans le tems qu'on la defcendoit pour l'adoration comme pour faire entendre que les Religieu

fes étoient indignes d'adorer le S. Sacrement. La Mere le Comte eut peu de tems après fa revenche. Le Prêtre qui portoit le S. Ciboire pour adminiftrer une Sœur malade, l'ayant posé à faux fur une crédence, le S. Ciboire tomba par terre & roula fous le tapis de la crédence; & comme l'Eccléfiaftique se baissoit pour le ramaffer, la Mere le Comte dit aux Sœurs qui étoient préfentes : » Cela peut donc arriver à tout le monde.

LXXVIII. La Mere avoit prié qu'on lui donnât de l'ouLa Mere eft vrage pour le fervice de la maison, afin de fatiguée par pouvoir s'occuper dans fa folitude & éviter les difcours de l'ennui. D'un autre côté elle fe propofoit de la Supérieure n'être point tout-à-fait une bouche inutile dans

& d'un parent Jésuite.

une maison qui la nourrissoit bien, & qui le faifoit gratuitement. Car on n'a payé aux Religieufes aucune penfion pour les dix mois qu'elle y a demeuré. Mais foit par égard, pour ne la point trop fatiguer, foit peut-être par quelque malice, pour la laiffer un peu dans l'ennui, on ne lui fourniffoit pas affez d'ouvrage pour employer fon tems. On lui avoit ôté la plûpart des Livres qu'on croyoit propres à la foutenir. La Supérieure lui témoignoit même qu'el le n'approuvoit pas qu'elle lût l'Ecriture fainte, & lui difoit que quand les Feuillans & autres faifoient leur retraite de dix jours, on leur donnoit pour lecture l'Imitation de J. C. & quelques Livres de méditation, & non pas l'Ecriture fainte. Les converfations d'une telle Supérieure, qui étoient prefque les feules qu'eut la Religieufe prifonniére, ne contribuoient pas beaucoup à foulager l'ennui de fa folitude. Elle les redoutoit, parce qu'elles rouloient toujours fur l'affaire de la fignature, à quoi la bonne Dame n'entendoit rien du tout ; & qu'elle avoit

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