toujours à la bouche des reproches & des chofes dures contre la prétendue hérétique. Celleci laffe de redire toujours fes mêmes défenfes, prit le parti au bout d'un mois d'écrire à la Supérieure un billet, pour lui déclarer qu'étant punie pour n'avoir point voulu figner, elle croyoit n'avoir autre chofe à faire que de fouffrir cette punition; qu'il lui étoit beaucoup plus facile de fouffrir, que de figner contre fa confcience; & qu'après tout dans l'état où elle étoit, aucune fignature de fa part ne pourroit être valable; qu'ainfi elle la fupplioit de ne pas la fatiguer fur ce point-là. La Mere le Comte après quelque tems de féjour dans ce Couvent, pria la Supérieure d'ob→ tenir de M. l'Archevêque qu'il lui envoyât un Confeffeur. Elle indiquoit M, Chéron ou un M. Huchon le fecond des fous-Pénitentiers de N. D. L'Archevêque les ayant refufé tous deux, la Supérieure demanda à la Mere fi elle vouloit M. Grandin, ou M. Chamillard, ou M. Abelly, ou M. Lefcot. Que ne nommez-vous encore M. Morel, » lui dit-elle en riant? Elle déclara qu'elle aimoit mieux fe paffer entiérement de Confeffeur, que de voir des gens qui ne viendroient point affurément pour la faire com munier, mais pour la tourmenter & la féduire. Elle ne put pas néanmoins fe difpenfer de voir un Jéfuite C'étoit le P. le Comte fon coufin qui vint deux fois de fuite au Couvent, & cut avec elle deux conversations, une assez lon→ gue, & la feconde fort courte. Dans la premiére, il lui fervit un réchauffé de tous les contes qu'on débite fur Meffieurs de P. R. La fable de Bourg-Fontaine ne fut point oubliée. Il toucha enfuite la doctrine, & dit que ces Mrs avoient voulu les faire pafler (eux Jéfuites) pour femi Pélagiens, mais que le Pape avoit prononcé en faveur des derniers, & que toute l'Eglife Gallicane étoit de leur fentiment. La Mere retint bien ce trait › & nous verrons plus bas l'ufage qu'elle en fçut faire auprès de l'Archevêque. Le Jéfuite finit par une douceur qu'il dit à fa coufine: » Que l'Eglife faifoit gran» de grace aux Filles de P. R. de ne les pas fai» re brûler, comme elle avoit fait brûler des vierges du tems de faint Athanafe. » La seconde entrevue fut plus courte, parce que la Mere rendit le Jéfuite bien confus dès le comanencement de l'entretien. Le Pere lui ayant demandé fi elle fe fouvenoit bien de tout ce qu'il lui avoit dit la premiére fois, elle répondit qu'oui: & entre-autres de ces Vierges qui avoient été brûlées vives du tems de faint Athanafe: mais elle le pria malicieufement de lui dire pourquoi on les avoit brûlées. Il fut un peu fot de la demande, & fut obligé de répondre bonnement que c'étoit parce qu'elles ne vouloient pas être Ariennes ni condamner faint Athanafe. Après un tel aveu, l'avantage n'étoit pas de fon côté pour la difpute, c'eft pourquoi il leva le fiege. Quelques jours après il lui écrivit en lui envoyant l'écrit du Pere Annat & une premiere lettre de M. d'Alet qu'on prétendoit autorifer la fignature. Elle ne jugea point à propos de lui faire réponse, & fur les inftances que lui en faifoit la Supérieure, elle lui dit agréablement, » que ce feroit une chofe rare qu'une Religieufe de P.R.écrivit à un Jéfuite; que fi elle le faifoit, on la crieroit par les rues. Une autre vifite moins difgracieufe qu'elle cut dans ces premiers tems, fut celle de l'Evêque d'Amiens. L'occafion fut que la Mere le Comte avoit rapporté à la Supérieure un avis que ce Prélat avoit donné à la Mere la Fayette Supérieure de fainte Marie de Chaillot, qui LXXIX. La Mere commença dans ce même tems à fouffrir de grandes peines intérieures. Ce fu- La Mere érent d'abord des penfées qui lui vinrent que prouve de peut-être elle pourroit bien fe rendre à la figna- grandes peiture. Elle les rejettoit fur le champ avec force; nes d'efprit. ce qui produifoit déja un combat très-fréquent. Elle dit que la fignature étoit comme un fpectre qui ne fortoit pas de devant fes Enfuite les peines venoient de l'incertitude où, elle étoit fur la conduite qu'elle devoit tenir; fi elle devoit répondre aux perfonnes qui la yeux. preffoient,ou garder le filence; fi elle devoit répondre de telle ou telle façon;fi elle devoit expliquer telle chofe qu'elle avoit dite, & qu'on pouvoit interpréter mal à quoi fe joignoit le chagrin extrême de n'avoir qui que ce foit pour confulter. Nous verrons quelque chofe de plus dans la fuite; car elle fut horriblement fatiguée par différentes vues qui fe préfentoient à fon efprit pour figner d'une maniére qui n'engageât point fa confcience. Ce qui contribuoit à cela, c'étoient d'un côté les nouvelles qu'on lui débitoit de quelques Meres & de quelques Sœurs dont on lui rapportoit la fignature vraie ou fauffe; & de l'autre, les appréhenfions qu'elle avoit de ne pas perfévérer & de fuccomber à la fin, non pas tant aux fouffrances extérieures & aux peines de la captivité, qu'à la continuité des tentations qui s'élevoient dans fon ame pour la fignature & des embarras d'efprit qui ne la quittoient point, auffibien qu'à l'ennui d'entendre argumenter fans ceffe pour la fignature, & parler horriblement mal des Meres & des Meffieurs pour qui elle étoit pénétrée de refpect. Dans la fuite une autre vue le préfenta a fon efprit & augmenta encore fes perplexités. Elle l'explique dans une lettre écrite en fecret à une des Sœurs de P. R. >> Ma peine, dit-elle, vient du doute où je fuis s'il ne faut pas autant craindre de bleffer la charité que la vérité; je veux dire que l'on doit beaucoup craindre le fchifme. Comme il s'agit d'un Fait, quoique je fache que la vérité y eft bleffée, il y a bien des perfonnes qui ne le favent pas, & qui font fcandalifées » de nos résistances.... Si vous pouvez favoir quelque chofe qui m'affure contre ces points, qu'on ne doit point quelque chofe à la cha » rité & à l'union de l'Eglife, je ferai ́en repos. » כם La Mere redoutoit beaucoup les entretiens de l'Archevêque ; & quoiqu'elle ne lui ait parlé que deux ou trois fois durant la captivité, cependant comme elle ne favoit point quand il viendroit, elle étoit tous les jours jusqu'à cing heures du foir dans l'allarme : & alors elle fe rafluroit jufqu'au lendemain ; mais dès fon réveil la peur & le faififfement lui reprenoient, dans le doute s'il ne viendroit pas dans la journée. Au milieu de toutes ces angoiffes Dieu lui laiffoit deux reffources pour fe foutenir. Il lui procuroit la tranquillité le foir & la nuit, comme je viens de le dire, & elle dormoit bien. Mais une autre reffource fupérieure étoit une paix fecrette qu'elle confervoit toujours au fond du cœur, fondée fur l'eftime qu'elle faifoit & des fouffrances & de la caufe pour laquelle elle fouffroit; une ferme réfolution qu'elle fentoit dans fon ame, de fuppor ter tout plutôt que de devenir infidelle, & un regard continuel de Dieu pour recourir à fa fainte protection. Elle avoit dans fa chambre. une image de N. S. J. C: dans le défert, à laquelle elle avoit une finguliére dévotion à caufe du mystére qu'elle repréfentoit. Elle s'offroit fréquemment à J. C. qui a voulu être tenté pour nous mériter la victoire dans nos tentations. De plus, elle s'étoit représenté en entrant dans la mailon, que l'étang de feu & de foufre étoit à la porte, afin que l'envie de figner ne lui prît pas pour fortir de la maison. Nous avons pu remarquer que toutes ces faintes filles dans leur captivité ont été exercées plus ou moins longtems par des peines pareilles, des obfcurités accablantes des angoifles terri Tome II pay that * |