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LXXXV.

la voir quelques jours après & lui apporta les réponses à tout, tant des amis que de l'Archevéque. Celle des amis étoit que dans le fens qu'elle donnoit à l'indifférence, elle avoit pu la promettre mais que comme l'Archevêque l'entendoit autrement, elle devoit s'expliquer dans l'occafion. La réponse de l'Archevêque étoit qu'elle ne s'inquietât point davantage, que bientôt il l'enverroit à P. R. des Champs. La Mere ne put pas tenir contre le fcrupule que Jui donnoit la réponse des amis. Elle écrivit fur le champ à l'Archevêque pour s'expliquer, & lui marqua que, comme il exigeoit d'elle une parfaite fincérité, elle étoit obligée de lui dé clarer que jamais elle n'avoit prétendu promettre l'indifference pour la fignature pure & fimple. Elle n'eut point de réponse.

La Supérieure commença alors à lui parler Entretien de du deffein qu'on avoit de les transférer toutes la Mere avec à P. R. des Champs, fuivant la demande qu'en l'Evêque d'E- avoit faite la Mere Agnès, & de l'oppofition envoyée à P: qu'y apportoient les Soeurs de la Maison de

vreux. Elle eft

R... des

C. amps.

Paris, comme nous l'avons vu plus haut. La Supérieure & elle depuis ce moment entrérent dans un commerce plus amiable & plus ouvert: l'une étant bien aife de n'être plus à charge à la maison où elle étoit, & l'autre fort joyeufe d'être défaite d'une perfonne dont les difpofitions ne lui plaifoient point. La chofe s'exécuta le trois Juillet, comme on fçait. Dans l'intervalle la Mere eut un entretien avec l'Evêque d'Evreux qui l'entreprit vivement fur la fignature & fur les Janféniftes. Il lui dit entre autres chofes qu'il étoit vrai qu'il y avoit eu bien de Finjuftice dans tout ce qui s'étoit fait : mais qu'à préfent que le Pape y avoit passés, il falloit fe foumettre ; que le Pape ne manquoit

jamais d'être affifté des lumiéres d'enhaut Forfqu'il s'agiffoit de prononcer ; qu'il venoit de Rome, & qu'il en avoit vu une preuve évidente dans une affaire ou le Pape au moment de la décifion prononça tout autrement qu'il n'avoit pensé dans le cours de l'affaire, comme s'il eût été faifi de l'efprit de Dieu & transformé en un autre homme. Il lui dit enfuite qu'il étoit vifible que le Seigneur étoit décla-ré contre les Janféniftes, & tout pour le parti oppofé, parcela feul qu'on ne voyoit point de Saints chez les premiers *& les autres >* que en avoient de leur côté, faint François de Sales, l'Evêque de Pamiers, M. Vincent, M. Ollier; que les Janféniftes étoient des gens qui prêchoient la pénitence & ne la faifoient point; que M. Singlin fe faifoit débotter par un Gentilhomme & recevoit de lui fa chemife, & cent autres contes femblables. La Mere lui répondit à tout fans peine.

Enfin le jour de la délivrance arriva. A fix -heures du foir le trois Juillet on vint avertir :la Mere le Comte que M.l'Official l'attendoit à la porte pour l'emmener.Elle arrangea auffi-tôt toutes fes hardes, dont elle fit un paquet qu'elle laiffa en dépôt aux Religieufes de la maison. Elle alla enfuite fouper fuivant l'ordre qu'a--voit donné l'Official ; enfuite ayant falué laSu-périeure & les deux Sœurs qui lui avoient tenu compagnie, elle partit. Elle fut conduite aux Filles Sainte-Marie du Fauxbourg faint Jacques, où elle trouva trois autres Sœurs, avec lefquelles elle paffa la nuit à écouter & à raconter les avantures de la captivité; & le lendemain matin elles furent conduites P. R. des Champs.

laiffées affez

tivité.

Captivité de la Saur Agnès de la Mere de
Dieu de Choui de Penfiere, & de la Sœur
Françoife de la Croix de Villume de Bar-
monté, à l'Hôpital de la Crêche, Fauxbourg
S. Victor.

EXXXVI. La Sour Agnès de la Mere de Dieu fut meLes deux née le 26. Août 1664. à l'hôpital de la Crê Seteurs font che, qui eft à préfent la Communauté de S. tranquilles François de Sales, fauxbourg S. Victor, &dans leur cap-qui étoit alors un hofpice pour retirer les Religieufes étrangères. Elle y fut reçue par la Supérieure avec beaucoup de charité. Comme elle étoit infirme, elle fouhaita d'avoir avec elle la Sœur Françoife de la Croix pour la foulager, & fit prier M. l'Archevêque de la lui envoyer. Celle-ci fit quelque difficul té. Les Sœurs lui représentérent que nous devons autant à la charité qu'à la vérité ; & fur -ce qu'elle alléguoit que, n'étant pas profeffe de P. R. elle appréhendoit que fa fortie actuelle ne nuisît à fon affociation, les Religieufes lui firent un acte par lequel elles déclaroient que c'étoit fans préjudice de ladite affocia

tion.

Le Confeffeur de la maison ne manqua pas -de folliciter les deux filles de P. R. pour la fi gnature,& les preffa de promettre au moins l'indifference. Elles dirent qu'elles n'entendoient point tous ces termes nouveaux, & qu'elles prioient qu'on les laifsât en repos. Cependant

par

le bon cœur de la Supérieure qui parla au Confeffeur, elles furent admifes deux fois à la communion. Dans le mois d'Octobre la Sœur Françoife de la Croix tomba dangereusement malade. Le Curé de S.-Nicolas, Superieur de

Ja Crêche, vint pour fçavoir fi fon état demandoit qu'on l'adminiftrât. Il parla à la Sœur Agnès de la Mere de Dieu, difputa avec elle, & se retira fans rien conclure.

Belle réfi

Les réponses de cette Religieufe font fi fran- LXXXVII. ches & fi naïves, que je crois devoir les rap- ftance des porter.

D. Pourquoi ne voulez-vous pas figner? R. C'eft que n'étant pas perfuadée des chofes, je ne puis les attester.

D. On vous donnera une déclaration que votre fignature n'eft pas un témoignage. R. Quelque déclaration qu'on me donne, je met-trois toujours mon nom au bas d'un papier qui dit: Je crois, je condamne. Au refte, dit-elle, je m'étonne que dans l'état où nous fommes, on exige de nous des fignatures qui font nulles de plein droit; parce qu'une Religieufe ne doit rien faire en fon particulier, mais feulement capitulairement affemblée. Outre cela nous avons fait plufieurs actes de défaveu anticipé de toutes les fignatures que nous pourrions faire à l'avenir, tant que nous ne ferons pas dans un état de liberté.

D. Vous croyez donc que ce qu'ont fait celles qui ont figné eft nul? R. Affurément Monfieur; ne doutez pas qu'elles ne foient reçues à s'en faire relever quand elles vou

dront.

D. Vous êtes terriblement entêtée. Il y a là obfeffion. Ce font vos Meffieurs qui vous ont mis tout cela dans la tête. R. Qu'entendezvous, Monfieur, par ces Meffieurs ?

D. J'entends M. Arnauld. R. Je vous affu re, M. qu'il y a plus de 16. ans que je n'ai par-lé à M. Arnauld. D. C'est donc M. Singlin. R. Je vous protefte qu'il ne m'a jamais parlé.

deux Sœurs.

de la fignature. Tout ce que je fçais, je l'ai - appris d'un Laïc qui étoit mon beau-frere: c'étoit un homme fort fçavant & fort homme de bien, qui m'a dit que tout ce bruit venoit d'une certaine Préface qui étoit dans le Livre de Janfénius, qui comparoit les Jéfuites à de certains hérétiques ; que cela les avoit choqués, & qu'ils avoient ému tout ce tumulte.

Une Religieufe du Couvent de l'Affomption qui étoit exilée à le Crêche, s'étant mis en tête de fe faire Supérieure de la Crêche, avec F'aide d'un Jéfuite fon Confeffeur, & de quelques Religieufes difcoles de la maison, elle commença par folliciter la fortie des deux Religieufes de P. R. auprès de M. l'Archevêque. Le coup fut rompu par la découverte qu'on fit de toutes les intrigues de cette Religieufe de l'Affomption, & elle fut transférée ailleurs.

que

Les deux Sœurs de P. R. avoient la confolation d'être quelquefois encouragées par plufieurs Eccléfiaftiques & Docteurs (comme le Curé de S. Benoît, Grenet) qui venoient les voir, & qui, quoiqu'ils euffent figné, déclaroient aux Sœurs leur état étoit sûr pour le falut, & que le refus de la fignature n'étoit pas un péché chez elles. Il en vint un qui n'étoit pas des fignants, & qui les affermit tout autrement; car il leur dit : » Sçavez-vous bien ce » que veulent dire les derniéres paroles du For» mulaire ? C'eft-à-dire, je me donne au D...... files Propofitions ne font dans Janfénius » Elles furent donc toujours, remplies de fermeté, dans les affauts que leur donnoient le Curé de S. Nicolas & M. Chamillard.

La femaine de la Paffion le Curé de S. Nicolas vint à la Crêche, nomma une nouvelle Supérieure, parce que l'ancienne étoit deve

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