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nue fufpecte à quelques Sœurs de la maifon, qui difoient qu'elle y avoit introduit le Janfénifme jufques dans le chœur. C'eft que les Religieufes de P. R. avoient appris aux Sœurs de la Crêche le chant & les cérémonies de P. R. La nouvelle Supérieure n'étoit pas bien difpofée à l'égard des deux Soeurs. Cependant elle les laiffa en paix fur l'avis de fon propre Confeffeur, M. Imbert. Elle fit venir le Curé de S. Nicolas un peu avant Pâques, pour parler aux deux Sœurs de la communion. Il y vint il leur allégua que tous les Evêques & tous les Docteurs fignoient la nouvelle Bulle de Rome, que M. d'Alet figneroit auffi. La Sœur Françoife lui répondit fort fenfément : » C'est en cela, M. que je vois l'injuftice; car s'il eft vrai que tous les Evêques, tous les Do tears & tous les grands hommes de l'Eglife tombent d'accord de cette affaire, quel befoin y a-t'il que de pauvres filles en foient embaraffées, & pourquoi leur inquiéter la confcience?» La conférence ne produifit donc aucun effet ni fur les Soeurs pour figner ni fur le Curé pour accorder la Communion. Le 3. Juillet l'Official vint leur apporter l'ordre pour fortir de la Crêche fur l'heure. Comme elles ne devinoient pas de quoi il s'agiffoit, elles demandérent quartier à caufe de l'indifpofition de la Sœur Françoife. Mais il leur déclara que c'étoit pour aller à P. R. des Champs, & pour être réunies à toutes leursSœurs. Elles acquiefcérent volontiers. Elles ne partirent cependant que le lendemain à cinq heures du matin, & elles furent conduites à la Vifitation du fauxbourg S. Jacques, où elles trouvérent la Mere de l'Incarnation, Prieure, & trois autres Sœurs avec qui on les mena à P. R. des Champs.

LXXXVIII. Voilà les Extraits de toutes les Rélations que Combien ces j'ai trouvées, foit imprimées, foit manufcriRélations font tes. Il y auroit plufieurs réflexions à faire fur dignes de foi. certains traits qui fe rencontrent dans ces Captivités par exemple, ce qu'il faut penfer de

:

la conduite de la Mere Agnès, & de ce qu'elle a fait pour fortir de fa captivité, qui déplut tant aux Sœurs de P. R. comment il faut regarder les chutes de plufieurs Sœurs, telles que la Sour Candide, la Sœur Thérèse, la Sœur Claire, la Sœur Gertrude. Nous aurons lieu de difcuter ces chofes dans le Livre fuivant, quand nous trouverons toute la Communauté transfé-rée & réunie (dans la maifon des Champs. Co feront les perfonnes elles-mêmes qui feront cette difcuffion de la maniere du monde la plus Jumineufe & la plus édifiante. Je me contenterai donc de faire deux observations fur les Rélations elles-mêmes, compofées & écrites par les Religieufes. On demandera peut-être d'a bord, fi l'on doit donner toute créance à ces récits faits par des filles qui font parties in séreffées, & qui auront pu outrer les chofes, foit en leur faveur, foit au préjudice des per fonnes de qui elles fe plaignent. La fincérité de ces filles eft déja munie d'un fort préjugé,dans toutes les belles qualités qu'on ne peut s'empê cher d'admireren elles, furtout cette piété tendre, cette confcience timorée au sujet du menfonge, cette averfion étonnante pour la moindre apparence de déguisement, &c.

Mais ce qui met abfolument ces Rélations hors de tout foupçon, c'eft un air de fincérité & de droiture qui s'y fait fentir par deux endroits; 10. par l'aveu naïf & la déclaration ingénue que les Religieufes font de leurs fautes, de leurs chutes, des défauts de leurs Sœurs

enforte que rien n'y eft déguifé de tour ce qui naturellement blefferoit l'amour propre ; 20 par les louanges qu'elles donnent aux maisons où elles ont été enfermées, & la juftice qu'el les rendent, foit aux bonnes qualités des Religieufes qui les tenoient prifonniéres, foit aux politeffes & aux bons foins qu'elles en recevoient pour l'ordinaire. Comme les follicitations que leurs geoliéres leur faifoient pour la Signature étoient vives, hautes, fouvent même dures & accompagnées d'outrages; que d'ailleurs dans ces maifons on étoit extrêmement ponctuel & littéral à fuivre les ordres rigouFeux de l'Archevêque pour ferrer les liens desprifonniéres, fi celles-ci avoient été suscepti bles d'animofité, elles n'auroient pas tant mé→ nagé celles qui les avoient fait tant fouffrit de ce côté-là; & rien enfin ne les obligeoit de faire l'éloge de leurs geoliéres. Elles le font cependant, & donnent par-là des preuves au thentiques de leur équité, de feur droiture & de leur impartialité. C'eft de quoi affurer & conftater la fincérité de leurs Rélations:

Une feconde chose: qui pourroit arrêter un LXXXIX. efprit critique dans ces Rélations, tant celles Jugement fur les louande la Captivité, que toutes les autres en généges que lesReral, ce font les efpéces de louanges que ces lieufes fe don filles le donnent à elles-mêmes, à leurs Sœurs, nent à ellesà leur Communauté; en forte que tout ce qu'on mêmes dans en fçait de bien, & ce qu'on en dit, on ne le ces Relations. fait que d'elles-mêmes. Ceux qui feroient frappés par cet endroit, font priés d'obferver, io. Que les louanges, ou pour mieux dire, les idées avantageufes de P. R. qu'on trouve dans ces Rélations, résultent des faits qui y font narrés, plutôt qu'elles n'y font placées à deffein, & que la vérité de l'hiftoire demande

qu'on rapporte les faits tels qu'ils font; 20. Que ces faits, d'où réfulte l'idée avantageufe de la maison de P. R. & des Sœurs, n'ont été rédigés par ces filles en un corps d'histoire, que par la néceffité où elles étoient de fe juftiffer dans le public. On les chargeoit de calomnies, on les décrioit en toute maniére; pouvoientelles fe refufer à elles-mêines & à l'édification de l'Eglife la réfutation de ces calomnies, & la deftruction du fcandale qu'elles auroient donné, fi ces calomnies euffent été crues vraies ? 3. Il n'y a point de compagnie à laquelle it ne foit permis, fans que l'humilité en fouffre, ni que le public s'en formalife, de préconifer ceux de fes membres à qui Dieu a fait des gracès finguliéres, & qui fe font diftingués par des actions de vertu. 40. Ce que j'ai dit ci-deffus de l'ingénuité avec laquelle les Religieufes de P. R. racontent leurs foibleffes, fervira en core à montrer que ce n'eft pas par un principe d'orgueil & d'amour propre qu'elles ont dit auffi ce qui étoit à leur avantage. Il en faut di re autant des traits défavantageux qu'elles rapportent de leurs perfécuteurs ; pour les mêmes raifons que je viens d'alléguer, elles ne pouvoient pas les taire.

Mais écoutons-les s'expliquer elles-mêmes. La Sour Angélique de S. Jean traite ce point dans deux de fes Lettres à M. Arnauld. On y verra qu'elles n'étoient pas fans quelque peine à ce fujet,& que fi elles ont mis la main à la plume, ce n'étoit ni pour faire parler d'elles & fe faire valoir, ni pour fe procurer la fatisfation d'une petite vengeance contre les perfon nes de qui elles avoient à fouffrir.

Dans la premiere Lettre, elle déclare qu'elle n'a écrit la Rélation (& elle affure la même

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chofe de la Saur Eugénie ; on peut le penfer
de toutes les autres) qu'elle n'a, dis-je, écrit
que pour expofer au jugement de fes Confef-
feurs quelle avoit été la conduite & les difpo-
fitions dans cette occafion importante, & pour
être aidée à reconnoître les graces que Dieu
lui avoit faites, & à remarquer les fautes qu'elle
pouvoit y avoir commifes. Enfuite elle expofe
les raifons de tenir ces récits fecrets, & de ne
les pas répandre dans le monde, comme elle
avoit oui dire qu'on prétendoit faire. La pre-
miere raison qu'elle allégue, c'est le mépris
que feroient la plupart des perfonnes qui ne
Les affectionnent pas, de la facilité qu'on au-
roit à Port-Royal à produire tout ce qu'on
fait & à fe procurer des louanges. La feconde,
c'est la crainte de l'eftime & des applaudiffe-
mens des hommes qui pourroient leur faire
perdre quelque chofe de l'humilité chrétienne.
J'appréhende, dit-elle
dit-elle, que le démon
» n'ait un bien mauvais deffein dans cette af-
»faire, & qu'il ne dreffe des embûches au
>> talon de la femme, pendant qu'elle ne cher-
che qu'à conferver fa tête. Car que nous
» ferviroit-il de conferver la vérité, fi nous
perdons l'humilité qui eft la base de tout
» mérite?» La troifiéme, c'eft qu'il ne con-
vient pas d'expofer à la gravité des Lecteurs
férieux cent bagatelles qu'elle dit avoir rap-
portées indifféremment, écrivant tout ce qui
lui venoit dans l'efprit fans autre vue que de
divertir celui à qui elle écrivoit. »
Qu'il pa-
roiffe, dit-elle, qu'on a voulu entretenir le
» monde de ces inutilités & perdre le tems à
» les écrire, cela ne peut nullement édifier. »
Ceux qui ont donné au public ces Relations
imprimées, font entrés dans l'efprit de cette

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