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VI.

reçu dès le 6. du mois fon obédience pour revenir à P. R. des Champs: mais elle n'avoit pas jugé à propos d'en faire ufage, parce que I'Archevé que ne lui donnoit dans fa Patente que la qualité de ci-devant Abbeffe. Elle écrivit de l'avis de l'Evêque de Meaux fon frere à M. l'Archevêque, pour lui expofer modeftement la raifon qu'elle avoit de ne pas accepter l'obédience dans la forme qu'il la lui avoit envoyée, parce qu'elle la dépouilloit d'une qualité qu'elle avoit véritablement. Mais ayant vu par la réponse que lui fit M. de Paris, qu'il n'y avoit rien à gagner auprès de lui, elle prit la résolution, & elle aima mieux fe rejoindre à fes Sœurs, que de refter dans une maison étrangére, où elle ne pouvoit pas fervir la fienne.

Le 29. la Mere Abbeffe pour premier acte de Rétractation rentrée dans fes fonctions, fit fonner le Chade la fignature par plu- pitre, & occupa les Religieufes d'une cérémofleurs Reli- nie très-édifiante. Ce fut de recevoir les rétragieufes en ctations des cinq Religieufes qui avoient figné, plein Chapi- fçavoir, la bonne ancienne Catherine de S. Paul Goulas, les deux Sœurs d'Andilli Claire & Thérèfe, & les Sœurs Magdeleine de Ste Candide le Cerf & Anne de Ste Gertrude Robert. Ces cinq Religieufes fe mirent à genoux au milieu de l'Affemblée, excepté la premiére. qui étoit au milieu du Chapitre fur une chaife, dans laquelle on l'avoit apportée, parce qu'elle étoit paralitique de la moitié du corps. La Mere Abbeffe expofa à la compagnie le deffein qu'avoient ces Sœurs de réparer par une accufation publique la faute qu'elles avoient commise en fignant le Formulaire, & repréfenta aux Religieufes l'obligation où elles étoient de prendre part à la grace que Dieu faifoit à leurs Sœurs. Les cinq Sœurs qui avoient

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déja fait des rétractations fecretes écrites & fignées de leurs mains, & attestées fur un autre papier par plufieurs de leurs Sœurs, les cinq Sœurs, dis-je, firent leur déclaration l'une après l'autre avec une grande humilité, & en verfant beaucoup de larmes, avouant que leur chute étoit la punition ou de leur présomption, ou de leur négligence à prier, ou de la préfé rence qu'elles avoient donnée à des confeils étrangers; fe recommandant instamment aux priéres de toutes leurs Sœurs ; témoignant que c'étoit à la charité de la Communauté, qu'elles étoient redevables de la grace que Dieu leur avoit faite de les toucher & de les éclairer fur leur faute ; enfin fuppliant la Mere Abbeffe de leur impofer une pénitence telle que leur faute la méritoit. La Communauté de fon côté, attendrie par un spectacle fi édifiant, mêloit fes larmes à celles des Pénitentes; larmes de joie, en partie fur l'heureux retour de leurs Sœurs à la bonne caufe, & en partie d'humilité, chacune réfléchiffant fur elle-même & fur fa propre foibleffe, qui fans une protection fpéciale de Dieu, auroit pu lui attirer le même malheur, & qui les mettoit encore dans un befoin pareil de prières pour obtenir la grace de perfévérer.

Mais la furprise & la confufion furent tout autres, lorfqu'on vit la vénérable Mere Agnès à fon tour le mettre à genoux après les cinq autres, demander pardon à toute la Communauté, de la peine qu'elle leur avoit causée en confentant à promettre l'indifférence fur le Fait. Elle dit qu'elle avoit cru ce terme innocent; mais que ç'avoit été chez elle un aveuglement qu'elle s'étoit attiré, pour n'avoir pas bien profité de l'épreuve glorieufe où Dieu les mettoit M S

pour le fervice de la vérité, qu'elle avoit bien reconnu depuis le mauvais fens de ce mot, & le mauvais ufage qu'on en avoit fait; d'autant plus qu'avant la difperfion on s'étoit engagé à ne rien faire du tout tant qu'on feroit féparé. Elle avoua auffi que c'étoit le fentiment de fa foibleffe & de fon peu de lumière, qui lui avoit fait fouhaiter & demander à M. l'Archevêque fa réunion avec fes Sœurs, d'une.maniére qui avoit fait peine à plufieurs.

La Mere Prieure de Paris imitant l'humilité de la Mere Agnès demanda auffi pardon à la Communauté des fujets de peine qu'elle lui avoit donnés, ayant paru affoiblie & ébranlée pour la fignature; confeffant humblement qu'elle s'étoit vue fur le bord du précipice. La Sœur Anne-Eugénie fit auffi des excufes de s'être rendue à promettre l'indifférence: Plufieurs autres Sœurs la fuivirent, s'accufant de quelques fautes particuliéres qu'elles croyoient avoir faites. D'autres fe crurent obligées, en ayant l'occafion, de témoigner leur reconnoiffance envers les Sœurs, de la charité qu'on avoit eue pour elles,& par laquelle elles avoient été foutenues. Enfin la Mere Abbesse ayant fait affembler de nouveau la Communauté le 30. la Sœur Marguerite de Ste Gertrude Dupré fit fa rétractation d'une maniére encore plus touchante que les autres. Elle n'avoit demandé à venir à la maifon des Champs que pour se réunir à la Communauté, & fans aucun deffein de fe rétracter, ne croyant pas avoir mal-fait. Dès le lendemain de fon arrivée, jour de la Dédicace, elle avoit été toute changée; de forte qu'elle étoit entrée depuis ce jour-là dans une fi profonde retraite, qu'elle s'étoit privée elle-même d'affifter aux Affemblées de la Communauté.

Elle y vint pour la premiére fois en ce jour, 30. Juillet, & s'étant mife dans la posture d'une humble pénitente, elle lut tout haut & avec beaucoup de larmes la rétractation qu'elle avoit dreffée par fon propre mouvement de sa fignature des deux Formulaires. En la lilant, elle s'interrompoit quelquefois pour exprimer fa douleur & fes fentimens avec plus de force qu'elle ne penfoit l'avoir fait fur le papier. Elle demanda avec inftance d'être mise au rang des Sœurs Converses, ou du moins au dernier rang des Sœurs du Choeur. La Mere Abbeffe lona fon défir; mais elle lui en refufa l'exécution pour une raifon d'œconomie & de prudence, difant que l'on n'étoit pas dans un tems où l'on pût faire un changement auffi apparent qui pourroit piquer M. l'Archevêque. Elle confentit feulement au deffein que la Sœur avoit formé & déclaré publiquement, de ne point affifter aux Affemblées de la Communauté. La Mere lui repréfenta combien en effet elle avoit befoin de fe purifier par l'humiliation, fa chute ayant été la punition visible de la confiance qu'elle avoit eue en elle-même & dans fes propres forces, dont les Sœurs avoient vu des traits bien marqués dans le moment de fon enlévement. La Mere Agnès propofa un avis que lui infpira une charité également tendre & éclai rée: c'étoit que toute la Communauté fe joignît à la Soeur pour expier fon péché. La propofition fut agréée, & la Mere Abbeffe dit qu'elle permettoit à toutes les Sœurs de faire pour la Sœur Gertrude les pénitences que chacune choifiroit à fa dévotion : & fur le champ on commença par réciter pour l'humble pénitente le Miferere, qui fut dit à haute voix, toutes les Sœurs étant profternées."

VII.

ment on doit

J'ai différé jufqu'ici à réfléchir fur la chute Quel juge de ce petit nombre de Religieufes, parce qu'il convenoit de les entendre d'abord elles-mêmes chutes de cel- raifonner fur leur faute. Voici en peu de mots les qui ont G- les obfervations qu'on peut faire.

porter des

gné.

1°. Que fur une Communauté de plus de cent filles, il n'y en ait qu'un auffi petit nombre qui péchent ouvertement contre leur confcience, comme les fept Soeurs prévaricatrices de la maifon de Paris qu'il n'y en ait de même qu'un fort petit nombre qui fignent par foibleffe après des affauts auffi violens, après tant d'argumens & d'exemples féduifans, dans un entier dénument de confeil la plupart du tems: c'eft une preuve bien authentique de la vertu éminente qui regnoit dans cette nombreufe Communauté. Nous allons voir que pendant les quatre ans de la captivité dans la maifon des Champs, il n'y en aura pas une feule qui fuccombe.

20. A quelle caufe faudra-t'il attribuer la chute de ce petit nombre de très-bonnes Religieufes Ecoutons-les: elles viennnent de s'accufer elles-mêmes, C'eft, felon elles, trop de préfomption dans leurs bonnes difpofitions préfentes; c'eft défaut de priere; c'eft confiance dans des confeils étrangers. Voilà la caufe éloignée qui a pu mériter la fouftraction du fecours divin pour un tems, Mais peut-être fe jugent-elles avec trop de févérité. Pour les caufes prochaines, je veux dire les motifs qui les ont déterminées, nous avons vu dans les Rélations des captivités, par quels endroits elles étoient tentées. Les unes trompées par des équivoques, ne croyoient pas figner dans un mauvais fens les autres le faifoient par une efpéce de confcience, craignant que le refus per

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