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doit le fujet de fes pleurs, elle répondoit pour tacher fon jeu, qu'elle étoit inconfolable de ce qu'elle voyoit qu'il n'y avoit pas d'union dans la maifon. On l'entendoit dans la chambre de la Mere Eugénie, lui demander avec des torrens de larmes de la faire placer dans quelque maifon où elle pût vivre tranquille ou de l'emmener avec elle aux filles Ste Marie. La bonne Mere la confoloit de fon mieux, & lui faifoit efpérer qu'à la fin on viendroit à bout de ranger la maifon.

X.

Vues pour

que la Scut

C'eft pour cela qu'elle commença à parler de choifir quelque Sujet qui pût conduire la maifon dans les nouvelles vues. Il fe tint dans la faire une at chambre de la Mere plufieurs petits Sanédrins tre Prieure pour délibérer sur cette affaire. Comme les fil- Flavie. les de Ste Marie penfoient à fe retirer, elles vouloient faire choix d'une Supérieure qui eût les talens néceffaires pour bien gouverner. La four Flavie eut encore le creve-cœur de voir que les fuffrages ne tomboient point fur elle-même, & qu'ils fe réuniffoient affez fur une fœur Héléne qui étoit exilée chez les filles du Calvaire, & qui avoit figné. La pauvre sœur travailla de toutes fes forces à traverfer ces vues: elle fit par rapport à cette fœur auprès de l'Archevêque, ce qu'elle faifoit à l'égard de toutes les autres de la maison qui avoient figné; elle la décria & la noircit autant qu'elle put, l'accufant d'être toujours très-affectionnée aux Meres & aux fours non foumifes, afin de l'écarter auffi-bien que toutes les autres des dignités qu'elle vouloit feule pofféder. La chose étoit vraie de la fœur Héléne: quoiqu'elle eût figné, elle n'avoit rien perdu de l'eftime & de l'amour qu'elle avoit pour toute la Communauté : elle étoit dans le lieu de fon exil

XI. Conduite

& de M.Cha

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en commerce de lettres avec la bonne four
Candide. Elle eut même l'humilité de ne point
fe prévaloir de l'honneur qu'on lui faifoit
& elle déclara à la four Candide que jamais
elle n'accepteroit la place, & même qu'elle ne
confentiroit point à retourner dans la maison
tant que les Meres n'y feroient point,& que la
fœur Flavie ne changeroit pas de conduite.
Nous verrons dans peu comment les chofes
tournérent pour le gouvernement de la maison.
En voilà affez pour la fœur Flavie.

Quant à la Mere Eugénie, elle fe conduifoit fur le même pied qu'elle étoit entrée; elle dure & pleine vouloit toujours parun zéle peu éclairéexercer la de petitelles domination fur les fœurs, établir celle de la des filles de four Flavie qu'elle foutenoit en tout, malgré fainte Marie les défauts choquans de cette fille, ruiner tout millard. l'attachement des foeurs pour les Meres. Elle ne permettoit point qu'aucune Lettre passât au dehors, non pas même pour les Grands-Vicaires. Elle prêchoit fans ceffe la dépendance de M. Chamillard, & la déférence pour toutes les vues; elle eût même fouhaité que les fœurs mécontentes de ce Confeffeur, la priffent pour directrice de leur confcience; elle les en follicitoit fortement & fe fâchoit contre elles, parce qu'elles n'acceptoient pas l'offre. Elle veilloit fur toutes les démarches des fours avec un foin infatigable, foit par elle, foit par fes émiffaires. Elle empêchoit autant qu'elpouvoit les communications particulieres des fours les unes avec les autres: elle entra même en défiance de deux de fes propres Religieufes qu'elle voyoit affez favorablement difpofées pour les fours de la Communauté. Elle interdit à la Mere la Sourdiere tout entretien avec elles, & elle fut obéie par une fuite

du principe de l'obéiffance aveugle dont ces filles font profeffion. Pour la Mere de Maupeou, voyant qu'elle ne pouvoit plus écouter & confoler les fœurs, elle fe dégoûta du féjour de la maison & demanda à retourner dans la fienne. L'horreur que la Mere Eugénie avoit des fentimens & des difpofitions des fœurs qu'elle regardoit comme des difpofitions hérétiques & fchifmatiques, la porta à vouloir interdire la proceffion qui fe faifoit certains jours pour l'acquit du vou de S. Jofeph; difant que cette proceffion & ces priéres fe faifoient à mauvaife intention, & que c'étoit pour s'affermir de plus en plus dans le refus de la fignature. Tantôt elle faifoit ferrer la Croix & les Chandeliers; tantôt elle faifoit enforte qu'il ne reftât pas de tems; tantôt elle écrivoit à M. l'Archevêque pour le prier de lui commander à elle-même de l'empêcher. Tout ceci a beaucoup de petit: mais voici ce qui l'eft encore bien davantage. Elle exigea une fois de la fœur Candide, qui prenci toujouis hautement ie parti des fœurs de la Communauté non foumifes, & les juftifioit contre toutes celles qui vouloient décrier leurs démarches; elle exigea, dis-je, que toutes les fois qu'elle parleroit en leur faveur, elle déclareroit en commençant fon difcours, qu'elle n'approuve pas leur défobéiffance fur la fignature. Elle vouloit qu'elle dît d'abord: Elles errent, avant que de dire: Elles n'ont point mal fait telle & telle chofe: elles ont raifon d'aimer & d'eftimer les Meres, & ainfi du refte. A quoi la fœur Candide manquant fouvent, comme il eft naturel de le penfer, elle étoit très-férieusemenr reprise comme d'une grande faute, ce qui prêtoit beaucoup à rire en arriére de la Mere. Ses com

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pagnes de Sainte Marie ne lui cédoient en rien pour la petiteffe d'efprit. Les grands argumens qu'elles employoient auprès des fœurs pour tâcher de leur perfuader la fignature, étoient: » Ma chere fœur, le Pape a dit qu'il faut figner: Monfeigneur le veut ; tout le monde » le fait. » Quelqu'une ayant demandé à une de ces filles fi l'autorité de l'Evangile ne doit pas l'emporter fur celle du Pape, celle-ci répondit qu'il ne falloit rien croire & tenir de » l'Evangile, que ce que le Pape ordonnoit que » l'on en crût, & qu'on en tînt. » Jamais ni la Mere ni fes compagnes ne citoient aucune parole de l'Evangile ou des Saints dans leurs exhortations & dans leurs converfations pieufes; jamais il ne leur échappoit aucun trait des Pfeaumes: elles fe faifoient gloire de ne lire aucun autre livre que les ouvrages de leur Bienheureux Pere, difant que c'étoit une grande préfomption à des filles de citer l'Ecriture-Sainte. Cette petiteffe de génie paroiffoit aufli dans les recherches qu'elles faifoient des démarches des Religieufes, & dans la maniére dont elles veilloient fur elles. Elles paffoient des tems confidérables à fureter par tout, dans des endroits fi éloignés du dehors, qu'il n'y avoit pas ombre de bon fens à imaginer que peut-être elles y trouveroient des ouvertures pour les communications au dehors. Elles vifitoient la viande qui arrivoit, enfonçant un couteau dans les chairs pour les fonder à différens endroits. Mais ce qui n'étoit point petit chez elles, c'étoit le zéle aveugle & dur, la domination, l'obftination & l'opiniâtreté à fatiguer les fours. M. Chamillard partageoit tes qualités avec elles, auffi-bien que les pe

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titeffes dans les maniéres. Nous avons vu déja
affez de preuves de fon caractére dur & im-
périeux, de fon acharnement contre les Meres
& contre les fœurs: voici un trait de fes pe-,,
titeffes. Il étoit fi curieux de confeffer les fœurs,
ou de raifonner avec elles, qu'il aimoit mieux
effuyer de leur part des vivacités & des repro-
ches humilians que de fe priver de les voir.
Une fœur foumife, mais pourtant fufpecte,
lui dit une fois avant que de fe confeffer, qu'il
falloit qu'il lui promît trois chofes, qu'autre-
ment elle ne fe confefferoit point, & qu'elle
ircit à un autre Confeffeur; 1. qu'il ne lui par-
leroit point de fignature, non plus que s'il n'y
en avoit point au monde; 20. qu'il lui laiffe-
roit dire tout ce qu'elle avoit fur le cœur con-
tre la Mere Eugénie, contre la fœur Flavic,
contre lui-même, & qu'il le fouffriroit patiem-
ment fans lui faire aucun reproche; 30. qu'il
lui donneroit l'abfolution. Le Confeffeur eut
la fimplicité de lui promettre les trois chofes,
& lui tint parole. Rien au refte ne fera mieux
connoître le caractère de l'homme que le récit
de quelques-uns de fes dialogues avec les fœurs.
On en trouvera un tout au long imprimé à la
fin de cet ouvrage, avec d'autres piéces impor-
tantes. Il fervira d'échantillon.

XII.

Projet d'un

commode

Il fut queftion vers le tems de Pâques d'un projet d'accommodement qui avoit été propofé par une perfonne du dehors, & qui fut difcuté dans la chambre & en préfence de Madame la ment par lep. Marquife de Sablé. C'étoit l'occurrence de la Efprit. Communion Pafcale qui y avoit donné occafion car on auroit bien voulu procurer aux Religieufes le bonheur de participer aux Sacremens dans cette grande folemnité, & faire lever ou du moins fufpendre l'interdit que l'Ar

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