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excufe. » Il ne faut pas, dit-elle dans la dixième lettre citée ci-deffus fe perfuader » que les efprits foient toujours comme au»trefois, il y a grande différence, au moins en quelques-uns. L'obéissance aveugle a per» du fon crédit, & pour avoir voulu étendre fes limites trop loin, on l'a exclufe de fes prétentions légitimes en beaucoup de chofes..... L'inclination naturelle de l'efprit » humain étant d'aimer fa liberté, il faut beau

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coup de travail pour le réduire à une docilité » qui a toujours été extraordinaire dans notre maifon. Mais quand l'occafion a obligé d'ouviir davantage les yeux & de fe conduire plus par foi-même, celles qui étoient moins par vertu que par habitude dans cettę difpofition, ne fauroient prefque plus y ren»trer..... Néanmoins il ne faut rien exagérer; ce que je dis ne regarde pas beaucoup » de perfonnes. » Je ne crois pas qu'il foit poffible de penfer plus fenfément, & de raifonner auffi plus chrétiennement que cette digne Sœur Angélique. Nous la retrouverons toujours telle dans la fuite. Reprenons la narration des faits.

En attendant la réponse des amis confultés fur la future élection d'une Abbesse par les Sœurs de Paris, elles fe tournérent, fuivant leur ufage, du côté des vues de Religion. Elles firent l'établissement d'une nouvelle dévotion, pour s'affurer davantage & la protection & les Jumiéres du Ciel. Comme l'Office récité tout bas étoit beaucoup plus court, que lorfqu'on le chantoit ou qu'on le pfalmodioit haut, elles cherchérent un fupplément à la briéveté de cet exercice journalier. On propofa de réciter tous les jours le Pleautier tout entier dans la Commu

nauté; tout le monde en convint, & il fut placé dans l'avant-choeur un cahier où étoient marquées les intentions particuliéres pour chaque jour de la femaine: pour l'Eglife & pour les Princes chrétiens, le Dimanche ; pour le Pape & pour tous les Prélats, le Lundi, &c.

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XV. Proteftation

de la Sœur

Four

Ce que craignoient les Religieufes de P R. des Champs arriva. Les huit ou dix Sœurs de P. R. des de Paris firent l'élection d'une prétendue Ab- Champs conbeffe en la place de la Mere de Ligny qui étoit tre l'élection vivante, & n'étoit point dépofée. Ce fut la Dorothée PerSœur Dorothée Perdreau une des huit qui dreau avoient figné, qui fut choifie. Les foixante- Abbefle. dix de la maifon des Champs fe conformant aux avis qu'elles avoient reçus de leurs Confeillers, cherchérent tous les moyens de protefter contre cette entreprife avec une certaine publicité. La chofe n'étoit pas facile, parce que les gardes mettoient bon ordre pour qu'il ne fortît ni ne transpirât rien de la maison. Pendant que toutes les Sccurs s'occupoient à imaginer quelque voie pour y réuflir, plufieurs fans s'être communiqué leurs penfées, s'aviférent de la même chofe: c'étoit d'écrire à M. l'Archevêque pour lui demander un Confeffeur pour les Sœurs Converses, & d'y joindre l'aête de proteftation fous une même enveloppe ; & de prier quelqu'un de Mrs les gardes de porter la lettre. On penfa que les gardes ignorant qu'il y eût fous l'enveloppe autre chose que la lettre pour les Confeffeurs, & ne fe défiant de rien, ne feroient peut-être pas difficul té de porter le paquet, nonobftant la déclaration que l'Archevêque avoit faite de ne plus recevoir aucun billet des filles de P. R. L'affaire réuffit; & un des gardes, après quelque petite hésitation, confentit à faire la commif

fion. Ce fut le Lundi 21. Décembre que le paquet fut porté & rendu à M. l'Archevêque.

On repréfentoit dans la Lettre, que les Sœurs Converfes à qui M. l'Archevêque n'a pas ôté la participation des Sacremens, font fans Confeffeur depuis fix mois, parce qu'elles ne peuvent fe réfoudre à donner leur confiance à un jeune Prêtre, tel que le Sieur du Saugey qui n'a aucune expérience, n'ayant dit fa premiére Meffe que depuis qu'il eft dans la maison, & qui d'ailleurs s'eft toujours conduit en enne→ mi déclaré de la Communauté; que le Concile de Trente donne droit à toutes les Religieufes de choifir tous les trois mois un Confeffeur extraordinaire ; & que c'eft en vertu de ce droit, qu'aucun Supérieur particulier ne peut leur ravir, que les Converfes fupplient fa Grandeur de leur accorder ce qu'elles lui demandent. La lettre finit par une prière itérative au PréJat de rendre à toutes les Sœurs du Chœur l'u

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fage des Sacremens dont il les tient interdites depuis long-tems,» afin, difent-elles, que 0 comme if tient à leur égard la place de Dieu par fon autorité, il le repréfente auffi par fa bonté. L'acte de proteftation qui étoit joint à la lettre, étoit motivé de toutes les nullités que renfermoit une élection auffi grofliérement irrégulière. Les Religieufes avoient auffi dreffé une lettre pour la Sœur Dorothée elle mê→ me, Abbeffe intrufe, dans laquelle elles lui repréfentoient la turpitude de fon procédé, d'avoir ofé accepter dans les conjonctures préfentes la qualité d'Abbeffe. Elles lui faifoient des remontrances mêlées de tendrefle & de force fur l'état de fon ame devant Dieu. Mais la lettre ne put être envoyée. Nous verrons plus bas par quel tour on fit parvenir jufqu'à elle l'acte

de proteftation contre son élection.

A

XVI.

Maifon del'a

ris.

Quittons pour un moment P. R. des Champs, pour voir comment les chofes fe paffent dans Etat de la cette petite Communauté fchifmatique de Paris, depuis la tranfmigration des bonnes Religieufes à P. R. des Champs. Nous venons de parler d'une élection d'Abbeffe faite à Paris, & contre laquelle la maifon des Champs a fait. du mieux qu'elle a pu fes proteftations. Il eft: à propos d'en favoir quelque détail. Dès que les dix ou douze Sours qui étoient demeurées à Paris, fe virent débarraffées de cette nombreufe Communauté, elles penférent conjointement avec M.l'Archevêque & la M. Eugénie à faire quelque arrangement dans la maison. L'Archevêque propofa de nommer la Sœur Fla vie Supérieure par commiffion. Mais on lui fit faire réflexion qu'en prenant ce parti-là, on ne réuffiroit point à avoir des Novices, parce que perfonne ne voudroit fifquer de s'engager dans une maison Religieufe fans Chef. Ainfi il renonça à ce projet, parce qu'il avoit grande envie de faire de nouvelles profeffes pour peupler la maison. Il fe tourna d'un autre côté, qui étoit de faire faire par la Communauté l'élection d'une Abbeffe. Il en parla au Roi qui ne parut point entrer dans cette vue, parce qu'il vouloit rentrer dans fon droit de nomination. Les pauvres Sœurs de Paris en furent allarmées, comptant bien que Sa Majefté leur donneroit une étrangére. Elles firent des prières, des neuvaines à la Ste Epine & à S. Jofeph, pour détourner ce fléau. Elles écrivirent à M. l'Archevêque pour implorer fa protection auprès du Roi en faveur de l'élection. Elles intérefférent dans leur caufe l'Abbé de Priéres qui étoit tout-puiffant auprès de la Rei

ne Mere. Cet Abbé Bernardin leur dreffa un Mémoire où il fçut prendre la Reine par fon foible. Il lui repréfentoit que fi l'élection étoit fupprimée à P. R. & que fi la nomination du Roi avoit lieu, ce feroit la planche faite pour le Val-de-Grace; ce que certainement la Reine ne fouhaitoit pas. Le Mémoire eut fon effet, & la Reine obtint du Roi que les chofes demeureroient dans le même état. Une autre raifon frappa beaucoup le Confeil du Roi : c'est que la Mere Agnès ayant été autrefois pourvue de la coadjutorerie & ne s'en étant démife qu'en faveur de l'élection, on ne pouvoit pas anéantir l'élection, tant que la Mere Agnès vivoit, parce que dans le cas de l'élection fupprimée, c'étoit elle qui étoit inconteftablement Abbeffe. Les Religieufes de Paris eurent donc permiffion de faire leur élection.

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Alors il fe tint une espèce de conseil entre l'Archevêque & les Jéfuites d'un côté, & de l'autre M. Chamillard & les principales de la petite Communauté; il s'agiffoit de nommer une Abbeffe. Les premiers étoient pour la Sœur Flavie, & les derniers pour la Sœur Dorothée.. Ce qui déterminoit les uns pour la Sœur Flavie, c'eft qu'elle étoit entiérement dévouée à leur parti, & d'ailleurs d'un caractére ardent & intrigant. Mais les autres la trouvoient trop étourdie & trop dominante. La Sœur Dorothée leur paroifloit plus difcrete & plus raisonnable, plus propre en tout pour le gouvernement. L'Archevêque fe rangea du côté de la Sœur Dorothée. C'est ici le lieu de faire le portrait de ces deux filles qui ont joué un fi grand perfonnage dans cette fcène tragique. Il fe rencontrera encore dans la fuite quelques occafions d'en parler; ce qui achevera le tableau,

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