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XXII.

fons & Arrêt

de partage.

à elle, lui arracha le mafque & lui dit: » Bon » jour, Mademoiselle ; n'allez pas plus avant, » & prenez la peine de fuivre Madame votre » mere. » La mere la mena fur le champ à Ste Perrine de la Villette où elle la fit enfermer. M. de la Brunetiere qui étoit le Supérieur de cette maifon de Victimes, témoigna à la mere qu'il étoit fâché qu'elle eut retiré la fille de cette maifon. Mais la jeune fille devenue plus raifonnable témoigna au contraire qu'elle étoit fort aile d'être tirée delà ; que c'étoit un étrange lieu; qu'une des fins principales de l'inftifut étoit de retirer des filles & des veuves, qui étant groffes ne favoient où aller accoucher; & que l'occupation des Sœurs étoit de les fervir dans leurs accouchemens.

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Revenons à M, Bignon. Il parla à M. l'ArSéparation chevêque du projet que ce Prélat avoit de fépades deux mai- rer les biens des deux maisons, & lui demanda comment il entendoit faire lui faifant obferver qu'ayant une niéce Religieufe, & ayant été lui-même élevé aux écoles de P. R. il s'y intéreffoit tout-à-fait, & qu'il ne souffriroit pas que le Monaftere des Champs fùt maltraité. L'Archevêque lui dit que fon projet étoit d'affigner 20000. liv. de rente à la maison des Champs. Mais dans la converfation on ne convint pas tout-à-fait de la maniere dont cette fomme feroit payée, fi ce feroit en argent, ou bien en fonds de terres, ou autrement, M. de Meaux, M. le Préfident Le Léron, M. de Buzenval virent auffi l'Archevêque & infiférent fortement fur la néceflité indifpenfable, fuppofé la divifion des biens, de faire la maifon des Champs indépendante de celle de Paris pour les revenus qui lui feroient affignés ; & l'impoffibilité qu'il y avoit de faire payer par la maison

maifon de Paris à celle des Champs en argent la fomme de 20000. liv. parce que ce feroit une fource perpétuelle de conteftations ; & que d'ailleurs les fonds ne produifant qu'autant qu'ils font bien ménagés & mis en valeur, dès que les Religieufes des Champs n'en feroient plus chargées, ils ne rendroient point affez pour que celles de Paris en tiraffent de quoi fournir la fomme de 20000. liv. par an. M. de Paris parut fe rendre à ces raifons, & leur fit entendre qu'il ne feroit rien fait que de concert avec eux. Il les renvoya à M. l'Abbé de Prieres, qui étoit un Abbé Bernardin qui entroit un peu dans les affaires de Cour & dans les négociations. Ils trouvérent ce négociateur indécis pour aucune des deux parties contendantes, & fort d'humeur à ménager, comme on dit, la chévre & les choux. C'eft pourquoi ces Meffieurs ne comptant point fur lui, ne voulurent point avoir affaire à d'autre qu'à l'Archevêque,

Cependant ils apprirent qu'il y avoit un Ar rêt du Confeil fignifié le 23. Février aux Religieufes des Champs, qui faifoit le partage des biens & qui affignoit à celle-cis 20000. liv. par an, à prendre fur des fonds qu'elles exploiteroient elles-mêmes, mais dont leur hommed'affaire rendroit compte à la Sœur Dorothée de Paris. Ces Meffieurs allérent voir l'Archevêque & lui firent de grands reproches de cette précipitation après les paroles qu'il leur avoit données. L'Archevêque nia fortement & avec chaleur qu'il eut donné aucune parole. Le Préfident Le Léron le prit auffi fur un ton fort haut & lui foutint le fait, déclarant d'ailleurs qu'ils ne fouffriroient pas que les chefes demeuraffent fur ce pied-là, qu'ils exigeoient abfolument Tindépendance des fonds qui ne feroient point Toine II.

fujets à des redditions de compte auprès d'une Abbeffe que les Religieufes des Champs ne re connoiffoient pas & ne pouvoient point reconnoître. Il ajouta que puifqu'il en agiffoit ainfi, ils alloient faire la démarche qu'ils avoient laiffée en fufpens par égard pour lui ; qu'ils alloient faire imprimer la Requête au Parlement fignée de tous les parens des filles de P. R. dans laquelle ils manifeftoient l'injuftice qu'on exerçoit envers cette Communauté, dans le refus qu'on faifoit d'accepter des propositions auffi raifonnables.

L'Archevêque fut un peu interdit, & fe retrancha fur ce que l'Arrêt étant rendu, il n'y avoit plus de reméde. Il repréfenta enfuite que l'indépendance ne feroit jamais du goût de S. M. parce que ce feroit pour faire encore des

retraités de Janféniftes dans ces lieux-là. On fe quitta fans rien conclure. L'Abbé de Prieres en qui Madame de Longueville ne laiffoit pas d'avoir quelque confiance & tâchoit de l'infpirer aux amis, confulté à ce sujet, dit qu'il voyoit un expédient qui pourroit réuffir, fçavoir, que les Religieufes des Champs donneroient une procuration au fieur Hilaire pour gérer tout leur temporel, dans laquelle elles prendroient la qualité d'Abbeffe, Prieure & Communauté; & que ce feroit ledit Hilaire qui traiteroit enfuite immédiatement & en fon nom avec la Sœur Dorothée; que dans un concordat préalable qui feroit fait, les Religieufes des Champs feroient leurs proteftations, & déclareroient qu'elles ne pretendent point que cela nuife en rien à leurs droits. Nous verrons dans la fuite qu'on fut forcé d'en passer par là, pour le bien de la paix.

Pendant toutes ces négociations au fujet du

temporel, on parloit aufli du fpirituel. M. Chamillard & fes conforts remettoient fur le tapis la fignature. L'Archevêque en parloit auffi beaucoup. On faifoit courir le bruit dans le public que les amis de P. R. M. Arnauld lui-même & feu M. Pafcal penfoient que les Religieufes pouvoient le rendre. Mais on eut foin de defabufer le monde à ce fujet, & on fit voir la fauffeté de tous ces bruits. Il eft bon de fçavoir fur quel fondement on compromettoit là. dedans M. Pafcal. M. l'Archevêque affuroit que le Curé de S. Etienne lui avoit dit que M.' Pascal en mourant avoit déclaré qu'il s'étoit retiré de ces Meffieurs de Port-Royal, voyant qu'ils alloient trop loin. Or c'étoit précisément le contraire que l'illuftre mourant lui avoit dit, & qu'il avoit mal entendu. Il lui avoit déclaré ingénument qu'il lui paroiffoit que ces Meffieurs fe rabaiffoient trop & déféroient trop la Bulle d'Innocent X. Il auroit voulu qu'on cût mis à couvert la grace efficace d'une maniére expreffe dans la fignature. Il fut aifé de prouver la chofe par plufieurs lettres & écrits du tems. Et le P. Beurier Curé de S. Etienne rétraAta en 1671. ce qu'il avoit dit à M. de Péréfixe; c'eft ce qu'on voit dans une lettre de lui à Mlle Perier fœur de M. Pafcal. Ainfi les honnêtes gens du monde changérent d'avis & ne trouvérent plus mauvais que les Religieufes tinffent ferme pour le refus de la fignature. L'Abbé de Prieres avoit une idée, qui étoit de laisser les Religieufes des Champs mourir en paix, en leur rendant l'ufage des Sacremens, les laiffant vivre des fonds affignés par l'Arrêt, & leur défendant de recevoir des Novices. Mais l'Archevêque, quoique fouvent affez las de l'embarras que cette affaire lui caufoit, n'en avoit.

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Conteftations

nie des Cen

dres.

pas pour cela plus de bonne volonté pour les Religieufes.

XXIII. Rentrons dans le dedans du Monaftére. Le avec le Cha-jour de la Chandeleur on obtint avec grande pelain pour peine du Sieur du Saugey qu'il feroit la difles cierges de tribution des Cierges pour les Religieufes à la la Chandeleur grille. Il confentoit bien à faire la bénédiction: & la cérémo- mais il ne vouloit pas les donner à la grille à chaque Religieufe. Son prétexte étoit que M. l'Archevêque ayant défendu de donner de l'eaubénite aux Religieufes, c'étoit la même chofe, de donner des cierges. L'altercation fut longue. On lui dit enfin que M. Hilaire ayant interrogé là-deffus M, l'Archevêque, le Prélat avoit répondu » Je ne fçais:qu'il faffe ce qu'il voudra. Il dit que cela ne difoit mot, On lui foutint que c'étoit lui laiffer toute liberté. Enfin il fe jetta fur l'interdit, & dit que peut-être elles étoient excommunićes pour avoir chanté dans leur Chapitre pendant l'in-terdit du chant. On lui remontra que l'interdit n'étoit que pour l'Eglife. Il contefta fur ce que le Chapitre étoit adjacent à l'Eglife.. Il lui échapa de dire que M. l'Archevêque avoit demandé à M. de la Brunetiere fi elles étoient excommuniées, & que ledit Sieur lui avoit répondu qu'il ne le croyoit pas. Le Sieur du Saugey fut pris par fes paroles & obligé de fe rendre, non fans beaucoup de dits & de contredits répétés. La cérémonie, quoique fans chant, fut des plus belles & des plus folemnelles qu'on eut jamais vues à P. R. des Champs, toutes les ftalles hautes étant remplies, Après la meffe baffe, la proceffion se fit ; elle dans le Chœur fans chant, mais commença elle continua dans les cloîtres & dans les dortoirs en chantant,

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