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Le Mercredi des Cendres le Chapelain ne fe rendit pas fans grande difficulté à faire la cérémonie des Cendres. La conteftation fut, fçavoir fi on recevroit les cendres fur le front, ou fur le voile baiffé. Les Religieufes vouloient les grands voiles baiffés, & le Sieur du Saugey vouloit les cendres fur le front. Il y eut trois féances de controverfe fur cet important fujet, deux la veille, & une troifié me le jour des Cendres de grand matin. Le Sieur du Saugey dit qu'il ne fouffriroit pas qu'on innovât & qu'il fçavoit que précédemment on avoit reçu les cendres les voiles levés. Les Meres lui répondirent qu'elles avoient leurs raifons pour changer cet ufage, pour fe conformer à prefque toutes les Congrégations, Bénédictines, Cifterciennes, Carmelites, &c. Il perfifta dans fon dire, qu'il ne donneroit point de cendres les voiles baiffés. On le fépara deux fois fans convenir. La Sour Angélique lui fit fentir que le public affurément ne fe roit pas édifié du refus qu'on fauroit qu'il auroit fait de donner des cendres fous un tel prétexte. Le jour des Cendres il commença par fe fâcher, difant qu'on agiffoit avec lui fans ménagement, qu'on n'avoit qu'à venir les voiles. baiffés fans lui en rien dire auparavant,qu'il ne les auroient pas refufées. On lui répondit que c'étoit lui qui en avoit parlé le premier. Enfuite il revint à exiger les voiles levés. Comme on tenoit ferme, il propofa de n'avoir que les petits voiles baiffés. On perfifta pour les grands, & on lui fit entendre que n'ayant point d'ordre là-deffus de M. l'Archevêque, il agiffoit vifi blement par ceux de M. Chamillard; mais qu'on ne fe rendroit point. Enfin il céda, & il donna les cendres fur les grands voiles baiffés.

XXIV.

Autres fcenes, l'une au

Le même Chapelain ne fut pas fi traitable att fujet d'un pauvre Gentilhomme, nommé M. Chartier, que la maifon entretenoit par charité, & qui mourut dans ce même tems. Il ne voulut point qu'on fonnât pour le défunt, ni qu'il fe fit aucune prière publique pour lui. Il y eut des pourparlers fans fin à ce fujet avec le Sieur du Saugey. On envoya à Paris favoit ce qu'en penfoit M. l'Archevêque. Il répondit fimplement: Ya-t'il affez de prêtres pour chan

ter? » Cependant le Sr du Saugey fit entrer le corps dans l'Eglife fans aucun chant, & après une meffe baffe il l'enterra de même en filence. S'il ne vouloit pas permettre aux Re ligieufes de chanter à caufe de leur interdit prétendu, il pouvoit, comme il fe pratique dans les villages, faire chanter les gens qui étoient dans l'Eglife, & réciter lui-même en chant les oraifons de l'enterrement.

Le même jour qu'avoit commencé la controverfe des Cendres, qui étoit le mardi-gras, fujet d'une commença une autre fcene que je vais rapnouvelle Tou-porter. Le foir la Touriére demanda au Tour riére envoyée un fouper pour une Demoiselle qui arrivoit de à P.R & l'au- Paris. On demanda qui c'étoit. La Touriére tre au fujet de l'abfolution répondit que c'étoit une nouvelle Touriére refufée à Ma- qu'on envoyoit de Paris. On alla avertir les gni à deux Meres qui vinrent au Tour & déclarérent à M, femmes qui é- l'Exempt & à M. du Saugey qu'elles ne recemauvais com- voient point cette Touriére qui leur étoit inmerce avec connue, & qu'elles n'avoient pas besoin de l'Exempt de deux Touriéres. L'Exempt dit que la premiére la garnison. fe retiroit. Les Meres répondirent qu'elles

toient en

s'en pafferoient; qu'au furplus on ne montroit point d'ordres de perfonne qui eût envoyé cette fille. L'Exempt répondit qu'elle venoit de la part de M. l'Archevêque. On demanda à voir

l'ordre. Le Sieur du Saugey fit femblant de lire une lettre mais il n'articuloit rien qu'on pût entendre, & fe mit à rire, difant que c'étoit jour de rire: (mardi-gras.) Les Meres lui répondirent qu'elles ne connoiffoient point ces jours-là qu'on voyoit bien que tout cela venoit de la Sœur Dorothée, & non de M. l'Archevêque ; qu'on ne recevroit jamais de do→ meftiques de la main de cette Sœur qui étoit partie contre la maison. Le lendemain matin, jour des Cendres, nouvelles inftances du Sieur du Saugey pour recevoir la Touriére; pareil refus de la part des Meres. Sur ces entrefaites l'Exempt vint dire que M. Hamon demandoit à entrer pour une malade. On répondit qu'on ne fouffriroit pas que la nouvelle Touriére entrât avec lui. L'Exempt confentit à faire entrer l'ancienne, & dit qu'il alloit envoyer un Garde à Paris pour avoir un ordre de M. l'Archevêque. Elles répondirent que quand elles le verroient, elles acquiefceroient, mais non fans protefter & fans appeller de cette violence, comme de tout le refte.

Le Jeudi le Garde revint de Paris & l'Exempt vint lire au Tour la Lettre qu'il difoit lui être écrite par M. l'Archevêque. On voulut voir la lettre; ce qui fut refufé. Les Meres répondirent qu'il leur falloit une lettre adreffée à elles, comme cela s'étoit fait pour la premiére Touriére. L'Exempt dit qu'elles fiffent comme elles voudroient, que l'ancienne Touriére s'en alloit le lendemain, & qu'alors il faudroit bien qu'elles s'accommodaffent de la nouvelle. Puis il fit approcher du Tour cette nouvelle venue, comme pour en prendre poffeffion, & elle demanda quelque chofe à la Célériére. Celle-ci refufa de lui parler, & referma le Tour, dé

clarant qu'elle ne lui pafferoit rien. Cepen dant c'étoit l'heure de paffer la collation aux gens. On les fit avertir du dedans d'aller à la porte du jardin pour y recevoir leur fouper : mais l'Exempt qui l'entendit, menaça de la prifon quiconque iroit. Alors l'Exempt s'ennuyant de toutes ces longueurs fit approcher du Tour l'ancienne Touriére, & les foupers furent paffés. Le Vendredi matin les Gardes dirent qu'ils ne pouvoient point faire l'office de Touriers, qu'on avisât à ce qu'on prétendoit faire. On penfa d'envoyer M. Hilaire à Paris, pour représenter à M. l'Archevêque les raifons de la Communauté. L'Exempt ne s'y oppofa point, mais il ne permit point qu'on les donnât par écrit à M. Hilaire, ayant défense de laiffer paffer aucun écrit. On fe contenta donc de les rédiger fur un papier & de les lire à M. Hilaire, afin qu'il les retînt dans fa mémoire autant qu'il le pourroit. Il eft à obferver que les Religieufes avoient vu par je ne fçais quel hazard une lettre de la Sœur Dorothée à l'ancienne Touriére, où elle lui marquoit que fur l'ordre de M. l'Archevêque elle la congédioit ; qu'on étoit fort mécontent d'elle pour fon humeur querelleufe, & qu'elle envoyoit à fa place une Demoiselle à qui elle remettroit tout ce qu'elle avoit en mains. D'ailleurs la Demoifelle avoit décliné fon nom, qui étoit De Veillac,& avoit dit qu'elle étoit de Montfort; ce qui la fit connoître aux Religieufes pour être Sœur d'une Religieufe de Paris qui avoit figné ; d'où il réfultoit que c'étoit une efpionne que la Sœur Dorothée envoyoit. Ce fut fur ces indications que les Meres drefférent le petit Mémoire dont elles firent lecture à M. Hilaire pour lui faire la bouche auprès de l'Archevêque.

Voici ce que portoit ce Mémoire: Qu'on ne pouvoit point forcer les Religieufes à prendre des domestiques malgré elles; Qu'il eft vifible que la Demoifelle eft envoyée par la Sœur Dorothée que la maifon ne reconnoît point pour Supérieure, & de qui on n'a aucuns ordres à recevolf; Que la perfonne eft une inconnue qui n'aporte point d'ordre exprès de M. l'Archevêque; Que d'ailleurs elles n'ont pas befoin à la porte d'une Demoifelle qui aura peut-être befoin d'être fervie, qu'il leur faut une femme robuste qui puifle fuffire à tout le travail; Qu'enfin il eft contre toute équité de les forcer à avoir auprès d'elles une fille unie d'intérêt & de parenté aux Sœurs de Paris qui font leurs parties. Il pafut bien que les Religieufes n'avoient pas tort de traiter cette fille de Demoiselle faifant la Demoiselle, car on l'apperçut un moment après qui portoit les pots des pauvres avec des gants à fes mains & un mafque fur le vifage.

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M.Hilaire partit avec toutes ces inftructions L'ancienne Toufiére partit auffi & Meffieurs fes Gardes voulurent bien faire les Touriers jufqu'au retour de M. Hilaire. Ils s'en acquit térent même avec beaucoup de politeffe. Le Samedi M. Hilaire revint & rapporta aux Meres que M. l'Archevêque lui avoit dit que c'étoit lui qui envoyoit la Touriére, & non pas la Soeur Dorothée, & qu'il n'étoit pas néceffaire de donner d'ordres par écrit. Les Meres dirent qu'elles vouloient bien tolérer la Demoiselle comme géoliére, mais non pas la recevoir comme Touriére ; & qu'affurément on ne la laifferoit jamais entrer dans la maifon. L'Exempt reprit & dit qu'il faudroit bien qu'elle entiât quand M. Hamon entreroit. On lui répondit qu'on fe pafferoit plutôt de Médecin ; & que la

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