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l'année précédente. On avoit chargé le Com miffionnaire, parce qu'il étoit défendu d'écrire une lettre, de faire entendre au Prélat qu'on fouhaitoit avec une grande ardeur la participation des Sacremens à la Fête de Pâques. On fut fort étonné de la réponse que rapporta M. Hilaire ; 1o. Que le Prélat permettoit que le Chapelain après avoir fait adorer la Croix au dehors, la pafsât au dedans, afin que les Religieufes l'adoraffent en fecret; 20. Qu'il n'avoit jamais défendu qu'on lui écrivît, & qu'on n'avoit qu'à le faire. Il avoit apparemment oublié à combien de reprifes il avoit chargé M. 'de S. Laurent, l'ancien Exempt, de faire défenfe aux Religieufes de fa part de jamais lui écrire. Quoiqu'il en foit, il n'y eut point de Pâques cette année, non plus que l'année précédente, fi ce n'eft pour les Sœurs Converfes qui fe confefférent à ce Prêtre anonyme arrivé depuis peu.

L'Office des jours Saints fe fir comme l'autre année, le Sieur du Saugey récitant toutes les priéres à voix baffe, & les Religieufes chantant après l'office fini ce qui étoit de leur dévo tion. Il n'y eut que l'adoration de la Croix, tant en dedans qu'au dehors qui fe fit avec chant, le Sieur du Saugey ayant prié qu'on chantât, afin que la cérémonie ne parût pas fi longue & füt moins ennuyante.

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Dans le mois de Mai il fe paffa un événeAutre chan-ment fort curieux & vraiment fingulier. Le gement de Sieur de la Burie Exempt déclara à la Mere Gardes. Ceux- Abbeffe qu'il fe retiroit parce que le Roi alloit en Brabant, & qu'il vouloit avoir auprès de lui tous fes Gardes: qu'il avoit grand regret de n'avoir pas ufé de toute la condefcendance qu'il auroit fouhaité envers ces Dames;

cirem lacés par des Archers.

mais qu'il avoit été obligé de fuivre fes ordres, & qu'avec cela il n'avoit pas laiffé d'avoir des reproches en Cour fur les papiers qui paffoient au dehors. Il raconta auffi une répone fort naïve qu'il avoit faite depuis peu à l'Archevêque. Le Prélat lui ayant demandé s'il pourroit bien garder P. R. avec deux Gar des feulement, le Roi ayant befoin de fon monde, il répondit qu'oui, & qu'un Garde feul fuffifoit pour empêcher les vifites; que pour les communications & le paffage des lettres actives & paffives, le Regiment des Gardes tout entier ne l'empêcheroit pas, de forte qu'un étoit autant comme mille, & mille comme un. Il annonça enfuite à la Mere fes fuccefleurs qui étoit un Exempt du grand Prevôt avec quatre Archers.

VII.

Précautions

Les Religieufes crurent avoir trouvé l'occafion favorable de fe rédimer de l'étrange cap- pour empêtivité où elles étoient, furtout par rapport au cher les noujardin. On commença par vuider le petit logis veaux gardes où couchoient les Gardes, & M. de la Burie d'entrer dans voulut bien faire retirer les lits & les hardes la clôture. qui y étoient, avant l'arrivée de la nouvelle garnifon. Enfuite on pria cet Exempt de rendre les clefs du jardin. Il dit qu'il ne pouvoit pas le faire; mais que tout ce qu'il pouvoir accorder, c'étoit de remettre lefd. clefs aux nouveaux venus, mêlées avec une centaine d'autres fans leur donner les étiquettes. Les Religieufes pensérent enfuite à retirer du logis des Gardes les échelles, de la maifon dont ils étoient en poffeffion depuis 15. mois, & à les rentrer en dedans. L'Exempt refufa de les rendre: mais il laiffa ouverte la porte du lieu où elles étoient, enforte que les Religieufes les retirérent elles-mêmes. Il étoit queftion enQ

fuite de fermer les portes du jardin & de les barricader de telle maniére que les nouveaux Gardes ne puffent point entrer, quand même ils le voudroient. On n'ignoroit pas que ces gens ne fuffent d'humeur à forcer toutes les barricades,& qu'ainfi toutes les peines qu'on fe donnoit ne fuffent inutiles. Mais on youloit fe donner au moins la confolation d'avoir fait tout ce qu'on pouvoit pour fauver la clôture; c'eft ainfi que ces bonnes filles faifoient face à tout avec une fimplicité de foi & une préfence d'efprit admirables. Si quelques-unes de leurs démarches paroiffent être de trop, la droiture de leurs intentions & leur zéle ne peut être que très-fort loué. On les voit nè se rebuter de rien: elles ne fe laffent pas de faire des représentations à l'Archevêque à chaque occafion : elles rentrent fans ceffe en controverfe avec leurs Eccléfiaftiques: elles renouvellent leurs appels à chaque pas: elles cherchent les moyens de faire parler en Couren leur faveur elles reprennent de l'Office public tout ce qu'elles peuvent fouftraire à l'efpece d'interdit auquel elles font condamnées ; elles emploient même des voies de fait pour exécu ter ce qu'elles croient devoir à leur confcience, comme nous allons le voir fur l'article de la. clôture.

On ne perdit point de tems; on fit travaillér fur le champ le ferrurier & le menuifier; on fit faire des barrés pour mettre à la porte du jardin qui donnoit dans la Cour. Les barres font pofées à tems, quoique les nouveaux Gardes' fuffent déja arrivés. Ĉeux du Roi étant encore préfens, ceux-ci étoient affez empruntés & n'ofoient encore fe retourner. A fix heures du foir on fe met en devoir de murer deux autres por

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tes qui donnoient dans l'enclos extérieur. Toute la Communauté met la main à l'ouvrage. Les Religieufes apportent des pierres dans des hottes, dans des paniers & dans des brouettes quelques-unes font du mortier le mieux qu'elles peuvent enfin les portes fe trouvent murées tellement quellement. Alors le nouvel Exempt nommé M. Bellébat fe présente au parloir, & fait fon compliment à la Mere Ab+ beffe à qui il déclare fa miffion. La Mere ne put s'empêcher de lui marquer fa furprise de ce que pour garder des perfonnes de leur forte on envoyoit des Archers, gens qui ne font ordinairement employés qu'auprès des Voleurs & des filles de mauvaise vie. Archers ! se ré cria la troupe, nous fommes Gardes du Roi nous fommes au Roi. Elle demanda à voir leur Ordre. L'Exempt ne voulut pas le lui donner; mais il en fit la lecture tout haut, & ajouta qu'ils étoient chargés de faire tout ce qu'avoient fait tous les Gardes du Corps, & qu'ils prétendoient, de même que ces Meffieurs, faire la garde dans le jardin ; qu'on eût à leur en ouvrir la porte, finon, qu'ils alloient dreffer un procès-verbal du refus, auffi-bien que de l'entreprife des portes murées dont ils avoient été témoins de dehors. La Mere Abbeffe lui répondit que leurs vœux & leur confcience ne leur permettoient pas de livrer leur clôture; qu'eux-mêmes, s'ils la forçoient, ils encourroient l'excommunication majeu re; & que fi Meffieurs les Gardes du Corps avoient été maîtres du jardin, c'étoit par un pur hazard ces Mrs ayant trouvé le jardin tout ouvert lorfqu'ils arrivérent. L'Exempt partit pour Paris, pour rendre. compte de ce qui fe paffoit & prendre fes Or- débouchent

VIII.

Les Archers

Toutes les

For

dres. Lorfqu'il fut de retour, comme on fe les du jardin. doutoit bien qu'il auroit eu commiffion d'enfoncer les portes, on voulut mener l'entreprife jufqu'au bout. En moins de deux heures Ja porte qui étoit déja barrée fut de plus comblée d'un monceau de pierres qu'apportérent les Religieufes, & fortifiée par des piéces de bois qu'elles y rangérent : après quoi toutes lesReligieufes firent la proceffion dans le jardin avec la croix & les chandeliers, en chantant le Pleaume Ut quid Deus repulifti in finem, & d'autres dans le même goût. L'Exempt monta au parloir, & fit commandement à la Mere Abbeffe de faire ouvrir la porte du jardin, à faute de quoi il avoit ordre, "difoit-il, de l'enfoncer. La Mere repréfenta que les Régles Canoniques ne lui permettoient pas de faire ce qu'on exigeoit d'elle, & le pria de lui donner du tems pour faire faire un meflage en Cour,ou à l'Archevêché à ce fujet: mais ces gens ne vouJurent entendre à rien; & l'après-midi ils vinrent avec des marteaux & d'autres outils, & fe mirent à procéder. Après bien des coups donnés, les pentures de la porte fe détachérent auffi-bien que les clous qui retenoient la barre. La porte étant ainfi ébranlée & entr'ouverte, ils forcérent les Jardiniers de la maifon qu'ils trouvérent là fous leur main à lever toutes les pierres qui combloient l'entrée, ne voulant pas eux-mêmes s'en donner la peine. Pendant ce tems-là les Religieufes difoient l'office, & M. Hamon étoit dans fa chambre en priére. Les Archers fe mirent dès-lors en poffeffion du jardin dont ils font demeurés maîtres depuis ce moment-là, y entrant jour & nuit, comme bon leur fembloit.

Le lendemain matin l'Exempt Bellébat vint、

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