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pied qu'auparavant. Il faut feulement obferver dessacremens que de tems en tems les Religieufes tant de la aux grandes maifon de Paris, que de celle des Champs, Fêtes,lequel demandoient, ou faifoient demander pour elles les fe paffent en gémilleles Sacremens & un Confesseur à M. l'Archevêque. Celles des Champs qui avoient fait pêcher pleurs. leur étang dans le Carême, lui envoyérent un fort beau brochet & plufieurs perches qui étoient auffi belles, pour effayer par toutes fortes de voies de le fléchir. Il reçut le préfent, & n'accorda rien. Les Religieufes étoient bien assurées de l'inutilité des démarches qu'elles faifoient pour les Sacremens: elles croyoient cependant devoir cela tant à l'ardent défir qu'elles avoient des Sacremens, qu'à l'édification du public, afin de ne point paffer pour indifférentes à une privation auffi fenfible. Elles fe hazardérent même d'implorer la médiation de la Reine auprès de l'Archevêque, un jour que S. M. vint a P. R. rendre vifite à la Mere Eugénie qu'elle confidéroit & aimoit beaucoup, de qui même elle prenoit confeil pour la direction de fa confcience. Mais elles furent affez mal reçues de cette Princeffe, qui fe retrancha, comme les autres, dans le fort de l'obéiffance aveugle aux Supérieurs. J'ai dit que les demandes périodiques qu'elles faifoient des Sacremens, procé doient en partie du grand défir qu'elles en avoient. Il y paroît bien par les peines que leur interdit leur caufoit, lefquelles malgré la fermeté de leur foi & la paix dont leur ame jouiffoit, fe manifeftoient quelquefois au dehors, même avec éclat. C'étoit fur-tout aux grandes. Fêtes qu'on voyoit ce mélange de vigueur & de fenfibilité.

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» Nous avons paffé la Fête de Noël, dit une Religieufe dans une lettre, dans la joie &

dans les larmes. Jamais Vêpres ne furent » mieux chantées & plus courageufement que

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la veille de ce jour. Tout le refte fut auff » bien chanté. Mais la Communion de la grand» Meffe fut arrofée de bien des larmes & de » bien des foupirs, qui alloient jufqu'aux cris. »Je vous avoue que cela me mortifia un peu, » & qu'il me femble qu'il faudroit agir avec plus de conftance & de fageffe.

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Voici ce qu'écrit une Sour Converse sur la Fête de la Chandeleur. » On a bien foupiré à la » cérémonie des cierges, en voyant la M. Eu» génie, au lieu de voir nos chéres Meres. Les larmes fe font encore redoublées à la Proceffion : mais ce n'a encore été rien jusqu'à → la Communion. C'eft ici où les cœurs de pierre fe fendroient; & l'on dit que le Prêtre qui nous dit la grand-Meffe, qui est un » fort honnête homme, pleura tout durant la Communion, d'entendre les foupirs & les fan"glots de ces fidelles époufes, qui étoient tou»tes profternées par terre, en forte que le chœur » fut tout trempé. Notre douleur à nous autres » pauvres Grifes (Converfes) qui communient, » eft telle qu'il me fut impoffible de bouger de ma place le jour de Noël. Tout ce que je pus faire, fut de mettre notre mouchoir devant ma bouche pour m'étouffer les foupirs. Le jour de Pâques il arriva quelque chofe de moins éclatant. » On a chanté toutes ces Fêtes, dit une Religieufe, auffi bien & autant qu'à l'ordinaire : & quoiqu'on pleurât beaucoup à la Meffe du jour de Pâques, on » ne laiffa pas de poursuivre, & on ne demeura

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"pas court. On chanta feulement la Poftcommunion fort foiblement.

Il en fut à peu près de même à la Fête de

Dieu. » Enfin, difent les Religieufes dans leurs » lettres, nous avons paffé notre grande Fête » comme les autres; & la joie & la dévotion » fenfible qui eft attachée à ces grands jours,

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s'eft changée pour nous en larmes & en tri» fteffe. Notre Procession a été arrofée de lar»mes, & le chant du Choeur penfa demeurer » tout-à-fait à la bénédiction du S. Sacrement qui fe fait au repofoir. Le refte fut aflez » bien, & on ne s'apperçut de rien. On a chanté » les grandes Matines toutes entiéres. C'est un témoignage, comme vous voyez, qu'on n'eft » pas trop accablé, & que quoiqu'on ne puiffe » quelquefois diffimuler fa douleur, elle n'eft » pas telle néanmoins, qu'on ne reffente quelqu'effet de la grace qui fe rencontre dans la Fête, & de la paix que donne une bonne >> confcience.

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P. R. des

Dans le mois de Juin la Mere Prieure des XV. Champs fit une action de vigueur envers M. Voyage perChamillard. Il avoit été envoyé par M. l'Ar- du de M. chevêque avec pouvoir par écrit de voir la Com- Chamillard à munauté & toutes les Soeurs en particulier. C'é- Champs. toit, fuivant toutes les apparences, pour les difpofer à la fignature du nouveau Mandement dont nous allons parler dans peu. Son voyage fut inutile; la Supérieure refusa abfolument de le laiffer parler aux Religieufes, & il fut obligé de s'en retourner comme il étoit venu. Voici comment la chofe fe paffa. Le jour du départ de M. Chamillard, on fçut à neuf heures du matin qu'il alloit partir pour P. R. Ce fut le pourvoyeur de la maifon qui en avertir, l'aiant fçu, parce qu'on mit dans fa charrette le valet du Docteur. Auffitôt qu'on eut appris cette nouvelle, on fe mit en devoir d'envoyer en diligence à P. R. donner avis de ce qui le palloit.

On eut beaucoup de peine à trouver un homme & un cheval en forte que M. Chamillard étant parti à dix heures du matin, l'envoyé ne

le faire qu'à midi, & arriva une demiheute après le Docteur. La Mere fut avertie de ce qui fe paffoit un moment avant que M. Chamillard fe préfentât, parce que le pourvoyeur avoit fait defcendre le valet de fa charrette à l'approche de la maifon, & avoit fait donner avis de tout à la maifon. Le Docteur parla à la Mere, & lui montra la lettre de M. l'Archevêque. Elle lui fit fur le champ fa réponse, qu'elle ne pouvoit point obéir à cet ordre, ni l'admettre à parler à fa Communau té, vu qu'on ne le reconnoiffoit point pour Supérieur, & que d'ailleurs on l'avoit déja pris à partie, comme ennemi déclaré de la maifon. Le metfager ayant fait tenir fes dépêches fecrettement à la Mere Prieure, elle s'enquit de la perfonne qui venoit de Paris & de deux autres perfonnes qui demeuroient dans la maifon, fi elle perfifteroit à refufer M. Chamillard. Le Confeil fut d'avis qu'elle continuât dans fon refus. Ce qu'elle fit. Pour plus grande fûreté, le fieur Hilaire fut envoyé à Paris pour prendre encore confeil. Il partit à fept heures du foir, arriva à neuf, alla à la confultation, & revint fur le champ, muni d'un projet de lettre à M. l'Archevêque, pour lui expofer les raifons du refus fait à M. Chamillard. Hilaire étoit arrivé à trois heures du matin à la maifon des Champs, après avoir trouvé le moyen, malgré toute la vigilance des fentinelles, de faire favoir à une heure après minuit aux Sœurs de Paris l'avanture des Champs. Cependant M. Chamillard ne favoir quelle contenance faire dans la maison; n'ayant pu s'en retourner fur

le champ à Paris, parce qu'il étoit trop tard; il s'amufa comme il put avec M. Canu qui étoit un Eccléfiaftique ami de la maison, & qui y fervoit de Chapelain par la permiffion de M. l'Archevêque. Il fe promena avec lui dans les jardins du dehors; il conversa avec lui pendant fon fouper, alla encore se promener après vers l'étang, s'entretenant avec lui de tout ce qu'il voyoit, lui faifant des queftions. fur toute la vie des Religieufes. Le lendemain matin il dit la Meffé de Primes, & partit-enfuite pour Paris. M. Canu qui ne favoit rien de ce qui fe paffoit, parce qu'il étoit revenu la veille affez tard à la maifon, fut fort étonné de voir dès huit heures du matin le carofle du Vifiteur tout prêt. L'étonnement qu'il lui témoigna d'un fi prompt départ, le rendit comme muet; il ouvroit la bouche pour répondre; fes deux lévres trembloient: enfin il lui répondit: » Je ne fuis pas fans affaires; je fuis obli

gé de retourner. » C'eft ainfi que ces grands faifeurs qui montrent tant de réfolution & tant de hauteur, font quelquefois déconcertés pour rien. Dès qu'il fut partì, la Mere Prieure écrivit à M. l'Archevêque, pour lui notifier les raifons qu'elle avoit eues d'en ufer ainfi. Elle ne fit qu'étendre les raifons qu'elle avoit alléguées à M. Chamillard. On a fçu que M. l'Archevêque, après avoir lu la lettre, dit cette parole: Voici le commencement de la tragédie. Î'ai fait tout ce perit détail, qui d'ailleurs ne paroît pas bien important, pour avoir occafion de remarquer comment les Religieuses étoient servies à point nommé par leurs amis & encore plus par une fecrette providence. En moins de dix heures de tems on fçait le fecret de M. Chamillard; on le fait fçavoir à la Prieure ; on

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