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été une des plus éminentes en vertu parmi les filles de P. R. il eft jufte de donner un précis de fa vie qui a été toute fainte dès fa plus tendre jeuneffe. Le récit que je vais en faire ne fera que l'abregé de celui qu'en ont fait M. d'Andilli, la Mere Agnès, le Nécrologe de P. R. & elle-même en partie.

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XVII.

Mort de la Sœur Anne

nelle.

La Sœur Anne-Eugénie étoit fille de M. de Boulogne, Capitaine au Régiment de Champahomme riche, Gouverneur de Nogent- Eugénies.Angne, le-Roi dans le Baffigni. Le Peuple de Nogent ge. Abregé de avoit une affection incroyable pour elle dans la vie. Sa pié. té dans fa jeu fes premiéres années, parce qu'elle joignoit une douceur, une bonté de cœur, une civilité non commune à une grande beauté. Sa piété se montra de bonne heure & toute jeune elle étoit dans l'ufage d'une très-fréquente communion. M. d'Andilli dit d'elle, qu'on ne fauroit dire quand la vertu a commencé en elle, parce que Dieu lui a fait tant de graces, qu'elle a paru en elle dès fon enfance. La lecture de la vie de Ste Thérèse lui fit naître un défir ardent de fe faire Carmelite. Mais M. fon pere qui l'aimoit tendrement n'entra point dans fes vues. Il fe hâta de lui chercher un parti, & elle facrifia à l'obéiffance fa propre inclination. Elle époufa en 1621. n'étant encore âgée que de 15.ans, M. de S.Ange premier Maître d'Hôtel de la Reine Anne d'Autriche époufe de Louis XIII. Elle plut extrêmement à la Reine qui conçut une grande eftime de la vertu: mais elle fçut fe défendre des dangers que couroit fa piété dans le féjour de la Cour. Elle n'y paroiffoit qu'autant que la bienféance l'exigeoit abfolument. Elle ne donna point du tout dans le luxe & dans le fafte des habits; & quoique non ennemie d'un petit amusement, elle n'a

XVIII.

Sa vie chrétienne dans le mariage.

jamais lu aucun Roman. Elle continua tou jours fes liaifons avec les Carmelites, parce que fon premier défir pour la vie religieufe lui. reftoit imprimé dans le cœur.

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Peu de tems après fon mariage elle paffa par une grande épreuve. Etant entrée un jour dans le cabinet de fon mari fans aucun deffein, & ayant jetté les yeux fur quelques papiers, elle s'apperçut que fon mari étoit accablé de dettes & qu'il devoit plus qu'il n'avoit qu'ainfi elle avoit été bien trompée, lorfqu'elle avoit cru rencontrer un bien qui répondît aux quatre-vingt mille écus qu'elle avoit apportés en mariage. La découverte étoit bien affligeante pour une jeune femme de 18. ans. Mais fans en témoigner aucune peine à fon mari, elle fit connoître à M. de Boulogne fon pere le dérangement des affaires, & prit des mesures avec lui pour acquitter toutes les dettes ; laissant faire à fon mari la dépenfe qu'il lui plaifoit, dans la vue de fe ménager une plus grande entrée dans fon efprit, pour en faire ufage dans la fuite pour fon bien fpirituel. M. de Boulogue rétablit donc les affaires de fon gendre, tant par l'affiduité de fes foins, que par de fort grandes fommes qu'il avança du fien. Madame de S. Ange pour ménager la dépense, se retira une partie du tems en Baffigni chez M. fon pere avec les enfans, où elle vécut comme auroit fait la Religieufe la plus fervente.

Ce fut durant ce féjour qu'elle fit en Champagne, qu'elle eut occafion de fe lier aves M. d'Andilli. Celui-ci en 1635. paffant chez M. fon pere dans un voyage qu'il étoit obligé de faire vers Langres pour le fervice de l'armée dont il étoit Intendant, fut extrêmement édifié de la rare vertu de la jeune Dame. Ils eu

rent ensemble de longues conversations dans lefquelles M. d'Andilli lui parla beaucoup de P. R. de M. de S. Ciran, de la Mere Angélique. Les affaires de M. de S. Ange étant arrangées, la Dame revint à Paris où elle a toujours demeuré avec fon époux dans une grande

union.

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elle pria

XIX.

Elle fe met

Dès qu'elle fut de retour à Paris M. d'Andilli de la préfenter à M. de S. Cirán fous la con& à la Mere Angélique. Elle fe mit fous la con- duite de M. duite du premier & fe lia très-étroitement de S. Cyran. avec la feconde. Ce ne fut pas cependant dès la premiére entrevue. Car elle eut à effuyer un rebut un peu dur de la Mere. Auffitôt qu'elle eut fait fon premier compliment, la Mere ferma le rideau du Parloir. Madame de S. Ange étonnée fe recommanda à fes prières. Alors la Mere Angélique lui parla ainfi. » Les personnes qui défirent que nous prions pour elles, > doivent nous laiffer dans notre folitude: auffi» bien les parloirs ne fervent de rien aux gens » du monde, & ils font fort nuisibles aux

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Religieufes. » Madame de S. Ange ayant raconté cette aventure à Madame d'Andilli, cette Dame lui dit : » Ne vous rebutez pas; je » vous affure que la Mere Angélique reffem»ble aux bons Anges qui effraient d'abord &

qui confolent après. En effet depuis que la Mere fçut que Madame de S. Ange penfoit tout de bon à fon falut, & qu'elle étoit fous la conduite de M. de S. Ciran, elle lui témoigna une grande charité & une confiance particuliére. Čette confiance la porta à lui mettre entre les mains une niéce qui lui étoit bien chere, Mademoiselle de Luzanci, fille de M. d'Andilli, pour cultiver les femences de bien que l'éducation de P. R. avoit mises dans cette

XX.

,

jeune perfonne. M. de S. Ciran fit connoître-àMadame de S. Ange les obligations de la vie chrétienne beaucoup mieux qu'elle ne les avoit connues jufques-là: & lorfqu'elle eut appris de lui ces grandes vérités de la Religion qu'il poffédoit fi bien, elle crut n'avoir encore rien fait & elle commença à racheter le tems qu'elle regardoit prefque comme perdu, par de dignes fruits de pénitence. Elle étoit tellement pénétrée de la néceffité indifpenfable de cette voie pour retourner à Dieu qu'elle s'efforçoit d'y amener les autres. Elle adreffa plufieurs perfonnes à M. de S. Ciran, & elle en a retiré quelques-unes à fa terre pendant quelque tems, pour leur donner la facilité de réfléchir fur elles-mêmes, & de laiffer mûrir les premiers fruits d'une piété naiflante. Il y a beau coup de lettres de M. de S. Ciran écrites à Madame de S. Ange du bois de Vincennes.

Elle n'avoit pas moins de zéle pour fecouSa charité rir fes freres dans leurs befoins corporels. Une pour les pau- année que le bled étoit fort cher, elle en fai

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foit donner à tous les pauvres qui venoient par troupe de huit lieues ; & comme on l'eut averti qu'il n'y avoit plus guéres de bled, & que ce qui en reftoit ne fuffifoit pas pour fa maifon, elle répondit généreufement qu'on en acheteroit, quand il n'y en auroit plus. Cette parole pleine de foi & de charité attira fur fes greniers la bénédiction de Dieu, qui fit durer ce refte de bled tant que la difette continua. Une autre occafion où elle fignala fa charité fut lorfque le village voifin du Château fut frappé de la contagion; quoiqu'elle fût encore fort jeune, elle ne penfa point à fuir pour fe garantir du fleau: mais elle voulut y demeurer pour mettre ordre à tout. En effet elle pour

ut les malades de Chirurgien, d'Apoticaire, de vivres & de remédes.

Dieu fe fervit de la femme pour toucher le cœur du Mari. Il conçut de fi grands fentimens de piété qu'il réfolut de fe retirer pour le reste de fes jours à Saint Ange. Il y paffa deux mois à fe préparer à la mort, auffi férieusement que s'il avoit été affuré qu'il en étoit proche. Il ne fe trompoit pas, car il mourut fubitement au bout de ces deux mois. Ceci arriva en 1651. Ce fut un coup de foudre pour fon épouse. M. d'Andilli alla promptement à St. Ange la vifiter, & il la trouva combattue étrangement par l'amour d'une époufe pour fon mari, & la foumiffion d'une Chrétienne aux ordres de Dieu. Elle s'ouvrit tout d'un coup à lui & lui fit part de la forte penfée que Dieu lui mettoit dans l'efprit de fe faire Religieufe à P. R. L'exécution n'en étoit pas aifée, parce qu'elle avoit un fils fort jeune qu'elle ne pouvoit quitter. La Providence difpofa les chofes pendant fix mois à fa fatisfaction de Madame de S. Ange. Dieu infpira à ce jeune Monfieur le deffein de quitter le monde & de fe retirer aux Champs avec plufieurs perfonnes qui menoient une vie solitaire & ne penfoient qu'à fervir Dieu.

XXI.

Cette porte étant ouverte, la pieufe veuve entra à P. R. en 1652. avec Mademoiselle de Etant yeu Luzanci ; & en 1654. elles firent toutes deux ve elle fe fair Religieufe à profeffion. Pendant fon noviciat, la Mere An- P.R.En 1664. gélique cut grande attention à ce qu'elle apprît elle eft exilés à fe paffer de tout ce qui reffentoit encore la à Chaillot. Dame. La Novice fe réduifit à tout avec une docilité d'enfant; elle fe défit entiérement de toute recherche de commodité & de propreté'; & quoiqu'infirme habituellement, elle parvint peu à peu à mener la vie commune & à n'avoir

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