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HISTOIRE

DE PORT-ROYAL;

PREMIERE PARTIE.

HISTOIRE DES RELIGIEUSES.

LIVRE SEPTIEME.

Ce qui eft arrivé à P. R. à la fin de 1664, & au commencement de 1665. Ecrits divers pour les Religieufes.

VANT que d'entrer en matiére

I. M.de Péré

avec la Mere

pour les événemens de 1665. fixe va à P.R. A nous laifferons la maison de Paris desChamps le pour quelque tems, & nous nous 15. Novem tranfporterons à celle des Champs bre 1664. Son pour voir ce qui s'y paffe. M. de Péréfixe y fit entretien fa vifite les 15, 16. & 17. Novembre 1664. Prieure. Il faut obferver que les Religieufes de PortRoyal des Champs pendant le cours de l'année 1664. s'étoient unies en différentes occafions à leurs Sœurs de Paris. Elles avoient interjetté appel, comme celles-ci, de l'enlèvement des douze le af. Août, Cet appel étoit contenu dans.

un Acte capitulaire qu'elles avoient fait le 9. Septembre; & ce premier acte avoit été fuivi de plufieurs autres pour fe joindre aux Religieufes de Paris, & approuver tout ce qui fe faifoit par celles-ci contre les duretés exercées contre elles depuis l'enlévement.

Les chofes étant en cet état, l'Archevêque vint à P. R. des Champs le 15. Novembre. Il trouva dans la maison 26. Religieufes de Chœur & 6. Converses. Il arriva à deux heures après midi. Il fut reçu à l'Eglife par les Eccléfiaftiques. On chanta le Te Deum; & l'Archevêque ayant fait fortir tout le monde de l'Eglife, vint à la grille & parla aux Religieufes. Il commença par protefter que c'étoit uniquement pour la plus grande gloire de Dieu qu'il entreprenoit de faire la vifite réguliére de la maifon ; & que s'il avoit d'autres intentions; il feroit un méchant Pafteur, un méchant homme; oui un méchant homme. Enfuite il déclara qu'il venoit leur demander la fignature du Formulaire,fur laquel le les Sœurs de Paris formoient des difficultés qu'il étoit en état de lever, & qu'il efpéroit le faire dans l'entrevue de chacune des Sœurs en particulier. Il demanda qui étoit la Prieure. La Mere du Fargis fe leva & dit qu'elle l'étoit. Il l'exhorta à porter fes filles à la docilité & l'obéiffance. La premiére journée finit ainfi. 11 fic l'honneur aux deux Eccléfiaftiques de la maison, M. Paulon Confeffeur des Religieufes, & M. Floriot Chapelain, de les faire, fouper avec lui. Il avoit eu auparavant une converfation particuliére avec le Confeffeur, & l'avoit prié de l'aider de fon côté pour le fuccès de fa vifite. Il voulut auffi le fonder lui-même fur fes difpofitions au fujet du Formulaire: mais le Con feffeur éluda pour cette fois.

Le lendemain 16. l'Archevêque dit la Messe du S. Efprit, & monta au parloir où la Prieure fe rendit, & reçut de lui de grands complimens fur le Marquis du Fargis fon pere, qu'il avoit vu à la Cour, difoit-il, & fur le Cardinal de Retz fon coufin. Il lui demanda d'abord file filence étoit bien obfervé dans fa maifon. Elle lui répondit que hors quelques fautes paffagéres, quelques paroles dites à l'échappée, on étoit exact pour le filence: fur quoi il prit un ton grave & férieux pour lui reprocher fon peu de vigilance fur ce point qui étoit effentiel. On comprit bien pourquoi il s'intéreffoit fi fort au filence des Sœurs. Tout de fuite il vint au fait, & demanda fi elle n'obéiroit pas pour la fignature. Comme elle dit qu'elle obéiroit en tout ce qui n'intérefferoit pas fa confcience, il fe mit à faire l'hiftoire, comme il l'avoit fait à Paris dans les commencemens, de la condamnation des V. Propofitions à Rome, & de l'infpiration du S. Efprit que le Pape Innocent X. avoit fentie en lui lorsqu'il avoit dicté la Bulle: qu'ainfi c'étoit un jugement de l'Eglife auquel il falloit acquiefcer. Il répéta beaucoup que ce n'étoit pas un jugement de leur part qu'on demandoit, mais un fimple acquiefcement. Il dit enfuite que c'étoit les liaisons qu'elles avoient eues avec Meffieurs les Jansénistes,qui avoient obligé d'exiger d'elles cette fignature, comme un témoignage public de la pureté de leur foi. La Prieure Iui protefta que jamais les Meffieurs dont il parloit ne les avoient entretenues à ce sujet; mais qu'elle avoit fouvent entendu feu M. du Fargis fon pere parler avec grande cftime du livre de Janfénius.

Il ne répondit rien à cela, mais il revint à la fignature & employa tous fes lieux communs.

La Mere lui dit que ce qui la retenoit, c'étoit qu'elle croiroit faire un mensonge fi elle fignoit un Fait dont elle doute. Il lui répliqua qu'il n'y a de mentonge que quand on affure une chofe que l'on fçait affurément fauffe ; mais qu'il n'y a point de menfonge à affurer une chofe fur la quelle on a quelque doute. La Religieufe ne goûta point du tout cette morale. Alors l'Archevêque prenant un air de gravité, dit: Je ❞ vous commande par toute l'autorité que Dieu m'a donnée fur vous en qualité de votre Ar

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chevêque de figner le Formulaire. » La réponfe fut la même de la part de la Religieufe. Le Prélat change de ton, gémit fur l'entêtement de la Mere, & fur les maux auxquels elle va s'expofer. Elle répond qu'elle le fçait bien ; maist qu'elle aime mieux être réduite aux derniéres extrémités, que de bleffer fa conscience. Enfin pour tâcher de la perfuader, il lui propose son grand argument pris des jugemens qu'on rend au Parlement, auxquels tous les Juges foufcrivent, quoique tous ne croient pas le jugement jufte qu'ainfi elle pouvoit foufcrire au jugement du Pape malgré les difficultés. La Prieure lui donna la folution toute fimple, fçavoir que la fignature au Parlement n'eft qu'un témoi gnage que le jugement a paffé à la pluralité des voix, & qu'il n'en eft pas de même de la fignature préfente. Il fe leva enfuite & dit qu'il verroit les Sœurs après dîner. La Mere Prieure crut devoir le prévenir fur la premiére qui fe préfenteroit, & l'avertir qu'elle étoit bien fourde, qu'ainfi il cût la bonté de parler bien haut. I répondit qu'il parleroit haut; mais il ajouta, pour faire un peu le plaifant: » Ne vous mo»quez-vous pas de moi, comme fit ce Gentil» homme de la Cour de la Reine Marie de Mé¬

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