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percevoir une providence de miféricorde fur leur Chirurgien. Après avoir paffé 15. ans dans la retraite, la pénitence & la compagnie des Solitaires, exerçant fa profeffion avec un grand zéle pour le monaftére & une charité admirable pour les pauvres, il étoit rentré dans le monde; ce qui avoit extrêmement affligé la piété des Religieufes. Lorsqu'il fut frappé, il y avoit 15. jours qu'il étoit revenu s'établir à P. R. pour reprendre les anciens exercices. Ce fut une grande confola-tion pour ces faintes filles au moment de fa

mort.

Dans le tems qu'on emportoit fon corps, le berger de la ferme des Granges, déja malade, fut fi frappé de cette mortalité, qu'il lui prit fur le champ une grande oppreffion de poitrine; il étouffoit, & on croyoit à chaque inftant qu'il alloit paffer. En même tems M. des Landes, & une Catherine, fervante des Granges, fe mirent au lit. Celle-ci mourut cinq jours après, fort regrettée de la maifon qu'elle avoit édifiée par fa bonne vie. M. des Landes la fuivit de près. Il mourut en fept jours après avoir reçu le S. Viatique mais fans avoir pu recevoir l'Extrême-Onction, parce qu'on l'avoit différée pour ne pas trop l'effrayer, C'étoit un Gentilhomme de Normandie trèspieux & très-pénitent, fils d'un pere qui avoit été converti par M. Guillebert Curé de Rouville. Comme il avoit entiérement déposé toute idée de grandeur, il prit pour fon par tage aux Granges la Serrurerie. Non feulement il vouloit faire ce que faifoient les autres artifans, mais même être confidéré & traité com me eux. Toutes ces morts arrivérent en Mars & en Avril, & le mois fuivant un des jardi

niers nommé Charles fut encore emporté. De tous ces Meffieurs des Granges il n'en resta qu'un qui fe trouva bien feul. C'est ainfi que pendant que les hommes vexoient avec une efpèce d'acharnement cet illuftre Monaftére, le Ciel le faifoit paffer par de bien dures épreuves.

XXVIII.

thée par

leRoi

à l'Abbaye perpétuelle.

Dans ce même mois de Mai l'on apprit Proteftation que le Roi voulant rentrer dans fon droit de contre la nonomination, avoit nommé une Abbeffe titu- mination de laire de P. R. qui étoit la Sœur Dorothée Per la Sœur Dorodreau celle-là-même que les figneufes de la Maifon de Paris avoient précédemment élue. M. de la Brunetiere étant venu à P. R. pour emmener une Sœur qui avoit demandé clandeftinement à retourner dans la Maison de Paris, les Meres lui portérent leurs plaintes fur cette nomination qui leur ôtoit leur droit d'élection & qui entrainoit après foi bien des fuites fâcheufes. Il repliqua que M. l'Archevêque n'y avoit point eu de part; que c'étoit un coup d'autorité de la part du Roi ; & que tout ce qu'avoit fait le Prélat, c'étoit d'avoir défigné à S. M. la Sœur Dorothée, voyant qu'elle étoit abfolument déterminée à nommer. On ne manqua pas de représenter à M. le GrandVicaire l'incapacité du Sujet & fes autres défauts qui n'étoient que trop connus, & on lui déclara qu'on alloit prendre toutes les voies poffibles pour protefter & faire oppofition. Le moyen qu'on imagina pour y parvenir, fut de mettre plufieurs copies de ladite oppofition en différents endroits d'un paquet de hardes qu'on renvoyoit aux Soeurs de Paris pour la Soeur Collart qui fortoit de la maifon des Champs. On fuppofoit que les Sœurs en déployant ce paquet, rencontreroient · immane

quablement quelqu'une de ces copies & la li roient. On joignit à l'acte une lettre adreffée aux Sœurs de Paris. Le fond de la lettre confifte à leur faire obferver combien peu elles ont ga»gné à mettre leur confiance dans les hommes & dans les Puiffances, puifqu'au lieu d'y → trouver ce qu'elles fe promettoient, la tranquillité & la libre jouiffance de leurs droits, elles s'en voyoient dépouillées par la nomination que le Roi venoit de faire que l'Archevêque après tant de belles promeffes les → abandonnant & manquant à fa parole, elles feroient bien aveugles, fi elles comptoient encore fur l'affurance qu'il leur donnoit pour le falut, qui eft une chofe qui dépend beaucoup moins de lui que le maintien de leurs droits temporels. » Tout le corps de la lettre qui eft affez longue n'eft qu'un tiffu des plus grands fentimens de religion & des démonftrations de la plus tendre charité pour celles à qui elle eft adreffée.

دو

M. Rey le Chapelain actuel de la Maison, partant pour Paris, fournit à la Mere Abbesse une occafion de notifier encore d'une autre fa, çon à la Maifon de Paris les proteftations contre la nomination de la Saur Dorothée. Elle raifonna avec lui fans qu'il parût qu'elle eût aucun deffein : elle lui expofa l'irrégularité de ladite nomination, elle s'étendit fur les défauts qui s'y rencontroient, & lui demanda s'il ne voudroit pas bien redire tout cela à la Soeur Dorothée. Il le promit fort ingenuement, il accepta même une copie de l'acte qu'on lui paffa par la grille, & on le pria de Je faire voir à qui il lui plairoit, furtout à M. Chamillard, & même à M. l'Archevêque, s'il avoit occafion de le voir. Quand il fut de

retour, il dit qu'il avoit fait la commiffion; que les Religieufes de Paris ne tenoient aucun compte des oppofitions, & qu'elles n'avoient pas voulu ouvrir les papiers qui étoient cachés dans le paquet & les avoient envoyés fur le champ à M. l'Archevêque. Cela ne déplut point aux Religieufes des Champs qui fouhaitoient que M. l'Archevêque vît leurs actes. Elles firent plus : ellès donnérent procuration au Sieur le Févre Procureur au grand Confeil de former oppofition au nom de l'Abbeffe & de la Communauté, & auffi au nom de la M. Agnès ci-devant Coadjutrice, à l'exécu tion du brevet de nomination de la Sœur Dorothée Perdreau, à fes Bulles de provifion & à tous les actes de prife de poffeffion, ou autres qu'elle pourroit avoir faits ou pourroit faire dans la fuite à leur préjudice. 1'oppofi tion fut fignifiée au Procureur général da grand Confeil, mais elle ne fut pas reçue. D'un autre côté les Religieufes firent faire fecréttement en Cour de Rome opposition à toutes Bulles qui pourroient être demandées & expédiées pour la Sœur Dorothée. Elles reçurent de Rome un certificat datté du 23. Octobre 1668. que l'oppofition avoit été faite ponctuellement tant en Chambre qu'en Chancellerie.

11 arriva dans ce tems-là un accident fort

XXIX. Morttragi

tragique à Paris dans le voifinage de P. R. le- que d'un délaquel a trait aux Religieufes des Champs. On teur de P. R. trouva un miférable pendu dans fa chambre, avec ce billet écrit fur lui: Maria , pauvre garçon nourri depuis longtems à P. R. par charité, a trahi & dit à M. de Paris plufieurs fauffetés de cette maison. Voici toute l'hiftoire. C'étoit un pauvre garçon attaqué de la pierreá Ayant été quelque tems à l'Hôtel-Dieu, il vint

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fe loger chez de pauvres gens vis-à-vis P. R. Le Marquis de Sevigné qui l'avoit déja affifté & lui faifoit tous les ans une petite penfion de 30. écus, vint le vifiter. On reconnut que fon ame étoit en pire état que fon corps, & qu'il ne croyoit pas la préfence réelle & beaucoup d'autres points de la Foi catholique. Le Curé de S. Jacques du Haut-Pas fa paroiffe vint le voir, s'entretint avec lui & reconnut qu'il étoit tout plein des principes du Miniftre Claude dont il avoua avoir beaucoup lu les ouvra ges. Plufieurs perfonnes doctes furent appelfées: il écouta la controverfe, & parut fe rendre. Il fe confeffa & communia. Quelques jours après le Diable lui tendit un autre piége: il prit la réfolution de fe laiffer mourir de faim, fe perfuadant qu'il n'y avoit pas de mal en cela, pourvu qu'on le fît avec contrition de fes péchés. On eut beaucoup de peine à le ramener de cette folie de défefpoir. Il difparut quelque tems, & revint ensuite à l'Hôtel-Dieu pour fe faire tailler. Au bout de quelques jours il voulut fortir, & fit tant. de vacarme, qu'on fut obligé de lui rendre fes habits. En fortant il demanda à parler à M. l'Archevêque pour lui communiquer, foit-il, des affaires de conféquence. Il lui parla en effet, & fut trois quarts d'heure avec lui.

di.

Il revint à la maifon du fauxbourg S. Jacques dans un état de trouble encore plus grand que la premiere fois. Il étoit furtout extrêmement peiné de ce qu'il avoit dit à M. l'Archevêque. Il s'imaginoit que le Prélat le feroit mettre à la question, pour lui faire donner les preuves de ce qu'il avoit avancé fur la foi, difoit-il, d'une personne qui étoit morte. Il

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