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témoignoit auffi redouter fort la colere de MM.
de P. R. qu'il difoit avoir trahi fans fujet,
après en avoir reçu tant de bienfaits. La crain-
te de l'opération de la taille dans le dénuement
de tout fecours où il étoit, fe joignoit à toutes
ces terreurs. Ce qui lui renverfa la tête. Il s'é-
tudioit cependant pour cacher de fon mieux
l'abandonnement où étoit la pauvre ame. En-
fi fe trouvant feul dans l'efpace feulement
d'un quart-
d'heure, il barricada fa porte & fe
pendit à un clou au deffus de fon lit.

XXX.

tranflation

Une affaire affez finguliere occupa les Re- Négociations ligieufes pendant le mois d'Août. Une perfon- en faveur des ne amie de M. l'Archevêque, qui auroit bien Religieufes. voulu le tirer du mauvais pas où il s'étoit en- Projet de gagé, lui avoit propofé de faire un échange dans le Diocède l'Abbaye de P. R. avec l'Abbaye du Lys au te de Sens: Diocèfe de Sens. Le Prélat goûta affez l'expédient. Mais il fe rencontra des difficultés dans l'exécution qui firent abandonner le projet. Ceci donna ouverture à un autre projet. Il vint dans l'efprit à quelques amis de la maifon, entr'autres Madame la Ducheffe de Longueville & l'Evêque de Meaux, de faire une fimple tranflation de l'Abbaye de P. R. dans un autre Diocèfe. Celui de Sens fe préfentoit encore, à cause d'une terre de Mondeville qui y eft fituée, & qui appartenoit aux Religieufes. On preffentit l'Archevêque de Sens qui y acquiefca. Il falioit pour réuffir tenir la chofe entiérement fecrete, furtout par rapport aux Jéfuites. On vint donc communiquer le deffein aux Religieufes pour avoir leur confentement. On leur mit en mains un petit mémoire instructif des inconvéniens qu'il y avoit à refter comme on étoit, des avantages qui réfulteroient de la translation, & des tours qu'on

prendroit pour l'exécution. On employoit à là fin du mémoire un motif bien propre à intéreffer la piété des Religieufes. On représen toit que ce changement faciliteroit beaucoup la paix générale de l'Eglife à laquelle on travailloit, parce que la paix des Evêques n'étant difficile qu'à caufe qu'ils ne vouloient point d'accommodement que les Religieufes de P. R. n'y fuffent comprises, il étoit indubitable qu'auffitôt qu'elles feroient en paix, tout le refte y feroit. On ne donna à la Communauté que depuis huit heures du foir jufqu'au lendemain pour délibérer & rendre réponse.

Le Mémoire fut lu à l'heure même à lá Communauté qui fut fort étonnée. Il vint en penfée à la plupart qu'il y avoit quelque piége caché là-deffous. On réfolut de ne point prendre parti fur le champ, & de paffer la nuit en priéres pour demander à Dieu fes lumiéres. Elles fe partagérent en plufieurs bandes qui fe fuccédoient pendant la nuit pour faire oraison. Elles expoférent le cœur de la Mere Angélique par la grande confiance qu'elles avoient toujours en cette bienheureufe Mere qui avoit eu tant de zéle pour le bien de fa maison. Les fentimens fe trouvérent partagés dans l'Affemblée qui fut tenue à fept heures du matin. Quelques-unes en petit nombre rejettérent abfolument le projet. Toutes les autres fe réuniffoient à demander du tems pour confulter le Seigneur. Mais il y avoit encore une espèce de partage; les unes étoient d'avis que fi ce retardement devoit être caufe de la rupture de l'affai

re,

il valoit mieux y confentir que de la laiffér rompre. Les autres demandoient abfolument un délai de trois jours au moins, quand même ce délai devroit rompre l'affaire. Le premier

de ces deux avis prévalut, & on fit réponse par un billet écrit au nom de la Communauté, dans lequel on demande pour préalable qu'il foit donné quelque affurance de la part de l'Archevêque de Sens qu'il n'inquiétera en aucune façon fur la fignature. On apprit dans le même-tems que l'idée des amis qui fe mêloient de cette affaire, étoit qu'auflitôt qu'on auroit l'agrément de M. de Paris, la tranfmigration fe feroit fans attendre les Lettres patentes que le Roi avoit promis de donner. Les Religieufes ne purent goûter cet article, & propoférent d'envoyer plutôt une douzainé de Religieufes feulement à Mondeville pour commencer l'établissement ; parce que de cette maniére la chofe feroit moins d'éclat, que fi on faifoit brufquement la tranflation de toute la Communauté qui étoit de 80. perfonnes.

M. Hilaire fur ces entrefaites fut mandé par M. l'Archevêque. Le Prélat s'expliqua de maniére à faire entendre qu'il donneroit les mains à l'exécution du projet. Il déclara cependant à la fin de l'entretien, que ce ne feroit qu'à cette condition, qu'on auroit des Lettres patentes, & de plus, que les Religieufes renonceroient à perpétuité à la maison des Champs & à celle de Paris, moyennant une portion des biens qu'on leur abandonneroit dans un partage qui fe feroit. Le même commiffionnaire alla voir l'Evêque de Meaux à qui il fit récit de fa converfation avec M. de Paris. L'Evêque déclara que pour la renonciation', jamais il ne la pafferoit. Le Sieur Hilaire rendit auffi vifite à M. de Sens, avec qui il s'expliqua fur la fignature. L'Archevêque l'affura & lui dit d'affurer les Religieufes qu'elles figneroient abfolument comme elles voudroient.

M. de Meaux vint à P. R. & conféra avec les Meres. On dreffa une Requête pour M. de Paris, par laquelle on demandoit la tranflation rélativement à quelques conditions qui étoient expofées dans un billet féparé. La Requête fut fignée de toute la Communauté, au grand contentement de M. de Meaux qui admi roit la parfaite union de la maifon, & la modération des Religieufes en traitant une affaire de cette importance. On a toujours admiré cette grande union en toute occafion, & ceux qui ont préfidé aux élections rendent témoignage que jamais il n'a fallu revenir deux fois aux fuffrages. Le billet portoit pour conditions, 1°. Que cette tranflation ne pafferoir pas pour un nouvel établissement, mais pour une fimple tranfmigration, enforte que les Religieufes jouiroient de tous les droits & priviléges dont elles avoient joui à Paris après leur tranflation des Champs en 1625. 2°. Qu'en conféquence la maifon des Champs leur demeureroit dans le partage pour en difpofer à leur volonté, foit pour la vendre, foit poury revenir, fi le cas y écheoit. 3°. Que le droit d'élection d'une Abbeffe triennale leur feroitconfervé & confirmé par Lettres patentes. 4. Que la fuppreffion qu'elles avoient faite pas economie des titres & qualités d'Abbeffe Prieure, &c. dans la fignature de la Requête ne tireroit pas à conféquence.

Cette Requête des Religieufes avoit été précédée par celle qu'avoient fignée en commun beaucoup de perfonnes parentes des Religieufes, M. de Meaux à la tête. Elle portoit que le lieu de P.R. étoit fort mal-fain, que les Religieufes en fouffroient beaucoup pour la fanté, & que les familles des Religieufes fouhaiTeroient qu'elles fuffent ailleurs: que dans lès

conjonctures préfentes il ne feroit guéres poffible de les ramener à Paris avec celles qui y étoient; qu'ainfi fa Grandeur étoit fuppliée de trouver bon qu'elles fuffent transférées dans la terre de Mondeville, Diocèfe de Sens, & d'ordonner que les deux Communautés conviennent d'arbitres pour partager les biens des unes & des autres.

XXXI.

M. de Meaux de retour à Paris, alla voir M. M. de Péré l'Archevêque. Celui-ci propofa fes difficultés. fixe multiplie La premiere étoit qu'il falloit que les Reli-les difficultés gieufes renonçaffent à tous leurs actes d'appel. pour arrêter M. de Meaux prit la parole, & lui dit : (c'est l'exécution dų de lui-même qu'on a fçu dans le tems tout ce projet, qui va fuivre & qui eft fort cenfé. ) Qu'avezvous fait, Monfeigneur,contre ces Religieuses? Les avez-vous excommuniées? Non, dit M. de Paris. C'est-à-dire, reprit l'Evêque, que vous les avez feulement interdites des Sacremens. Mais l'interdiction eft-elle verbale ou par Sentence? Par Sentence, dit l'Archevêque, & elles en ont appellé. Il s'agit maintenant de voir, dit M. de Meaux, quel eft l'objet de leur appel. Je préfume que leur appel en a deux. Le premier aura été leur juftification; le fecond, le droit de fe pourvoir pour les dommages qu'elles auroient pu fouffrir. Quant à ce fecond article, il n'y aura nulle difficulté. Dès qu'il y aura un partage fait des biens des deux maifons, & qu'elles l'auront agréé, conféquemment elles fe défifteront de toute pourfuite pour le temporel. Pour ce qui eft du premier article, qui eft la juftification perfonnelle que les Religieufes auront eue en vue dans leurs appels, vous fentez bien que ce n'eft pas même une chofe à leur propofer. Pourquoi dit M. de Paris? Le voici. Si elles renonçoient

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