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gieufes à Paris & oublier tout le paffé. Le Prélat répondit que le dernier parti étoit le meilleur, mais qu'il fouffroit des difficultés ; que la nomination entre autres de la Sœur Dorothée à qui le Roi avoit déja donné le brevet, feroit un obftacle bien grand. Le Sieur Hilaire lui dit : Eft-ce que la Sœur Dorothée, Monfeigneur, eft partie capable pour vous ar rêter, elle qui vous a tant d'obligations? L'Archevêque fe mit fur le chapitre de cette fille, & raconta plufieurs mécontentemens qu'il avoit d'elle, entre autres que lui ayant communiqué fous le fecret le projet de la tranflation des Sœurs de la maifon des Champs hors duDiocèfe, pour qu'elle y fit fes réflexions, elle avoit fur le clramp rapporté tout à M. Chamillard & à deux Jéfuites, & qu'enfuite elle lui avoit écrit une lettre pleine de fuffifance où elle lui déclaroit qu'elle ne confentiroit jamais à aucun partage des biens, & que dans le cas de la tranflation on donneroit feulement des penfions viagéres aux Religieufes transférées. Avez-vous jamais, dit l'Archevêque, entendu parler d'une ambition pareille & d'une auffigrande ingratitude? Il demanda enfuite si on n'avoit point fait oppofition à Rome à l'expédition des Bulles de la Soeur Dorothée. M. Hilaire lui dit que non. ( Apparemment il n'avoit pas fçu celle qu'on avoit faite au mois de Mai précédent, lors de la nomination de lá Sœur par le Roi. ) On n'a rien fait qui vaille, dit M. l'Archevêque. Mais celui-ci lui répliqua que cela ne devoit point embarrasser, parce que de deux chofes l'une, ou le Roi confentiroit à rétablir l'Abbaye triennale, s'il vouloit reprendre la nomination, comme il l'avoit anciennement, la Mere Agnès Ar

ou

nauld étoit vivante & fe trouveroit Abbeffe par le feul fait, n'ayant autrefois donné la démiffion de fa Coadjutorerie que conditionnellement & fuppofé le rétabliffement des Elections. L'Archevêque applaudit fort à cet denouement & dit qu'il y donneroit les mains, file Pape étoit content. Cet entretien fit penfer aux Religieufes qu'il feroit bon de faire faire au plutôt une nouvelle oppofition à Rome aux Bulles de la Sœur Dorothée, & on fe repentit de ne l'avoir pas déja faite. La Mere Agnès en fit faire une particuliére en fon nom.

Dans une autre converfation l'Archevêque fe montra plus au naturel, c'est-à-dire, affez mal-content de la paix. Le Sieur Hilaire luiannonçant l'heureufe nouvelle, FArchevêque reprit fur le champ: Je ne fais quelle paix c'est là. Elle est tout-à-fait au défavantage de l'Eglife. Il ajouta que cela n'appaifoit pas les troubles qu'il étoit à craindre que cela ne donnât lieu à de nouveaux qui feroient plus grands que les premiers; qu'on avoit trompé le Pape & le Roi, & que lorfqu'on les auroit dé trompés, & qu'on leur auroit fait connoître Fhumiliation où on réduifoit l'Eglife, il feroit impoffible que ces Puiffances vouluffent y laiffer l'Eglife; que cela venoit des Miniftres de la Cour de Rome qui favorifoient le parti de MM. les Janféniftes, & que nos Miniftres y avoient auffi bonne part; que le Pape étoit un bon homme qui ne fe mêloit plus de rien, à caufe qu'il étoit vieux & caduque; que c'étoit un Cardinal Azolin grand politique, & un certain Ratabonne qui avoient tourné la chofe comme elle étoit, mais que cela n'en demeureroit pas là. Le Sieur Hilaire lui demanda s'il y avoit grand avantage pour l'Eglife,

que ces conteftations duraffent encore, & s'il ne craignoit point un fchime; qu'il fçavoit bien comment étoient difpofés les XIX. Evêques, & qu'il pouvoit auffi fçavoir qu'il y en avoit 40. tout prêts à fe joindre à eux & à prendre le fait & caufe des IV. L'Archevêque répondit qu'il ne s'oppofoit point à la paix mais qu'étant enfant de l'Eglife, il avoit de la douleur de lui voir fouffrir un fi grand af front. Il fut enfuite queftion des Religieufes. Il dit qu'il falloit voir ce qu'elles voudroient faire; fi elles voudroient figner fon Mandement. Le Sieur Hilaire lui répondit que ce n'étoit pas fon Mandement qui leur faifoit peine, que c'étoit le Formulaire du Pape ; que c'étoit là la malebête qui leur faifoit peur. L'Archevêque dit qu'il ne fouffriroit pas qu'elles miffent aucune reftriction dans leur fignature: mais qu'elles pourroient faire en arriere. tels procès-verbaux qu'elles voudroient, telles reftrictions, telles interprétations qu'il leur plairoit. Il ajouta que ce qui rendoit cette affaire plus embarraflante, c'étoit les Religieufes de Paris. Le Sieur Hilaire lui dit qu'il n'y auroit qu'à donner de bonnes penfions aux Sœurs difcoles & à la Soeur Dorothée dans d'autres Couvens, fi elles ne vouloient pas vivre en paix avec les autres. Le Prélat dit que ce feroit bien le mieux, mais que jamais Dorothée n'y confentiroit, parce qu'elle avoit une ambition épouvantable, que c'étoit une miférable, une orgueilleufe, &c.

Peu de jours après M. Hilaire étant allé revoir l'Archevêque, fut fort étonné de voir ses variations. Il avoit changé de fyftême : il vouloit faire trois maifons, envoyer Dorothée & fa troupe à la maison des Champs, faire venir

XXXIV.

ce des Reli

Abbeffe & les Religieufes du Lys à P. R. de Paris, & envoyer les Religieufes des Champs au Lys. M. Hilaire lui dit qu'au moins il traitât bien les Religieufes, s'il les envoyoit au Lys. M. de Meaux informé de tout ceci alla voir l'Archevêque & lui déclara qu'il ne confentiroit jamais à aucun partage de biens avec la Communauté de la Sœur Dorothée ; que fi elle ne vouloit point vivre avec fes Meres & fes Sœurs, on n'avoit qu'à leur donner une penfion honnête dans une maison Religieuse ou elle fe retireroit avec les fiennes : que pour lui il alloit avifer avec les familles à tirer leurs parentes de l'oppreffion à quelque prix que ce fût. En effet il y eut une Requête fignée des principaux parens préfentée au Roi par l'entremife de M. le Tellier, par laquelle après avoir expofé leurs juftes plaintes fur la maniére dont l'Archevêque traite leurs paren tes Religieufes de P. R. ils fupplient fa Ma jefté d'obliger l'Archevêque de confentir à prendre des arbitres, trois Evêques & trois Docteurs qui examineront toute cette affaire, & la termineront comme il conviendra.

Lorfque la Paix fut parfaite & devenue enRépugnan- tiérement publique, les Evêques médiateursgieufes à tou- & la Cour elle-même fignifiérent à l'Archevête nouvelle - que qu'il falloit qu'il vît à donner aufli la paix

gnature.

aux Religieufes de P. R. conformément à celle que Rome avoit donnée aux IV.Evêques. LaM. Abbeffe fit part à faCommunauté de ce qui fe paffoit dans le monde. Elle repréfenta qu'il lui paroiffoit que cette conjoncture demandoit beaucoup de prières, afin d'obtenir la grace de ne rien faire contre la fincérité & la justice : que les Evêques ayant eu la liberté de s'expli quer dans des procès-verbaux, il n'étoit pas

furprenant qu'ils fignaffent relativement à ces explications qui étoient notoires: mais que pour elles qui ne pouvoient pas s'expliquer de même, il lui paroifloit qu'elles ne devoient pas donner de nouvelle fignature en aucune façon, & que la premiére qu'elles avoient donnée autrefois devoit fuffire, puifqu'elle étoit donnée dans le même efprit que celle que les IV. Evêques donnoient préfentement. Elle propofa enfuite de faire des priéres à cette intention, & que n'ayant pas la permiffion d'expofer le S. Sacrement, on expoferoit les Reliques, & que foit en général, foit en particulier on feroit des dévotions & des pénitences, chacune felon ce que Dieu lui inf pireroit.

Tel étoit l'éloignement décidé qu'avoient toujours eu les Religieufes deP. R. pour toute efpèce d'accommodement. Si c'étoit une faute de leur part, du moins elle eft bien excufable, parce qu'elle ne partoit nullement d'une rigidité d'entêtement, mais uniquement d'une extrême délicateffe de confcience, qui eft toujours une chofe fort édifiante. Il ne faut que les entendre parler elles-mêmes pour le convaincre combien leur intention étoit droite & fimple, en même tems que leur foi étoit ferme & géné reufe. Il y avoit plus d'un an que la Mere Prieure & la Sour Angélique écrivoient aux amis de la Maifon qu'on ne pouvait pas leur faire une plus grande peine, que d'imaginer & de leur propofer de nouveaux projets d'accommodement. » Nous sommes, difent-elles, plus perfuadées que jamais, que Dieu ne nous » veut point délivrer qu'en délivrant sa vérité, & qu'étant captives pour elle, nous ne devons point attendre de liberté qu'avec

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