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en vint, parce qu'il y avoit alors une Sœur dangereufement malade, que les Sœurs figneufes importunoient extrêmement pour la faire céder. C'étoit la jeune Sour Phare, âgée de vingt-deux ans mais elle étoit très-ferme : outre qu'elles n'avoient pas oublié la mort de la Soeur Françoife-Claire, dont nous avons vu la fignature telle quelle, faite au lit de la mort il y avoit un mois. L'Acte eft plein de fentimens de religion, & en même tems d'actions de graces fur les confolations & la paix dont Dieu remplit leur ame au milieu de ces rudes épreuves. Après avoir déclaré, *comme à l'ordinaire, que ce n'eft ni d'entêtement ni d'aucune confidération humaine, que vient le refus qu'elles font de la fignature, mais uniquement de la crainte d'offenfer Dieu & de bleffer leur confcience & la vérité, elles proteftent contre tout affoibliffement & toutes fignatures dans lefquelles elles pourroient tomber en fanté ou en maladie par un effet de l'infirmité humaine, & une fuite des mauvais traitemens qu'on emploieroit à leur égard; déclarent ces fignatures nulles, invalides, de nul effet, comme n'ayant eu rien de libre & de volontaire : menaçant les perfonnes qui fe feroient employées à les faire figner dans cet état de captivité ou d'aliénation d'efprit, de s'élever contre elles au jugement de Dicu: fuppliant tous ceux qui feroient informés d'une telle chute, de gémir pour celles à qui elle feroit arrivée, & de demander pour elles miféricorde ordonnent enfin que fi le cas arrivoit, le préfent Acte foit rendu public. L'Acte eft daté du 9. Juin 1665. & figné de quarante Religieufes. Outre cet acte commun, plufieurs Religieufes faifoient des actes parti

:

XX.

culiers, où elles fe rendoient compte à ellesmêmes des raifons de confcience qui les retenoient fur la fignature, & défavouoient par avance celle qu'elles pourroient faire par foibleffe dans un état de captivité. On a encore en original plufieurs de ces Ecrits fignés des Sœurs qui les ont faits, aufli bien que les rétractations de prefque toutes celles qui avoient cédé en différens tems.

Dans le même tems elles eurent la fatisfaction de recevoir une Lettre des Sœurs exilées au Couvent de la Crêche au Fauxbourg faint Marceau, qui leur faifoient récit d'une vifite qu'elles avoient reçue de M. Chamillard, qui étoit venu leur faire lecture du Mandement & de la Bulle. Elles marquent que quand elles curent entendu les derniéres paroles du Formulaire, je le jure ainfi, &c. elles fe récriérent: Quoi! Monfieur, le Pape commande de jurer, & Dieu le défend: voilà qui eft épouvantable; & qu'après la lecture elles lui proteftérent qu'elles ne figneroient point, & qu'elles n'entendroient même à rien, jusqu'à ce qu'on les réunît à leurs meres & à leurs fœurs.

Comme le terme de trois mois s'avançoit,, La Mere & qu'on vit qu'il n'y avoit pas d'apparence Agnès confest à deman- que les Religieufes fe rendiffent, on penfa au der la réusion parti qu'on prendroit contre elles, foit pour dans P.R. des la difperfion entiére & générale, foit pour Champs, & quelque autre expédient par lequel on laiffenauté refufe. 1oit la maifon libre à celles qui avoient figné.

la Commu

Le projet de la difperfion échoua, parce qu'un grand nombre d'Evêques avoient déclaré, comme nous l'avons vu, qu'ils ne vouloient pas recevoir ces Filles dans leurs Diocèfes, & que beaucoup de Communautés de Province avoient

écrit de cent lieues loin pour prier qu'on ne leur en envoyât point. La réputation qu'avoient ces Filles dans tout le Royaume en donnoit une espéce d'horreur, commne de Filles hérétiques, fchifmatiques, excommuniées, hors de l'Eglife. D'ailleurs les Couvens craignoient qu'elles ne fuffent dangereufes & capables de feduire dans les lieux où l'on les placeroit. Il fallut donc chercher quelqu'autre reffource. Celle à laquelle on s'arrêta, fut de réunir toutes les Religieufes dans la Maison de P. R. des Champs, d'y envoyer toutes celles de Paris, & d'y amener celles qui avoient été difperfées dans des maifons étrangères. La Cour même preffoit pour qu'on prît ce parti. Le Roi ennuyé des penfions qu'on lui faifoit payer de quatre ou cinq cent livres pour chacune des Filles exilées, dit à M. de Paris qu'il pouvoit renvoyer ces Filles dans leur Maison des Champs manger leur revenu. M. Chamillard vint le 24. Juin en faire la propofition à quelques-unes de Paris. Il leur fit entendre qu'il leur parloit au nom de la Mere Agnès, renfermée à la Vifitation, & qu'elle l'avoit chargé de demander cette grace à M. l'Archevêque, qu'il venoit leur propofer de fe joindre à la Mere dans cette demande. Cette nouvelle donna d'abord beaucoup de joie; une telle réunion étoit ce qu'elles fouhaitoient le plus ardemment. Mais » réflexion faite, elles » crurent qu'il feroit contre la confcience de >> demander elles-mêmes leur fortic de leur maifon, que ce feroit contribuer à l'injuftice & à la violence, que ce feroit aban» donner la maifon à neuf ou dix perfonnes qui en prendroient une entiére poffeffion, » & les en exclueroient pour jamais: que f

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Tome II.

C

c'étoit l'autorité fupérieure qui les envoyât déhors, fans qu'elles y priffent part, el» les obéiroient, qu'elles avoient fait vou » de ftabilité, & qu'elles le violeroient en de» mandant à fortir: qu'il falloit en un mot » que ce fut la tempête qui les jettât dans » cette Maifon des Champs, & non pas leur → choix. »

La Mere Agnès, à qui M. Chamillard rendit cette réponse de la Communauté, en fur un peu étonnée. Elle écrivit aux Sœurs un billet où elle leur témoigne la peine que lui a fait leur maniére de penfer, comme fi leur réunion n'étoit pas la chofe du monde la plus défirable pour toutes: qu'elle auroit cru que l'attachement qu'elles lui avoient toujours témoigné, leur auroit infpiré toute autre chofe que d'ailleurs, fi elles s'en tiennent au parti qu'elles prennent, elles feront caufe de la continuation de la captivité des Sœurs & de la fienne. Les Religieufes répondirent qu'elles avoient encore une nouvelle raifon de ne pas demander elles-mêmes leur translation : qu'elles avoient fçu qu'on ne devoit pas les envoyer toutes à P. R. des Champs: qu'on en laifferoit une partie à Paris, furtout les plus jeunes, qui refteroient dans l'oppreffion fous celles qui dominent dans la Maifon. La Mere répliqua & infifta pour qu'on demandât à M. l'Archevêque le renvoi de toutes, perfuadée qu'on pourroit l'obtenir, & qu'il s'en étoit affez expliqué avec elle, pour qu'on pût l'efpérer. Les Religieufes perfiftérent de leur côté dans leur fentiment, & lui écrivirent qu'il n'y avoit rien qu'elles ne vouluffent faire pour contribuer à fa fatisfaction: mais que pour fortir de bonne grace de leur Monaftére, comme

on le leur demandoit, c'étoit affurément ce qu'elles ne devoient pas faire, & qu'on le leur avoit toujours dit ainfi. Qu'au refte elles remettoient à dire les chofes avec plus d'étendue, dans les entretiens qu'elles efpéroient avoir avec elle. La Mere Agnès ne refta pas fans réponse: elle leur fit dire qu'il y avoit un milieu à prendre, qui feroit de protefter en fortant, qu'on ne fort que pour obéir aux ordres qui font donnés. Les Sœurs trouvérent encore une nouvelle difficulté. Il leur paroiffoit bien dur de s'en aller toutes, & de laiffer Les pauvres Converfes fous la tirannie de celles qui gouvernent la Maifon.

XXI. M. de Pé

R. des

Champs.,

Sur ces entrefaites Monfieur de la Brunetiere Grand-Vicaire, vint à P. R. accompa- réfixe décide gné de M. Chamillard, & demanda à par- laTranflation fer aux quatre Anciennes, pour fçavoir leur & la réunion derniére réfolution fur ce qui leur avoit été de toutes à P. propofé par M. Chamillard & par la Mere Agnès. Les Religieufes témoignérent qu'elles avoient toujours les mêmes difficultés. Elles demandérent à ces Meffieurs fi c'étoit l'avis de la Mere Abbeffe, de la Sœur Angélique, de la Soeur Euftoquie & de la Soeur Chriftine, aufli bien que de la Mere Agnès. Elles ne diffimulérent point qu'elles fentoient l'artifice qui étoit caché la-deffous: qu'on prétendoit en leur faifant demander la tranflation comme une grace, les empêcher de protester contre l'abandon qu'on leur auroit fait faire de leur maifon. Elles conclurent à confulter la Communauté, & à prendre le tems néceffaire pour écrire à la Mere Abbeffe, & savoir son sentiment. Ces Meffieurs fe retirérent; & le lendemain l'Archevêque vint, fit les mêmes tentatives que fes précurfeurs, pour amener les

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