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XVIII.

Religieufes voyant tous ces refus, s'avisérent de faire demander à M.I'Archevêque qu'il voulút bien lui-même être leur Supérieur. Le Duc de Roannès alla lui en faire la propofition. Il la reçut avec des témoignages d'eftime pour la Communauté & même de reconnoissance pour l'honneur qu'on lui faifoit; mais il dit que rien ne preffoit, qu'on verroit quand le bon Curé feroit mort.

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Le 14. Avril on eut nouvelle de Paris que M. de faint Benoît étoit à l'extrémité. Le 16. comme on n'avoit rien appris de nouveau la veille, on envoya un exprès à Paris pour savoir comment alloit le malade. Le Commiffionnaire fut bien étonné en chemin, lorsqu'il rencontra le corps du Curé qu'on amenoit à P. R. II revint fur fes pas & alla avertir la Communauté qui n'étoit point préparée pour cette cérémonie. Le convoi fit quelques paufes en chemin, pour donner le tems à la Maifon de faire les préparatifs néceffaires. Le corps fut reçu par les Eccléfiaftiques qui fe trouvérent à la maison, & l'enterrement fut remis au lendemain.

Le Duc de Roannès retourna promptement Le Pere Ta- chez M. l'Archevêque,& lui réitéra la propoficonnet de St- tion de prendre lui-même la qualité de SupéVictor, Supérieur immédiat. Le Prélat n'acceptant point,

tieur.Sa mort. le Duc lui nomma M. Ameline qui ne fut

point agréé. Sur le champ M. le Duc proposa
M. Taconnet, Chanoine Régulier de faint
Victor; & l'Archevêque l'agréa fans héfiter ;
ajoutant que fi ce Religieux faifoit quelque dif-
ficulté,il en faifoit fon affaire & fauroit bien le
déterminer. Il s'étendit beaucoup fur fes louan.
ages,qu'il le connoiffoit pour un fort faint hom.
me, un homme d'efprit,tranquille, pacifique,
>> & fi doux qu'en tout autre Monaftére
que P.R

> il ne le mettroit point; mais que pour ce Monaftére, le Supérieur n'avoit rien à faire.» Quel éloge ! mais de quelle bouche fort-il ?

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Le lendemain, 23. Mai, la Mere Abbeffe écrivit une lettre de remerciment à M. l'Archevêque elle en écrivit auffi une à M. Taconnet. Elle gliffe quelques mots dans celleci pour combattre fon humilité, fi par hazard elle lui fuggéroit de ne point accepter: elle » lui dit, que comme fuivant l'Evangile du »jour (le Mardi de la Pentecôte) celui-là eft » vraiment le Pasteur à qui Jefus-Chrift ouvre » la perte, il ne peut douter de fa vocation, voyant comment la porte eft ouverte ; & qu'ainfi la Maifon efpére qu'il dira avec Jefus Chrift: Je ne rejette point ceux que mon » Pere me donne. » La réponse du Pere Taconnet qui vint deux jours après, fut telle qu'on pouvoit l'attendre d'une perfonne auffi humble. Il répondit qu'il eft arrivé ce que dit faint Auguftin dans la troifiéme leçon des Matines du jour, fçavoir, » une chofe plusfincroyable

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que toutes les autres qui le font; c'eft que » des perfonnes confidérables par leurs lumié»res & autres grandes qualités aient pu fe ré→ foudre à fe foumettre à des hommes fans » nom, fans fcience & fans force :.... Que les Religieufes ont voulu apparemment s'humilier pour le relever; mais qu'il craine » bien qu'il n'arrive que tous foient humiliés par les fuites de fon infuffifance que s'il aime avec faint Auguftin la charité qui croit » tout, il craint la vérité qui connoit tout; qu'il verra M. l'Archevêque & quelques amis » qui prient pour lui, & qu'il fe décidera par » ce qu'en penferont les uns & les autres ; » qu'au refte s'il eft obligé d'accepter la char

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ge, on peut s'affurer que fon entrée & sa fortie feront pacifiques, & que quoiqu'il >> arrive, il continuera toujours de faire la priére de l'Office du jour pour la maison de P. R. en particulier, ut Sancto-Spiritu con»gregata hoftili nullatenus incurfione turbetur; que cette congrégation-formée par le SaintEfprit, ne foit jamais troublée par aucune » attaque de l'ennemi.

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M. le Duc de Roannès le conduifit chez M. l'Archevêque le 30. Le Prélat le reçut de trèsbonne grace, l'embraffa plufieurs fois, lui recommanda la Maifon, dont il parla avec beau coup d'amitié, & lui fit expédier fes pouvoirs. Huit jours après, le nouveau Supérieur rendit vifite à la Communauté. Il dit la Meffe, après laquelle il fit un petit difcours aux Religieufes dans le parloir. Il refta jufqu'au Samedi 10. Juin. Ce fut lui qui officia le Jeudi, octave de la Fête-Dieu, & qui porta le S. Sacrement à la Proceffion. Etant de retour à Paris, il alla voir M. l'Archevêque pour lui rendre compte de fon voyage. Il témoigna avoir rapporté de P. R. une finguliére édification de la Maison : à quoi le Prélat répondit qu'il feroit peut-être à propos de modérer l'austérité extérieure. Le Pere Taconnet faifoit de fréquens voyages P. R. foit pour les Fêtes qui fe rencontroient, foit pour des malades qui le demandojent. Le contentement étoit réciproque de part & d'autre; mais il ne dura pas longtems. Il tomba malade à la Notre-Dame de Septembre, & mourut le deux Octobre. Le lendemain la Mere reçut une lettre de M. de Mailli, Prieur de faint Victor, qui lui faifoit fes condoléances, tant fur la perte que faifoit la Maifon de P. R. d'un aufli digne Supérieur, que fur celleque

à

faifoit le Monaftére de faint Victor du lien qui uniffoit les deux Maifons. Il eut de quoi fe confoler bientôt après, M. l'Archevêque ayant nommé Supérieur de P. R. M. de la Grange, auffi Religieux de faint Victor. Il vint officier le jour de la Touffaint, & fit une inftruction.

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Année 1685.

XIX.

Mort de la

Abbele

lai lui fuccé

Le 6. Janvier la Communauté apprit une mort très-affligeante, mais dans un autre fens Sorur Doro. que celles qui furvenoient de tems en tems. thée, C'étoit la mort de la fameufe Dorothée, Ab- de la Maifon beffe de P. R. de Paris. Ce fut M. de la Gran- de Paris ; Mage qui l'écrivit à P. R. Il rapporte que la dé- dame de Harfunte avoit fait demander dans fa maladie, de. qu'on lui portât la Robe de faint Bernard; que la maifon de faint Victor en avoit d'abord fait refus, fur la loi qu'on s'étoit faite de ne plus la tranfporter; mais que M. l'Archevêque avoit cru que Mrs de faint Victor l'ayant portée à P. R. des Champs, ne pourroient pas décemment refufer de la porter à P. R. de Paris; que la malade a reçu avec refpect la Fobe qu'on lui mit fur fon corps, mais qu'elle n'ouvrit pas la bouche, & qu'elle ne dit pas un mot ni devant ni après; qu'au refte il penfe qu'il faut lui accorder les priéres accoutumées, puifqu'elle étoit du nombre des Sœurs, d'autant plus qu'elle lui avoit témoigné une fois, qu'elle fouhaitoit la réunion des deux Maifons. Ainfi la Communauté chanta pour elle l'Office des morts la veille, & le lendemain la Meffe, avec les fept Pfeaumes le foir, & le Trentin, c'est-à-dire, les priéres ufitées pour les trente jours qui fuivent le décès. Cette

pauvre fille eut peu de tems avant la mort une avanture très-remarquable ; ce fut une vifion que rapporte M. du Foffé dans une lettre imprimée à la fin de fes Mémoires. Deux Religieufes étant à la veillée du S. Sacrement pendant la nuit, virent tout d'un coup la feue Mere Marie-Angélique fe lever du lieu où elle eft enterrée ayant en main fa Croffe abbatiale, marcher majeftueufement tout le long du Choeur, & aller s'affeoir à la place où fe met l'Abbeffe pendant Vêpres, c'est-à-dire, à la premiere du bas du choeur à droite. Etant affife, elle appella une Religieufe qui paroiffoit au même lieu, & lui donna ordre d'aller querir la Sœur Dorothée, qui vint fe préfenter devant la Mere Angélique, laquelle lui parla pendant quelque tems fans qu'on pût entendre ce qu'elle lui dit; & alors tout disparut...... Les deux Religieufes qui avoient été témoins de cette apparition, l'ayant rapportée à la Sœur Dorothée, elle s'écria tout d'un coup dans une grande frayeur » Ah ! je » mourrai bientôt. » En effet elle mourut i5. jours ou trois femaines après.

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A la place de la défunte Abbeffe de Paris, Madame de Harlai foeur de M. l'Archevêque de Paris, Abbefle de la Virginité proche Vendôme, fut nommée par le Roi. Cette Dame écrivit à M. l'Archevêque fon frere, pour le remercier de la marque d'amitié qu'il lui avoit donnée en lui, procurant la nomination de Sa Majefté, & pour lui déclarer en même tems qu'elle ne peut point fe réfoudre à accepter l'Abbaye. Les raifons qu'elle en'donne font très» édifiantes & très-fenfées. Elle dit qu'elle a lu »les Constitutions deP.R. & qu'elle voit clairement par-là que la place eft au deffus de fes

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