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Il repréfente le bonheur de l'état de l'excom munication injufte en haine de la Vérité: état où on n'a plus qu'à louer Dieu dans la captivité, comme fit Jonas, qui compofa ce beau Cantique dans le ventre du Poiffon. Jamais if n'avoit été fi uni à Dieu que dans cette région des abîmes & au milieu de toute forte de monftres.

Il prouve enfin que ce font ceux qui excommunient injuftement, qui font eux-mêmes excommuniés. Saint Paul déclare anathême quiconque voudroit nous faire changer quelque chofe à l'Evangile, & Ifaac déclare à Jacob que quiconque le maudira fera maudit. Comme la paix que donnent les Miniftres retourne fur eux, quand nous en fommes indi gnes; la malédiction qu'ils fulminent contre nous retombe fur eux, quand nous ne l'avons pas méritée. Ils ne maudiffent jamais en vain. La foudre de l'Eglife ne tombe jamais par tere; fi elle ne frappe pas celui contre qui elle eft lancée, elle frappe celui qui la lance..

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Récit de

Wités.

LIVRE VIII.

La Captivité de plufieurs Religieufes de P. R. en 1664. & 2665. exilées dans divers Couvens.

Es récits que je vais faire feront prefque

treize Capti- chaque Religieufe, reduites par extrait à une courte narration. Je ne fçai fi le Lecteur aura autant de plaifir à lire ces hiftoires, que j'en ai. cu moi-même à les digérer, fur-tout les

trois premiéres, fçavoir celle de la Sœur An-
gélique de faint Jean Arnauld, celle de la Sœur
Euftoquie de Bregy, & celle de la petite Sœur
Chriftine Briquet, qui n'avoit que 23. ans.
J'avoue que tout m'a charmé dans ces filles,
qui font vraiment des femmes fortes par toute
forte d'endroits: piété, foi, lumiére, juge-
ment, efprit fin, élocution énergique, politeffe,
fens raffis, tout y eft. Voici les noms des Reli-
ty
gieufes dont on trouvera ici la captivité.
I La Soeur Angélique de Saint Jean Arnauld
d'Andilly.

2 La Sœur Euftoquie de Bregy.

3 La Sœur Chriftine Briquet.

4 La Sœur Anne-Eugénie de S. Ange.
5 La Mere Agnès de S. Paul Arnauld.
6 La Sœur Marie-Angélique de Sainte Thé-
rèse Arnauld d'Andilly.

7 La Mere Magdeleine de Sainte Agnès de
Ligny, Abbeffe.

8 La Sour Marie-Charlotte de Sainte Claire Arnauld d'Andilly.

9 La Sœur Marguerite de Sainte Gertrude Dupré.

10 La Soeur Magdeleine de Sainte Candide Le Cerf.

ii La Mere Marie-Dorothée de l'Incarnation

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12 La Sœur Agnès de la Mere de Dieu de Choui de Penfiere.

13 La Sœur Françoife de la Croix de Villume de Barmonté.

Captivité de la Saur Angélique de faint Jean aux Annonciades du quartier S. Antoine.

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La Sœur Angélique de Saint Jean fut des sortie de la

Seur Angéli- douze premiéres enlevées le 26. Août. Elle reque de S.Jean marque dans fa Rélation que lorsqu'elle fe vit dep. R. & fon nommée parmi les profcrites, elle fut fi frapAnnonciades. pée de la penfée que Dieu l'agréoit pour

arrivée aux

vic

time, & que l'heure du facrifice étoit venue, qu'elle ne fentit prefque point la douleur que tant de féparations cruelles devoient naturellement lui caufer. Elle alla donc au fortir de la clôture avec fes deux foeurs adorer Dieu dans l'Eglife devant l'autel, conduite & présentée, comme nous l'avons vu, par fon admirable pere M. d'Andilly.

Elle monta en caroffe avec les Sœurs Candide, Hélene & Gertrude. Une Dame & un Eccléfiaftique montérent dans la voiture pour accompagner les quatre Religieufes dans le chemin. Elles ne fe parlérent point du tout pendant la route. La Sour Angélique defcendit la premiére, parce qu'elle alloit aux Annonciades du quartier de S. Antoine, dont le Couvent fe rencontra le premier fur le chemin. Elle embraffa fes trois Sœurs, & entra dans le parloir avec l'Eccléfiaftique; ils attendirent quelque tems la Supérieure qu'on étoit allé avertir. Dans cet intervalle l'Eccléfiaftique, qui étoit le Secretaire du Chapitre de Notre-Dame témoigna à la Soeur Angélique beaucoup de fenfibilité fur fon état. La Supérieure ayant paru, il lui dit: » Madame, je vous amene une Sainte, mais je fçai auffi que vous êtes » toutes des Saintes, & qu'ainfi elle fera bien avec vous. » On ouvrit la porte de la clôture: la Sœur Angélique fe mit à genoux devant la Supérieure, lui promit de lui rendre toute forte d'obéiffance, & lui témoigna le défir qu'elle avoit de profiter des bons exemples qu'elle étoit affurée de trouver dans la

Maison. On la mena faire fa prière dans une Chapelle de l'Immaculée Conception. Elle dit dans fa Rélation, que » ce fut une nouveauté » pour elle, parce qu'il n'y avoit point à P. » R. d'autel dédié aux opinions contestées; mais qu'elle embraffa en ce lieu une dévotion certaine, qui fut de fe jetter entre les » bras de la Mere de la belle dilection & de la

כל

fainte efpérance. » De-là la Supérieure avec quelques autres Religieufes de la Maifon, entre autres la Mere Elizabeth, qui étoit la veuve du Maréchal de Rantzau, conduifit la Sœur dans le jardin, où on l'entretint fur les affaires de fa Maison; ce qui l'attendrit & lui fit jetter les premiéres larmes. Car jufques-là elle n'avoit pas pleuré, & n'en avoit pas même eu envie, ayant l'efprit occupé ailleurs. Elle obferva dès-lors, comme elle continua de le faire pendant les dix mois de fa captivité, de parler peu & de ne faire que répondre oui ou non à ce qu'on lui demandoit.

III.

Comment

Lorfque la chambre qu'on lui avoit deftinée fut prête, la Supérieure l'y mena, & lui elle est traitée dit qu'elle feroit ce qu'elle voudroit dans la dans fa priMaison ; qu'elle pourroit aller à l'Office, fi elle fon. le fouhaitoit, ou n'y point aller fi elle l'aimoit mieux, & qu'il y auroit une Sœur Converfe qui prendroit foin d'elle. Dès qu'elle fut feule, elle fe mit en priére & fe profterna pour adorer Dieu & fe recommander à fa fainte protection. Quand la nuit fut venue, & qu'elle penfa fe coucher pour prendre du repos, elle fentit, dit-elle, comme si son esprit eût été fufpendu jufque-là, & que tout d'un coup il fût tombé de fort haut, & que fon cœur eût été tout froiffé de la chute. Car en un moment elle fe fentit accablée & déchirée de tous côtés, de

toutes les féparations qu'elle venoit de souffrir, & des peines de toutes les perfonnes qu'elle quittoit & qu'elle laiffoit auffi affligées qu'elle. Quelques efforts qu'elle fit pour écarter ces réflexions, elle ne pouvoit y réuffir. Ainfi il fallut pour foulager fa douleur, donner cours à fes larmes, & elle paffa toute la nuit à pleurer.

Le lendemain matin la Sœur Converse vint

la prendre dans fa chambre pour la mener à la Meffe de Communauté, & elle la ramena à fa chambre après la Meffe. Elle la conduisoit de même aux Offices : ce qui continua pendant toute la captivité. Au bout de quelques jours, ne trouvant pas la Converfe après la Meffe, elle retourna à fa chambre toute feule, fachant bien déja le chemin. Les Religieufes le remarquérent, & crurent qu'il falloit enfermer la prifonniére, de crainte qu'elle n'allât dans le refte de la Maison. Ainfi elle entendit l'après midi qu'on tournoit la clef de fa porte en dehors, & qu'on l'enfermoit. Elle offrit à Dieu cette nouvelle épreuve, & fe confola par la ressemblance qu'elle avoit avec S. Jean-Baptifte dont on célébroit ce jour la Décollation, & avec qui elle partageoit fes liens.

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Elle n'étoit vifitée que par la Prieure, la fousPrieure & la Dame de Rantzau. Celle-ci fe portoit volontiers à la voir, parce qu'étant dans l'ufage d'avoir affaire à beaucoup de Luthériens, & de travailler à leur converfion elle fe croyoit plus en état que toute autre de faire la controverse avec la Religieufe Janfénifte pour la ramener. Elle avoit été elle-même autrefois de la Religion Luthérienne. Les vifites cependant de ces bonnes Meres n'étoient pas fréquentes dans les commencemens, par

ce

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