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ont connu Dieu, et n'ont pas désiré uniquement que les hommes l'aimassent; ils ont voulu que les hommes s'arrêtassent à eux; ils ont voulu être l'objet du bonheur volontaire des hommes!

LXXIL

Il est vrai qu'il y a de la peine en s'exerçant dans la piété. Mais cette peine ne vient pas de la piété qui commence d'être en nous, maïs de l'impiété qui y est encore. Si nos sens ne s'opposoient pas à la pénitence, et que notre corruption ne s'opposât pas à la pureté de Dieu, il n'y auroit en cela rien de pénible pour nous. Nous ne scuffrons qu'à proportion que le vice qui nous est naturel résiste à la grâce surnaturelle. Notre cœur se sent déchiré entre ces efforts contraires. Mais il seroit bien injuste d'imputer cette violence à Dieu qui nous attire, au lieu de l'attribuer au monde qui nous retient. C'est comme un enfant que sa mère arrache d'entre les bras des voleurs, et qui doit aimer dans la peine qu'il souffre la violence amoureuse et légitime de celle qui procure sa liberté, et ne détester que la violence impétueuse et tyrannique de ceux qui le retiennent injustement. La plus cruelle guerre que Dieu puisse faire aux hommes dans cette vie, est de les laisser sans cette guerre qu'il est venu apporter. Je suis venu apporter la instruire de cette dit-il; et pour guerre, guerre, je suis venu apporter le fer et le feu. (Matth. 10, 34. Luc. 12, 49.) Avant lui, le monde vivoit dans une fausse paix.

cette connoissance pour retenir en eux-mêmes la nourriture qu'il reçoivent, sans la laisser passer aux autres membres, ils seroient non-seulement injustes, mas encore misé ables, et se haïroient plutôt que de s'aimer: leur béatitude, aussi-bien que leur devoir, consistant à consentir à la conduite de l'âme universelle à qui ils appartiennent, qui les aime mieux qu'ils ne s'aiment eux-mêmes.

Qui adhaeret Domino, unus spiritus est. (1 Cor. 6, 17.) On s'aime parce qu'on est membre de JÉSUSCHRIST. On aime JÉSUS-CHRIST parce qu'il est le chef du corps dont on est le membre: tout est un, 'un est en l'autre.

La concupiscence et la force sont les sources de toutes nos actions purement humaines : la concupiscence fait les volontaires; la force, les in volon

taires.

LXXI.

Les platoniciens, et même Epictète et ses sectateurs, croient que Dieu est seul digne d'être aimé et admiré; et cependant ils ont désiré d'être aimés et admirés des hommes. Ils ne connoissent pas leur corruption. S'ils se sentent portés à l'aimer et à l'adorer, et qu'ils y trouvent leur principale joie, qu'ils s'estiment bons, à la bonne heure. Mais s'ils y sentent de la répugnance; s'ils n'ont aucune pente qu'à vouloir s'établir dans l'estime des hommes, et que pour toute perfection ils fassent seulement que, sans forcer les hommes, ils leur fassent trouver leur bonheur à les aimer, je dirai que cette perfection est horrible. Quoi! ils

ont connu Dieu, et n'ont pas désiré uniquement que les hommes l'aimassent; ils ont voulu que les hommes s'arrêtassent à eux; ils ont voulu être l'objet du bonheur volontaire des hommes!

LXXII

Il est vrai qu'il y a de la peine en s'exerçant dans la piété. Mais cette peine ne vient pas de la piété qui commence d'être en nous, maïs de l'impiété qui y est encore. Si nos sens ne s'opposoient pas à la pénitence, et que notre corruption ne s'opposât pas à la pureté de Dieu, il n'y auroit en cela rien de pénible pour nous. Nous ne scuffrons qu'à proportion que le vice qui nous est naturel résiste à la grâce surnaturelle. Notre cœur se sent déchiré entre ces efforts contraires. Mais il seroit bien injuste d'imputer cette violence à Dieu qui nous attire, au lieu de l'attribuer au monde qui nous retient. C'est comme un enfant que sa mère arrache d'entre les bras des voleurs, et qui doit aimer dans la peine qu'il souffre la violence amoureuse et légitime de celle qui procure sa liberté, et ne détester que la violence impétueuse et tyrannique de ceux qui le retiennent injustement. La plus cruelle guerre que Dieu puisse faire aux hommes dans cette vie, est de les laisser sans cette guerre qu'il est venu apporter. Je suis venu apporter la guerre, dit-il; et pour instruire de cette guerre, je suis venu apporter le fer et le feu. (Matth. 10, 34. Luc. 12, 49.) Avant lui, le monde vivoit dans une fausse paix.

vrai, et qui ne peuvent y atteindre. Mais il y en a peu qui ne sachent que la pureté de la religion est contraire aux opinions trop relâchées, et qu'il est ridicule de dire qu'une récompense éternelle est offerte à des mœurs licencieuses.

LXXVII.

J'ai craint que je n'eusse mal écrit, me voyant condamné; mais l'exemple de tant de pieux écrits me fait croire au contraire. Il n'est plus permis de bien écrire.

Toute l'Inquisition est corrompue ou ignorante. Il est meilleur d'obéir à Dieu qu'aux hommes. Je ne crains rien; je n'espère rien : le PortRoyal craint, et c'est une mauvaise politique de les séparer; car quand ils ne craindront plus, ils se feront plus craindre.

Le silence est la plus grande persécution. Ja mais les saints ne se sont tus. Il est vrai qu'il faut vocation; mais ce n'est pas des arrêts du conseil qu'il faut apprendre si l'on est appelé ; c'est de la nécessité de parler.

Si mes lettres sont condamnées à Rome, ce que j'y condamne est condamné dans le ciel. L'Inquisition et la Société sont les deux fléaux de la vérité.

LXXVIII.

On m'a demandé, premièrement, si je ne me repens pas d'avoir fait les Provinciales. Je réponds

pour la vie chrétienne; mais entre tous ceux que le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie. C'est une représentation si naturelle et si délicate des passions, qu'elle les émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l'amour: principalement lorsqu'on le représente fort chaste et fort honnête. Car plus il paroît innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capables d'en être touchées. Sa violence plaît à notre amour-propre, qui forme aussitôt un désir de causer les mêmes effets que l'on voit si bien représentés; et l'on se fait en même temps une conscience fondée sur l'honnêteté des sentiments qu'on y voit, qui éteint la crainte des âmes pures, lesquelles s'imaginent que ce n'est pas blesser la pureté, d'aimer d'un amour qui leur semble si sage. Ainsi l'on s'en va de la comédie le cœur si rempli de toutes les beautés et de toutes les douceurs de l'amour, l'âme et l'esprit si persuadés de son innocence, qu'on est tout préparé à recevoir ses premières impressions, ou plutôt à chercher l'occasion de les faire naître dans le cœur de quelqu'un, pour recevoir les mêmes plaisirs et les mêmes sacrifices que l'on a vus si bien dépeints dans la comédie.

LXXVI..

Les opinions relâchées plaisent tant aux nommes naturellement, qu'il est étrange qu'elles leur déplaisent. C'est qu'ils ont excédé toutes les bornes. Et de plus, il y a bien des gens qui voient le

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