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les païens, ne croyoient-ils donc aux miracles dont ils étoient inondés que parce qu'ils en avoient vu de véritables? V.

Page 147. Commencez par plaindre les incrédules; ils sont assez malheureux. Il ne les faudroit injurier qu'en cas que cela servit ; mais cela

leur nuit.

Et vous les avez injuriés sans cesse. Vous les avez traités comme des jésuites! Et en leur disant tant d'injures, vous convenez que les vrais Chrétiens ne peuvent rendre raison de leur religion; que, s'ils la prouvoient, ils ne tiendroient point parole; que leur religion est une sottise, que si elle est vraie, c'est parce qu'elle est une sottise. O profondeur d'absurdités! V.

Page 169. A ceux qui ont de la répugnance pour la religion, il faut commencer par leur montrer qu'elle n'est pas contraire à la raison.

Ne voyez-vous pas, ô Pascal! que vous êtes un homme de parti qui cherchez à faire des recrues? V.

Page 169. De se tromper en croyant vraie la religion chrétienne, il n'y a pas grand'chose à perdre mais quel malheur de se tromper en la croyant fausse.

:

Le flamen de Jupiter, les prêtres de Cybèle, ceux d'Isis, en disoient autant. Le muphti, le grand lama en disent autant. Il faut donc examiner les pièces du procès. V.

Page 176. Jamais on ne fait le mal si pleine

ment et si gaiement que quand on le fait par un faux principe de conscience.

Les crimes, regardés comme tels, font beaucoup moins de mal à l'humanité que cette foule d'actions criminelles qu'on commet sans remords, parce que l'habitude, ou une fausse conscience, nous les fait regarder comme indifférentes, ou même comme vertueuses.

1o Combien, depuis Constantin, n'y a-t-il pas eu de princes qui ont cru servir la Divinité en tourmentant, de supplices cruels, ceux de leurs sujets qui l'adoroient sous une forme différente.

Combien n'ont-ils pas cru être obligés de proscrire ceux qui osoient dire leur avis sur ces grands objets, qui intéressent tous les hommes, et dont chaque homme semble avoir le droit de décider pour lui-même!

Combien de législateurs ont privé des droits de citoyen quiconque n'étoit pas d'accord avec eux sur quelques points de leur croyance, et forcé des pères de choisir entre le parjure, et l'inquiétude cruelle de ne laisser à leurs enfants qu'une existence précaire. Et ces lois subsistent! Et le souverains ignorent que chaque mal qu'elles font est un crime pour le prince qui les ordonne, qui en permet l'exécution, ou qui tarde de les détruire!

2o En ordonnant la guerre, qui n'est pas nécessaire pour la sûreté de son peuple, un prince se rend responsable de tous les maux qu'elle entraîne, et il est coupable d'autant de meurtres que la guerre fait de victimes. Combien cependant de guerres inutiles sont regardées comme justes, et entreprises sans remords, sur de frivoles motifs d'intérêt politique ou de dignité nationale.

3o C'est un usage reçu en Europe, qu'un gentilhomme vende, à une querelle étrangère, le sang qui appartient

à sa patrie; qu'il s'engage à assassiner, en bataille rangée, qui il plaira au prince qui le soudoie; et ce métier est regardé comme honorable.

4° Tout juge qui décerne une peine de mort, sans y être condamné par une loi expresse, cst un assassin. Ni une loi vague, qui permettroit de prononcer même la mort, suivant l'échéance des cas, ni ce qu'on appelle la jurisprudence des arrêts, ne peuvent le justifier: car la permission de tuer un homme n'en donne pas le droit : et c'est mal se justifier d'un meurtre, que de dire qu'on cst dans l'habitude d'en commettre.

Tout juge qui décerne une peine capitale pour une action qui ne blesse aucune des lois de la nature; pour une action ou indifférente, ou blâmable, mais qui n'est un crime qu'aux yeux des préjugés; pour une action imaginaire enfin, se rend coupable de meurtre. La loi l'oblige, dit-il, de prononcer ainsi : mais la loi ne l'oblige pas d'être juge, et la nature lui défend d'être absurde et barbare. Il vaut mieux renoncer à la charge de président à mortier qu'à la qualité d'homme.

Nous oserons demander si les juges d'Anne du Bourg, de Dolet, de Morin, de Petit d'Herbé, des bergers de Brie, de Moriceau, de La Chaux, de Lalli, de La Barre, etc., ont été fidèles à ces règles, dictées par la nature et la raison, qui sont plus anciennes et plus sacrées que les registres OLIM.

5o Arracher des hommes de leur pays par la trahison et par la violence, pour les exposer en vente dans des marchés publics, comme des bêtes de somme; s'accoutumer à ne mettre aucune différence entre eux et les animaux; les contraindre au travail, à force de coups; les nourrir non pour qu'ils vivent, mais pour qu'ils rappor tent; les abandonner dans la vieillesse ou dans la maladie,

:

Lorsque l'on n'espère plus de regagner par leur travau ce qu'il en coûteroit pour les soigner; ne leur permettre d'être pères que pour donner le jour à des enfants destinés aux mêmes misères, devenus comme eux la propriété de leur maître, qui peut les leur arracher et les vendre; que pour voir leurs femmes et leurs filles exposées à toutes les insultes de ces hommes sans humanité comme sans pudeur! Voilà comme nous traitons d'autres hommes; ce seroit une horrible barbarie si ces hommes étoient blancs; mais ils sont noirs, et cela change toutes nos idées. Le trafiquant en Amérique oublie que les nègres sont des hommes; il n'a avec eux aucune relation morale; ils ne sont pour lui qu'un objet de profit s'il les plaint, s'il évite de leur faire souffrir des maux inutiles, son insolente pitié est celle que nous avons pour les animaux qui nous servent; et tel est l'excès de son mépris stupide pour cette malheureuse espèce, que, revenu en Europe, il s'indigne de les voir vêtus comme des hommes, et placés à côté de lui. Mais je n'ai pas tout dit : en vain les lois, en consacrant cet usage qu'aucune loi positive ne peut rendre légitime, parce qu'il viole les droits de la nature; en vain les lois ont-elles voulu mettre une borne à In cruauté des maîtres, leur ingénieuse barbarie élude toutes les lois. Le colon, renfermé dans sa plantation, seul avec quelques satellites, au milieu de ses noirs, est sûr de n'avoir que des témoins dont la loi rejette le témoignage. Là, juge à la fois et partie, il prodigue en sûreté les tortures et les supplices; le noir qu'il croit coupable est déchiré, tenaillé, jeté vivant dans des fours ardents, aux yeux de ses tristes compagnons, qui, tremblant d'être traités comme complices, n'osent même montrer une stérile pitié.

La jeune Américaine assiste à ces supplices; elle y

préside quelquefois; on veut l'accoutumer de bonne heure à entendre sans frémir les hurlements des malheureux; on semble craindre qu'un jour sa pitié ne tente de désarmer le cœur de son époux.

Ces crimes sont publics, la loi les tolère, l'opinion ne les flétrit pas. On ose même en faire l'apologie; sans cela, dit-on, nous ne pourrions avoir de sucre. Eh bien, si on ne peut en avoir qu'à force de crimes, il faut savoir se passer de sucre, il faut renoncer à une denrée souillée du sang de nos frères. Mais qui a dit qu'on ne pouvoit en avoir qu'à ce prix? Quelles tentatives a-t-on faites pour s'en procurer autrement? Quoi, c'est sur la foi d'un préjugé, qu'on ne daigne pas même examiner, que la loi a autorisé cette horrible violation des droits de la nature, et qu'on exerce, ou qu'on tolère tranquillement ces barbaries. A peine quelques philosophes ont-ils osé élever, de loin en loin, en faveur de l'humanité, des cris que les gens en place n'ont point entendus, et qu'un monde frivole a bientôt oubliés.

Fourquoi ne pas faire cultiver nos colonies par des blancs? La terre se plaît à être cultivée par des mains libres; et combien de malheureux en Europe qui fatiguent en vain un sol stérile et épuisé, iroient chercher en Amérique une terre féconde et nouvelle! Alors, à ce petit nombre de colons corrompus et barbares, qui ne vivent dans nos colonies que pour avoir de l'or, parce qu'en Europe la considération s'achète avec de l'or, nous verrions succéder un peuple nombreux de citoyens laborieux et honnêtes, qui, regardant les colonies comme leur patrie, sauroient combattre pour les défendre.

Pourquoi ne pas remplir nos isles de ces galériens inutiles, des déserteurs, des voleurs domestiques, des fauxsauniers, qui out vendu au peuple, à bas prix, une den

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